Et s'il était à refaire
Je referais ce chemin
Une voix monte des fers
Et parle des lendemains

Manoir des Cross. Mon coeur à un raté quand je m'approche. Il est imposant. Il fait peur, même. Nous sommes le 25. Le 25 mars. Je suis convoqué dans une heure par Dorian Cross. Et rien que ce nom me fait froid dans le dos. Je respire profondément. J'ai une heure devant moi, et je n'ai pas hâte du tout. Le fait que ce soit les Cross ne me dérange pas du tout. La mission ne sera pas si différente que celles d'Anja me donnent. Ce qui compte, ce n'est pas qui donne les ordre. J'm'en fou. Ca revient au même. Je tuerai. Je pince les lèvres. Je n'aime pas beaucoup les missions. Mais Anja à dit oui. Et je ne suis qu'un soldat, alors j'obéis. Je prend une inspiration. Non, vraiment, rien à faire. Je n'ai pas peur de la douleur. J'ai peur de la mort autant que je suis attiré. J'ai peur de ne plus voir Chloé, là-bas. Alors que quand je rêve, je la vois encore.
Voilà. Ca, c'est ma vie, maintenant. J'ai les yeux mis-clos. Comme dans un film où la caméra tournerait autour du héros. Sauf que je ne suis pas un héros. Moi, je suis le méchant de l'histoire qui finit mal. Le héros, il crève. Et sous ma lame.

On dit que dans sa cellule
Deux hommes cette nuit-là
Lui murmuraient "Capitule
De cette vie es-tu las

Dorian. Je ne l'ai jamais vu. Mais je me doute bien que le physique, on s'en fou. Anja, c'est une bombe atomique. Elle fait un peu fragile en vrai. Mais c'est faux. Elle n'est pas fragile du tout. C'est juste son corps qui est fait comme ça. Alors Dorian pourrait être un petit gros, y'a qu'une chose qui comptera. Son charisme. Et la peur qu'il inspire.
Je connais par coeur ce poème. C'est Chloé, qui l'aimait bien. Ballade de celui qui chanta dans les supplices. De Louis Aragon. Moi aussi, je l'aimais bien. Ca parle de quelqu'un qui ne cède jamais. Moi, j'aurai du faire pareil, rester du côté des gentils, mais je n'avais aucune raison de le faire. Je trouve ça terriblement pathétique les gens qui disent " je le fais pour elle/lui " Alors qu'il est mort. Il s'en fou, il est mort ! Alors vit ta vie !

Tu peux vivre tu peux vivre
Tu peux vivre comme nous
Dis le mot qui te délivre
Et tu peux vivre à genoux"

Je déglutis. Anja m'a envoyé pour prouver la valeur de Rosenrot. Pourquoi moi.. ? Aucune idée. Je ne suis pas censé réfléchir. Je suis un soldat. Je suis un soldat. Je suis un soldat. Un soldat, pense quand il faut penser. Je vois quelqu'un passer. J'essaie de penser à comment provoquer le maximum de dégâts en un minimum d'énergie. J'imagine un plan. J'ai besoin de me distraire.
J'ai un soupire qui monte tout seul. Je regarde ma montre. Plus que Quarante-cinq minutes. J'aime être ponctuel pour pouvoir battre les imprévus. Le hasard n'a pas sa place ici. Je relève un peu la tête. Déglutis.
Bien.

Et s'il était à refaire
Je referais ce chemin
La voix qui monte des fers
Parle pour les lendemains

Instinctivement mes doigts courent la cicatrice le long de mon bras. Ah, la ceinture en cuir de mon père ! J'ai un sourire amer en pensant à ça. Un jour, on m'a demandé ce qui était le plus important pour moi. La famille, ou les amis. Les amis bien sûr. Eux, on les choisis. Notre famille, non.
On subit.
Je déglutis et m'avance. On pourrait dire que c'est un acte de courage que de rentrer dans cette baraque. Mais non. J'aimerai ne pas le faire. Mais je n'ai pas le courage. De désobéir à Anja. Aux Rosenrot. Ca entraînement trop de complications, et je n'ai pas envie d'être traqué toute ma vie. Parce que c'est ce qui se passera, à coup sûr. Parce que les lâches ne sont pas appréciés. Chacun sa définition de la lâcheté.
Je ne tremble pas. Je suis plus serein que ce que j'aurais put penser. Je marche, simplement. Je ne sais pas où doit me recevoir Dorian, exactement. Je pense un bureau. Je passe la porte. Un homme est à l'entrée. Il lit. Si il n'a rien dit, c'est qu'on a prévenu que quelqu'un viendrait, et on m'a décris.

Rien qu'un mot la porte cède
S'ouvre et tu sors Rien qu'un mot
Le bourreau se dépossède
Sésame Finis tes maux

Le parquet qui recouvre le sol grince. Je n'aime pas ça. Je léviterai volontiers. Mais je n'ai pas envie que ça me fatigue. Si jamais je foire ce qu'on me demande, Anja me linchera. Je n'ose pas imaginer à quoi cela peut ressembler. J'aurai fait déshonneur à Rosenrot. Alors qu'elle m'a choisit, moi ! Je ne sais pas pourquoi. J'pensais que ça serait Evan. Pourquoi Evan.. ? Et bien, je ne sais pas non plus. J'l'aime bien, Evan. Il est un peu comme moi. Un peu. Parce que nous sommes différents quand même..
Evan il est pas gentil. J'aime bien les gens qui ne sont pas gentils. Je trouve ça terriblement écoeurante, trop de gentillesse. Myaw, c'est une enfant, c'est différent. Chloé, elle était sincère, et j'adorais ça.
Mais voilà, elle est morte. Morte. Morte. Morte. Morte.
Morte. Comme moi.
J'ai un léger sourire. Je monte un escalier.

Rien qu'un mot rien qu'un mensonge
Pour transformer ton destin
Songe songe songe songe
A la douceur des matins

La douceur des matins. Oh, ça n'existe plus depuis longtemps ça. Mes matins, ils ne sont pas doux. Ils sont très rarement accompagnés. Bien que j'ai des conquêtes d'un soir. Mais les femmes que je côtoie une soirée n'ont rien d'intéressantes. Pourvues qu'elles ne soient pas trop chiantes et attirantes. Les gens intéressants sont complexes. Les gens complexes ont quelque chose qui cloche. Les gens qui ont quelque chose qui clochent me ressemblent trop. Et franchement, ça fait flipper. Je n'aime pas que les gens me ressemblent. Oh, et puis les gens magiques sont vengeur. Et puis les gens complexent ne sont pas fan des coups d'un soir. J'suis du genre connard dans l'genre en plus.
Le jour ou je m'attache, il est pas venu.
Je continue de monter.

