Ce n'est pas parce que c'est le chef de la famille qu'il a tous les droits. Surtout de ne pas me répondre. C'est le genre de comportement que je n'aime pas. Qu'on pète plus haut que son cul et qu'on se croit tout permis sous prétexte qu'on est le grand manitou. Enfin, je ne réplique rien et continue à manger mes céréales. Parce que j'aime les céréales. Par contre j'aime pas le lait, du coup il finira dans l'évier après.

Mais je mange. Sauf que je préférerais être seule. Je suis bien seule, après tout. Je l'ai toujours été depuis que je suis revenue du Japon. Et puis, la compagnie de Dorian, je m'en passerais bien. Et moi, je ne dois pas être très aimable non plus. plutôt du genre provocante et grande gueule, j'ai surtout envie de voir sa limite vis à vis de moi. Même si c'est le grand boss, je suis sa nièce, non ? Ou presque. Je sais bien que dans la famille, lui et moi sommes moins proche que d'autres, mais nous sommes quand même de la même famille. Pourquoi je serais plus maltraitée que les autres alors que j'aurais parlé autant ? Ah oui, parce que je me suis enfuie. Mais là, je suis là. Et j'accepte l'entraînement, presque avec joie. Après tout, c'est mon destin d'être une Cross, n'est-ce pas ? Aller Saku... Non, Laure. Change.

Oui, je ne peux pas m'en empêcher. Et j'aimerais lui dire encore d'autres trucs. Mais je n'ai pas spécialement envie qu'il s'énerve. Surtout le matin. En plus je commence juste à me réveiller. Donc on se calme. Sinon ça risque de partir au quart de tour. Déjà qu'on me réveille trop tôt à mon goût ... Mais je n'ai pas le choix. Alors je me la ferme, ou presque.

Un sourire apparaît sur mes lèvres. Je ne sais pas comment le décrypter. La vérité. Mais bizarrement, ça ne me fait pas de mal dans mon coeur. Ou alors, je n'y pense pas. Mais ce n'est pas ce que mon sourire représente, ce n'est pas la douleur, même si sa voix était glaciale. Je suis sûre qu'il aurait voulu que ses mots me fassent mal. Mais ce n'est pas le cas. Mon sourire, fatalité ? Ironie ? Beaucoup de sentiments mélangés dans tous les cas. Vous croyez que les empathes arrivent à mieux comprendre leurs propres émotions ? Parce que maintenant, j'en aurais bien besoin. Enfin, je m'en fiche un peu. Si ça se trouve, si je creusais sous ce masque, je verrais de la tristesse, et ça m'atteindrais encore plus. Donc, pas d'émotions. C'est ça qu'il faut, les oublier. Quand on a des émotions, on est faibles. Il faut être froid. Oui, j'aimerais bien devenir comme Dorian. Peut être moins ... Cruel et enclin à la violence et la torture. Même si je suis une sorcière noire, j'ai le droit de ne pas utiliser ces moyens barbares, non ? Si ... ? Nous verrons bien ce que l'avenir nous réserve, mais j'ai un mauvais pressentiment.


Mes progrès. C'est vrai que j'ai l'impression d'avancer plus vite ici qu'en Ecosse. D'abord parce que je ne peux pas m'absenter ici, et je pense que ça aide beaucoup. Ensuite parce que je n'ai pas le choix. Si j'échoue, c'est les coups de fouet qui attendent. Donc il faut donner le meilleur de soi même, se surpasser, tout le temps. Puiser dans sa réserve d'énergie, quite à mourir. C'est dur l'éducation, chez les Cross. Et puis ici, il n'y a pas d'amour non plus. que des masques froids, durs. Qu'on ne peut pas transpercer. Presque aucune parole échangée, juste de l'antipathie. Tout le monde, envers tout le monde.

Je me lève ensuite, portant mon bol, vide de céréales mais plein de lait. Parce que le lait, c'est dégueulasse. Et non, je ne le boirais pas. Même s'il me force, je lui cracherais à la gueule. Je peux le boire, je n'ai pas de haut le coeur ni rien, c'est juste que j'ai envie d'être chiante. Bref, j'ai l'impression que tout le monde apporte leur truc, ou presque tout le monde, sur un buffet près de la cuisine. alors je pose également mon bol ici et vais à l'entrée, attendant Dorian. J'ai bien envie de lui dire "je t'attends gros lourdaud. Mais... Ça ne va pas passer. Enfin, si il pouvait magner son cul. Je croyais qu'il voulait m’entraîner ? C'est pas en restant ici que je vais devenir plus forte moi.

Je tape donc un peu du pieds. Si ça continue je vais avoir envie de pisser. Et si c'est en plein milieu de l'entraînement... Il va pas apprécier le gros. Pourquoi ? Parce que les Cross sont chiants.

Pourquoi il ne peut pas s'empêcher de sourire alors que les émotions derrière ne suivent pas ? Je veux dire, il n'a pas de sentiment, rien du tout. Ce n'est que de la violence, de la haine, de la colère. A l'état brut, à l'état pur. Et pourtant, il continue de sourire. Je sais qu'il ne le pense pas. Mais moi aussi je peux le faire, est-ce qu'il le sait ça ? Sourire juste pour avoir quelque chose sur son visage, c'est bien facile. Trop facile d'ailleurs. Inutile.


Je préfère n'afficher aucune émotion même si j'en ressens plein, plutôt qu'une qui n'est pas bonne. Surtout dans ces conditions. Je préfère que personne ne me décryptent. Enfin, je suis sûre qu'ils peuvent lire en moins comme dans un livre ouvert à vrai dire. Mais bon, c'est parfois bien de se bercer d'illusions. Et il faut que j'en ai je crois. Au moins un peu, le temps de m'habituer à la descente que j'effectue. Descente vers la mort. Mort des autres, bien entendu. Je sais très bien que ça va arriver, à un moment où à un autre. Après tout, je suis chez les Cross. Chez les sorciers noirs. Les grands méchants de l'histoire. Il est donc normal que j'en arrive un jour à tuer. Je me demande d'ailleurs comment ça se fait qu'ils ne l'ont pas fait la première fois que je suis arrivée ici. Peut être parce qu'il me pensait plus docile. Je sais pas. Enfin, c'est vrai que j'ai en apparence abandonner toute tentative de rébellion. En apparence. Non, oublie. Oublie. Oublie tout.

