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MessageSujet: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyMer 12 Nov 2014 - 23:00

Green.. Green n'avait jamais été source d'ennuis.
Les ennuis, il les fuyait.
Au mieux, il les affrontait pour Blueann, au pire, il préférait se tirer quelques temps pour laisser le monde s'apaiser un peu. Le monde ne s'apaisait jamais bien sûr, il était sans cesse déchiré, et c'était devenu bien plus vrai depuis que les sorciers noirs étaient au pouvoir. Allez savoir s'ils avaient fait une bonne affaire en tentant de répandre leur domination au monde entier.
Green n'en savait rien. Il n'était pas plus heureux depuis. Tout juste moins asservi.

Non, vraiment, il n'était pas fouteur de merde, rien à voir avec sa famille de tarés, Red le premier, bien, bien loin devant, peut être même devant leurs parents. Les Souls étaient des gens spéciaux, mais ils étaient tous malgré tout noirs pour une bonne raison.
Green, c'était sa colère. Quelque chose d'épais, sale, tellement puissant qu'il n'était pas question de repousser ces pulsions infâmes. Non, habituellement il fallait les enchaîner. Mais aujourd'hui était différent. Comme il était doux de les libérer pour un instant..

Juste cette fois, souffle-t-il pour lui même. Juste cette fois.

Green n'avait jamais été un bon téléporteur. Il avait des qualités multiples, et il savait parfaitement manier son pouvoir : les rêves, c'était son truc. C'était d'ailleurs très bien trouvé pour un gamin qui n'souhaitait toujours que fuir la réalité. Sa réalité.
Bref, il avait malgré tout appris à se téléporter. C'était raté, le plus souvent, à cause de ces pensées parasites comme « surtout, n'pense pas à une fontaine ! » Ca gâchait tout.
Pas aujourd'hui, pourtant.

Quelques minutes après, il claquait la porte d'Anja, sa force cumulée à son don faisant hurler la chambranle de bois. Il aurait du se calmer.
Il ne pouvait pas.
Mais il aurait du.

D'un geste de la main, il referme la porte. Il n'a pas, et n'a jamais eu le niveau pour utiliser sa lévitation transformée en une sorte de télékinésie sans gestes. C'était la vie dure d'être un sorcier tout de même. Pour ça, les humains étaient plutôt doués.

Il traverse la salle de grandes enjambées souples. Pas de force surhumaine mais la démarche d'un félin hérité de leur mère. Quelle lignée sensationnelle ! Pourtant, cette fois-ci, pas de paroles dures à distance. C'est du grand n'importe quoi, se dira-t-il sûrement après - si seulement il sort d'ici vivant - vraiment un plan à chier.
Le problème étant bien sûr qu'il n'avait pas de plan. Sinon.. sinon ç'aurait été mieux.

Bref, il traverse donc la salle, s'approche de sa supérieure et, télékinésie aidée d'un soupçon de colère brutale et la voilà plaquée contre un mur, l'avant bras sous la gorge et les yeux du jeune, et insouciant Soul braqués dans les siens. Il joue son emploi, là.
Non, pas vraiment, il joue sa vie à vrai dire. Mais sur le moment, il s'en fou, parce que son pouvoir est ce qu'il a de plus précieux dans la vie, et qu'il le maîtrise à présent plutôt bien. Son pouvoir ne le trompe pas, et son pouvoir lui a fait voir des choses.. intéressantes. N'est-ce pas Anja ?

— Quelque chose à me dire peut être ? siffle-t-il.

Il incline la tête. Voilà un geste typique d'une haine profonde ! Jolie démonstration de perte de contrôle, parfait, parfait !

— Un petit quelque chose à voir avec un accouchement peut être ?

Green ne sait pas tout. Bien sûr que non, ça serait trop facile. Mais à force de rentrer dans la tête de la merveilleuse Anja, et de la voir accoucher, puis donner quelque chose de pleurnichard à un inconnu, les questions sont apparues.
Le bébé - ça devait en être un, pourquoi diable aurait-elle tenu un chat dans ses mains ? - n'avait pas de visage. Pas de corps non plus. Juste un miaulement étrange.

Le reste se cachait derrière un écran noir, un mur de protection totalement hermétique. Clairement, Green, ça l'rendait fou. Ca l'agaçait, et il avait mis bien longtemps - faut croire qu'il n'est pas aussi intelligent qu'il en à l'air - avant de trouver une idée.
Peut être ne fallait-il pas chercher qui était le bébé. Mais à qui. Voilà, à qui.
Il n'avait rien trouvé non plus, ça, c'était secret gardé. Mais Cross et Rosenrot avaient fusionné, finalement - ça ne lui plaisait pas du tout. Dorian Cross était un con, il fallait se l'avouer - et .. il avait eu vent d'un enfant de Mohammed et Laure. Un tout petit bébé dans leurs bras.
Dans sa tête, Laure n'avait pas pu accoucher : elle aurait tué l'enfant à sa naissance. Enfin, ça bien sûr, c'était sa logique - ah, quand l'intelligence manque.. - et il avait fouillé les têtes des esclaves. Et des esclaves, franchement, c'n'est pas ce qui manque.

Green avait donc fait des conclusions hâtives et c'était gentiment dirigé vers l'abattoir. Menacer sa supérieure était stupide, personne ne pouvait lui enlever ça, mais il avait le culot de le faire. Il faisait un peu penser à ce jeune adolescent, au nom rappelant la couleur des prairies, pliant le morceau de fer donné par son instructeur pour le calmer.
Puis bien sûr, avec la main ensanglantée il faisait moins le malin. Puis la douleur le faisait rager. Cercle vicieux, vous voyez.

Il n'avait pas peur d'Anja pourtant.
Ah, Anja, Anja, Anja.
Terriblement belle, terriblement elle.
Et leurs visages sont près, sont si près.. il ne devrait pas. Non vraiment, il ne devrait pas faire ça.
Un léger sourire en coin naît sur le visage du jeune Green. Léger léger. Et tout ce qu'il a dans la tête à présent, c'est leur entrevue si spéciale.

Tellement spéciale que visiblement, Anja n'en est pas restée là.


