La question est : Qu'est-ce que je fais ici ? Sérieusement ? Eh bien, j'ai pris le train, parce que l'avion, c'est trop cher et que ça pollue trop. Et depuis, je me suis dirigé avec entrain dans l'une des principales villes monde. Paris, lieu par excellence des boutiques chères, des cafés chers, des locations chères, des distributeurs de boissons chers, des... monuments payants. Et le tout, dans une langue qui ne m'est pas familière. Faites-vous tous à l'anglais, nom d'une pipe. Que le français disparaisse, comme toutes ces autres langues sans intérêt. J'ai du mal à croire qu'un jour le français ai pu être la première langue parlée pour les échanges commerciaux. Mais tout ceci remonte à bien, bien longtemps. Pour ainsi dire, je n'étais pas encore né...

Paris, capitale de la mode, de la gastronomie et du savoir-vivre. Pour cette dernière affirmation, je me trouve confronté à deux extrêmes. D'un, la valeur de savoir-vivre. Comment les français interprètent-ils le savoir-vivre ? À ma connaissance, et d'après le fameux dictionnaire numérique de mon Ipad, le savoir vivre est synonyme d'éducation et de politesse. Or, ce que mes yeux laissent présager sur mon environnement est tout autre. Voyez comment je vois ce savoir-vivre si farouchement défendu par la nation française : égoïsme et détaché, pour rester poli. Les mots peuvent être bien différents si on me laisse m'exprimer. Il est temps de montrer aux français qu'il n'y a pas de savoir-vivre dans cette capitale. Qui se fiche d'un malheureux britannique un peu perdu dans cette immensité bien étrangère à celle de New York ou plus classique de Londres ? Personne, absolument personne. Ces mollusques de français passent à côté de toi, tel des automates accrochés sur des rails et répétant les mêmes gestes sur les mêmes terrains. Je déteste les humains. Ils sont si insignifiants, si... idiots de se croire libre en étant attachés.

Passons sur ces tristes pantins à qui la vie semble avoir déserté le corps superficiel. Je me demande si j'ai affaire à des fantômes parfois. Mais il y a bien une bonne chose dans tout ça. Les vieux monuments. Et puis, quand ces pantins se rassemblent, ils deviennent plus joyeux, s'entassent dans des bars où malheureusement le tabac semble interdit. C'est la même chose à Londres mais ça reste triste. Je regrette un peu l'ancien temps que je n'ai eu que peu de temps le privilège de connaître. Le rock'n roll, les radios pirates et tout ces merdiers pourtant si appréciés. Mais nous dérivons, comme toujours. Je fixe ces jeunes gens assis sur une table en train de fumer à l'extérieur cette fois-ci. Le tabac fait toujours des accrocs, et il en fera toujours. Je fume modérément. Je ne peux pas dire que je ne suis pas accroc. Il me faut ma petite dose. Mais je n'exagère rien. Quoiqu'il en soit... quoiqu'il en soit, j'irai bien manger un morceau.

Les bars de Paris sont affreusement cher et je ne connais pas du tout les environs. Je ne cherche sans doute pas aux bons endroits. Mais c'est tellement concentré que... toute cette pollution. Ah, je ne vivrais jamais ici. Je finis par me débusquer un petit coin tranquille à l'abri des regard. Une route en retrait, loin des grandes attractions touristiques. Tout ceci m'a bien fatigué. J'entre dans le petit bistro et demande s'il est possible de manger. En anglais, bien évidemment. La femme me répond dans ma langue d'un air quelque peu... scabreux qu'elle peut me faire le plat du jour. Allons y gaiement, je sais pas ce que je vais m'avaler, mais du moment que ça se mange tout va bien. Je m'installe à l'extérieur afin de fumer une bonne petit cigarette. À force d'en parler, voilà où ça me mène. La question à présent que je mange est... où est-ce que je gagne de l'argent ? Je ne suis pas parieur. Je ne suis pas fin stratège pour coter en bourse. Et pourtant, je vis assez bien. Je ne bosse pas non plus beaucoup, à part quelques boulots par-ci par-là. Je ne vole pratiquement jamais, sauf sur mes victimes, alors comment ? Vous voulez le savoir ? La suite au prochain épisode.

