- Oh Ed. Eddie. Eddounet. Edouard. Steup. Pour un frère, allez.

Edwin, les bras croisés et le regard fixé sur le pot de fleurs sur son bureau, cadeau de Kurt, émet un grognement.

- Ed steuuuuuuuuuuuuuuuplééééé. Laisse moi toucher les fesses de Kurt. Partage un peu?

Un des sourcils d’Edwin se met à tressauter, sa main gauche se referme un peu plus sur son bras droit, blanchissant légèrement la peau sous la pression.

- Il n’en saura rien, tu n’as qu’à me placer stratégiquement et la prochaine fois qu’il vous prend l’envie de batifoler dans le bureau, paf!

A ces mots plusieurs ricanements se font entendre dans la pièce.

- « Batifoler ».
- Heureusement que le bureau est bien insonorisé haha.
- Hihihi...

Sans crier gare, Edwin craque, attrape le pot de fleur et l’envoie voler sur la carte du monde affichée sur un mur, où il s’écrase et se brise en mille morceaux. Une petite arrière-pensée misérable lui rappelle que la plante n’avait pas mérité ce traitement, elle, car il ne l’entendait pas parler, et que c’était un cadeau de Kurt. Encore un dont il faudra dorénavant parler au passé. Le mêlé soupire et se lève pour essayer d’aller sauver ce qu’il est possible de sauver de la plante, avant de la transvaser dans un récipient beaucoup moins joli que son pot d’origine mais aussi beaucoup plus silencieux. Il ramasse aussi les débris pour les jeter. Le personnel chargé du ménage va encore lui passer un savon, il faut dire que c’est toutes les semaines qu’ils ramassent le résultat des accès de colère d’Edwin envers les objets. Mais Ed n’y peut rien si les objets sont insupportables 99 % du temps. Il fait pourtant attention à ne s’entourer au maximum que d’objets qu’il supporte, en particulier dans les lieux où il est susceptible de passer du temps enfermé, comme, au hasard, son bureau. Les cadeaux de Kurt ne sont, par définition, pas choisis par lui-même. Kurt a probablement l’habitude maintenant cela dit. Et certains de ses cadeaux passent le crash test, ce qui les rend d’autant plus précieux aux yeux d’Edwin. Il lui a même offert un cahier extrêmement taciturne et silencieux qu’Ed chérit de tout son cœur. Le stylo qui va avec n’est pas aussi parfait mais reste supportable.

En soupirant, l’agent d’Orphéo va se rasseoir à son bureau. La guerre lui donne toujours autant de boulot même si elle semble pencher de leur côté. Car maintenant en plus les querelles internes d’Orphéo sont de plus en plus… Dérangeantes. Elles le dérangent lui, en tout cas. Il sait que certains ont perdu énormément pendant cette guerre, là où lui a été relativement protégé de par son job qui demande qu’il reste beaucoup en bureaux et loin des champs de bataille. Mais pour autant, il ne peut pas cautionner les méthodes de certains de ses collègues. Keith McLaren par exemple, tête du département des maquilleurs, a pris un tour de plus en plus sombre et violent. Edwin ne devrait pas, mais il a commencé depuis quelques temps maintenant à employer ses talents – et certains de ses agents les plus fidèles – à faire de l’espionnage interne en plus de l’espionnage externe. C’est mal, si on l’attrape il sera dans de beaux draps. Mais il ne peut pas rester ainsi en tournant la tête de l’autre côté. Il le sent, la situation peut déraper à tout moment. Et, il le sait, la bonne information vaut autant sinon plus qu’une arme. Alors le voilà à faire son job sur ses heures ouvrées – et plus – tout en tâchant de se tenir au maximum informé de ce qu’il se passe en interne.

Entre ça et les objets… Heureusement que Kurt est là. Son coeur manque d’exploser à chaque fois qu’il pense à l’autre homme, celui qui partage sa vie et même son logement depuis quelques temps maintenant. Kurt est son pilier, son ancre, il ne se rend peut-être même pas compte d’à quel point Edwin a besoin de lui. D’ailleurs, il est 23h et grand temps de rentrer auprès de son aimé. On ne fait rien de productif avec un cerveau retourné par la fatigue et malheureux.

Comme si invoqué, on frappe à la porte et Kurt entre avant qu’Ed n’ait eu le temps de répondre. Un sourire se fait un chemin sur son visage à la vue de son compagnon et il ramasse sa veste au porte-manteaux sans rien dire avant d’aller accueillir son visiteur nocturne avec un baiser chaste. Depuis la poubelle, une voix retentit :

- Ed, pense à moi vieux!

Ed se renfrogne, attrape la main de Kurt et l’entraîne hors du bureau sans un mot mais en prenant grand soin de claquer la porte. Demain il fera un feu de poubelle. Ce soir, il a Kurt et ses fesses pour lui tout seul.