MAY' ~ MEI' ~ KELY ~ ZACH' ~ NENE

La tempête était passée.

Les sorciers noirs ont pris le Mystery Orphanage.

Emportant avec elle un flot de prisonniers

Ils nous ont massacrés sans aucune pitié

Et de morts.

Comment en est-on arrivé là ?



Il ne pouvait chasser de ses yeux les images de cette terrible soirée. Les visages ensanglantés des orphelins, des autres professeurs. Les corps froids, sans vie. Les cris de douleur.

Il n'avais pas su les protéger. A cause de sa faiblesse, de sa trop grande confiance en lui... il les avait laissé mourir.



Maysar secoua la tête et respira profondément pour chasser ses sombres pensées. Il ne devait pas flancher. Il fallait continuer de tenir, comme il l'avait toujours fait. Pour ceux qu'il avait sauvé. Et pour ceux qui étaient morts.
Il continua de marcher sur le flanc du volcan, en direction de la grotte qui leur servait de refuge. Il se sentait de plus en plus essoufflé. L'effort qu'il avait fourni les jours précédents avait failli le tuer. Si Josh n'avait pas été là...



Après qu'il ait vu en esprit Pandora se faire emmener par les sorciers noirs, l'infirmier et lui avaient rejoint les orphelins dans l'Autre Lieu. Il avaient marché près de trois heures au milieu du Brouillard pour s'éloigner le plus possible du Mystery Orphanage... jusqu'à ce que Maysar soit à bouts de forces.
Car cet univers parallèle avait des lois étranges, incompréhensibles, illogiques. On pouvait aussi bien trouver un poisson nageant dans le brouillard qu'un chat à l'affût. Les humains non-magiques ne lui posaient pas d'avantage de problème. Mais dès qu'il était question de magie, les dépenses énergétiques s'intensifiaient. A force d'expérience, Maysar en avait conclu que dans cet univers, la magie provenait de sa propre énergie, et que les personnes magiques s'en nourrissaient continuellement. C'est pour cela qu'accueillir tout ce monde lui avait tant coûté. Et encore... la plupart n'étaient que des enfants.

Il avait failli manquer de forces pour ouvrir une fenêtre sur le monde réel. Heureusement, il y était parvenu, mais il tirait les conclusions de son erreur. S'il n'avait pas réussi, la magie consommée par les autres l'aurait tué. Et que serait-il advenu d'eux ? Il frissonnait rien que d'y penser.
Enfin... ils étaient sains et saufs, c'était l'essentiel.
Ils avaient suivi un chemin jusqu'à la ville la plus proche, où le plus discrètement du monde, ils avaient loué un bus jusqu'à Thurso. Maysar avait caché les enfants dans la forêt aux abords de la ville, laissés aux bonnes mains des autres professeurs le temps d'aller en ville réserver un Ferry. Même en demandant à tout le monde, il avait à peine eu assez d'argent pour payer le voyage, et ils n'avaient presque plus rien en arrivant en Islande. Il avait du vendre des objets de valeur qu'il conservait dans l'Autre Lieu - et auxquels il tenait beaucoup - pour pouvoir acheter un bus.

C'est ainsi qu'ils étaient arrivés ici. Après avoir revendu le bus dans une petite ville, ils avaient marché toute la journée dans la montagne, jusqu'à cette grotte. Maysar la connaissait déjà ; il l'avait visitée en esprit des années auparavant.
En voyant la petite faille dans le roc, on ne se doutait pas qu'un si grand espace se cachait derrière. Après avoir fait une trentaine de mètres dans un étroit couloir, on aboutissait dans une vaste caverne ornée de formations calcaires impressionnantes. Mais l'étonnement ne s'arrêtait pas là. Dans une salle attenante, un vaste trou dans le plafond de la grotte laissait passer l'eau en même temps que la lumière. De l'herbe poussait ainsi autour de la cascade, dont le fracas était assez fort pour couvrir les cris des enfants, qui viendraient donc se défouler ici.
Quand on suivait en barque sur un bon kilomètre la rivière qui partait des chutes, on parvenait à une autre caverne. C'était une formation rare et merveilleuse, car à son extrémité, la grotte se poursuivait sur quelques dizaines de mètres sous le Vatnajökull, le plus grand glacier d'Islande, qui couvrait une superficie vaste comme la Corse.
Maysar fondait ses espoirs sur cet endroit. Car on pouvait aisément faire fondre des salles dans la glace, et une calotte aussi grande se déplaçait suffisamment peu pour garantir la sécurité des enfants. Sa seule inquiétude restait l'activité volcanique sous-glaciaire, mais d'après les volcanologues locaux qu'il avait rencontré, l'endroit était relativement stable - les véritables éruptions se concentraient plus au sud.