Dorian me rejoint bien vite, et je le suis. Dans les couloirs du manoir. Longs, grands, silencieux. Seuls nos pieds résonnent dans ces immensités. Même si on croise quelques personnes rares. Je ne leur accorde pas le moindre regard. Je ne brise pas non plus le silence. Comme j'ai dit précédemment, je n'ai rien à lui dire. Rien du tout. Je ne parle pas pour ne rien dire, surtout avec eux. Surtout avec ma famille disons. Avec tous ces gens. Je suis asociale en plus de cela. Il va falloir me tirer les vers du nez si tu veux quelque chose de moi.

Nous descendons des marches. Beaucoup de marches. Ça n'existe pas l’ascenseur ici ? Il devrait avoir les moyens pourtant de s'en faire poser un peu partout. Vu l'immensité de la baraque, le coup de l'entretien, les employés aussi, la nourriture ... Bref, tout quoi, il a les moyens de se payer un putain d’ascenseur. Enfin, ça fait faire du sport, je vais pas cracher dessus tout de même, il faut que je me maintienne en forme. Et je pense que Dorian le veut aussi. Alors, sport. Et on descend les escaliers.

Nous arrivons dans une cellule. Lugubre, sale. Le ménage ça existe hin. Un homme est allongé, par terre. Ligoté et aveugle. Il m'a l'air mal en point. Je le regarde comme si je regardais une fourmi. Sans émotion, sans sentiment. Je m'en fiche.

Par contre, je m'en fiche moins quand Dorian s'approche de lui et lui retire un grand bout de peau qui fait hurler l'homme à la mort. Dorian lui fout d'ailleurs un coup de poing pour le faire taire. Technique stupide. Quand un bébé pleure et que tu le tapes pour le faire arrêter, il va juste crier plus fort parce que tu viens de lui faire mal. Bâillonne le, se sera plus efficace.

Bref, je tire un petite moue de dégoût. J'ai vu pire à l'orphelinat, tandis que je tentais une petite escapade. Qui a échoué vu que je suis désormais ici, mais j'ai tout de même eu le temps de voir tous ces corps entassés, ensanglantés... Bref. Ce qu'il a, lui, ce n'est rien comparé à ça. Mais quand Dorian se retourne vers moi, mon masque d'indifférence est revenu.


C'est bizarre, ça me rappelle des pensées que j'ai eu tout à l'heure. Ça me dégoûte un peu, mais je crois que je n'ai pas le choix. Je fais des allers retours de la tête entre l'homme allongé par terre et Dorian.

Sympathique. J'espère juste avoir assez de force. Je m'avance vers l'homme, me retourne vers Dorian et tend la main.

C'est en voyant qu'il ne répondait pas que je compris. Je n'avais le droit à rien. Merci Dorian. L'esprit de famille, ça ne compte définitivement pas ici. Je pousse un sourire exaspéré, lassée. Dorian, je te hais, vraiment. J'aurais préféré avoir ce putain de scalpel. Ou même un truc qui coupe pas, je sais pas. Enfin, pas une paille non plus. Mais quelque chose ! J'ai pas beaucoup de force moi... Si ? C'est l'occasion de voir les fruits de l'entraînement de ces derniers jours.

Je m'agenouille à côté du malheureux. S'il te plait, ne crie pas. Tu vas me faire mal à la tête et ça va m'énerver. Tiens, je pense comme eux. C'est bien, non ? C'est peut être à force de les entendre toute la journée. Malgré moi, je l'avoue. Mais même. C'est bon signe, non ?

Moue dégoûtée, encore, je plonge mes mains dans ma blessure et je sang me gicle à la figure. Je détourne la tête, essayant d'éviter les tâches un maximum. Mais je crois que c'est raté.

J'écarte donc sa peau, me penchant sur la blessure, le sang affluant. Saleté, je vois rien en plus ici. Je peux pas avoir une lampe, non ? Hey, l'élémentariste feu là, éclaire moi ! Enfin, je ne crois pas vraiment que ça va fonctionner ... Décidément, il fait tout pour m'énerver celui là. Mais c'est drôle, je suis dans sa chair, je sens son coeur battre, par les vaisseaux sanguins et en plus parce que je suis tout prêt. Boum boum. Boum boum. Boum boum.

Les sorciers noirs m'influencent vraiment. C'est fou. Ça m'effraie. Mais je dois laisser faire ça. C'est ce qu'il faut après tout. Mais tout ça m'effraie. Devenir comme eux, oublier qui je suis. Oublier mon objectif. J'ai peur de ça. Du coup, je n'arrive pas à me décider. Même si je n'ai pas le choix, je dois obéir. Je dois retirer ce coeur. Je dois tuer. Je dois oublier toutes ces émotions. Je dois oublier mon passé. Du moins, je ne dois pas en être consciente, tous les jours. Je dois l'enfouir. Mais qu'il soit tout de même à portée de main. Caché, enfermé, à porter de main. Enfin, je me comprends.

Je sépare un peu plus les deux côtés de sa peau et enfonce un peu plus ma main dans le trou béant. Tout est lisse là dedans. Comment je suis supposée discerner peau, muscle, poumon et coeur ? Surtout qu'il est après la cage thoracique. Bordel.

C'est impossible son truc, j'arrive pas à écarter plus sa peau. Sans oublier que ce con il crie ! Et il s'agite aussi. Et ça commence à m'agacer. Alors je vais tout lui arracher. En fait, le meilleur moyen c'est de ne pas penser à ce qu'on est en train de faire. Du coup, j'ai enfermé mon don dans ma tête. Déjà, ça devrait faire moins mal. Pour moi surtout. Mais qu'il arrête de bouger ce débile et surtout de crier !