Et si c'était à refaire
Je referais ce chemin
La voix qui monte des fers
Parle aux hommes de demain

Je rase les murs. Essaie d'oublier. Obéir pour Rosenrot, c'est vachement plus facile. C'est mon organisation, je lui fais honneur. En plus, Anja ne sacrifie pas d'ordinaire, ses soldats. J'ai l'impression de partir en mission suicide. Ce qui est bien avec Orpheo, c'est que quand ils partent en mission, ils savent que quelqu'un espère qu'ils reviennent.
Moi, on s'en fou.
Ils savent que le but d'Orpheo, c'est qu'en premier ils veulent qu'ils rentrent en vie.
Moi, on s'en fou.
Ils savent que les conditions de la mission sont faite pour que la danger soit minimisé.
Moi, on s'en fou.
Je déglutis et demande à quelqu'un où est le bureau de M. Cross. J'ai du mal avec le respect, et je parle trop. J'espère qu'il n'aura pas de problème avec les gens qui se posent des questions et qui se servent de leur cerveau.
Je sais que souvent c'est mal vu.

J'ai tout dit ce qu'on peut dire
L'exemple du Roi Henri
Un cheval pour mon empire
Une messe pour Paris

On me dit que c'est plus loin. J'aurai préféré que ça soit plus proche, histoire que j'arrête de spéculer sur la possible rencontre. Je n'ai pas peur. Enfin si, un peu. Qu'il me demande de foncer tête baissée dans un endroit suicide. Je devrai le faire, pour l'honneur de Rosenrot. A moins qu'Anja si oppose, ce qu'elle ne fera jamais par pure fierté. Voilà. J'aurai été Green Soul, l'âme verte sacrifiée. Demain, on ne saura même plus qu'un jour Green Soul fut un prénom et nom de famille. Fut moi.
Personne ne s'en rappellera, sauf mes parents qui se rappelleront d'un fils mort avec honneur, pour l'organisation. Ils feront oublier qu'un fils, un jour, a trahi. Ils feront en sorte que plus personne ne s'en rappelle.
Quitte à tuer.
Mes parents ont-ils des amis ?
Je me demande. Cela me semble impossible. Surtout mon père. C'est improbable. Je le hais. J'espère que c'est pareil de la part de tout le monde. Je voudrais que personne ne l'aime.

Rien à faire Alors qu'ils partent
Sur lui retombe son sang
C'était son unique carte
Périsse cet innocent

J'ai un peu du mal à respirer. Je monte un nouvelle marche. Une autre. Une autre. J'ai l'impression de me rapprocher de mon destin et pourtant, ce n'est qu'une entrevue ! Je n'ai pas un bon opinion des Cross. Mais je ne l'ai pas dit, pas montré. Après tout, un soldat n'a pas d'émotions, pas de sentiments. Alors même si je l'avais fait, Anja s'en serait foutue.
Je soupire. Je vois la porte qu'on m'indique. J'hésite à accélérer pour y être plus vite ou ralentir pour retarder cette entrevue. Je n'arrive pas à me décider. Alors je garde la même allure.
Je suis devant la porte.
J'inspire.

Et si c'était à refaire
Referait-il ce chemin
La voix qui monte des fers
Dit je le ferai demain

J'hésite à entrer. Ou toquer. Je lévite quelques secondes. Pour me donner du courage. Parce que cela me donne un sentiment de puissance terriblement agréable. Une chaleur envahit mon ventre. Je ferme les yeux et redescend, sans aucun bruit. Ma main s'approche de la porte et effleure la poignée. Je toque et j'attend qu'on me dise de rentrer ? Ou pas ?
Ma main se saisit de la poignée. Je n'ai pas assez de respect pour être soumis à se point. Anja sera fière au fond, je crois.
Je ne sais pas pourquoi son opinion m'intéresse autant. C'est pathétique. Je suis pathétique.

Je meurs et France demeure
Mon amour et mon refus
O mes amis si je meurs
Vous saurez pour quoi ce fut

J'ouvre la porte. Elle est lourde, en bois massive. Je frémis. J'empêche ma respiration d'accélérer, mais j'entend dans mes tympans le sang qui pulse. Boum. Boum. Boum. Boum. Je n'arrive pas à me calmer. Je relève la tête, le regard fier.
Trois secondes de faiblesses.
Une. Mon coeur s'emballe totalement.
Deux. J'ai les mains moites.
Trois. Je prend une inspiration et me calme subitement et regarde Dorian.
Hum.

Ils sont venus pour le prendre
Ils parlent en allemand
L'un traduit Veux-tu te rendre
Il répète calmement

Et si c'était à refaire
Je referais ce chemin
Sous vos coups chargés de fers
Que chantent les lendemains

Je récite dans ma tête ces deux versets pour me donner du courage. J'en ai besoin. Et si c'était à refaire, je referais ce chemin. Du courage Green. J'expire.. Bien. Ma respiration est calme. Mes pulsations aussi, se calment. Que dire de Dorian Cross ?
Il fait peur. Même plus, ils est terrifiant. Je vois d'ici ces muscles. Il s'entretient, et bien. Le problème, c'est qu'il n'est pas jeune, n'a pas un sourire sympathique. Non. Il a un peu plus que la trentaine je crois. Rasé de deux jours peut être. Un regard froid. Juste glacial. Un peu comme Anja. On dirait qu'il n'a pas d'émotions. Je sais que c'est faux. Mais en tout cas, il les cache extrêmement bien. Et je déteste ça. Parfois, j'aimerai être empathe.
Du courage.
Je m'avance donc jusqu'à devant son bureau. Il est assis. Et je vois le muscle de son épaule contracté. Pas par tension.
Du courage. Il ne faut pas que ma voix tremble.

