Le pianiste parti, il n'y a pas un seul piano
au monde qui se souvienne du récital donné.

Un piano... Jouer du piano. Vivre une expérience intense, se décharger de ses émotions par la musique, changer de monde, courir derrière les notes, abandonner ses peurs... Mes mains courent sur le clavier, virevoltante et entraînante. J'ai toujours aimé jouer du piano. J'en joue depuis que je suis arrivée ici, ou presque. Et de mes doigts nait la douce mélodie composée par Ludovico Einaudi... Oltremare. Je me laisse emporter par cette musique, y ajoutant un peu de moi, déversant mes peines et ma douleur, ralentissant parfois le rythme, l'augmentant d'autre fois, rajoutant un court passage, en refaire un autre. Ca y est, c'est les vacances d'été, et ce pour deux mois. On peut continuer à s'entraîner, à prendre des cours... Mais rare le font. Les professeurs partent aider les exorcistes souvent.

Et moi, au lieu d'être dehors, comme tous les enfants, à la plage, dans les grandes plaines d'herbes vertes courbées sous le vent, je suis là. A attendre que ma douleur cesse, laissant mes mains faire vivre la douce mélodie. A certain moment elle me donne envie de rire tant elle est joyeuse. A d'autre endroit, elle est triste à en pleurer. Quelqu'un entend-t-il cette mélodie? Reflet du hurlement tourmenté et silencieux qui m'habite. Mrs Mystery sait que quand je joue du piano, depuis peu, c'est pour me décharger de mon trop plein d'émotion. C'est pourquoi elle est très attentive aux mélodies que je joue. Mais elle ne doit pas être là. Pandora Mystery est quelqu'un d'incroyable. Elle sait être douce et ferm avec les enfants, et aime chacun d'entre nous, même ceux qui lui ont tourné le dos.

Mes mains continuent doucement le morceau de musique. Je ne dois pas m'arrêter. Jouer la partition, du début à la fin, en un seul mouvement, un seul souffle de vie. Même si ce morceau là dure presque neuf minutes. Même si j'en rajoute. Je me perds dans une autre dimension. Celle de la musique. Je ne suis pas assidument les cours de musique, mais j'en prend quelques uns... Je viens d'arriver à la moitié du morceau. Un bel accord sonne presque comme une fin. Pourtant la mélodie repart doucement, tristement. Je ne fais plus attention à rien, trop absorbé dans ce morceau que je joue, presque comme si ma vie en dépendait. C'est tellement beau. Je ferme les yeux un instant, profitant du seul toucher que me procure mes doigts virevoltant sur le blanc et le noir des touches... J'avance dans le morceau, jusqu'à l'accord final. Doucement j'y arrive. Mes mains se préparent. Et elles se suspendent en l'air pendant un infime moment, qui me parait tel l'éternité. Elles commencent à tomber lentement, pour s'écraser lourdement sur le piano. L'accord final résonne dans la pièce. J'ai fini.

J'érrai dans les couloirs les mains dans les poches. J'avancait sans savoir où j'allais. Les vacances, tout est vide je trouve. Je n'aime pas ca. Il n'y a pas un seul bruit, sauf celui du piano. Je crois que je vais dans sa direction, il me guide. Je me demande qui en joue. C'est très joli d'ailleurs, mais le son est comme lointain, je ne suis pas concentrée dessus. Voilà, je suis devant la porte. J'ouvre ? Je n'ouvre pas ? Il ne faudrait pas que je dérange le pianiste ou la pianiste. Je sais ce que c'est que d'être coupée dans un morceau. Comme une vitre qu'on casse, j'avais entendu cette phrase étant petite.


Je crois reconnaitre ce morceau. Oltremare. Oui je m'en souviens. Je ne sais pas d'où je le connais mais il me dit quelque chose. J'entrouve la porte doucement essayant de ne pas faire de bruit. Un coup de chance ou du hasard, je ne sais pas, la porte n'a pas grincé. Je me retourne et vois Luka. Elle ne c'est pas rendu compte de ma présence. Tant mieux. Je ne veux vraiment pas la déranger.


Ses mains, sont comme tremblante sur le piano. Elle est triste, je l'entend. Je ne sais pas ce qu'elle a mais elle est triste. Je le vois aussi. Ses yeux sont presque fermé. Par moment elle esquisse un sourire. Je reste devant la porte. J'écoute et attend la note finale. Je ferme les yeux. C'est très beau.


Luka, se retourne. Je m'empresse de m'expliquer.