Je serre donc le premier truc visqueux qui me tombe sous la main. Je serre, fort, très fort. Il a du mal à respirer. Serais-ce un poumon ? J'essaie d'écarter encore sa peau. C'est dur, de la sueur apparaît sur mon visage. Je m'en fiche. J'essaye d'arracher ce que j'ai dans la main, avoir un espace plus grand pour voir. Mais à l'intérieur c'est le noir complet. Donc ça ne m'avance pas plus. Je tire, dans un grognement. Je tombe à la renverse tandis que j'ai quelque chose dans la main, arraché de son torse. Un poumon. Bordel. Je le jette par terre et y retourne. L'homme sanglote, respire avec beaucoup de difficulté. J'aimerais bien l'étrangler. Je suis tachée de sang, partout.

J'enfonce ma main, plus loin encore, avec difficulté. Il est où ce putain de coeur ? J'attrape quelque chose, je serre, ça bat. Ça bat, dans ma main. Ahaha ! J'ai trouvé. Un sourire sadique s'étend sur mon visage.

La vie, c'est tué ou être tué. La vie, c'est tu perds ou tu gagnes. Je décide de gagner. Je décide de tuer. Je me lève, pose un pied sur sa gorge, serre plus fort le coeur qui bat plus doucement dans mon poing et l'arrache, d'un coup, un sourire de vainqueur affiché sur mon visage. Je m'éloigne de l'homme, mort, il vient de poussé son dernier soupir, son dernier râle. Je n'ai pas une once de remord. Je suis vierge de tout sentiment.

Mais il me reste une autre tache à accomplir. Faire exploser cet organe près de mon visage. Comment il veut que je fasse exploser ça ? Il s'est pratiquement vidé de son sang. Du moins, à l'intérieur, celui qu'il véhicule. Et puis, c'est mon, ça va être dur de le faire exploser... A moins que ... ?

Je ne connais malheureusement pas les composants du'une bombe. D'une dynamite, si. Je pourrais en dessiner une miniature. Le problème c'est que ... Le sang c'est humide. Ce coeur est humide. Une mèche de dynamite ça a besoin d'une étincelle, de feu. Qui s'éteint avec l’humidité. Décidément, ce n'est pas mon jour de chance. Mais je peux toujours essayer.

Je me concentre, assise en tailleurs, par terre, le coeur près de mon visage, les yeux fermés. J'imagine. Une dynamite. Petite. Très petite. Allumée. Dans le coeur. La mèche du bâton à l'extérieur. De mon côté pour que Dorian ne le voit pas. S'il entend le bruit, je m'en fiche. Juste que c'est pas possible de faire exploser ça à main nue. En espérant que la dynamite sera assez puissante. J’insuffle de la magie et j'entends un crépitement aussitôt. J'ouvre les yeux, une étincelle qui se balade jusqu'à aller à l'intérieur du coeur, rapidement, un sourire triomphant sur les lèvres, le coeur explose. Sursaut.

Je rouvre les yeux, je suis couverte de sang et de bouts de coeur. Autre moue de dégoût, j'enlève les morceaux de l'organe qui sont dans mes cheveux, sur mon visage, mes vêtements. Du moins, les plus gros. Je me relève, j'ai l'impression d'être changée. Ou pas en fait.

Bon, le sang qui gicle, eux ils aiment bien. Moi, je m'en fiche, mais je dirais que c'est crade. Ça tache le sang, c'est nul. Mais après je les comprends aussi, une mort sans sang, c'est pas drôle non plus. Enfin, je les comprends. Oui et non, disons que je suis beaucoup trop dans leur tête du coup je vois leur point de vue. A tel point qu'ils me changent. Ils arrivent à me changer. Et il y a les esclaves aussi. Mais eux, ils sont plutôt simplet, même d'esprit. En fait, ce que devrait faire Dorian, c'est de me mettre avec un sorcier noir, pur et dur, genre ... Lui et que je vois toute sa vie. Tout le temps, tout les jours, que ça m'imprègne, pour que ça devienne ce que je suis. Mais, non, je ne lui dirais pas. J'ai dit que j'avais peur de devenir comme ça. Parce que j'ai peur d'oublier. Je me demande quand est-ce que cette situation se stabilisera.

J'ai senti le regard de Dorian tout le temps où j'étais sur l'homme. Ce regard froid, calculateur. Son regard en fait. Qui me scrutait. Mais ça ne m'a pas empêché de mener ma tâche jusqu'au bout. A croire que je ne suis qu'un pion qui ne fait qu'obéir. En même temps, si je veux progresser, je dois passer par là. Mais j'aimais je ne me laisserai marcher sur les pieds. Même si on me traite de grande gueule. Ce qui est vrai après tout. Mais je n'ai pas envie de me laisser faire. Même si je suis faible.

Quand j'ai arraché le coeur et que je me suis retournée vers Dorian, il avait l'air satisfait. Tu m'étonnes, voilà que la fraîchement débarquée commence à agir comme eux. En même temps, il ne faut surtout pas penser à ce à quoi on est en train de faire. Sinon, ça me foutrait des cauchemars, tout simplement. Il faut se vider la tête ou penser à autre chose. Penser que c'est juste une pièce de boeuf. Même si je n'ai jamais été bouchère. ça doit ressembler à ça. Un peu.

Le bâton de dynamite dans le coeur est passé inaperçu. Du moins, il n'a rien dit. Tant mieux, je sais que j'aurais été incapable de faire exploser ce coeur à main nue. Je l'aurais compresser, j'aurais fait sortir beaucoup de sang mais exploser ... Non, ce n'est pas aussi facile. Du moins, je n'en suis pas encore capable. C'est ce que je pense. Et puis, dans certains moments, pourquoi essayer de faire compliqué alors que je peux le faire exploser avec mes pouvoirs ? C'est beaucoup plus simple tout de même.

Je sais, la force physique compte. Je compte bien m’entraîner pour être plus forte. J'aimerais bien être plus forte dans toutes les catégories. Absolument toutes. Mais c'est long. Et dur. Mais au moins ici, je le ferais, je le sais. Ce n'est pas comme si j'avais vraiment le choix après tout.

Il s'approche de moi en vitesse mais son sourire ne dit pas qu'il va me faire du mal, il a plutôt l'air heureux. Il fout une pichenette dans un morceau de coeur qui restait sur mon épaule. J'hausse à sourcils, interrogative. C'est ... Étrange comme comportement venant de lui. Mais je ne dis rien, je me méfie juste. Même si je ne sais pas trop de quoi je devrais me méfier. Juste que ce changement de comportement est bizarre. Venant de lui ce qu'il a fait peut être considéré comme tendre. Vous imaginez ? Ça m'effraie.