Il chantait lui sous les balles
Des mots sanglant est levé
D'une seconde rafale
Il a fallu l'achever

Ok. Bon. Bien. J'incline la tête. Seulement la tête parce que je n'ai toujours pas assez de respect et un opinion toujours mauvais envers Cross. Bien. Je relève le regard pour croiser le sien. J'ai l'impression d'être un gamin. Un peu comme face à mon père. Penser à mon père me fait frissonner.
Du courage.
Je trouve le courage qu'il me faut.

-" Green Soul, vous m'avez convoqué. "

Je serre les dents mais ne bronche pas face à ce regard de glace. Bien. J'ai plus qu'à savoir ce qu'il veut de moi. Je ne tiens pas plus que ça à mourir. Et si je suis curieux, je sais qu'un jour je crèverai. Je suis encore plus curieux de ce qui pourrait se passer après, dans ma vie.

Une autre chanson française
A ses lèvres est montée
Finissant la Marseillaise
Pour toute l'humanité

Dorian Cross, c'est un peu comme une souris qui est face à un chat. Elle se sent trop petite, sait qu'elle a une petite chance de s'en sortir s'il n'est pas affamé. Je réfléchis. Je l'observe. Il a un sourire sadique. Voilà. Je suis la souris. Sauf que moi, je suis face à un chat qui a faim. Et ce n'est pas beau à voir. Je préfère autant la froideur glaciale d'Anja.
J'aime bien Anja finalement.
Enfin, pas toujours.
Surtout quand elle se permet des choses qu'elle ne devrait pas.
Tu l'aimais ?
Meurt, Anja.
Tu sens la peur qui monte dans ton ventre ? Tu la sens un peu ? Je ne bronche pas. Dorain fait peur. Il est terrifiant même. J'essaie de rester serein mais franchement c'est dur. Pourtant, il me semble y arriver. Et lui me jauge. Je vois son regard sur moi. Glisser. Je pourrai presque entendre son cerveau fourmiller je crois.
Chloé, elle était un peu plus âgée que moi. Comme ça, on aurait dit cinq ans mais on avait moins d'écart que ça. C'est juste que .. qu'elle était terriblement mature. Et moi, même si je l'étais, ça se voyait moins. Deux fois j'ai était accosté dans le rue par un ' Hey, gamin ?! '. Tout l'inverse de ce qu'on me disait chez moi. A dix ans, j'étais déjà grand. Et a dix-huit, finie l'enfance, pour mes parents j'étais sacrifiable. Je ne mourrais pas en martyr, mais en héros. C'était leur but je crois. Que leur fils devienne quelqu'un de respectable. Et en étant envoyé là, je crois qu'ils ont atteint leur but ultime. Je n'habite plus chez eux, je ne les aime pas. Franchement, je les vomis. Je les méprises. Ils me font penser à une bande de rats. Deux rats. J'efface cette pensée de ma tête. Mes parents n'y ont pas leur place. Ni dans ma tête ni dans mon coeur d'ailleurs. Seul mon physique à un peu hérité d'eux.
Dommage. J'aurai aimé ne rien avoir d'eux. Rien du tout. Mais au final, ce n'est pas leur physique qui a laissé le plus de trace sur moi. C'est sa foutue ceinture. Je me rappelle bien, un jour. J'avais seize ans. J'avais regardé mon père bien en face avant de lui dire ' Père, je veux être libre. ' Il m'avait toisé de son mètre quatre vingt-dix. Plus grand que moi. Sa main c'était porté à sa boucle de ceinture. Je connaissais bien la suite, et je n'étais pas téléporteur, je ne pouvais donc pas m'y soustraire. Il avait grogné avant de ruminer ' La liberté est un rêve d'esclave Green ! ' Je sentais la colère gonfler sa langue, l'empêcher d'articuler correctement ' Quand tu auras associé cette idée à la douleur ça te passera !' Et la ceinture de venir me lacérer le dos, le ventre. Jamais le visage. Mon père n'assumait pas ses actes. Surtout faces aux invités. Il se disait que son fils était anormal. Pourquoi lui voulait tant être comme un gentil ? Heureux ? Altruiste ? Aidant ? Aimant ? Non. Il refusait. Il fallait que son fils rentre dans le moule du gamin sorcier noir type.
Ce qui n'était pas mon cas.

- Oui. Assieds toi.

Sa voix ? On dirait du du papier de verre qui crisse. Une voix qui à l'habitude d'ordonner. C'est évident, sa transpire de lui, ses gestes, ses paroles, tout. Même son visage froid est impassible n'autorise pas autre chose que la soumission. Ce qui est assez effrayant en soit. Je ne m'en cache pas. Je me demande s'il a conscience que le rouge ne lui va pas.
Hum.
Aucun rapport, je m'excuse.
Je me demande s'il a conscience qu'il fait peur. Je réfléchis deux secondes. Oui, il en a conscience, j'en suis sûr. Ou alors il ne prendrais pas autant de soin pour me recevoir. Son bureau est rangé. Le bois luit à la lumière. Lui aussi est impeccable. Et le manoir se matin semblait un peu mort.
Je me demandais un instant avec qui il passait ses nuits avant de me rendre compte que je me demandais beaucoup trop de choses qui n'avaient aucunes importances ou même potentielle incidences dans mon avenir ou dans la mission qu'il me proposerait.
Je m'assois. Je ne fais pas parti des gamins stupides qui disent ' NON, JE REFUSE, JE SUIS UN REBELLE. ' Je ne vois pas pourquoi je ne serais pas d'accord pour m'asseoir. Enfin. De toute façon ce n'est pas vraiment comme si on me demandez mon avis.
Je m'assois donc.
Je me demande ce qu'il pense de moi. Je paierai cher pour le savoir. Ou au moins pour entendre ses pensées un peu plus vite. Ses projets en tout cas. Où il voulait m'envoyer. Je me demande si Dorian a envoyé aussi un soldat pour Anja. Je doute. Dorian ce croit supérieur. Je le sais. Tout en lui transpire le gars trop sûr de lui.
Je n'aime pas ça.
Mais je ne suis pas là pour le juger, je me fou de ce qu'il est et ce qu'il pense. Enfin non. Ce qu'il pense ça m'intéresse un peu quand même.

- Bien. Je suppose que je n'ai pas besoin de me présenter. Je le fais quand même pour te rafraîchir les idées. Je suis Dorian Cross, chef de Croix et assassin de Natasha Cross.