« Il est où le bébé ? Ah le voilà ! Il est où le bébé .. ? Ah le voilà ! »

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Dernière édition par Green Soul le Jeu 13 Nov 2014 - 12:06, édité 1 fois
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Anja L. von Duisbourg
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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyMer 12 Nov 2014 - 23:54

Le feu crépite dans la cheminée alors qu'Anja regarde le papier se désintégrer. S'étioler. Se dissoudre dans les flammes rougeoyantes.
Désormais, elle le sait, elle ne peut plus garder les lettres qu'elle écrit à sa mère. Ces lettres qui sont autant de preuves de sa bêtise, cette terrible bêtise au détour d'une envie, d'une pulsion... Cette bêtise qui a fait naître en elle des sentiments beaucoup trop dangereux pour Rosenrot.
Non. Pas une bêtise. Cette chose avait un nom. Elaïa.
Et Elaïa était belle.

Combien de fois la sorcière noire s'était-elle, au mépris des risques pour sa fille et pour son organisation, glissé en douce dans la chambre de la petite ? Bien cinq ou six fois depuis que Mohammed en était devenu le père légal... Avec sa télékinésie, il lui était facile d'ouvrir la fenêtre et de venir se pencher au dessus du berceau, caresser une joue, chuchoter un mot au creux de l'oreille de cet enfant qu'elle n'avait jamais désiré.
Et qui pourtant aujourd'hui existait.
Anja savait qu'elle ne pourrait pas faire ça pendant longtemps. Bientôt l'enfant grandirait et ne devait en aucun cas apprendre qui était sa mère. Personne ne devait le savoir.
Personne n'aurait dû le savoir.

La lettre a presque entièrement été mangée par le feu à présent. Les mots sont dévorés par le néant de la chaleur et, pourtant, ils restent gravés en Anja, comme marqués au fer rouge.


12 Novembre 2014


Liebe Mutti,
Je pensais pourtant que rien, jamais rien ne pourrais me trahir. J'avais assuré mes arrières, n'emportant avec moi lors de mon accouchement qu'une esclave en qui j'avais entièrement confiance. Et Mohammed à qui j'avais fait promettre de ne rien dire à personne. Même pas à Laure. Et surtout pas à Dorian.
Quant à l'identité du père, je ne l'avais révélée à personne. J'avais même créer un blocage à l'aide d'un télépathe dans ma tête afin que cette information soit totalement brouillée au cas où quelqu'un découvrirait par hasard ma nature de mère. Même si cela me semblait bien évidemment complètement improbable. Et impossible.
Cette certitude s'est écroulée en un instant.

Lorsque j'ai vu Green entrer dans mon bureau, lorsque j'ai vu cette haine et cette colère dans son regard, cette folie au fond de ses yeux, j'ai tout de suite compris pourquoi il venait.
Je ne savais pas comment il l'avait appris, mais c'était évident qu'il savait.
Pour Elaïa. Notre fille.

C'est pour ça que je n'ai rien dit quand la porte a claqué derrière lui. Rien dit non plus quand le soldat, presque folie meurtrière, à traverser la pièce. Et absolument rien fait lorsqu'à la force de sa colère et de son don, il m'a projetée contre un mur.
J'aurais pourtant pu opposer mon pouvoir au sien, faire barrière avec ma propre télékinésie. J'aurais pu l'envoyer balader à l'autre bout de la salle ou, même, appeler un de mes gardes pour qu'il me débarrasse de cet intrus.
Je n'ai même pas essayer.
J'ai laissé Green m'acculer à ce mur, son bras contre ma gorge, sa colère contre ma douleur, sa haine contre mes doutes.

— Quelque chose à me dire peut être ?

Je n'ai même pas cligné des yeux. Il fallait que je me contienne, il ne fallait que mon masque de glace reste collé à mon visage, aujourd'hui plus que jamais. Ce masque que j'ai construit après ta mort maman, ce masque qui ne m'a plus jamais quittée. Ce masque qui est devenu à la force du temps mon visage et dont je ne saurais même plus me débarrasser.
Ce masque qui, à ce moment très précis, à failli voler en éclat.

— Un petit quelque chose à voir avec un accouchement peut être ?

Le masque a explosé alors qu'un léger tressaillement de mes lèvres a trahi mon mensonge. Ne pas faire attention, reconstruire le masque le plus vite possible.
Même s'il était trop tard. Même si Green avait déjà dû voir. Essayer de tenir le mensonge le plus longtemps possible et de ne pas flancher.
Il en va de la vie de ma fille.

- Green Soul. Magnifique petit numéro je le reconnais. J'applaudirai bien, mais je suis comme acculée à un mur. Tu m'en voudras pas n'est-ce pas ?

Il ne fallait pas que ma voix tremble. Pas que je regarde son sourire malsain et si proche de moi. Et ses lèvres. Ses lèvres qui un jour se sont posés contre les miennes, avant de continuer leur course plus loin. Ses lèvres contre mon corps et mon corps contre ses lèvres. Nos deux corps de percutant, se rencontrant, se partageant. Lui à l'intérieur de moi, me laissant un souvenir impérissable.
Ou, au contraire, bien trop périssable. Et tel est le problème.

- Quand tu auras fini de jouer avec ta vie de manière aussi immature, tu me préviendras. Ah. Et je ne sais absolument pas de quoi tu veux parler, mais je n'apprécie guère ta manière d'engager la conversation.

Je n'aimais pas du tout la proximité de son visage et du mien. Il était si proche maman, que je pouvais sentir son parfum envahir mon être. Et son souffle caresser mon visage.
Et, bizarrement, cela semblait me plaire.

[...]


Anja effleure sa gorge. La douleur du bras de Green contre son cou semble encore pulser dans ses veines. Ainsi que sa chaleur.
La même chaleur que les flammes dans l'âtre. Dévorante et dangereuse.
Mais terriblement attirante.