Ouais, je sais. Et du coup maintenant, il veut me faire faire quoi ? Enfin, au moins je sais que je préfère tuer les gens ... Le plus vite possible. Du moins, c'est ce que je pense. Une balle entre les deux yeux et c'est réglé. Quand ça souffre, ça crie, ça bouge dans tous les sens, ça m'a agacé. Eux ont pris le goût pour ça. Mais moi ... J'ai un passé. Différent du leur. Tuer vite mais tuer bien, c'est plus simple à mon avis et c'est ce qui me correspond le mieux. Je ne suis pas vraiment une sadique, c'est juste leurs pensées qui me le font devenir. Mais je ne dirais rien.

Sauf que, les sorciers noirs, ça aime torturer aussi. Juste pour le plaisir, juste parce qu'ils veulent des informations, juste pour tuer plus doucement. Et je suis sûre que je devrais passer aussi à cette étape. Torturer. Je vais passer par toute l'éducation des Cross en quelques mois à la place de plusieurs années. Je le sens déjà. Je vais morfler quoi. Mais dans ce cas là, autant que se soit avec une personne qui s'y connait vraiment. Quelqu'un dont je veux avoir le comportement, la manière de faire, d'agir. Pas de penser par contre.

Qu'il le prenne comme il veut. Une demande, un ordre. Ce n'était pas une question, ni une supplication. C’était plutôt dit d'un ton neutre, quoique l'intonation allait quand même un peu vers l'ordre. Parce que ça sort de ma bouche, je me dois d'être arrogante à chaque phrase que je dis j'ai l'impression. Juste parce que je ne veux pas me laisser faire. Quitte à devenir comme eux, autant le devenir comme je veux. Autant choisir qui je veux. Sebastian est bien, mais pas assez cruel j'ai l'impression. Et puis, je suis sûre que Dorian appréciera que je lui demande.

Parce que, ce n'est pas qu'il n'y a plus rien à faire ici, mais si en fait. Il y a un cadavre, mort, duquel du sang s'écoule lentement. Des bouts de sang et de coeur qui ont échoué un peu partout ... Bref, à l'esclave de nettoyer maintenant. Et que nous passions à autre chose.

Je n'aime pas quand on ne me répond pas. Quand on s'applique à m'ignorer, ça me met plutôt en rogne. Mais je ne dis rien, par contre, je le montre. Parce que, tu ne pourras pas m'enlever mon caractère de merde. Quand je dis quelque chose, j'aime qu'on m'écoute, d'abord. Ensuite, j'aime qu'on me réponde. C'est pourtant pas si compliqué, il y a juste à remuer les lèvres, agiter la langue, faire vibrer les cordes vocales et expirer de l'air. Certes, ça fait beaucoup d'un coup, pour un homme, ça doit être sacrément compliqué. Surtout pour un blond.

Mais, il y arrive très bien d'habitude, n’est-ce pas ? Alors réponds moi, saleté de grand chef. Heureusement qu'il n'entend pas mes pensées tiens. Ça me fait du mal rien que de dire ça dans ma tête. Même si c'est de l'ironie pure et dure.

Et décidément, il ne copte vraiment pas réponse. Même pas une esquisse de réponse. Je veux dire, quand on s'apprête à parler, il y a des petits signes qui le montrent, non ? Une inspiration soudaine, des lèvres qui s'entrouvrent... Mais chez lui, rien. C'est ça, ignore moi. J'aimerais bien fouiller ces pensées pour voir ce qu'il en dit mais ... Je n'ai aps vraiment envie de repasser par la séance de torture. Une fois, ça suffit. Et je me prends déjà assez de coups comme ça, je ne vais pas aller en rajouter.

Après tout, il faut que je prenne un peu sur moi et que je me contrôle, n'est-ce pas ? Alors, je vois ça comme un entraînement. Je vais réussir. Ou pas. Bordel, les questions sont restées dans ma tête, et continuent d'être sans réponse. Ça m'agace profondément. Même plus que ça en fait.

On sort enfin de la salle au cadavre. Ça va faire du bien. Mais, il m'emmène où cette fois ? Je le suis donc, la tête droite et le regard mauvais. Je déteste tout ceux qui se trouvent ici. Tous. Les Cross. Parce que même eux n'éprouvent pas d'amour les uns envers les autres, et que j'ai pas forcément envie de sourire à quelqu'un qui me tape parce que je ne fais pas mes pompes assez vite. Et aux esclaves, parce qu'il faut bien que je remplisse mon nouveau rôle de sorcière noire. A savoir, les humains ne sont que des objets faits pour nous servir.

Nous arrivons dans le jardin et je plisse les yeux quand le soleil atteint les miens. Trop de lumière d'un coup, je n'aime pas ça. Leur manoir est super sombre tout de même, trop sombre d'ailleurs.

J’attends la suite, qui ne vient pas. Quoi ? Quoi Laure ? C'est mon prénom, oui, donc, j'attends la suite moi. Alors dis la la suite. Ou tu veux que moi aussi je t'appelle "Dorian..." ? Tu veux vérifier que je connaisse bien ton prénom ? Parce que ça, il n'y a absolument aucun soucis. Je veux dire, comment l'oublier ce prénom ? Ce magnifique prénom. Là encore, c'est de l'ironie, bien évidemment. Je crois que celle ci sera ma nouvelle meilleure amie.

... Attends que je digère la nouvelle.

Voilà, c'était un cri venant du fond du coeur. Et maintenant, passe à l'énervement.

Il veut que ... QUOI ?! Il veut que j'épouse un de ces soldats ?! Nan mais il est sérieux là, quand il me dit ça, l'air de rien, genre, tout est normal ! NORMAAAAAL ! En plus son gars, il est vieux ! Il a quarante ans quoi ! J'ai une tête à me MARIER ? J'ai une tête à me marier avec quelqu'un de QUARANTE ans ?! Il se fout de ma gueule, ce n'est pas possible. C'est une mauvaise blague, c'est un poisson d'avril en retard ! Ou en avance, ce genre de choses on le prend comme on veut. Mais ... MERDE ! Non mais je refuse ! C'est pas possible autrement. Je veux me marier à personne moi. Je n'ai pas besoin d'aide, je me débrouille très bien toute seule, laissez moi ma solitude, c'est très bien comme ça ! Je n'en veux pas de son Moha... Je sais pas quoi ! J'en ai rien à foutre de lui, je veux pas !