Passons sur l'argent que j'ai dû débourser pour ce modeste repas. L'avantage c'est qu'il m'a rempli l'estomac. L'inconvénient, c'est qu'il a vidé mon porte-monnaie. Si l'on peut dire. C'est dingue, il commence déjà à faire nuit. Il doit y avoir une heure de décalage horaire entre Londres et Paris non ? C'est pas une demi-journée, à mon humble avis. Et maintenant ? Nous cherchions à savoir ce que je fais ici. Oui. Tout à fait. Allons sur les Champs-Élysées. Si j'ai quelque chose à faire là-bas ? Absolument pas. C'est juste pour passer le temps. Je pense que je me suis juste offert de nouvelles vacances à peu de frais. Sans doute ai-je envie de changer un peu d'air. Si l'on peut encore appeler ça de l'air. Je marche, marche et marche encore. Sans vraiment savoir où je vais à vrai dire. Mais comme on dit, tous les chemins mènent à Rome, n'est-ce pas ? Même si je n'attendrais pas d'avoir atteint les côtes normandes pour faire demi-tour, croyez-moi. Quoiqu'il en soit, je commence à descendre dans les souterrains de Paris. Il y a besoin de tickets. Mais je n'ai pas de tickets. Et vous savez bien à quel point je n'ai pas envie de payer pour un bout de papier. De toute façon, à cette heure-ci il ne doit pas y avoir grand monde. J'espère bien. Je saute par-dessus les machines et avance dans les métros de Paris. C'est le bordel... Je ne sais pas où je vais, mais les gens autour de moi semblent se diriger avec automatisme. C'en devient frustrant. J'ai envie de tuer quelqu'un, là maintenant tout de suite. Mais je peux pas.

Je sors du métro. Je dois être bien a-dessus des Champs-Elysées. J'ai demandé à quelqu'un de m'indiquer le chemin. Génial. Il m'a tout raconté en cinq secondes. J'ai tellement rien compris que j'ai manqué de l'étriper sur place. Mais une femme est venue à la rescousse du monsieur pour qui la mort semblait s'approcher lentement et cette femme a perdu son temps pour m'expliquer quelle station je devais prendre. Ainsi je me suis calmé. Au sortir des Champs-Elysées, je remarque de drôles de messieurs en uniformes. C'est bien ma veine dis donc. J'en vois un qui me fixe furieusement. C'est mon visage qui t'embête ? Tu as un problème ? Tu veux qu'on le règle ensemble ? Pas de problème. Mais non. Calme-toi. J'inspire, j'expire. Tout va bien, il y a un contrôleur à cinq mètres, du monde autour de moi, son regard qui me fixe, moi qui n'ai pas de tickets, lui qui a flairé la bonne affaire, moi qui ne suis pas enclin à me laisser faire, BREF. Je passe derrière une personne et hop, profite d'un quart de seconde d'inattention de la part de mon entourage pour disparaître dans les méandres de la foule et de ma magie. Vive l'invisibilité. Je n'aurai jamais pu croire qu'il aurai pu me sauver un jour de dépenser mes sous. Je devrais faire ça dans les bars d'ici aussi. Partir sans laisser de traces. Je passe devant le contrôleur qui regarde autour de lui, subjugué. Pas cette fois-ci.

Je sors aussitôt du métro et attends d'être à l'abri des regards pour reprendre une forme plus voyante. Je me retourne et sursaute d'un seul coup en voyant qu'une personne arrive dans ma direction. Allons bon, j'espère qu'il ne m'a pas vu. Je deviens sans doute parano, mais j'ai l'impression de voir des exorcistes un peu partout. Nous sommes tous les jours en guerre, même si je me sens un peu à l'écart de tout ça. Qu'importe.

-Bonjour, jeune... homme-dans-la-fougue-de-sa-jeunesse ?

Il n'a pas l'air si jeune que ça, mais pour moi, tout homme ou femme n'ayant pas l'air de la quarantaine est jeune. Voilà tout.

Y'a-t-il un standard de l'espèce humaine ? Dès lors qu'il y en un, j'aimerai savoir ce qui différencie un humain d'un sorcier. Techniquement parlant, il n'y a aucune différence. Nous n'avons pas de chapeau, et quand bien même, ce ne serait pas un critère physique mais davantage un accessoire. Pas non plus de baguette magique. On fait tout avec notre corps. Quand j'y pense, il y a des pouvoirs vraiment très étranges. Je parviendrais pas à les citer comme ça d'un seul coup, parce qu'aucun ne me vient en tête, mais donnez-moi une liste et vous aurez bientôt ce que vous cherchez. Bref, en tout cas, les sorciers ressemblent aux humains. Et ces deux styles de races sont tout deux des êtres humains. Mais c'est bien compliqué, car les métamorphes sont des humains et pourtant ils échappent aux lois fondamentales du physique humanoïde.