- Je suis désolé, je marchais et j'ai entendu le piano, je voulais savoir qui en jouait. Bravo, tu joues très bien. Euh...

Il y a quelqu'un derrière moi. A ces petits pas timides, et son odeur (oui parfois le fait d'être félin déteind sur moi) je reconnais Sacha. Je souris tristement puis me retourne pour la regarder. Elle a de grands yeux bleus Sacha, aussi beau que le ciel et la mer. Une ombre passe dans mon regard. Ma première rencontre avec l'être qui m'a mis au monde a mal tourné. Je n'en ai parlé à personne. Même Ange n'a pas réussit à m'arracher la moindre parole. Je suis resté dans un mutisme plutôt impressionnant. Ce morceau de musique a été mon premier défouloir. Je ne comprend pas la vague de sentiments désordonnés qui m'a submergée. Je soupire doucement, je n'ai pas à m'e faire, c'est fini. Maman n'est plus là, elle a fini de me tourmenter, même si les cauchemards reprennent la nuit. Dans le dortoirs, les autres ont dû remarquer que je dors moins. Ils se sont aussi encore réveillé plusieurs fois alors que mes cris d'angoisse résonnaient dans la pièce.

Ange, qui dors sur le lit à ma gauche, sautait tout de suite pour me prendre dans ses bras. Et les autres grommelaient dans leurs demi-sommeils. On ne me repprochait rien ouvertement. Parce que tout le monde peut comprendre que des cauchemards sombres agitent mes nuits. Mais leurs cernent parlent pour eux. Et il n'y a pas besoin d'êtr ene un as en observation pour savoir que ces réveils forcés leurs pèsent. De plus dans mon dortoir il y a et des adolescents, et des pré-adolescents... Avant, ça arrivait moins souvent. Une fois toutes les deux semaines. Parfois plus. Et je ne me réveillais pas à chaque fois en hurlant, je ne faisais pas des crises de panique à chaques fois.

-" Je suis désolé, je marchais et j'ai entendu le piano, je voulais savoir qui en jouait. Bravo, tu joues très bien. Euh..."

Je souris légèrement. Sacha n'avait pas à s'expliquer. Elle n'avait rien fait de mal. Et puis après tout, étant toutes deux adolescentes, donc quasiment voisines de lits, on se connaissait plutôt bien. Je me levais du siège et m'avançais vers elle, plutôt détendue, contrairement à ce qu'aurais pu laisser filer mes émotions agitées.

-" Merci Sacha. Tu n'as pas à être désolée, ne t'inquiète pas."

Je souris, pas forcément très convaincante vu que mes yeux étaient encore

malheureusement tristes.

Je regardais Luka avec un air confus et admirateur. Je n'arrivais pas à saisir ses pensées, ce qui me perturbais, j'entendais des choses vagues. Son petit sourire triste me faisait de la peine, mais je lui rendit. Elle se leva du siège de piano, et me dit :


- Merci Sacha. Tu n'as pas à être désolée, ne t'inquiète pas.


Si, je dois être désolé. Je suis rebelle mais pas à ce point, je respecte les personnes que je connais un minimum. Luka est belle avec ses longs cheveux détachées, sont petit sourire en coin qui essaye de perser son nuage de tristesse, comme un soleil et puis, ses petits yeux gris...Elle charmante.


-Derien, j'admire vraiment ce que tu fais. J'ai eu très peu d'occasion...Enfin, je t'ai très peu souvent entendu jouer. Et, je suis contente de t'avoir écouter, même si je t'ai peut-être perturbée. Enfin, encore désolé.


J'avais envie de lui demander ce qu'elle avait mais, non, ce n'était pas le moment. J'attendrais donc. Tant pis. Je ne veux pas lui rapeller des choses tristes. Je culpabiliserais.


-Tu viens souvent ici ?


J'aime beaucoup, cette salle. Elle m'apaise quand je suis énérvée. C'est donc, fréquent. Je connais cet endroit par coeur.

- Merci c'est gentil. Non je ne viens plus beaucoup ici. Enfin, plus beaucoup pour jouer.


"Plus beaucoup" ca veut dire qu'elle y allait souvent avant. En même temps pour jouer si bien, il faut de l'entrainement. J'ai commencé très tôt. Je n'y arrivais pas, j'ai souvent voulu arrêter mais, je n'ai pas lâché. J'ai bien eu raison. Le piano, c'est un peu mon autre don. C'est une des seules qualités que j'arrive à trouver chez moi, je joue bien au piano. La seule qui me rend fiere, et puis mon style aussi, j'en suis fiere, c'est vrai. Je suis fière d'avoir réussi à assumer mon style. Il manque plus que mon caractère à assumer.