Son visage m'indique que c'est loin d'être une blague. Enfin, même si il faisait des blagues son visage ne doit rien exprimer non plus. Et puis, je suis sûr qu'il ne fait même pas de blague. Il n'a pas d’humour, il n'a rien. Il n'est rien. J'aimerais lui cracher dessus, là.

C'est vrai, au mariage, je peux dire non à la place de oui, n'est-ce pas ? C'est si vite dit, c'est si vite remplacé. Non est encore plus rapide à prononcer que oui en plus. On gagnerait du temps. Mais évidemment, on s'en fiche de ce qu'elle en pense la petite nouvelle, pas vrai ? Bande de connards, voilà. J'ai même pas mon mot à dire, c'est dégueulasse. Du coup, je vais encore me faire violer, bien évidemment. Sinon, on serait pas chez les Cross ! On serait pas chez Croix !

Je suis ... En colère. J'ai les sourcils froncés, bien entendu, les lèvres pincées, un peu plus et je grognerai tiens. J'aimerais bien faire apparaître un truc, histoire d'évacuer la colère. Sauf que ... Les seules idées qui me viennent à l'esprit sont des armes. Des haches, des poignards, des couteaux. Et il risque sûrement de le prendre mal si jamais je fais apparaître ça, même dans le jardin. Alors je me contente de souffler. J'aimerais bien être autre chose que dessinatrice là. Au moins, je pourrais évacuer. Vraiment. Bon, il tomberait peut être par terre. Genre, pouvoir faire des ondes de choc, se serait trop bien. Mais, il le prendrait aussi très mal. Mais je ne l'aurais pas vraiment contrôler.

Bref, je me détourne de Dorian. Parce que j'ai juste une envie. C'est de le massacrer. Mais je sais très bien que ... Je ne pourrais absolument rien faire contre lui. Toute tentative est vaine. Alors, je pars ... Bouder. Voilà. De façon énervée, certes, mais il n'y a pas grand chose que je pourrais faire à présent. Crédibilité, réduite à néant avec ça.

Je m'avance dans le petit jardin et m'assoie par terre, en tailleurs, dos à Dorian. J'ai les poings sur les genoux et je cherche une solution, pour me calmer un peu. Lui casser la gueule, se serait une drôlement bonne solution. Faire apparaître des trucs aussi, ça me crèverait au moins, c'est cool. Casser des choses, ça marche assez bien chez moi. Crier, écouter du heavy métal. Donc des gens qui crient à ma place. Sauf que là, je ne peux rien faire. Dorian, je te hais encore plus qu'avant.

Dorian s'approche alors, je peux entendre ses pas, bien qu'ils soient faits dans l'herbe ainsi que le frottement de son pantalon tandis qu'il marche. Il pose ensuite la main sur mon épaule quand il est à ma hauteur, je le regarde alors, le regard noir. Je déteste ce type. D'abord, il me torture. Ensuite, il me fait changer. Enfin, il veut me forcer à épouser un des leurs. J'ai pas envie, merde. Il aimerait lui, qu'on lui fasse épouser Pandora ? Non, certainement pas. Il n'aimerait pas.

M'aider ? Que dalle. Comment ça pourrait m'aider de toutes manières ? Je veux dire, je fais tout ce qu'ils demandent. Je m’entraîne dur, je fais tout ce que je peux pour aller au delà de mes capacités tous les jours, quitte à m’effondrer sur mon lit le soir, sans avoir la force de manger avant, tellement je suis épuisée par les journées qu'ils me font endurer. Donc comment un mariage pourrait m'aider d'avantage ? Pour me faire sentir à ma place ? Pour m'incruster socialement dans leur groupe ? Je n'ai pas envie. Seule, je suis très bien. TRÈS BIEN. Je veux dire, même au ... Non, je refuse de penser à ça. Je n'y penserais donc pas.

Il s'assoit alors en face de moi. Ça fait bizarre de voir Dorian s'asseoir dans de l'herbe, par terre. Ce n'est vraiment pas l'image qu'on se fait de lui. Normalement, quelqu'un comme lui doit dominer, et ne pas s'asseoir dans des endroits qui ne sont pas dignes de recevoir son royal postérieur. Ironie, ironie. Enfin, il s'assoit où il veut. Moi j'aime bien m'asseoir par terre en toutes circonstances ou presque parce que je me fiche de ce que peuvent bien penser les autres. Je m'en fiche royalement.

Dorian, regarde ma tête, est-ce que j'en ai quelque chose à faire des intérêts de la famille ? Non. Je m'en fiche. J'en ai marre, je vous hais tous. Je vous hais. C'est tout. Mon but, c'est juste de vous faire croire que je tourne comme vous après tout. Tout en me le faisant croire aussi. J'aimerais bien te cracher dessus Dorian. Vraiment beaucoup. Mais je sais que je m'en prendrais une si jamais je le faisais. Pourtant, je sens qu'il y aurait un joli mollard en attente près à atteindre ta face. A croire que je suis la seule et unique personne dans la famille. Les Al Hattal te suivent depuis longtemps, non, trou du gland ? Alors pourquoi il faudrait en plus renforcer ces liens ? Pourquoi JE dois le faire ? J'ai pas envie d'être avec un vieux pervers. J'en ai déjà eu assez dans ma vie je crois, non ? Ha mais non, tu ne sais pas ce que j'ai vécu pour aller jusqu'en Ecosse, et surtout, surtout. Tu t'en fous. Je te comprends, c'est pas très intéressant comme histoire.

J'espère que tu comprendras, c'est une mentalité de sorcier noir ça, non ? Et après tout ce que vous m'avez fait subir, non, je n'aurais aucune empathie pour vous. Aucune. Même Dylan est déjà fou. Alors qu'il n'a que quatorze ans. Famille de fou, vraiment. Ça aurait été mieux si Luka avait été là. Sauf que c'est une mêlée. Et je crois qu'elle ne devait sa survie que grâce à la présence de Natasha. Bref, je continuerais à faire ce qu'on me dit, mais sans avoir une grande joie de le faire, bien entendu.