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Déchirure.  »



« Pis donner à bouffer à des pigeons idiots
Leur filer des coups d’ pieds pour de faux
Et entendre ton rire qui lézarde les murs
Qui sait surtout guérir mes blessures »


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Solitaire | Âme verte
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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyJeu 13 Nov 2014 - 19:24

« Knowledge is our best weapon. »

N'est-ce pas ?
Les gens qui en viennent à trop réfléchir ont toujours été un fléau pour ceux qui réfléchissent depuis bien longtemps. Green était un fléau pour Anja, parce qu'Anja était au sommet du monde. La chute est bien plus terrible lorsqu'elle provient du sommet du monde, vous savez. Green le savait - comme il savait bien d'autres choses gênantes - et comme il le savait, il se doutait bien que sa supérieure n'allait pas dire simplement « Oui, bon, d'accord, j't'ai fais un enfant, et j'm'en suis débarrassé. »

Il ne sourit pas à cette idée, non non, il pense à autre chose : pourquoi diable ne suis-je pas déjà fracassé dans un coin ? Il connaît la violence froide de la blonde. Au mieux, il s'attendait à un quelconque heurt contre un quelconque mur, meuble, table, bureau ? Au pire il se voyait déjà mort.
Mais quand le mieux, est encore mieux que c'qu'on pensait, ça craint.

Visage contre visage, les mots sont jetés, un peu comme des dés. On attend le résultat : un trois, un six, un double deux, un tressaillement tout léger, un double six.
Anja n'est pas le genre de femme dont les mensonges peuvent éclater comme une vitre éclate sous le jet d'une pierre. Green le savait - .... comme il savait bien d'autres choses gênantes, encore une fois. Anja était plus un morceau d'acier qu'au mieux, on pouvait cabosser, à condition de savoir que le côté qu'on ne voyait pas était plus que cabossé.
On pouvait croire au premier regard que tout était parfait, solide, imperfectible.

Tout n'était que mensonge, assurance et tromperies. Et une fois qu'on avait compris.. une fois qu'on avait compris, on pouvait entrer dans le jeu. Quand on connaît les règles, il y a moins de désavantage - bon bien sûr ici, il n'est pas question d'équité, Anja pouvant supprimer Green si elle l'ose.
Oser.
Qui gagne dans la vie ?
Ceux qui osent.
Qui meurt dans la vie ?
Celui qui ose ?
Qui entre dans les soucis ?
Green Soul. Après tout, les personnages endommagées sont les plus dangereuses : elles savent qu'elle ne peuvent pas survivre.

- Green Soul. Magnifique petit numéro je le reconnais. J'applaudirai bien, mais je suis comme acculée à un mur. Tu m'en voudras pas n'est-ce pas ?

Il se recule légèrement, sourcil froncé qui lui crée ces rides entre le front et le nez. L'humour froid, cinglant de la blonde est intact, comme un mur d'acier pour se protéger. Un mur créé par des lamentations qui touche presque le ciel, mais pas si épais que ça. Pas si épais qu'elle ne voudrait le faire paraître.
Le paraître n'est plus très utile quand on sait ce qu'il y a derrière. Oh Anja, comment as-tu pu laisser d'effilochement ton masque surfait ? C'est dommage. Les résolutions du soldat auraient pu fondre, tout simplement. Mais .. quelque chose cloche, n'est-ce pas ? Quelque chose ne tourne pas rond, puis tant qu'à y être maintenant, autant foncer jusqu'au bout.

- Quand tu auras fini de jouer avec ta vie de manière aussi immature, tu me préviendras. Ah. Et je ne sais absolument pas de quoi tu veux parler, mais je n'apprécie guère ta manière d'engager la conversation.

Le sourire sur les lèvres du brun disparaît, happé par la colère devenue souveraine. A nouveau. Il se recule légèrement - quel homme civilisé finalement - puis complètement, laissant l'air circuler entre leurs corps. Pourtant, plus il se recule, plus il prend du recul, moins il arrive à respirer. Comme si il avait touché du bout des doigts ses souhaits pour mieux les laisser s'échapper.

Mais cette fois-ci tout à changé. Alors qu'Anja avait brisé le cœur de Green comme de la vaisselle - dans un excès de colère et sans jamais y repenser après - il n'avait plus cette candeur naïve d'avant, et encore moi ce je m'en foutisme sans cesse présent.
Il avait grandit.
Il avait appris.
Il n'était plus un pion. Ni un cavalier pour sa reine.
Il était le fou.

Il ne chassait plus les ombres mortes de la veille non; il avait laissé les voleurs d'âme s'approcher : ça rendait le jeu tellement plus existant ! Mais il avait quelque chose à cacher, lui aussi : si Anja avait bel et bien eu un enfant de lui, alors il ne pourrait pas le tuer. Une fille, un garçon, aucune importance. Il ne pourrait pas. Ne pourrait jamais qu'Anja lui ait volé sa vie ou non.
Mais encore fallait-il qu'elle l'apprenne.

Il gardait quelque chose d'Anja avait lui, tout l'temps. Des souvenirs; pas vraiment, plutôt une sensation sans cesse en l'approchant. Quelque chose en plus qui avait débarqué, un jour, et que, quoi qu'il fasse, les erstaz de sa supérieure ne parvenaient pas à la lui faire oublier.

Ils jouaient un jeu de sourds, c'était marrant.

Voilà, on y est. Elle le regarde et il se tait, rien n'a changé depuis la dernière fois.
Ah, la dernière fois.. si vous saviez.

- Tu ne vois donc vraiment pas ce que je veux dire ? dit-il calmement, passant sa langue sur ses lèvres au goût un peu mièvre des souvenirs indolents. Passés. Passés comme un passé qui ne passe pas, justement. Alors m'aimes-tu donc ça ce point ?

Ah, quand la colère est impulsive, on n'peut rien à tirer. Mais quand elle devient implacable, méthodique et acharnée - cruelle tant qu'on y est - Green sait un peu mieux la manipuler. Comme une petite lame tranchante se baladant sur les poignets.

- Notre dernière entrevue t'aurait-elle laissé des sentiments pour que tu ne te débarrasses pas de moi en un instant ?

Bien sûr, Soul était quand même un soldat important, il faisait bien son job, toujours au mieux qu'il pouvait - quand il était avec Evan c'était différent - et savait jouer un rôle presque parfait. Mais de là à ne pas l'abimer du tout..
Il incline la tête et passe une main dans ses cheveux. Tics de nerveux ? Peut être.. peut être.
Ou pas.
L'asthénie s'est enfuie. Il n'a plus peur, plus mal, il ne beugle plus contre l'injustice de sa vie. Il a baissé les bras. Et tu devrais faire attention, Anja. Comme un cheval qui court après son cerveau, comme un chien après des os, Green court après ta douleur. Ta douleur, sa rancœur, et mieux qu'une vengeance : du pouvoir.