Je pince les lèvres pile au bon moment pour m'empêcher de parler. Je le sais tout ça, connard ! Comme si j'allais aller chez mes gens comme ça, au pif, sans savoir qui ils sont ou un minimum de leur histoire. Natasha Cross, aussi elle était connu. De toute façon cette femme faisait trop de vagues. Il était obligé qu'elle se fasse tuer. Avec Luka, déjà, ça n'allait pas. Cette gosse n'a jamais été du bon côté. Ou totalement d'un seul côté déjà, pour commencer. oh, et puis des rumeurs courent sur diverses choses sur elle et un exorciste.. il y a longtemps et récemment, enfin, je ne sais plus vraiment.
Je ne m'intéresse pas aux ragots.
J'inspire donc. Ferme ta gueule Green. Au moins, tu sauveras peut être ta peau. Survivre encore un heure, une minute obstinément. L'être humain à une envie de vivre plutôt hallucinante. Quand il ne réfléchis pas il est capable de faire des choses assez hallucinantes.
Je me demande si ça marche pour les sorciers aussi. Je crois. Je me demande aussi jusqu'à quel point je peux survivre. Je sais me battre. Je sais réfléchir. Je ne fonce pas tête baissé. Je ne suis pas trop con. Que faut-il de plus ? Du courage ? Le vrai courage, je connais.
Celui qui consiste à aller en mission suicide, j'ai un peu plus de mal.
Bon.

- Présente toi. Pourquoi as-tu rejoins Rosenrot ? Es-tu prêt à vendre ton âme pour l'organisation?

J'ai une réponse totalement insolente qui me vient à l'esprit. Je me suis déjà présenté. Il est bouché ou complètement débile ? J'aimerai lever les yeux au ciel, mais tout de même. Je risque de perdre une temps un bras et je n'ai pas beaucoup envie d'en savoir plus après.
Vendre mon âme ? T'es qui ? Satan ? Bien sûr que non. Je ne vendrais mon âme à personne. Pour la simple et bonne raison que je n'y crois pas. Je ne crois pas qu'il y ait un dieu. Je crois que la mort est un rien non conscient. Enfin. C'est Méropée qui disait ça. L'air de rien, le jolie avec sa chevelure rousse me manque. Elle, et Ed.
Je m'oblige à répondre sereinement. Sans le prendre de haut. Sans insolence non plus. Mais j'ai du mal. Je le trouve stupide.

-" Green Soul. Vingt et un an. Sorcier. J'ai été élevé par mes parents qui ont toujours fait parti de Rosenrot. Le reste, ça ne regarde que moi."

Et meeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeerde.
Sans le prendre de haut. C'est fait.
Sans insolence. C'est fait.
Comme un bon petit soldat. Raté.
Aucun sourire sur mon visage. Je reste face, maintiens son regard. Je n'ai pas peur. Je n'ai pas peur. Je n'ai plus peur.
Je recule un peu mon buste pour qu'il soit plus près du dossier. Oh, il me semble qu'un sourire sadique est passé sur son visage !
Merde. T'es con, Green.
Je m'oblige à penser à autre chose. A Méropée. Elle, elle écrivait tout le temps, même des poèmes qui ne sont pas les siens. Vous connaissez Contradictions, d'Esther Granek ?
J'essaie de m'en souvenir. C'est dur.

Ils cohabitent en moi.
Se battent sans qu’on le voie :
Le passé le présent
Le futur et maintenant
L’illusion et le vrai
Le maussade et le gai
La bêtise la raison
Et les oui et les non
L’amour de ma personne
Les dégoûts qu’elle me donne

Je déglutis. Son jugement tombera. Peut être que je lui plais. Peut être pas. Continue, Green.

Les façades qu’on se fait
Et ce qui derrière est
Et les peurs qu’on avale
Les courages qu’on étale
Les envies de dire zut
Et les besoins de lutte
Et l’humain et la bête
Et le ventre et la tête
Les sens et la vertu
Le caché et le nu
L’aimable et le sévère
Le prude et le vulgaire
Le parleur le taiseux
Le brave et le peureux
Et le fier et le veule…
Pour tout ça je suis seul.

Je prend une grande inspiration. Je vous jure que là, je n'ai plus peur. Et c'est tout ce qui compte. J'aimerai quand même bien être téléporteur. Mon père dit que c'est un don de lâche, ma mère pense que c'est le plus inutile, et Chloé, elle, ça la faisait rêver. Je n'ai pas encore mon opinion sur le sujet. Je sais juste que face à un homme qui fait aussi peur que Dorian Cross, ça peut toujours être utile. Je ne doute pas qu'il puisse se battre bien, ou me retrouver, mais quand même. Vous pensez qu'Anja à eut peur face à Cross ?
Je pense que non. Mais vous savez, je crois que si elle avait été à ma place, elle aurait eu un peu peur au fond. Même avec ses grands airs. Parce qu'Anja, il pouvait pas la toucher sans prendre le risque qu'il y ait des morts de son côté. Oh oui, je l'aurai vengé ! Je n'aurai sans doute pas prit la tête du groupe. Je m'en fiche. Alors que moi, je crève, et ba quoi ? Anja pleure ?
Ouh la belle blague !
Anja pleure peut être. Mais le jour ou elle le fera en publique n'est pas venu. Jamais. Je déglutis.
Mes doigts courent le long de mon bras sur la cicatrice qui court le long de mon avant bas. Ca, oui, ça aussi ça me donne du courage.
Frappe moi, je n'ai pas peur.