Je n'ai pas eu le temps d'esquiver. Je n'ai même pas vu la main qui se levait. Je n'ai pas vu cette main s'abattre sur mon visage. Dans un grand bruit. Je n'ai rien vu de tout ça, ça s'est passé si vite. Ma joue est désormais en feu, et j'ai encore la tête tournée. Je me suis rattrapée avec un bras. Ne l'ayant pas vue venir, j'aurais pu tomber à la renverse. Heureusement que j'ai quelques réflexes.


Bon, merci pour la leçon. Toujours critiquer la famille, dans sa tête. Faire croire qu'on s'intéresse à elle. D'accord, j'ai compris. Je ne recevrais pas de claque de plus à cause de ça, c'est hors de question. Pour les Cross. Pourquoi je me retrouverais rouée de coups à cause de cette famille que je déteste par dessus tout ? Non. Que j'adore. Que je vénère. J'adore en faire partie, vraiment. C'est la plus précieuse des choses qui soient.

C'est tellement dur de se convaincre soit même. Tellement dur, après tout ce que j'ai du vivre. C'est presque impossible. Pourtant, c'est quelque chose par laquelle je dois passer. Afin de pouvoir... Survivre ici. Parce que c'est de la survie que je fais. Pour le moment. Jusqu'à ce que j'oublie tout. Jusqu'à ce que je me comporte comme eux. Jusqu'à ce que j'agisse comme eux. Jusqu'à ce que je pense comme eux.

Toujours la famille d'abord. Quelle blague. Bon, il va falloir s'y faire. Moi qui voulait continuer à la détester. Enfin, je peux toujours la détester à la rigueur. Juste que, je dois d'abord faire passer ses intérêt avant les miens. La réputation des Cross et tout le pat à caisse. Ok, j'ai compris. J'obéirais donc, vu que je n'ai que ça à faire. Oui, je suis une lâche, en quelques sortes. J'évite tous les coups que je peux. J'essaie de me fondre dans le moule autant que possible. J'aime pas les coups, en même temps, qui aime ça ? Je ne suis pas une masochiste. Je sus très loin de l'être.

Je tourne donc ma tête lentement vers Dorian, tout en portant une main, fraîche, à ma joue brûlante. Sûrement rougie aussi. Je lève les yeux vers lui. Même assis, il est toujours aussi imposant, toujours aussi grand. Il me transperce avec son regard froid. Enfin, ça fait déjà bien longtemps que ça ne me fait rien, d'être regardée de cette manière, surtout par lui. Ici, je ne m'atteins surtout pas à de l'amour. Se serait une grande blague dans ce manoir d'avoir ça. Chez n'importe quel sorcier noir d'ailleurs. Sympathie, amitié, compassion... Tous ces mots doivent disparaître de mon vocabulaire.

Dorian fait un signe de main et aussitôt, des esclaves sont à nos côtés, apportant de ... Longs couteaux. J'en attrape un ainsi que Dorian et il se lève pendant que les esclaves rentrent à nouveau.


Je me lève à mon tour. Comment dire ? Je ne me sens pas du tout à l'aise. Dans tous les cas, je sais que je perdrais, c'est indéniable. Je veux dire, Dorian à toute une longue expérience derrière lui. Des entraînements tout comme les combats réels. Et moi ? Je n'ai... Pas grand chose. D'abord parce que je ne suis pas restée très longtemps ici. Du moins, pas assez pour être une vraie experte en la matière. Ensuite, les cours au Mystery... Eh bien, ce n'est pas comme si j'étais vraiment une élève très assidue. Je le regrette à présent, vraiment.

Je respire donc profondément. En fait, les couteaux, à l'orphelinat, bah j'y ai jamais touché. Donc ça remonte à pas mal de temps déjà. J'ai pas envie de perdre. Même si je sais que je finirais par terre, à la fin de cet entraînement, couvertes de bleus et d'estafilades de sang.

Je serre fort la poignée du couteau dans ma main droite et je libère mon don. Tous les coups sont permis, pas vrai ? Savoir ce que l'ennemi va faire, c'est super utile je pense. Alors allons fouiller dans la tête de Dorian. Sans rien dire, bien évidemment. Juste, fouiller. Mais juste, superficiellement, juste les pensées du moment. De toutes façons, c'est tout ce à quoi j'accède habituellement, et ça me va très bien comme ça. Faudrait qu'un jour je pousse l'expérience plus loin. Mais, avec les personnes qui m'entourent, c'est vraiment pas gagner. Déjà, il va sûrement sentir l'intrusion et me bloquer l'accès à son esprit.

Mais j'ai déjà pu "entendre" qu'il attendait que je tape la première. Alors je me campe sur mes jambes, serre la mâchoire et court vers lui. Arrivé juste devant lui, je balance mon bras en avant.

Décidément, ce n'est vraiment pas la technique qu'on m'avait appris, à l'époque. Je fais n'importe quoi. Je vais me retrouver par terre. Ou alors ...

Je feinte donc en le touchant presque, je me stoppe d'un coup, me décale à gauche et lui file un coup dans le flanc avant de prendre quelques pas de distance.

Mon coup... N'a rien fait. Il est vrai que j'ai plutôt cherché à aller vite plutôt que de le blesser. Mais en même temps vous imaginez ? Blesser cette armoire à glace ! Je n'ai pas envie de mourir maintenant. C'est vrai, à chaque petit truc il se venge en augmentant la puissance mille fois. Donc vous imaginez si j'enfonce ce couteau dans sa chair ? Il voudra juste ma mort. Je préfère m'entraîner contre des esclaves. Eux au moins ils sont renouvelables. Certes, ce n'est pas vraiment les propos que je devrais tenir, je devrais plutôt profiter de ce moment pour tuer le chef des Cross. A croire que je commence à devenir comme eux, à apprécier cet homme même. Mon dieu, je me dégoûte à cette pensée. Devenir sorcière noire ? Moi ? Comme si c'était possible, mais c'était mon objectif, en quelques sortes, non ? Alors pourquoi pas.