C'était donc l'endroit rêvé où réfugier ! Ici, ils seraient à l'abri des sorciers noirs - et d'Orphéo, jusqu'à ce que la situation se stabilise.
Bien sûr, il restait beaucoup de choses à faire pour rendre l'endroit vivable, à commencer par trouver une solution contre l'humidité des parois. Il restait aussi bon nombre de cavernes à explorer, car la grotte semblait se poursuivre sans fin. Certaines, qui ouvraient sur des gouffres, étaient trop dangereuses pour les enfants et devraient être comblées, tandis que d'autres permettraient de s'y installer confortablement.
Mais en attendant que tout ça soit mis en œuvre, ils avaient cantonné les enfants à la première caverne, où ils avaient installé des matelas, une cuisine de fortune et un éclairage aux bougies, dont la chaleur donnait à l'air une agréable température.


Aux Orphelins déjà présents étaient venus se joindre ceux qui avaient été envoyés à Orphéo. Il n'avait pas été facile de les faire quitter l'Ordre, mais Maysar avait pu bénéficier de l'aide d'Edwin, le chef de la police magique. Le jeune homme avait su faire preuve de bon sens et écouter les arguments de Maysar. Il avait convenu que compte-tenu de la disparition de Pandora et Declan, l'endroit n'était plus sûr, et avait accepté de les faire partir sans qu'il lui révèle où se trouvait leur refuge. Maysar avait été très touché de sa confiance envers lui, à l'heure même où les critiques contre lui et Pandora fusaient au sein de l'Ordre. Il savait qu'en cas de besoin, il pourrait compter sur Edwin.

A Orphéo, il avait également retrouvé Jonathan et Nérys, qui s'étaient joints à lui. Ses relations avec Jonathan avaient toujours été un peu tendues, mais ils avaient d'un commun accord mis leurs différents de côté pour coopérer.
Ainsi, pendant que les autres adultes s'occupaient d'installer les nouveaux arrivants et d'organiser la vie dans l'orphelinat, Maysar s'était retiré dans une caverne plus calme pour méditer et utiliser son don. En esprit, il avait survolé Little Angleton et le manoir pour se renseigner sur l'activité des sorciers noirs, qui semblaient s'être installés dans l'orphelinat.
Il avait voulu continuer pour chercher d'éventuels rescapés du massacre, mais aller plus loin lui aurait demandé un effort de concentration qu'il était bien incapable de fournir dans l'état de fatigue où il se trouvait.
Or, en repartant de Little Angleton, il était tombé par hasard sur le jeune Zacharia qui fuyait le village en compagnie d'une jeune fille. Il croyait beaucoup en ce jeune homme, qui l'avait sorti d'un mauvais pas quelques années auparavant. C'est pourquoi il avait décidé d'aller le chercher. N'étant pas en état de faire un nouveau voyage, il avait demandé à Jonathan de se téléporter et de les ramener. Ils étaient revenus avec une surprise inattendue : ils avaient retrouvé Meiko Greyjoy, une jeune apprentie exorciste pleine de talent qui avait été son élève. Elle semblait secouée, mais il avait tout de suite pu compter sur son aide.

Car désormais, le plus important était de protéger la grotte et les lieux alentours.



Maysar se faufila à travers la faille d'entrée de la grotte et suivit le couloir jusqu'à la caverne. Les autres étaient déjà rentrés. Il vit Nérys qui parlait à Kilyann. Il s'approcha d'elle et fit signe aux autres de le rejoindre.


Maysar nota tout de suite que Zacharia était rentré seul. Il fronça les sourcils. Où était passée Ambr ? La jeune fille avait été assez discrète depuis leur arrivée ici. Elle avait aidé sans poser de question, mais refusait toujours de rester longtemps dans la grotte - sans toutefois donner d'explication.
Malgré l'assurance de Zach, il n'était toujours pas sûr et pouvoir se fier à elle...


Ils repensa aux faibles protections du Mystery Orpanage. Mais comment avaient-ils pu à ce point manquer de prudence ? Ils devaient tirer des leçons de leurs erreurs, et faire en sorte de ne pas les répéter...