Petit soldat asservi en a eu marre.


« I'd rather feel pain than nothing at all. »

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Anja L. von Duisbourg
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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyVen 14 Nov 2014 - 14:32

La lumière des flammes sur le visage d’Anja crée un jeu d’ombre s’amusant à la masquer.
Masquer.
Masquer nos émotions, masquer quand on a mal, masquer la vérité, masquer quand on aime, masquer nos faiblesses.
Toujours masquer. Tout au long de notre vie, pour ne pas faillir, pour ne pas mourir, pour ne pas tomber. Pour ne surtout, surtout pas que les autres puissent voir cette blessure au fond de son cœur, ce heurt qui la dévore de l’intérieur et qui bouffe ses entrailles. Rester forte pour pouvoir tout contrôler, maîtriser.
Oh oui porter un masque pour garder le contrôle. La belle sorcière ne pouvait s’en empêcher.
Mais des fois ça ne marchait pas.
Des fois le masque tombe.
Des fois le contrôle est perdu.
Et les mots continuent à tourner dans la tête d’Anja...

[...]

Que se passe-t-il quand le pion arrive tout au bout du plateau, chez les ennemis ? Il devient reine Mutti, une nouvelle reine pour pouvoir manger encore plus des pions adverses. Une nouvelle reine qui vient secourir la première, la sauver.
Mais que se passe-t-il alors quand les pions se changent en fou ? Que se passe-t-il quand on se retrouve avec une pièce qui va de travers, qui n’écoute pas et qui pourtant a suffisamment d’important pour qu’on préfère sacrifier un pion plutôt qu’elle ?
Green Soul n’est plus un misérable pion.
Green Soul est devenu trop important. Trop grand. Trop fou. Et la reine ne sacrifie pas ses fous n’importe comment.
Surtout quand il leur a fait l’amour.

Green a eu l’air de ne que peu apprécier mes paroles vu la manière dont il a reculée. De la haine. De la haine et de la colère régnaient au fond de ses yeux. Mais... quelque chose d’autre également ; quelque chose que je n’étais pas en mesure d’analyser, de comprendre.
Green Soul était un fou mystérieux.

- Tu ne vois donc vraiment pas ce que je veux dire ? Alors m’aimes-tu donc à ce point ?

Je n’ai pas compris. De... de l’amour ? Je ne connais pas ce mot, je ne connais plus ce mot. Je l’ai enterré quelque part entre ta tombe et celle de mon père. Et lui, ce simple soldat avec une famille qui se déchire dans la haine et la colère, se permet de venir me parler d’amour.
« Je ne sais pas aimer » ai-je envie de répondre. « Et toi non plus, d’ailleurs, tu ne sais plus aimer ». Il n’y a qu’à voir la façon dont il regarde ses frères quand il les croise dans les couloirs. Ou ses parents. Même Bleuann il ne semble plus l’aimer.
Il semble juste les haïr.
Oui, mais au fond, la haine n’est-elle pas une forme extrême de l’amour ? Elle fait mal, elle blesse, elle s’infiltre dans nos cœurs pour tout détruire.
Elle nous fait ce sentir vivant.
Exactement comme l’amour.

L’amour. Je prétends ne plus aimer, maman. Mais est-ce vrai ? Vrai que je n’aime pas ? Et ce petit poignard dans mon cœur qui mord ?
Elaïa.
Bien sûr, Elaïa.
Ce n’est pas Green que j’aime. C’est Elaïa.

- Notre dernière entrevue t’aurait-elle laissé des sentiments pour que tu ne te débarrasses pas de moi en un instant.

Une fois de plus j’ai eu envie de lui balancer ma haine à son visage. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas parce que lui accorder la haine serait reconnaître que j’éprouve quelque chose pour lui.
Que j’éprouve des sentiments à son égard.
À la place de ça je ne peux que tenter de jouer avec les mots. Jouer pour ne pas me perdre. Et pour ne pas perdre.

- Te voilà bien présomptueux pour un simple soldat. Et stupide pour ne pas voir ta valeur dans l’organisation. Green Soul... Dernier fils de la famille Soul, une des familles les plus noir de Rosenrot. Green Soul, le déviant, celui qui a voulu partir, celui qui doute des noirs. Green Soul. L’être le plus précieux pour nous de tous les Soul. Oui, plus précieux que Red ou Bianco. Ou que tes parents.

C’était une bonne idée. Jouer avec l’organisation plutôt que juste entre nous deux.

- Sais-tu pourquoi le fou est plus important que le pion ? Parce que c’est celui qui ose. Celui qui vient agresser sa reine dans son château. Celui qui n’a pas peur de la mort.

Une excellente idée.
Qui ne suffirait sans doute pas.

[...]


Et les flammes continuent leur danse lancinante au fond de l’âtre...

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyVen 14 Nov 2014 - 19:34

Dans la vie, y'a ni méchant ni gentil.

Vous le savez n'est-ce pas ?
J'espère que vous l'savez.

Green, c'n'est pas un gars méchant. Il n'est pas foncièrement méchant. Il ne l'a jamais été. Et face à Anja, tout c'qu'il voit c'est leur haine.
Pour pouvoir haïr les gens, il faut les avoir eu en affection un jour ? Est-ce que c'est vrai ?
Non.
Pour pouvoir haïr les gens, faut avoir des motifs, et Anja les avait déjà étalés sous les yeux d'un jeune Green bien naïf. Elle lui avait volé sa vie.
Et il n'avait jamais compris. Jamais compris pourquoi elle avait fait ça. Il n'était pas assez important - surtout à cette époque là, un jeune à tête de gland, on en trouvait de partout - pour qu'on ait réellement envie de le ramener sur le droit chemin. Il ne faisait du tord à personne, c'était certain. Mais ça lui avait peut être plu.
Détruire c'qu'on ne peut pas dormir.