Ma poitrine s'élève et s'abaisse un peu irrégulièrement. C'est assez perturbant d'être en face d'un homme qui théoriquement ne vous contrôle pas mais qui, par le biais de sa patronne vous contrôle quand même parce qu'elle vous a convoqué pour obéir à des ordres qui ne sont pas siens pour que l'honneur de l'organisation que moi même avait quitté peu auparavant avant d'être obligé de la réintégrer sous la menace de mes parents mais surtout après la mort de Chloé dont je suis le parrain de sa fille, soit sauf.
Compliqué non ?
Voilà, parfaitement. Vous comprenez dans quel état je suis à présent. En plus, Dorian fait vraiment super peur. Je n'aime pas les gens qui font peur. Je suis moins performant, quand j'ai peur. Parce que je suis plus tendu, et du coup je fais des boulettes.
Ce qui n'arrange pas la chose. Il devrait relâcher la pression, hors il l'augmente. Franchement, je l'aurai détesté pour ça. J'avais l'impression que mon coeur battait une fois sur deux. L'autre fois, il rentrait tout au fond de ma poitrine.
Au fond, j'étais terrifié.
Gamin.
Je déglutis. Je vois sa pomme d'adam monter et descendre. Moi, je fixe le liquide dans le verre. Je devrais boire mais au lieu de ça je laisse mon regard se noyer. Comme moi je me noie dans la situation. Je déglutis de nouveau. Du coup, j'ai la bouche sèche. Tu coups, j'ai envie de boire. J'espère que l'alcool n'est pas trop fort. J'aimerai garder mes idées claires. J'attrape le verre et le bois d'un trait. Je bois parce que je suis obligé. Aucune envie de déguster. Je me mord fort la joue pour ne pas grimacer. Je n'aime pas trop l'alcool. Ou alors un truc moins fort. Lui, vraiment, je trouve ça dégueulasse. Puis même, après une dizaine de cuite en une semaine, et un coma, l'alcool, je le vomis.
Dans tous les sens du terme.

Why ? Oh, me Why ?
Feet don't fail me now
Take me to the finish line
All my heart, it breaks every step that I take
But I'm hoping that the gates,
They'll tell me that you're mine
Walking through the city streets
Is it by mistake or design?

Je sais que j'ai été insolent. Il le sait aussi. Je vois une de ses veines gonfler sur son front. Il est terrifiant. Mais je ne bronche pas. Je suis assis. Je rentre quand même les épaules. J'ai l'impression qu'il se sent supérieur. Non. Pardon. Dans l'instant, il est supérieur, d'ailleurs. Je me sens tout petit. Je ne sais pas quel âge il a. Beaucoup plus vieux que moi.
Gamin me souffle une voix dans la tête.
Je frissonne.
Je me demande une nouvelle fois s'il a un fils. A-t-il de l'affection pour lui ? J'en déduis deux possibilités. Soit, il n'en a pas. Soit il en a un mais ne l'aime pas. Sinon, sacrifier quelqu'un comme moi l'embêterait un tout petit peu. Un regain de morale.
Bref, on s'en fou au final. Ce qui compte, c'est que je me suis occupé l'esprit suffisamment longtemps pour ne plus penser à Dorian, debout devant moi. Supérieur. Imposant. Au moins, je n'ai pas tremblé.
Gamin me souffle la même voix. Gamin. Quelqu'un qui serait adulte et mature ne penserait même pas à trembler. Moi, si. Gamin.
Il se rassoit. Je souffle.
M'attrape le poignet. Je retiens ma respiration. Une boule de feu apparaît dans sa même. J'ai l'impression que même mon coeur à arrêté de battre. Mais faut croire que ce n'est pas le cas. Puisque je ne crève pas. Faut pas croire mais ça m'aurait arrangé, là, maintenant.
Vous savez quoi ?
J'ai peur.
J'essaie d'avaler ma salive. Mais j'peux pas. J'ai la bouche carrément sèche.

- Avec ça, je peux te faire éclater ta petite cervelle de moineau.

Respire. Respire. Respire. Je m'accroche à l'idée qu'il ne le fera pas si je ferme ma gueule parce que ça serait mal vu. Anja, bien qu'elle se fiche de moi ne laisserait pas passer cela. Et l'alliance fragile céderait. Et franchement, ce pacte, je n'y crois pas. Croix est plus fort et n'hésiterai pas à nous écraser. Comme avec l'Urss et l'Allemagne et leur pacte de non agression. C'est du chico.
Respire.

- Te crois-tu intouchable ?

La boule disparaît. J'ai une goutte de sueur qui coule dans mon dos. Je la sens. La chaleur dégagée est immense. Bien sûr que non, je ne suis pas intouchable ! Et chacun de tes gestes me rappelle à quel point ma situation est précaire. Obéir. Obéir. Obéir. Je suis obligé de toujours obéir. Voilà pourquoi j'en suis là. Je m'oblige à le regarder droit dans les yeux. C'est dur. Je le fais. Je m'y contrains. Pour la première fois de ma vie je comprend pourquoi il est si important de faire honneur à son organisation.

- Si je le voulais, je fouillerais dans les dossiers et je trouverais qui tu es. Alors maintenant, tu vas me raconter.

Comme si j'avais quelque chose à lui raconter ! Mentalement je balance tous les mots grossiers qui me viennent à l'esprit. Peut être bien qu'il est télépathe ce qui franchement, m'embêterait beaucoup. J'aime pas vraiment l'idée que je ne sois plus tout à fais seul dans mes pensées.
Ouai, dans le genre fâcheux c'est pas mal.
Bref.
Connard.

-" Mes parents sont de Rosenrot aussi. Si j'y suis rentré c'est parce que depuis toujours j'ai été élevé pour. "

Anja m'a dit que je suis rerentré dans l'organisation que je mentais aussi bien que je respirais. Je me sens plus à l'aise quand je mens. Oh, fierté quand tu nous tiens ! Au moins, je me sens terriblement protégé. Alors je pense qu'il est incapable de déceler que je mens avec autant d'aplomb et d'audace. Ou alors, il est télépathe. Non. Si j'y suis rentré, ce n'est pas pour ça.
C'est parce qu'elle est morte.
J'ai l'impression qu'à force de le répéter, ça deviendra peut être banal, ça fera peut être moins mal ? Mais non. Raté, Green.
Il se lève. Je frémis. Il boit son verre. Le mien et vide. Il le pose sur le bureau et fait le tour de moi. Lentement. Ses pas sur le parquet font peur. Tout fait peur chez lui. Tout. Absolument tout.
Je ne tourne pas la tête, fixe résolument dans ma tête.

- Connais-tu l'histoire de Giordano Bruno ?
-" Non. "

Et franchement, j'en ais rien à taper de son histoire. J'aimerai savoir ma mission. Un peu plus tôt que ça. Parce que j'm'en fou mais à un peu.
Enfin bon.. l'insolence je suis vacciné là. J'tiens pas à être brûlé vif faut avouer ...
Hum.