C'est vrai que je n'ai aucune pitié avec les esclaves, je les regarde comme s'ils étaient juste ... De la chair, du sang, une cible que je dois abattre, je ne pense plus à leurs sentiments, leurs émotions et tout ce qu'ils pourraient ressentir quand mes armes passent sur leur peau, les entamant, les faisant saigner. Je les abats, aussi purement et simplement. En même temps, je n'ai jamais noué aucun lien avec eux. C'est à peine si je les avais croisé avant. De toutes façons, je suis nulle pour me rappeler les visages, surtout quand je n'y accorde aucune importance.

Je déglutis alors avec difficulté, m'attendant au pire. Mais je me mets quand même en garde, attendant ce qui va arriver, me préparant comme je peux, fouillant en même temps son esprit, mais l'action arrive avant que je ne trouve l'objet de mes recherches. Il lance un couteau sur moi, droit sur ma poitrine alors je me baisse et je le vois arriver, je n'ai le temps de rien faire et me voilà déjà par terre, à cause d'une simple balayette.


Comme si je l'avais baissé. Un regard noir s'abat sur lui. L'apprécier ? Lui ? Jamais. Je le hais. Je l'exècre de toutes mes forces, de tous les pores de ma peau. Dorian, un déchet. Il me tend alors ma main pour me relever, je la tape pour la rejeter et me relève alors seule. J'ai une dignité, merde. Je ne suis pas blessée, ni rien, et même si je l'étais je n'accepterais pas son aide. Enfin, peut être que si un jour je suis dans une très mauvaise situation et qu'on combat du même côté ... Et encore, je dis bien peut être. Mais sinon, jamais.

Un poing arrive alors en direction de mon ventre, il est trop près pour que je puisse l'esquiver, je me contente alors de contracter le peu d'abdominaux que j'ai et de me baisser. Le poing ne me touche pas, je relève la tête, un sourire est dessiné sur son visage. Je me méfie, fronce les sourcils. Un clé de bras plus tard et me voilà par terre, à nouveau, tombant dans un bruit sourd. Le choc se répercute dans tout mon corps et m'empêche de respirer un instant. Quand l'air rentre à nouveau dans mes poumons je tousse, je me relève ensuite, mets quelques pas d'écarts entre cet homme et moi. Je n'aurais jamais l'avantage sur lui, sauf si tous les coups sont permis. Et encore. Il est résistant, bien entraîné, sa garde est parfaite. Et je n'aime pas adresser la parole aux gens, je crois que tout le monde l'a très bien compris.

J'ai un couteau dans la main, j'en imagine alors cinq identiques dans ma tête, je ferme très fort les yeux, je sens la magie qui se déverse et me quitte, un contact froid se fait sentir entre mes doigts. Les couteaux apparaissent exactement où je voulais, quelques modifications ont été apportés, histoire de fermes le poing sans problème. J'ai l'impression d'être Wolverine. Cette pensée me fait sourire mais je l'évacue vite de ma tête.

Je suis face à Dorian, je ne pourrais décidément pas faire grand chose, mais je dois déverser ma haine sur lui. Sinon, ça ne marchera jamais. Il est la cible à abattre, tout comme les esclaves, il doit mourir. Je m'approche alors de lui avec le plus grand calme, vide mon esprit et m'arrête à un bras d'écart de lui. Je baisse la tête, lève mon bras vers lui et je peux sentir mes lames qui touche le tissu qu'il porte. Je relève alors la tête, avec plus qu'une idée en tête : tuer, peu importe le prix. C'est comme ça qu'on s'entraîne bien, non ? Comme si c'était un vrai combat. L'entraînement n'existe pas, ce n'est que fabulation.

Mon bras se baisse, je me rapproche, saute et vise sa gorge, qu'il devrait éviter, c'est bien logique, c'est tellement ... Logique. J'essaye d'être rapide, histoire qu'il n'attaque pas pendant mes mouvements, je n'ai pas envie d'être propulsé à plusieurs mètres de lui, tous les deux immobiles. Ma main gauche arrive alors vers son ventre, remontant tout son torse jusqu'à sa tête, j'entends ses vêtements qui se déchirent, après lui, est-il touché ? Je sais pas, je m'en fiche à la rigueur. Je retombe à terre et vise ses jambes.

Il reste stoïque pendant que je fais mes mouvements, du sang coule sur sa chair que j'ai entamé et cela le fait sourire. Tel un fou. Telle une personne qui a besoin de souffrir pour devenir encore plus puissante. Ce gars est flippant, vraiment. Mes muscles tremblent de peur, à l'intérieur. Tout mon être est effrayé par cet homme froid et distant, sans âme.

Tandis que je l'attaque au niveau des jambes, il commence enfin à bouger et me saisit les cheveux, avec une main de feu. Heureusement que je ne suis pas une fille portée sur l'esthétique. Tandis qu'il me lâche et que je recule de quelques pas, mes cheveux s'éteignent, je ne pense pas avoir trop de perte. Et puis, j'arrangerais tout ça plus tard. Je dois avoir le visage noir du coup maintenant, bravo. Aucune importance parce que voilà qu'un cercle de feu se forme autour de moi. Les flammes s'agrandissent petit à petit tandis que je vois les yeux glacés de Dorian de l'autre côté de ce mur. Sacré paradoxe.

Réfléchissons, ce mur est créé par son pouvoir, un simple seau d'eau ne devrait pas suffir à le faire disparaître. Je cherche une ouverture, un endroit où les flammes seraient moins épaisses, moins importantes mais son mur est tout à fait stable. Un vrai travail de maître. On voit les années d'expérience. Ce qui éteint le feu encore, le sable, ou l'étouffer. Dans tous les cas la partie que j'éteindrais se rallumera, la magie de Dorian l'alimentant. Bon... Je crois qu'il n'y a plus qu'une seule option qui s'impose à moi. Sauter, en espérant ne pas avoir trop de dégâts. Je recule alors jusqu'aux flammes, je les sens contre mon jean, me brûler. Je prends une grande inspiration et je prends mon élan. Arrivée presque dans le mur, je saute enfin, je sens la chaleur des flammes partout sur mon corps, je les sens lécher ma peau.