Qu'est-ce qui te fait ouvrir les yeux le matin, Anja ? Qu'est-ce qui t'empêche de les garder fermer à jamais ?

- Te voilà bien présomptueux pour un simple soldat. Et stupide pour ne pas voir ta valeur dans l’organisation. Green Soul... Dernier fils de la famille Soul, une des familles les plus noir de Rosenrot. Green Soul, le déviant, celui qui a voulu partir, celui qui doute des noirs. Green Soul. L’être le plus précieux pour nous de tous les Soul. Oui, plus précieux que Red ou Bianco. Ou que tes parents.

Il sourit.
Demi sourire, quart de sourire, plus rien.
Plus rien du tout, juste un soupçon ne haine dans ses mains.
Jeune soldat perdu dans les dédales de ses propres émotions, il n'en sortira jamais, il est gouverné par la colère, la rancoeur, l'amour, l'envie; jamais la peur. La peur scie ses veine pourtant, chaque jour, chaque matin, les brûlures dans son dos lui faisant coucou de l'arrière à chaque fois qu'il croise son paternel. Mais ça ne changeait rien.
Ça restait à l'arrière, l'air mutin, sans jamais se décider à faire de Green Soul un animal raisonnable.
Il était tout sauf ça.
Bien pire que Red, qui malgré tout, écoutait, exécutait. Obéissait comme un chien de chasse enfin lâché. Green n'avait rien d'un soldat - encore moins d'un gradé, non non, - mais rien non plus d'un pauvre gars. Il était juste là. Instable.
Borderline.
Qu'est-ce qui le rendait précieux ? Rien.
Il n'en savait rien. Mais l'idée le flattait - ah, l'ego des hommes - et il avait envie d'y croire. Comme un enfant qui s'invente ses propres histoires pour ne plus avoir peur du noir. De la même façon. En fermant les yeux un instant, en dessinant des formes aux héros de l'histoire puis en y mettant son cœur.
Green garde les yeux bien ouverts. C'est Anja qu'il a en face de lui. Une vipère.
S'en rappeler c'est se sauver.

- Sais-tu pourquoi le fou est plus important que le pion ? Parce que c’est celui qui ose. Celui qui vient agresser sa reine dans son château. Celui qui n’a pas peur de la mort.

Pour avoir peur de la mort, faudrait savoir c'que veux dire la vie, et si Green avait pris l'habitude de battre en brèche son destin a chaque pas, c'n'était plus le cas. Un soldat qui baisse les bras, les épaules lourdes, le cœur charg.. Quel cœur ?
Ah, en effet.
Soldat au regard froid, la poitrine vide et le sourire éclatant. Plus besoin d'faire semblant.

— Sais-tu pourquoi le fou peut avoir la reine ?

A la question « y a-t-il un double sens à la question ? » la réponse est oui.
Green avait eu la reine. Dans tous les sens du terme. Il l'avait eue.
Il l'avait baisée, il avait couché avec, il l'avait dépucelée, et tout pleins d'autres termes sales et souillés. Il ne lui avait pas fait l'amour. On fait l'amour aux gens qu'on aime.
Seulement, aux gens qu'on aime.
Et les illusions, c'n'était pas son don à lui, non, il savait que dans un autre monde, dans un monde où Anja ne contrôle pas sa vie, où Green et Anja sont juste Green et Anja, et bien ils ne s'aimeraient pas.
Avez-vous déjà été attiré par quelqu'un sans savoir pourquoi ? Vous avez beau aller au bout de vos désirs, ça ne change pas, vous avez beau le haïr, ça ne change rien. Et pourtant, ils étaient allés au bout de leur idée - quand Green y repensait, quand même, c'était insensé - puis plus rien.
Un retour à la normalité.
Le soldat n'était pas le genre de gars qui salissait les femmes. Non pas que ça soit une question de respect - le respect, faudrait encore lui inculquer - mais plus une question de vision des choses. Les femmes savaient avoir le pouvoir.
Pourquoi Green - insortable, le garçon - s'approche de sa supérieure, proche, proche, ah.. Beaucoup trop proche.
Des doigts qui viennent sous le menton, qui caressent la courbe de la mâchoire et relèvent le visage légèrement.

— Parce que parfois, pour gagner la partie, il faut la sacrifier.

Il tient son monde entre ses mains. Il n'en a pas encore conscience. Il aime attribuer ce qu'il lui arrive au destin, à la chance. Pourtant se sont ses doigts qui le tiennent, le pressent et le malmènent, que même dans ses jours de doute, ou de démence, seuls ses choix peuvent le sortir de l’inconstance. Alors il préfère crier, hurler de ses cris sourds, criant l'injustice du monde, sans savoir que c'est lui qui choisit cette existence furibonde.
Au fond, il aime sûrement ça.

— Il ne vivra pas longtemps si tu continues de le nier, tu le sais.

Au fond, il est payé pour ça : tuer. C'est son job, sa spécialité.
Mohammed pourra tout faire, rien ne changera.
Alors il peint soigneusement sur son visage un mépris qu'il n'a pas. Il arrange ses traits comme si Anja le dégoûtait.

— Sa vie pour celle de Chloé, même si la mort d'un monstre n'pourra pas la venger.

Parce que les mots font bien plus de mal que les actes. Parce qu'un coup de point s'efface mais qu'un jugement sanglant laisse des traces. Parce qu'on répète sans cesse que ça ne nous touche pas, que ce n'est pas grave, que ça ne nous atteint pas et qu'on le répétera, parce que c'est plus facile comme ça. Parce qu'on jette des mots sur les autres, parce qu'éparpiller les morceaux est plus simple que les recoller. Parce qu'on ne fait pas attention mais qu'on devrait, parce qu'on ne voit rien, qu'on est aveugle, qu'on est sourd, et blessé, qu'on est en colère, et qu'on préfère foncer pour oublier plutôt que réparer notre passé en galère. Parce qu'on est humain et fatigué, on n's'aperçoit pas que même l'inatteignable peut se briser.
Mais Anja n'avait peut être pas d'âme après tout.
Peut être même pas d'cœur, ou d'empathie, ou rien du tout.