- Il fut brûlé pour avoir soutenu la pluralité des mondes ainsi que des thèses religieuses considérées comme erronées. Et même lorsqu'il se savait en danger, il poursuivait.. Vois-tu où je veux en venir ?
-" Oui. "

Non, mais je m'en fou.
Enfin si, en vrai, je vois où il veut en venir et ce n'est pas bien compliqué. Green, ferme ta gueule et éventuellement tu en sortiras vivant. Ce qui est franchement pas vraiment sûr. A vrai dire, je me sentirai un peu mieux quand il aura dit en quoi elle consiste. Ah parce que si il me dit 'bien, va dans le QG d'Orpheo' - on ne sait où - et tue les tous, là je saurais que c'est une mission suicide au moins. Je serais fixé.

- Tu es là pour que je te confie une mission n'est-ce pas ?
-" Oui. "

Ouh la conversation à sens unique ! Complètement inintéressante. Après tout, avec son accès de colère, il m'a montré ce qu'il voulait. Un soldat sans cervelle, sans audace, sans envie, sans caractère.
Juste qui obéit. Parfaitement. C'est ce qu'il veut ? Bien. Il va être servit le bonhomme ! Sans volonté Green, sans volonté.

- Elle demandera un investissement sans limite. Tu es prêt, soldat Soul ?

SOLDAT SOUL !
IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN !
Hum, pardon. J'aurai sourit si j'avais encore été d'un état humain mais non. Automatiquement je lève vers lui des yeux vides. Totalement vides.

-" Oui. "

Mais voilà. Je m'appelle Green Soul, et moi, j'ai une personnalité. Alors pour le robot, c'est raté. Je le regarde. Oh, oui tu me fais peur, mais j'ai de la pitié pour lui. Au fond, il est seul, terriblement seul. Je ne conçois pas qu'on puisse aimer un homme comme ça. Alors il doit crever seul. J'ai de la pitié. Parce qu'au fond, s'il est méchant c'est sa faute. S'il est seul c'est sa faute !
Je ne respecte pas un homme comme ça. Anja, oui. Elle, s'est différent. Je souffle. Une phrase acide me vient à l'esprit. J'ouvre la bouche pour la sortir. Je ne peux pas. Je me ferais détruire. Je me ravise. Si je la referme, je serais coupable. Je dis.

-" Elle consiste en quoi ? "

"Il ne sert à rien de prier un Dieu qui vous a manifestement oublié. "

Petit Green est petit. Il est assis dans l'herbe et joue avec une petite voiture. Elle a une roue cassée qui est tombée, mais il n'en demande pas une nouvelle. Cette voiture, c'est Sam qui lui a donné. Sam, il ne l'a vu qu'une fois, mais comme il lui a offert ce jouet, il s'est décidé à bien l'aimer. Et puis de toute façon, ces parents n'en achèterai pas une autre, de voiture, et lui diraient d'aller s'entraîner plutôt de rêvasser. Sa petite voiture roule roule roule roule, un peu bancale mais on s'en fou. Elle parcourt le monde, dans des mouvements impossible parfois, mais rien n'a faire, il a moins peur d'avancer avec elle. Puis soudainement, le petit garçon qui avait jusque là les yeux rivés sur la carrosserie cabossée, pose son pied droit sur celui de son papa. Le petit Green doit peser quoi, 2o kilos a tout cassé ? Il était tout fin, quand il était petit. Puis même, il s'appuie quoi, deux petites secondes ? Dès qu'il sent que c'est chaud, et un peu mou, il se retire brusquement vers l'arrière. Mais pas assez vite. Le revers de la main de son père, le nez plongé dans les papiers, le percute de plein fouet. Il tombe. S'écrase la tête contre la table basse et va se recroqueviller dans un coin, en gémissant.

-" Tu m'agaces, Green. "

Il s'enfuit, terrorisé, le petit bonhomme. Sa voiture serrée contre son coeur, il se précipite dans les jupes de sa mère, comme tout gamin normal. Le problème, c'est que Maman Soul, à se moment est en train de parler avec un monsieur très important de Rosenrot. Alors quand elle voit son bambin arriver les yeux rougis, elle ne pense qu'une chose. Est-il si faible au point de pleurer ?
Alors quand Green vient se coller a elle, elle le repousse d'un coup de pied franchement méchant, et se détourne, continuant de bavasser avec l'homme. A-t-elle seulement aimé un jour son gamin ?
...
Maman, m'as-tu aimé un jour seulement ?

J'ai envie de tout envoyer bouler. Un gros ras le bol. Mes mains se mettent alors à trembler d'une frustration trop difficile a contenir. Respire, oh respire Green. Je sais que ça va se passer. Je me vois envoyer bouler la chaise, dire que je n'en ai rien à faire de toutes ces histoires qui ne me concernent pas après tout. Je suis de Rosenrot. Qu'est-ce que je fais ici ? Oh Anja, ce n'était vraiment pas une bonne idée de m'envoyer ici. T'aurait mieux fait d'envoyer Evan. Lui au moins, c'est un vrai méchant. Il aurait su quoi faire.
Moi, pas.

Je suis donc sur le point de céder à ma pulsion complètement suicidaire quand sa voix, tombe. Comme un avertissement, emplit de promesses.

- Fais attention..

Mes mains ne cessent pas de trembler, mais pour le coup, ça m'a refroidit un bon coup. Je me mord la lèvre inférieure. Il a raison. Fait attention, Green. Tu vas te brûler les ailes à faire ça. Enfin non. Une certaines personne au regard vide va te les couper.

Bon.

Il pousse un dossier vers moi. Quelques informations sur la fameuse Luka Era Grey ! J'ai un sourire amer. Elle aura vraiment pu emmerder le monde celle-là. Avec ses fuites, ses problèmes, Natasha aussi. Sa mort fais du bien. Personne n'est immortel, les sorciers noirs comme Dorian devraient se le rappeler des fois. Ca leur fera du bien.

- Je crois savoir que tu es lecteur de rêves, Je veux que tu pénètres dans ses rêves et que tu saches où elle est.

Allez, nickel, on est partis, on s'enjaille les amis ! On va aller toquer à la porte de Luka avec une rose, et on fera un petit rêve.
Non mais. J'vous jure. Je secoue la tête, négatif. C'est impossible. Ou alors il va me falloir un sacré coup de main.
J'ai un léger sourire.

Je trouve l'homme en face débile.

- Des questions ?
-"Une affirmation seulement."

Je rassemble toutes les pensées dans mes têtes histoire que ça ne parte pas dans tous les sens.
Bien.