Je retombe alors lourdement sur le sol, une grimace de douleur sur le visage. Ça brûle. Je me relève difficilement et regarde mes vêtements qui commencent à partir en lambeaux, en fumées. Je vois des égratignures et des brûlures sur de nombreuses parties de mon corps. J'éteins de la main les quelques flammèches encore présentes, feignant de ne pas souffrir.

Le feu s'éteint alors, n'étant plus d'aucune utilité. Je présume. Il est bien capable de rebondir sur autre chose, sadique comme il est. Encore plus que moi. Enfin, chez moi on ne peut pas vraiment appelé ça du sadisme. C'est mignonnet, de la taquinerie. Quand j'étais avec mes amis. J'étais. Il faut que je me fasse à cette idée. Oublier tout ça. Tout oublier. Il veut pas me foutre un énorme coup sur la tête et que je devienne amnésique ? Et il me façonnera de la manière dont il veut de cette manière. Se serait tellement plus simple, pour nous deux. Pour tout le monde.

Je reprends mon souffle difficilement, toussant, crachant. Je jurerai d'ailleurs reconnaître le goût du sang dans ma bouche. Rester dans un cercle de feu, c'est mauvais pour la santé. Extrêmement mauvais. Et sauter dans des flammes aussi. Je ne serais jamais pompier. Bon, en même temps on n'a jamais vu de pompier femme il me semble. Déjà parce que ça doit être bien trop physique pour ça. Et puis oui ils ont des masques à oxygène ou je ne sais quoi lorsqu'ils vont sur les lieux d'un incendie mais ... Tout ça ne change rien.

Un amalgame de ... Choses vient alors jusqu'à ma bouche. Alors je crache, comme un homme, vraiment, sexy au plus haut point ! Mais j'en ai tellement rien à faire. Et là je vois du rouge dans l'herbe. Ok, sympa. Je continue de tousser, c'est un peu incontrôlable, une quine de toux en fait. Je sens le sang qui afflue dans ma bouche, alors je le vide, petit à petit. Une mare se forme à mes pieds. J'ai la tête qui tourne, j'ai envie de vomir. Enfin bref, l'extase.

Bref, j'en peux plus en fait, je me redresse donc, mais je sens bien que je ne peux pas continuer. Je reste cassée en deux, me tenant les côtes ou je ne sais quoi. Quelque chose ne va pas. J'ai mal au coeur et aux poumons. Un vrai calvaire. Je regarde donc Dorian, haletante, attendant la suite.

J'ai senti son regard pendant que j'essayais d'échapper aux flammes. J'ai vu son sourire, précédemment, comme si j'étais un chien en cage, comme si j'étais un animal encore sauvage qu'on essayait de façonner de la manière dont on voulait, en lui faisant peur, en le blessant. Je suis, un animal en cage. C'est exactement ce que je suis, un animal qu'ils veulent façonner pour correspondre à leurs idéaux. Mais j'ai accepté ma sentence.

Je continue de cracher mon poumons, de cracher du sang. Je suis épuisée. Si Dorian n'était pas là, je m'effondrerai au sol pour récupérer. Mais il est là, il m'épie. Je ne dois pas paraître faible devant lui, déjà que je le suis un peu trop à mon goût, au sien aussi, sûrement.

Je me relève tant bien que mal, pliée en deux à cause de l'entraînement. Je brûle de l'intérieur, mes jambes voudraient trembler d'épuisement, devant porter tout ce corps lourd. Si lourd. Si fatigué, si épuisé. Je suis à bout. Ma respiration siffle quelque peu. Ya pas à dire, il n'est pas tendre.

Je le fixe, droit dans les yeux. J'essaie de le provoquer. Oui je peux encore encaisser, se sera dur, forcément, mais je peux toujours encaisser, tant qu'on est pas mort, on peut encaisser. Et la mort ne me prendra pas aujourd'hui. Et d'après ce que j'ai compris, Dorian ne me laissera pas mourir aujourd'hui, il tient trop à son stupide mariage, il tient trop à sa stupide famille de sang pur. Les Cross. Pffff. Alors, vas y, tu veux continuer à te battre ? Vas y, viens. Enfin, me battre ? Honnêtement, je suis déjà pas bien forte, mais là … Se serait l'hécatombe. Mes poings seraient comme la brise qui effleure son corps, et moi je serais juste un punching ball. Donc oui, je serais grandement soulagée qu'il s'arrête là, mais c'est hors de question que se soit moi qui l'implore. Voilà pourquoi je suis debout. Voilà pourquoi je le fixe, haine aux yeux. Voilà pourquoi je me prépare pour sa prochaine attaque.

Il s'approche alors, d'une démarche assurée. Pas une démarche d'attaque, une démarche de quelqu'un qui a un but. Mais je me méfie tout de même. Toujours se méfier. Ne jamais baisser sa garde, n'est-ce pas ? Enfin, c'est pas parce qu'on a une bonne garde qu'on peut parer ou attaquer … J'ai l'impression que je suis incapable d'esquisser le moindre geste. La moindre action. Mon corps refuse d'obéir.

Il pose alors sa main sur ma tête. Je le regarde encore plus mal. Tu me prends pour qui ? Ton chien ? Sa main était toujours chaude. Je sentais toute la chaleur de son corps. Une parole mal placée et c'est la déflagration assurée, tu le sais. Alors je me tais, mon regard suffit, non ? J'ai pas le droit d'avoir des regards insolents ?

Une pression sur ma tête, un coup dans les jambes et me voilà à nouveau par terre, je lâche un cri. Je tourne la tête vers la silhouette de Dorian qui s'éloigne peu à peu. J'aimerai le provoquer, qu'on continue, mais je sais que c'est une mauvaise idée, je sais que c'est mieux comme ça. Mais c'est tellement … Humiliant. Je regarde alors le ciel, serrant les dents, empêchant les larmes de couler. Hors de question qu'elles s'échappent de mes yeux, ça grouille de sorciers par ici. Et un coup d'oeil dans ma direction est si rapide. Alors je les ravale, mais je reste allongée. Je mets un bras devant mes yeux pour me protéger du rayon du soleil qui transparaît derrière les arbres. Je ferme les yeux.

Un jour, je te battrai.