Le fait de voir le piano me donne envie de jouer. Tout à l'heure. Je ferais René Aubry - Après la pluie. J'aime beaucoup ce morceau. Il m'inspire beaucoup. Il me fait pleurer, sourire, penser aux bonnes et aux mauvaises chose de la vie. Il me fait surtout penser à mes parents. Peut-être qu'un des deux faisait du piano et q'un des deux m'a retranssemit son don.


Je voyais Luka s'approcher de moi à pas lents...


- BOOOOUH !


- QU'EST QUI TE PREND ? dis-je en sursautant.


Oui c'est vrai ca, qu'est qui lui prend. Je ne pensais Luka comme ca. Mais bon, tout le monde a le droit de péter des cables, a moins que ce ne sois qu'une habitude qu'elle avait.

Je suivais le regard de Luka. Elle admirait la pièce et avait les yeux remplis de souvenirs. On aurait dit qu'elle connaissait cette salle par coeur, qu'elle y passait ses journées. Je n'ai malheureusement pas ce privilège. C'est vrai que je ne joue pas souvent du piano. Une simple note peut me faire penser à mes parents, et je n'aime pas ca. Ca finis toujours mal. Je m'énerve, ma gorge se noue et une boule prend place dans mon estomac. Ca deviens une obsession, ca me hante. Peut-être qu'ils sont tout près de moi, peut-être sont-ils à l'autre bout de la Terre. Ils sont même peut-être mort.

Le silence persistait. Ca ne me dérangeais plus, je m'y habituais et Luka n'avait pas l'air gênée non plus.
Mon regard alla vers le piano cette fois, et mes doigts tremblèrent quand je regardais les touches. Une sensation étrange parcouru mon corps, et la jeune pianiste, qui était en face de moi, brisa le silence et me proposa un chocolat chaud.

- Très bonne idée, je commence à avoir froid. On y va ?

J'ouvrit la porte à Luka. Puis, je commencais à me diriger vers la caféteria et je repris la conversation pour ne pas avoir l'air repoussante.

- Tu as des informations, ou tu connais des choses sur tes parents ?

J'attendis quelques secondes sa réponse, mais je me rendis compte que ma question n'était pas très habile. C'est intime, et d'après ce que j'ai cru entendre, Luka n'a pas eu une enfance facile. Je ne voudrais pas me mettre Luka à dos, je n'avais rien contre elle, je la trouvais même sympa, mysterieuse. J'avais envie de la connaitre plus pour la découvrir, elle et ses secrets.

- Non, je voulais pas dire ca pardon! C'est trop personnel comme question et je ne te connais pas assez pour te demander ca! Oublie ce que je viens de te dire.

Ce n'était vraiment pas le bon moment pour poser cette question. Je vis les yeux de Luka s'ouvrir subitement, elle ne bougeait plus. Je voyais qu'elle réfléchissait à sa réponse. Elle ne savait sûrement pas quoi dire, et je ne pouvais malheureusement pas retourner en arrière. Je ne réfléchis pas avant de parler, enfin, la plupart du temps. Je sais ce que ça fait quand on doit parler de notre famille. Tout les souvenirs, si on en a, remontent, on se bloque, souvent on se sent seul, on se demande ce que sont devenus nos parents, pourquoi nous ont-il réellement abandonnés. Les orphelins, on tous vécu ça au moins une fois dans leur début de vie. On aimerait tous passer à côté de cette question embarassante.

Luka se forca à répondre.

-" Non ne t'en fais pas. Ma mère est encore en vie. Et mon père est mort. C'est à peu prêt tout. Et... et toi?"

Je voyait qu'elle ne voulait pas me donner trop d'informations. Et ca ne me dérangeais pas. Après tout je ne sais pas si j'aurais fait mieux. On ne se parlait pas depuis longtemps, elle ne pouvait pas tout me raconter.

Quand je me rendis compte qu'elle me demande à son tour ce qu'était devenue ma famille. Ma gorge se noua et ma tête se mit à tourner. Je répondit rapidement, comme à chaque fois. La même réponse.

- Je ne connais rien de mes parents, je suis désolée.

Oui je sais, je ne faisais surement pas d'efforts pour développer ma réponse, mais je n'en n'avais aucune envie et Luka comprendra. Du moins, je l'éspère.