-" Pour être sûr de rêver de quelqu'un, je dois avoir été en contact avec la personne. Ou être dans le même bâtiment au minimum. Hors, je ne l'ai jamais vu. C'est impossible donc. Sauf si le hasard fait que je me retrouve dans ses rêves. "

Allez bim, remballe ton rêve mon vieux ! Je m'empêche d'étaler un sourire satisfait sur le visage pour ne pas me prendre une droite. A l'évidence, il ne s'est pas renseigné sur les lecteurs de rêves.

Ou alors c'est juste moi qui est grave bizarre. Chacun réagis à sa manière non ? Et bien moi, c'est comme ça. Pas autrement. Alors il aura beau me taper dessus, à l'évidence, moi, je n'y peux rien.

" Quand j'étais petit, ma mère m'a dit que le bonheur était la clé de la vie. à l'école, quand on m'a demandé d'écrire ce que je vouslais être plus tard, j'ai répondu "heureux". Ils m'ont dit que je n'avais pas compris la question, je leur ai répondu qu'ils n'avaient pas compris la vie. "

" Tu te perds Green, tu te perds vraiment. "
-Pourquoi tu dis ça ?
" Parce que tu ne souris pas. "

Je déglutis. Je suis dans une position parfaitement insupportable. Même si j'étais l'homme le plus fort du monde, je ne pourrai pas tuer Dorian Cross, sans me faire tuer à mon tour en sortant du manoir. Parce que oui, entre Cross, s’entre tuer et la chose la plus normale qui soit. Mais alors par contre, quand c'est un sorcier noir d'une autre famille, là par contre, ça ne fait pas. Rien de va plus. il faut absolument le tuer, il a trahi ! -Trahi qui, quoi, personne ne sait-. Alors qu'on peut parfaitement faire confiance en Dorian Cross ! Mais oui !
Je vous jure. Ces gens sont les plus bizarres qui soient. Ils sont incompréhensibles et terriblement inutiles.
Bref, passons ces banalités évidentes. Et pas très perspicaces.
J'imagine donc trois façons de tuer Dorian, ce qui à l'énorme avantage de me détendre bien plus que n'importe quel autre façon.
Sauf sortir de cette foutue baraque, bien évidement. Ahlàlà, vivement que je retrouve Anja quoi. Parce que la jeune femme fait vraiment moins peur que Dorian. Elle semble plus.. humaine. Normal. Dorian semble fou. Machine à tuer, à torturer, à briser. Je ne le vois pas autrement. J'ai vraiment hâte de partir. Comment les gens font pour le supporter au quotidien ?

- Ah, ce détail là,

Merde est la première pensée cohérente qui sort dans mon esprit après ces quelques mots, mais surtout ce ton détestable. Faux. Il me semble presque qu'à ce moment, le comportement le plus approprié serait de partir en courant et en hurlant. Maaaaaaaaaaaaaaais non. Je déglutis. Et en conclu que lui aussi est lecteur de rêves.
Donc, je suis dans la merde. Parce que théoriquement - je dis théoriquement, parce qu'il est probable que ce gars ne soit pas le plus fins d'esprit qu'il soit, mais ne sait-on jamais - à chaque fois que je vais trouver une faille à son plan, il va se débrouiller.
Bonne chance Greeny, bonne chance..

- Oui. Je crois que j'ai une solution. Débrouille toi pour voir Luka quand elle est dans un lieu public ou autre chose.

Je réfléchis, prend une inspiration, prie très fort pour qu'il ne prenne pas mal ma remarque et donc ne m'en colle pas une qui risquerait de me briser la colone et me jette à l'eau.

"Je récapitule. Vous me demandez de trouver quelques parmi les quelques sept milliards d'humains du monde. Je ne l'ai jamais vue. Certes, je peux affirmer qu'elle n'est pas en arctique ou antarctique mais c'est tout. Elle peut se trouver parmi une du million de villes existantes, dans un des cent quatre vingt onze pays existants, et vous me demandez, de la trouver, en gros, par hasard ? Permettez moi d'exprimer légèrement mon doute quand à ma capacité là-dessus. Aussi, si jamais, oh miracle j'arrive à accomplir cela, j'aurai juste à la suivre ou même à la kidnapper pour lui soutirer des informations ? Aucun besoin d'un don qui est, chez moi, pour le moins encore aléatoire. "

Alors oui, je suis quasiment sûr que soit, sa mission, c'est du chico, soit, il est stupide, soit c'est un test, soit j'en sais rien, soit il a une réponse pertinente à ma question. Parce que quand je lui dis ' Je ne peux pas la trouver car je ne l'ai jamais vu ' et qu'il me répond ' Ah, je vois. Alors trouve là. " c'est un peu inutile, vous ne trouvez pas ? Bien.

- Je te trouve plutôt perspicace Soul.

Que voulez vous répondre à cela ? Je n'aime pas cet homme froid, distant, manipulateur, mais surtout..
Faux.
Je déteste ça je déteste être là, je déteste bosser pour lui, je déteste chaque seconde passée dans ce bureau, je déteste devoir exécuter une mission impossible, je déteste être en France, je déteste lui parler, je le déteste.
Je prend une grande inspiration pour empêcher mes jambes de se tirer d'elle même va la sortie et agrippe le siège. Comment voulez-vous travailler avec quelqu'un en qui vous n'avez aucune confiance ? Encore, Anja, c'est différent. Elle tient encore un tant soit peu à l'honneur de l'organisation. Donc que je meure, l'embêterai un peu. Et ouai. Ca voudrait dire que les membres de Rosenrot sont plus faibles que les opposants. Avouez que cette conclusion est monumentalement vexante. Vous ne pouvez pas nier ça. Alors que franchement, Dorian, il s'en fou que je crève ou non ! Il dira ' Oh, c'était le gamin envoyé par Rosenrot, il ne faisait pas l'affaire évidement. Trop faible. ' Et là, c'est Anja qui sera vexé, ils ne seront plus associés, et voilà, fin de l'histoire. Et comme je n'ai pas envie de crever, ils resteront associés, ce qui m'embête. Ah, la vie est complexe quand même. Du coup, je ne sais pas quoi faire. Et je ne sais pas non pus ce qu'il va pouvoir me répondre. Parce que j'ai soulevé toute l'incohérence de sa mission. Il risque de ne pas beaaaaucoup beaaaucoup apprécier le Dorian.
Franchement, pour tout vous dire, des fois, j'me demande pourquoi je suis né. J'étais bien dans mon rien non conscient, c'était plutôt paisible. Et voilà qu'une bande d'égoïstes se disent qu'ils ont besoin, envie d'un gosse !
Si on avait le choix, moi, je ne vivrai pas.
Et Chloé ?
Ah, Chloé. Ca se complique alors..