Et Green se voyait perdre. Il abattait des cartes lourdes et inutiles, sans pouvoir se résoudre à arrêter.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyDim 16 Nov 2014 - 19:12

Avant, quand Anja fermait les yeux, c'était souvent le visage de sa mère qu'elle voyait. Sa mère, son modèle, le seul être ayant de la valeur à ses yeux.
Maintenant, quand Anja ferme les yeux, c'est Elaïa qu'elle voit. Ce petit être potelé aux yeux foncés comme son père et à la tignasse blonde de sa mère. Cette petite chose si fragile que la sorcière noire ne pouvait pas protéger.
Sa fille. Et celle de Green.

[...]

Les yeux de Green sont comme la nuit Mutti. Une nuit sans Lune et sans étoile, froide et noire, profonde et terrifiante. Une nuit qui vient nous hanter jusqu'au plus profond de notre chair et qu'on essaie de fuir en s'enfermant chez soit.
Les yeux d'Elaïa aussi sont noirs. Mais il y a comme des étoiles enfermées dans les siens. Les étoiles pures et innocentes de l'enfance. Sans doute parce qu'elle n'a pas encore vu la mort, l'ignobilité des humains ou la haine dans les yeux des hommes. Peut-être que Green aussi avait des yeux pleins d'étoiles quand il était enfant...

Je regardais Green et je ne pouvais m'empêcher de le comparer à notre enfant. Il lui ressemblait plus que j'aurais bien voulu l'admettre. Plus que ce qu'elle mérite. Parce que je ne veux pas que notre fille soit comme nous.
Incapable d'aimer.

— Sais-tu pourquoi le fou peut avoir la reine ?

Ses doigts viennent caresser la courbe volontaire de mon menton, me forçant à relever la tête, à le fixer droit dans les yeux. Je me sens comme une misérable mouche, prisonnière d'une toile d'araignée, voyant l'énorme bête velue s'approcher pas à pas de moi, ses yeux me dévorant du regard.
Et le fou prend la reine...

— Parce que parfois, pour gagner la partie, il faut la sacrifier.

Green m'a eu une fois, c'est vrai Mutti. M'a-t-il sacrifié pour autant ? Pourquoi ce mot, pourquoi un "sacrifice" ? Je ne suis pas morte...
À moins qu'il ne parle pas de moi.

— Il ne vivra pas longtemps si tu continues de le nier, tu le sais.

Quelque part dans ma poitrine, mon coeur a raté un battement.
Il ne parlait pas de moi, mais d'Elaïa. De cette petite bouille même pas si jolie et pourtant fascinante. De cet être que je vais parfois visiter la nuit et qui, étrangement, fais battre quelque chose en moi.
De cette chose qui semble me crier le chemin vers l'amour.

— Sa vie pour celle de Chloé, même si la mort d'un monstre n'pourra pas la venger.

J'ai dû me retenir pour ne pas l'envoyer à l'autre bout de la pièce d'une gifle magistrale. Je ne pouvais le laisser tuer notre enfant. Ni la traiter de monstre.
Elle n'avait pas choisi de vivre. Et c'était une humaine. Il y avait des milliers d'être bien plus monstrueux qu'elle a condamné préalablement. Chloé pour n'en citer qu'une.

Cependant je ne pouvais pas laisser transparaître mes émotions. Je ne pouvais pas lui montrer à quel point ce qu'il me disait me touchait, me brisait.
À quel point ça me faisait mal d'imaginer la mort de ma fille. Cette fille que j'ai haïs toute ma grossesse. Cette fille que je ne voulais jamais voir sortir de mon ventre. Cette fille qui me dégoûtait et me révulsait.
Cette fille qui m'a sourit à sa naissance.

- Tu crois vraiment que je l'aurais laissé vivre ?

Je me suis forcée à sourire et, cette fois, c'est moi qui me suis rapprochée de lui. Prêt, si prêt que j'aurais presque pu entendre son coeur battre contre ses tempes. Assez prêt pour lui montrer que c'était moi qui dirigeait.
Qu'il n'était qu'un foutu pion dans mon jeu d'échec. Peut-être pas un des plus sacrifiable, mais qu'il était et ne restait qu'une pièce dans ma vie.
Sur le plateau de mes émotions que je pouvais balayer d'un geste de la main.

- C'était un garçon. Il n'a pas vécu assez longtemps pour se voir offrir un prénom. Mais peut-être qu'une couleur lui aurait bien convenu. Il te ressemblait, tu sais.

Je m'efforçais de mentir pour mieux brouiller les cartes. Je ne pouvais pas le laisser tuer Elaïa. Il fallait absolument qu'il croie qu'elle était morte.
Ou ça serait lui qu'il me faudrait tuer.

Et étrangement, la reine n'avait plus vraiment envie de se débarrasser de son fou...

[...]


Elle était définitivement prête à beaucoup pour son enfant. C'était d'ailleurs pour cela qu'elle l'avait éloignée du coeur de Rosenrot.
Pour pas que les gens voient à quel point c'était son point faible.
À quel point elle était en train... d'apprendre à aimer.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyDim 16 Nov 2014 - 21:53

Anja, Anja, Anja.
Anja et Green.
Ça ne signifiait rien pour elle, n'est-ce pas ? Elle faisait table rase d'une main légère, envoyant les pions les plus lourds au sol et Green était là à se demander pourquoi il était encore là, debout, droit, le regard froid.

L'ego pavant ses pas devant la belle Anja.

Il aurait adoré qu'elle finisse par lui hurler dessus, mais ses mots étaient des lames glacées qui tranchaient net, ne laissaient aucun répit et sûrement pas l'opportunité d'y échapper. Il voyait les coupures se multiplier, Anja qui tentait de s'échapper de l'audace d'un soldat trop tenace.
Et elle se débrouillait merveilleusement bien.

- Tu crois vraiment que je l'aurais laissé vivre ?

Il cligne des yeux.
Forcément il est surpris, il ne regarde pas dans les yeux de sa supérieure - peut être aurait-il seulement vu le mensonge - et malgré le fait qu'elle soit bien proche, il lui tourne le dos, la tête droite mais le cerveau en ébullition. Il aimerait savoir faire la part du vrai, et du faux, mais il ne peut pas parce qu'Anja joue déjà trop bien à ça.
Il n'en avait pas besoin quand il était petit, ni avec Chloé, ni à son retour : il n'avait pas d'émotions il était détruit. Il avait bien appris depuis, pour leurrer les autres : pas pour discerner les mensonges construits avec soin.