On était arrivées à la cafetéria. J'ouvris la porte et fis passer Luka avant moi. Une fois dans la cuisine, je vis un broc remplit de chocolat chaud. Enfin, chaud ce n'était plus le cas de le dire. Donc, le broc était rempli de chocolat froid. Mademoiselle Gilbert avait du en faire ce matin. Il n'y avait plus qu'à le réchauffer.

POURQUOI TU BUG SUR UN MEC QUI FERME UN FRIGO

-Oui, j'aimerais en avoir un.

La voir commencer à déguster son chocolat chaud m'avait ouvert l'appétit. Moi qui n'avais pas souvent faim. Je la regardais le faire avec beaucoup de précision. Elle pris une tasse, mis du lait et le fit chauffer pendant quelques minutes. Le micro-onde continuait de vibrer contre le lave vaisselle, ce qui provoquait un bruit infernal. Mais sans cette pollution auditive, il n'y aurait pas de bruit, et s'il n'y a pas de bruit quand je suis avec quelqu'un que je ne connais pas, je suis mal à l'aise. Je souris. Je me retourne et regarde le miroir accroché au dessus de l'évier. Le micro-onde sonne. Il avait comme brisé le miroir et mon reflet dedans. Elle pris la poudre de chocolat et en versa trois cuillerées dans le lait qui fumait. Le lait commençait à se teindre, en une couleur marron. Mon ventre gargouillait. Elle touilla pour que le mélange entre le lait et le cacao soit homogène. Elle pris le tube de chantilly, le secoua et le fit tourner à l'intérieur de la tasse, ce qui forma comme une petite pyramide en nuage. Elle saupoudra délicatement de la poudre dessus et posa un biscuit en essayant de ne pas détruire son beau travail. Elle me tendit la tasse gentiment. Elle était belle. Je la stoppai et lui dit:

- Ne bouge pas. Surtout ne bouge pas. J'aimerais te prendre en photo. Tu es superbe. Et le chocolat qui va bientôt être avalé aussi.

Je sorti mon appareil, je réglai quelques paramètres puis appuyai sur le déclencheur. Le bruit rassurant qui sortait de l'appareil brisa le silence. Je venais de remarquer qu'elle avait une petite moustache de chocolat au dessus de la bouche. Je lui enlevai du bout du doigt.

-Tu veux voir la photo? Elle doit être parfaite.

Et Sacha sorti son appareil photo. Elle me dit quelque chose et avant que l'information soit réellement monté au cerveau je la vis appuyer sur le bouton et hop, une photo de prise. Je n'avais eu le temps de bouger le moindre petit doigt et elle avait réussi à capturer l'instant. Je n'ai jamais eu l'oeil pour les photos moi et je devais avouer que j'en étais un peu jalouse. Je veux dire par là que j'ai jamais réussi à savoir faire de superbe photos. Les miennes sont jolies, c'est tout. Mais comme j'aime l'art, un jour j'apprendrais à faire mieux. Alors Sacha me montra la photo et je me vis, buvant avec avidité le chocolat, un air gourmand sur le visage. Et cette photo le représentait très bien. On aurait pu mettre en grand titre dessous : la Gourmandise. En tout cas, elle était belle. Et comme l'endroit avait également son charme c'était une photo parfaite ! Je bus encore quelques gorgées de chocolat, remettant la moustache que Sacha avait essayé de m'enlever.

-" Un jour tu me montreras comment on se sert au mieux d'un appareil photo hein ?"

Et je souris. L'art de la photo est franchement quelque chose d'hyper intéressant. J'aime sa façon de capturer l'instant présent et souvent de vouloir dire tellement d'autre chose. Mais je dois l'avouer, ce que je préfère, c'est l'aquarelle. J'aime beaucoup dessiner avec, laisser mes traits aux crayons, jeter comme ça quelques couleurs souvent bien légères et avoir une impression de non terminé, d'infini un peu, d'intemporel aussi. Ou encore le fusain. Marquer le papier au fusain, s'en foutre plein les mains et gommer avec du pain, j'ai toujours trouvé que cela avait quelque chose de très amusant.

-" En tout cas il faudra impérativement m'imprimer la photo ! Je vais te laisser, j'ai un rendez vous bientôt."

Je la salue et sors de la cuisine, un superbe chocolat chaud dans le ventre. Je dois rejoindre Louis et Carla au Lonely Ghost. D'ailleurs je me demande quant est-ce qu'ils se mettent en couple eux...