" Quand j'étais petit, j'avais une tortue. Elle vivait dans un grand bocal, qui faisait toute la salle à manger. Donc .. hum.. bien.. trente mètres de longs ! Elle avait un ami. Elle, c'était Incy, et lui, c'était Boz. Ils étaient inséparables. Je crois qu'ils étaient amoureux, mais je n'en sais rien. Bref. Un jour, Incy, elle est morte. De vieillesse je crois. Elle avait trois ans de plus que Boz, c'est énorme. Alors Boz, il s'est laissé mourir, parce qu'il était seul, et malheureux. "

Tu sais Chloé, quand tu m'avais dis ça, je ne te connaissais pas bien. Et je n'aimais personne. Alors se laisser mourir pour une personne, ça m'aurait paru impossible et pathétique. Mais maintenant que t'es morte, je sais que si nous avions été des tortues, je me serais laissée mourir. Le problème, c'est que je suis humain.
Et que j'ai une saleté de volonté de vivre.
Le problème quand on a plus de but, c'est qu'on se perd. Et que moi, en me perdant, je me suis retrouvé assis sur cette chaise, devant un homme qui boit trop, tue trop, torture trop et se pense trop intouchable.
Après, niveau chance dans la vie.. on a déjà fait mieux.

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Je sais que cette fois ci, il est inutile de trouver un argument. Je passe en revue toutes les choses qui me font dire qu'il ne faudrait pas accepter cette mission. Et pour tout vous dire, il y en a beaucoup. Beaucoup beaucoup beaucoup.

Déjà parce que c'est dangereux.
Ensuite parce que c'est long.
Aussi parce que Dorian n'est pas mon supérieur.
Egalement parce que je vais devoir chercher à tâtons.
Et me frotter quasi à la police magique.

Et Parce que je déteste Dorian.

- Tu l'as vu. Regarde la photo en dessous de toi, tu veux plus de photos c'est ça ? Elle est au Royaume-Uni si ça peut t'aider mais je n'en sais plus. Débrouille toi, retrouve la. Mais surtout fais en sorte qu'elle ne te vois pas réellement. D'après nos informations, elle est proche de la police magique alors si tu veux croupir en prison.. J'ai surtout l'impression Soul, que tu ne te sens pas capable d'y arriver. Peut-être est-ce parce que tu n'en es pas vraiment capable.

Je regarde Dorian. ET BAH VOILA, SI TU ME DIS PAS QU'ELLE EST AU ROYAUME UNIS, JE DEVINE CA COMMENT MOI !

J'aurai été plus gradé et plus indispensable que j'aurai levé les yeux d'exaspération. Le problème, c'est que je ne peux pas me le permettre, alors je ne bronche pas. Je ne répondrais pas à un homme qui se croit tout permis. Me tuer entre bien sûr dans la liste du tout permis, puisque ma vie figure apparemment sur cette liste.

Vous savez, me tuer est un droit. On le possède, ou on le possède pas.
Faut croire que Dorian, il a tous les droits.

Je serre les dents. Ferme ta gueule Green Soul, tu auras peut être une chance de retrouver mon lit un jour. J'aspire franchement à une bonne couette là, maintenant, tout de suite. Dormir. Boire. Fumer. Etre en compagnie d'une jolie fille aussi. Je lève les yeux.

Si tu savais à quel point je déteste le fait d'être ici.

Je plante mes yeux bruns dans les siens, plus clairs. Ils ne me font plus très peur, maintenant que je sais qu'il a plutôt besoin de moi. J'ai envie de fermer les miens, histoire d'y voir plus clair, de rassembler mes idées et de lui répondre une idée mûrie. Il m'aurait trouvé trop réfléchit, pas assez fonceur. Le genre de gosses qui causent des problèmes. Je pince les lèvres, du coup, un peu frustré. Beaucoup frustré.

-" Ok. J'irai. "

Mais je n'ai pas envie d'être le seul à être perdant. Bien que quoi que je dise il aura quand même gagné, j'ai pas envie d'être écrasé. Je regarde par la fenêtre du bureau. Je n'ai pas envie de descendre les escaliers devant tous les cross qui maintenant doivent être actif. Je me lève et déplie les doigts. Ils sont douloureux d'avoir été laissés cramponnés au siège. Siège qui porterait des marques si les accoudoirs avaient été d'une matière molle. Ce qui n'est pas le cas. Je me serai bien fait craquer les phalanges aussi, mais je n'ose pas. Y'a beaucoup choses, en y pensant, que je n'ose pas faire.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Mes jambes ne font aucun bruit sur le sol. Dorian est debout. On fait la même taille, mais il me domine parfaitement de tout son charisme écrasant. Ses yeux me suivent. J'ai besoin d'un peu plus de courage que ça.

Je souffle.

Ce brin ce courage, je le retrouve en pensant à Myaw. La jolie Myaw, le sourire d'Ange et les yeux curieux. Je sourirai à cette pensée si je n'était pas là, dans ce bureau, en cette compagnie.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Je regarde Dorian.

-" Anja vous fera parvenir le rapport. "

Je n'ai pas envie qu'il me réponde, qu'il se dise quoique se soit. Je ne veux pas qu'il ait le temps de réagir. Qu'il me dise qu'il préfère que moi, je lui donne. Je sais que d'abord, je devrai faire un rapport à Anja, et comme je suis un mauvais soldat, je tairai certaines choses. Le dire à deux personnes peut s'avérer dangereux. En plus, retourner ici ne me tente pas du tout.

J'incline la tête avec le plus de respect possible et me congédie tout seul de lui. De toute façon, au point ou il en est, il me frappera plus je pense. Je m'appuie contre la fenêtre qui cède en une demi-seconde et saute de la fenêtre. On est haut. Et je tombe vite. Mais hop, lévitation - que je t'aime - et j'atterris souplement sur le sol. Je marche à vive allure.
Bien, t'a une mission mon vieux, au boulot !

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

[ Tu peux conclure ]

[FIN]