- C'était un garçon. Il n'a pas vécu assez longtemps pour se voir offrir un prénom. Mais peut-être qu'une couleur lui aurait bien convenu. Il te ressemblait, tu sais.

Il n'a aucune idée de pourquoi cette phrase a un tel impact; n'est-ce pas injuste ? La phrase cogne dans sa tête, encore, encore, encore, il la tourne, la retourne, cherche un autre sens.
Son enfant était mort ?
Mort ?
Est-ce que seulement ça avait de l'importance ?
Est-ce que l'enfant qui avait seulement un jour compté n'était pas Myaw ?

— Tu admets donc avoir eu un enfant, il sourit, c'est amer, alors que tu le niais.

Il fait craquer ses phalanges bruyamment, et le calme revient subitement. Dans sa tête, du moins, car l'atmosphère dans lequel ils sont coincés reste malsain. Tâché de rouge, tâché de vert - ça ressemble aux camaïeux de douleur de ses frères et sœurs - et de mensonges. Pas qu'à l'autre.
A eux-même.
A lui-même.

— La confiance est un miroir, lâche-t-il finalement.

Tu le brises, mais ce sont tes propres fêlures que tu vois apparaître, la colère, la déception, l'amour qui te l'ont fait briser ne démultiplient que des reflets étalés sur le sol.
Tu n'peux jamais recoller les morceaux comme ils étaient au départ, c'est certain, mais Anja et Green n'avait pas eu de départ, leur commencement c'était une mort sur le trottoir. On a déjà vu mieux.

— J'aurais pu assumer un enfant de toi, Anja. J'aurais pu l'protéger, j'aurais pu|

Ses mots se tarissent subitement dans sa bouche alors sèche. Il ne sait plus que croire, peut être que l'enfant est vivant, les chemins se séparent et sa raison n'sait plus faire le bon choix - comme si elle avait un jour su faire ! - alors il est là comme un enfant perdu.
Jamais trouvé.
Le sien ?
Lui, dans le passé ?

Il regarde Anja, et pour une fois, il aimerait bien des réponses, quelles qu'elles soient. Des réponses vraies, dans un monde toujours faux, et Anja lui en a toujours donné : Chloé, puis sa virginité : ça en faisait partie ça, non ?
Il voudrait un monde un peu plus stable, un peu moins masqué, le sens de sa vie qui s'en va il en a marre, il préférerait être.. ailleurs. Mais ça, c'n'est pas nouveau.
Il n'a jamais cessé d'le demander.

Un canon sur la tempe il regarde presque ses doigts sur la détente. Et le goût de ses lèvres qui n'est jamais parti, ressemble à la balle partie qui épouse les courbes de son corps. C'est l'histoire d'un soir qui s'transforme en cette histoire moins banale, tellement cruciale, et c'est important pour Green.

« Il te ressemblait, tu sais. » Alors c'est pour ça que tu l'as tué ?
Parce qu'elle lui ressemblait ?
C'est tout c'qu'on a Anja, et c'est tout c'qu'on aura jamais, ça brûle encore et si tu l'as vraiment fait, alors tu l'verras sans cesse quand tu t'endors.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyLun 17 Nov 2014 - 0:59

Quand on aime pas, tout est plus simple. On a besoin de ne protéger personne d'autre que soit même. On s'épargne bien des mensonges. On n'a rien à prouver à personne.
Anja aimerait n'aimer personne. Elle aimerait envoyer les gens balader d'un geste de la main, leur cracher au visage ou leur taillader les veines sans sourciller. La sorcière aimerait pouvoir être toujours celle qu'elle fut un temps, celle qui n'en avait rien à faire de voir les autres crever autour de soit parce qu'elle n'avait pas peur de la mort.
Mais maintenant elle en a peur. Elle en a peur, parce que si les gens décèdent, ça veut dire que celle qu'elle aime aussi peut mourir.
Et ça c'est inacceptable.
Plus depuis qu'elle a vu ce sourire, ces yeux innocents face au monde et ces toutes petites mains se serrant autour de ses doigts, tellement plus grands.

Anja n'a jamais trouvé les bébés beaux. Parce que pour elle ils sont potelés, rouges, pleurnichards et chauves. À la naissance de sa fille, lorsque l'esclave qui l'accompagnait la lui avait mise dans les bras - alors que pourtant Anja lui avait interdit de le faire -, la jeune sorcière n'avait pas trouvé son enfant particulièrement belle.
Mais cela ne l'avait pas empêchée d'être fascinée.
Par ce petit être qui venait d'elle et qui avait grandit en elle. Qui bougeait, qui respirait, qui vivait. Par cet enfant qui était un bout d'elle même, un bout de Green et un bout de cet acte si étrangement agréable qu'avait été sa première fois.
Par ce bébé qui ne demandait qu'une chose ; être aimé.

[...]

J'ai espéré un instant qu'il parte. Se disant que l'enfant était mort, qu'il n'avait plus de moyen de pression sur moi et qu'il pouvait aller embêter quelqu'un d'autre, ailleurs. Ceux qui ont mandaté la mort de Chloé par exemple, parce qu'après tout, moi je n'étais même pas encore à Rosenrot à ce moment là et qu'il n'avait pas à m'utiliser comme contre poids de la mort de celle qu'il aimait - et encore moi Elaïa, d'ailleurs.
Mais cet espoir n'a duré qu'un instant. Tu te demandes pourquoi Mutti ? Parce qu'au fond de moi, j'avais envie qu'il reste. J'avais envie qu'il s'énerve, qu'il crie, qu'il me haïsse pour la mort de cet enfant. J'avais profondément envie qu'il me traite de tous les noms pour l'avoir tuée.
Qu'il me montre qu'il tenait à ce bébé.
Je n'avais plus envie de porter ce secret toute seule. Je voulais juste pouvoir tout lui dire, sans risquer la vie d'Elaïa ou de l'organisation.
Et tout particulièrement celle d'Elaïa.

