Je sais que j'ai un problème. Un gros gros problème.
Dans ma tête.
Dans mon corps.
Dans mon cœur.
Douche froide.
Je sens le jet glisser sur mes cheveux, mon visage, mes lèvres et mes joues, l'eau se mélanger aux bulles de savon et onduler sur chaque parcelle de ma peau. Raide comme un piquet, immobile comme une statue de pierre, je plante mon regard sur les carreaux de mon mur sans lui laisser la chance de pouvoir s'échapper.
Troublé. Troublé à s'en planter les doigts dans la chair tendre de ses paumes, jusqu'à ce que l'on sente le sang couler.
Le sang.
Blood makes noise
It's a ringing in my ear
Blood makes noise
And I can't really hear you
In the thickening of fearC'est vrai, j'aime les femmes, j'apprécie grandement leur compagnie, la douceur de leurs gestes, le tintement de leur voix, le satiné de leur peau, la finesse de leurs formes...
Quand bien même nos relations ont toujours été houleuses.
J'avoue non sans honte que j'ai eu des conquêtes à plus ou moins long terme, des relations non exclusives et des liaisons sans lendemain. Malgré tout, je me suis toujours efforcé de rester gentleman avec elles, les prévenant toutefois que je n'attendais rien de ce nous entretenions. Certaines l'ont bien compris quand d'autres ont commencé à s'attacher.
Comme Nancy par exemple.
Oh ! Je ne suis pas devenu subitement prétentieux, mais disons cependant qu'il n'y a pas besoin d'être devin pour comprendre cela : la tension dans son corps quand je la frôle, les regards à l'arrachée, les sourires gênés...
Ce que je ne comprends pas par contre, c'est comment moi, j'ai pu tomber aussi vite sous son charme, à un point crucial où j'en viens à avoir du mal à me contrôler... Pas que je sois tout à fait dépourvu de sentiments à la base, mais disons que je sais ce qui m'attend si je commence à... à m'investir dans une relation.
Surtout dans une relation avec une humaine.
Surtout dans une relation avec un parent de Drust.
Surtout dans une relation avec un ennemi des Cross.
Bon sang, c'est si compliqué que ça me donne mal à la tête...
Douche glacée pour évacuer. Pour oublier.
Pff... oublier ? Comme si c'était seulement
possible...
Car le hasard a fait naître ce côte à côte tant heureux que funeste. Ce qui nous sépare elle et moi, ce n'est pas tant la distance ou le temps mais plutôt l'écho d'un nom et l'impassibilité de la nature humaine.
Car elle est humaine quand je suis sorcier.
Elle est humaine quand je suis un Noir. A sang pour sang.
Elle est humaine quand j'appartiens tout entier à Rosenrot.
Et l'ironie, elle, veut que je brûle déjà de la revoir. Et oui ! Ma bêtise, c’est comme les tiroirs dans les films d’espionnage : quand j'ai beau penser avoir touché le fond, je parviens toujours à découvrir une couche de plus en dessous.
Comme un de compartiment secret, en quelque sorte...
Parce que je nous mets en danger, tous les deux :
Mademoiselle* va me torturer avant de nous tuer, si elle l'apprend.
Surtout quand je sais qu'elle ne me porte pas spécialement dans son cœur et qu'elle se méfie de moi plus qu'un quelconque autre O'Callaghan.
Ah... décidément, les femmes de ma vie ne sont pas tendres avec moi...
Le son sec d'un poing contre la porte d'entrée me sortent de ma rêverie. Trois coups retentissent et je perçois, malgré la douche, le bourdonnement d'un cœur et une respiration saccadée.
Tient ? J'étais pourtant sûr de n'attendre personne...
Je coupe l'eau, m'essuie à l'arrachée pour rejoindre ma chambre et enfiler un bas de jogging gris avant de me diriger vers l'entrée, une serviette à la main pour sécher mes cheveux.
Quelle surprise ! Il est vrai que je lui ai demandé de venir mais...
« Je ne t'attendais pas aussi tôt ! Comment cela se fait-il que tu... »
Je secoue la tête, consterné par mon manque de civilité. Elle a fait tout ce chemin parce que je lui ai demandé de venir (bien que je ne l'attendais pas avant deux bons jours, c'est vrai), et me voilà à couiner comme une poule quand je devrais l'accueillir comme il se doit.
Je suis vraiment d'une bêtise sans nom...
« Aurais-je oublié mes bonnes manières ? Pardonne mon impolitesse, c'est l'étonnement ! Je suis vraiment ravi de te voir ! Tu es toujours aussi jolie ! Entre, je t'en prie ! »
Je la fait entrer sans plus de cérémonie, la débarrasse de sa veste et de son sac avant de la diriger dans le salon. Je la laisse s'asseoir confortablement avant de lui proposer quelque chose à boire. Un tour rapide dans la cuisine avec sa boisson en main, je lui tends le verre avant de lui dire, embarrassé...
« Cela te gêne-t-il que j'aille enfiler quelque chose de plus convenable ? Je reviens dans un instant... Fais comme chez toi en attendant ! »
... avant de disparaître à nouveau dans ma chambre.