Je garde mon regard rivé sur celui de l'inconnu. L'inconnu qui se dirige vers moi et qui semble en fait vraiment se concentrer sur ma personne. On peut penser qu'il m'a remarqué. Et c'est le cas. Mais maintenant, je cherche à connaître ses motivations. Oui, parce qu'il y a forcément quelque chose derrière ça. Voir un homme débarquer à la sortie d'une bouche de métro, ou plutôt réapparaître par magie derrière cette bouche de métro, ça peut porter à confusion. Après, peut-être est-ce un policier, un fan d'aventures extraordinaires. Si tel est le cas, je pense qu'on ne va pas s'entendre. Tout au plus, je tenterai de lui effacer la mémoire. On ne sait jamais ce qu'un jeune homme peut faire à notre époque. Mon dieu, il ne manquerai plus qu'il ai pris une vidéo de ça. Non, je n'ai pas de pensées paranoïaques, je pars juste du principe qu'il faut être précautionneux. Je peux paraître très rapide pour m'exprimer et faire dire qui je suis, mais je n'aime pas qu'on me voie par hasard. Car le hasard n'amène jamais de bonnes choses.

- Bonjour..

Il m'a l'air trop calme pour être un fan de trucs extraordinaires. Au final, pas si extraordinaires que ça puisque j'en suis la preuve vivante. Mais pour lui ce serait une nouveauté. Bref, passons. Sur ce personnage vraiment calme. Trop calme. Il est louche. Parce qu'il n'a pas les mêmes façons de parler. Parce qu'il est venu me parler même si j'ai à moitié engagé la discussion, pas comme ces idiots de parisiens. Mon Dieu, que la vie est grisonnante parfois, tout comme ce ciel rempli de nuages. Mais je n'ai pas le temps de jouer avec la poésie. Cet homme louche me répond par un bonjour. Un simple bonjour qui ne veut rien dire d'autre que ce qu'il exprime au premier abord. Et puis, après ça, un silence. La discussion promet. Je m'apprête à ouvrir la bouche, car mine de rien, s'il ne veut pas me parler, qu'il ne me fasse au moins pas perdre mon temps. Mais cette personne finit par me précéder. Précédé d'une phrase pour le moins... logique.

- Et vous êtes Londonien.

La perspicacité de cet homme m'étonne. La question, ou devrais-je dire l'affirmation, n'est pas si idiote. Après, il est sans doute possible qu'il soit lui aussi londonien pour remarquer mon accent si... rural ? Je ne sais pas, je n'ai vraiment eu l'impression d'avoir un accent. J'ai toujours vécu à Londres. En voyageant certes, mais je n'ai jamais quitté ma ville natale. Je suis donc londonien. Oui. Absolument. Maintenant la question est de savoir pourquoi il me pose cette question. Engager quelque chose ? Non, je n'ai vraiment pas envie de perdre mon temps là. Il faudrait que je songe à me dénicher un appartement dans le coin sinon je vais me retrouver dans la rue. Et très peu pour moi. Sans doute devrais-je profiter du charmant accueil d'une jeune femme ? Si elle se présente à moi bien sûr. Je ne suis pas expert en drague loin de là. Je sais juste me faire entendre lorsque j'en ai décidé ainsi. Quoiqu'il en soit, je me contente de hausser un sourcil, marquant une légère dose empreinte d'interrogation.

-C'est le cas. Vous... hm... Vous avez vu ?...

Peu clair sur le sens de ma phrase, et peu amène aussi à me dévoiler trop vite, je fais des mimiques avec mes mains pour signaler à l'homme s'il m'a vu disparaître ou plutôt réapparaître à la sortie du métro. D'ailleurs, en parlant de métro, je vois ces idiots de contrôleurs sortirent. Oups, mieux vaut pour moi qu'ils ne me repèrent pas. De toute façon, je suis sorti, et il n'ont aucune preuve que j'ai pris les transports, sauf leurs propres yeux, et plus spécifiquement l’œil d'un homme en particulier. Et ce n'est pas un humain qui va m'envoyer une prune de sitôt. Après un suivi furtif de la situation derrière moi, je recentre mon regard sur l'homme face à moi. Je suis grand. Ouais, dans les 1 mètre 90. Ça fait longtemps que je ne me suis pas mesuré. Mais qu'importe, pourquoi je parle de ça ? J'en sais rien. Pour l'instant, je ne veux pas m'étaler davantage sans savoir si l'homme face à moi a vu quelque chose ou non. Si ce n'est pas le cas, je n'ai plus qu'à m'en aller. S'il m'a vu... on va devoir régler ça plus lentement. Au pire, si ça part vraiment mal, je n'aurai qu'à effacer les traces.