Spoiler:

Maysar regarda ses compagnons prendre la parole un à un. Il était fier de les voir tous, au bord du gouffre de détresse qui s'était ouvert dans chacun de leurs coeurs, garder courageusement la tête haute pour se concentrer sur les problèmes immédiats.
Il répondit d'abord à la remarque de Kelyann, qui l'avait attendri par sa simple lucidité. Ce petit avait la tête sur les épaules et un sens des responsabilités qu'il fallait mettre à profit. Par ailleurs, quelques interactions supplémentaires avec ses camarades ne ferait pas de mal à sa méfiance naturelle...

"Bien, dit-il. Kelyann, je suis tout à fait d'accord avec toi. Comme c'est toi qui as eu l'idée, que penses-tu d'aller parler à tout le monde pour établir une liste des compétences, dons et pouvoirs de chacun ? Grâce à ces informations, nous pourrons mettre chacun à contribution, et établir un plan d'action en cas d'incident."

Il se tourna ensuite vers la jeune apprentie.

"Et le premier pouvoir dont nous allons avoir besoin, c'est du tien, Meiko. L'Islande est un pays froid, et nous allons avoir besoin de plusieurs feux bien entretenus pour réchauffer la caverne. Il faudra aller chercher du bois en quantité ; peut-être que tu peux t'en occuper, Zacharia, avec ta télékinésie et quelques adolescents."

Il regarda le jeune homme dans les yeux. Celui-ci semblait un peu remué, comme tout le monde, mais avait gardé le principal : cet air de joyeuse confusion que Maysar affectionnait tant chez lui.

"Il y aura aussi du boulot pour toi à l'intérieur, je pense, dit-il avec un petit sourire. Peut-être qu'il faudra acheter un groupe électrogène (il jetta un regard en biais à Nérys), et dans ce cas il y aura des lampes à fixer au plafond. Et d'une manière générale, tu ne seras pas de trop pour aider à aménager le lieu avec les enfants et les autres professeurs. Il faudra installer les lits de camp dès que nous les aurons, construire une cuisine et organiser les stocks de nourriture, peut-être délimiter des espaces avec des cloisons en toile... "

Il se perdit un instant dans ses pensées. L'important dans l'immédiat, c'était d'assurer un minimum de confort pour tout le monde, mais aussi de faire en sorte que tout le monde soit occupés. L'aspect psychologique ne devait pas être négligé, et les enfants en particulier avaient grand besoin de se changer les idées...
Il s'adressa de nouveau à Zach.

"Tu ne le sais pas, mais j'avais déjà rencontré Ambre Esyll avant que vous n'arriviez ici tous les deux. Je sais également quels... problèmes... elle a causés à Orphéo. Malgé ça, elle me semble être une personne plein de ressources. Mais elle représente aussi un danger dont elle est consciente, elle a besoin d'aide, et il va falloir qu'elle accepte la nôtre. Zach, les raisons pour lesquelles elle t'a secouru sont les mêmes qui font qu'elle t'écoutera. Je pensais aussi (il se tourna vers Jonathan) que tu pourrais faire équipe avec elle pour sécuriser les alentours et recharger les runes. Elle semble avoir une longue expérience de la vie dans la nature, et puis tu as... toujours su approcher les gens comme elle."

Ils échangèrent un regard. Maysar sentit l'ombre de Karhel planer entre eux. Quoi qu'en pense le jeune sorcier, il n'avait aucune animosité à son égard. Il supportait même son aversion sans broncher, car il savait à quel point l'amertume de Jonathan était fondée. Maysar aurait seulement aimé qu'il comprenne les raisons qui l'avaient motivé...
Il sourit au professeur. Dans tous les cas, ils devraient compter l'un sur l'autre. Peut-être que cette nécessité de se faire confiance comblerait un peu le fossé qui les séparait.
Enfin, il s'adressa à Nérys.

"Le plus urgent, comme l'a dit Jonathan, est d'acheter le matériel nécessaire pour un minimum de confort, et la nourriture pour les prochains jours. Peut-être qu'il serait prudent de transférer l'argent sur un nouveau compte qui nous serve de façade. Mais mon principal souci reste l'acheminement des fournitures jusqu'ici... Je n'arrive pas à imaginer comment nous allons transporter tout ça sans accès routier..."

Il regarda le groupe en espérant que l'un d'eux aurait une idée. Il sourit de les voir là, préoccupés par toutes ces questions essentielles, prêts à faire tout ce qu'il faut pour sauver l'orphelinat et ses habitants.