Voulez-vous parler des pingouins ? Ces animaux à l'orthographe plus qu'étrange, à la physionomie coincée et à la démarche encombrante ? Je vous le dis, ces animaux n'ont pas leur place en ce monde. Et nous, dans tout ça, si ça se trouve nous descendons des pingouins. Pourquoi ? Oui, je sais, il y a les recherches, qui disent qu'on descend probablement de Lucie, ou je ne sais plus le nom qu'on lui a fourré, mais après tout, on est tous né d'une bactérie dans l'eau. Du grand big bang, s'il a toutefois expliqué. Notre existence est un mystère. Les scientifiques cherchent une autre vie sur la galaxie, mais comment imaginer quelque chose que l'on n'a jamais vu ? Une nouvelle couleur ? Elle sera toujours un mix de plusieurs couleurs connues. Et que l'on ne tente pas d'inventer le transparent. Il est déjà connu puisqu'on lui a adressé un mot dans la langue. L'humain se prend trop la tête.

- Évidemment.

À lui de répondre d'une façon aussi honnête. Ma couverture est fichue. Mais vu l'attitude évidente du bonhomme face à moi... j'en déduis qu'il doit être magique. En fait, j'en suis déjà persuadé depuis un certain temps, mais qu'importe. Il me fixe toujours avant de poursuivre une petite minute plus tard, l'air de rien.

-Évidemment, je ne suis pas stupide, vous venez d'apparaître de nulle part, vous êtes un Sorcier.

Fine déduction. Et je suppose que le sorcier est davantage une question qu'une affirmation. Sauf si bien sûr, l'homme possède un étrange pouvoir lui permettant de deviner qui je suis. À moins qu'il ne l'a deviné en jouant au plouf plouf. En tout cas, rien ne m'indique qu'il est sûr de ce qu'il avance. Il a l'air confiant, certes, me ne le sommes-nous pas tous un peu ? Je me le demande bien. Finalement, il finit par s'appuyer contre le rebord du mur, et observe les gens se presser à la sortie du métro. Plus j'observe les humains, plus j'ai l'impression d'avoir à faire à un troupeau de mouton. C'est à s'en demander s'ils s'arrêteront si l'un des leurs tombe d'une falaise. On n'est sûr de rien. Viens s'ajouter à cela le désespoir de perdre de quelqu'un, de sauter pour le rejoindre. Quelle drôle de façon de vouloir mourir. Sans doute dépriment-ils à l'idée de savoir qu'ils ne vivront probablement qu'un tiers de notre vie. Ils ont raison, je me suiciderai à leur place.

- Cigarette?

Je fixe le bon monsieur, qui sort son paquet de cigarette. Je le fixe d'un air plutôt patraque. Ça me tenterai bien, mais en fait, j'en ai simplement pas envie là. C'est étrange, Rhys, réveille-toi ! L'homme range son paquet et allume sa cigarette grâce à une rune. Il veut me mettre en confiance ? J'apprécie le geste. Nous ne sommes pas à Londres, pas de raison de trop s'en faire pour les exorcistes. Je l'observe un instant avant de 'asseoir à mon tour sur la rambarde de sortie du métro. Les métros de Paris sont sales. Il fallait que je le dise.

- Quel quartier de Londres?

Je fais mine de réfléchir. Non pas que j'ignore l'endroit où je vis, mais plutôt comment je vais lui dire où j'habite. Quartier ? Je connais ma rue, ça devrait lui suffire. Je ne me balade pas trop dans Londres. Je sais comment rentrer chez moi, c'est déjà un exploit en soi. Okey, je vis depuis quelques années là-bas, mais j'en ai franchement rien à faire de mon entourage. Du moment que y'a des gens à voler, moi ça me va. Je voudrais pas non plus me retrouver dans la campagne.

-Baker Street. Je ne me balade pas beaucoup dans Londres. Mon pâté de maison me suffit. Et vous ?

Parce qu'il faut évidemment, que je lui retourne sa question, pour rester poli.