— Tu admets donc avoir eu un enfant, alors que tu le niais.

Je baisse les yeux, mais Green ne me regarde même pas. Je ne supporte pas ce sourire sur ces lèvres, je ne le comprends pas. Est-il heureux ? Heureux d'avoir eu tort, de me montrer qu'il avait gagné sur ce mensonge là ? Heureux de savoir que l'enfant était mort ?
Ou alors est-ce un sourire de rancoeur ? Aurait-il voulu que je lui annonce pour l'enfant ? N'aurait-il pas voulu que je le tue ?
Je ne sais pas, déjà mon regard a fuit son sourire.

— La confiance est un miroir.

Un miroir pour qui, un miroir pour quoi ? Il n'y avait jamais eu de confiance entre Green et moi. Rien de plus qu'un certain respect dû du soldat pour la cheffe. Et encore. Ce respect là avait volé en éclat il y a bien longtemps, au moment où il m'avait pris ma virginité.
Mais de la confiance ? Jamais.
Green m'en veut et me hait. Pour ce que je lui est avoué sur Chloé. Pour être la cheffe froide et sans émotion de Rosenrot. Et pour ce mensonge, ce non-dit sur la naissance d'Elaïa.
Moi aussi je le hais. Pour m'avoir mise en cloque et balancer à la face un gosse à aimer. Pour m'avoir convaincue de coucher avec un homme, ce genre que je méprisais depuis la vérité sur mon père. Pour être trop fou, pas assez soldat.

— J'aurais pu assumer un enfant de toi, Anja. J'aurais pu l'protéger, j'aurais pu

La voix de Green a semblé se casser. Comme une douleur, un fêlure. Comme s'il n'avait plus su quoi dire ni que faire.
Il serait si simple que prendre ce soldat, ce ridicule soldat de plomb de mon régiment, et de lui faire encore plus mal. Tellement facile de remuer le couteau dans la plaie en crachant sur la mort de Chloé et sur celle de ce fils qui n'existe pas.
Des mots. Il m'aurait suffit de quelque mot pour le briser encore plus. Le démolir. Lui faire tellement de mal qu'il n'aurait eu d'autre choix que de courber l'échine et de rentrer, bien sagement, dans le rang.

Il a levé les yeux pour me regarder et je n'ai pas pu.

- Elle s'appelle Elaïa. Et elle a tes yeux.

Pas de mensonge. Plus de mensonge. Parce que c'est comme ça entre nous Green, non ? La vérité dans ce monde qui sonne si faux. Une vérité qu'on utilise pour blesser ou pour soumettre, mais une vérité quand même.
Elaïa.
Je t'ai balancé ça sans réfléchir. Sans savoir si cette vérité te blesserait encore plus qu'un mensonge. C'était trop lourd, trop dur. Cette vie. Cette vie que j'ai porté et que je te dois, cette enfant qui est aussi la tienne.
Que tu as promis de protéger.
Toi non plus tu ne mentais pas, non Green ?

- Je n'aurais pas pu la tuer. Un enfant ce n'est pas comme un ennemi. On ne peut pas s'en débarrasser d'un coup de couteau dans le ventre. Parce qu'il reste ailleurs... Et j'imagine que cet ailleurs doit être ce que les humains appellent le coeur.

Bien joué Anja. Oh oui, quel coup de maître, planté en plein coeur de sa propre équipe.
Mutti, Green, Anja... Je ne sais plus trop bien à qui s'adresse cette lettre, mais regardez un peu plus attentivement cette femme qui avoue aimer Elaïa. Vous savez ce que ça veut dire ceci ?
Ceci veut dire que vous venez juste d'assister au suicide de la reine.

[...]


Aimer c'est humain, très humain, trop humain.
Aimer c'est souffrir.
Aimer c'est périr.

Et pourtant, Anja ne peut s'empêcher d'aimer Elaïa.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyLun 17 Nov 2014 - 19:53

« I hope you'll feel home someday. »

Rien n'aurait du arriver. Ils auraient du conserver leur rang, rester éloignés, ne pas laisser leur vies se croiser et s'entremêler aussi étroitement.
Ils auraient du, et on doit toujours faire une tas de choses sans y parvenir; on doit arrêter de fumer, parce que ça ne fait que nous tuer. Anja, c'était un peu pareil. C'était comme poser un bâton assassin entre ses lèvres, et cette fois, pas question d'en faire une métaphore, on lui donne le pouvoir de nous tuer.

Green, il l'avait allumée et l'avait consumée - clairement, dans tous les sens du terme. C'était abruti, quelle imbécile il faisait à lui donner le pouvoir de le blesser ! Mi-inconscient, mi-incontrôlable finalement. C'était donner le bâton pour se faire battre et tendre l'autre joue.

- Elle s'appelle Elaïa. Et elle a tes yeux.

Alors c'est bien vrai ? Il n'y a plus que la vérité qui explose en morceaux éparses.
Papa.
Green, est , papa. Ça ne colle pas, pas vrai ? Et puis ça veut dire quoi, être Papa ? Ça veut dire éduquer ? Frapper, corriger, frustrer ? Avec quoi ça rime, père, à part colère ? Au final ça lui fait peur à Green, parce qu'il n'a aucune idée de ce qu'il doit faire, et tout juste une idée de ce qu'il doit éviter. Il reste des milliards de possibilités.
Mais est-ce que seulement il a sa place au sein de cette histoire ? Est-ce que Anja veut de lui dans le coin ? Est-ce qu'elle veut un père pour sa fille ?
Est-ce qu'elle veut seulement être la mère de sa fille ?
Elaïa ? C'est tellement beau. C'est poétique, c'est doux, et Green il est perdu, il ne sait plus quoi faire, où se placer, alors il reste interdit. Il n'a rien à répondre, après tout il n'a rien à répondre : c'est simple, elle l'avait abandonnée bien avant qu'il ne le sache.
Il n'était le père de personne, juste un géniteur.

- Je n'aurais pas pu la tuer. Un enfant ce n'est pas comme un ennemi. On ne peut pas s'en débarrasser d'un coup de couteau dans le ventre. Parce qu'il reste ailleurs... Et j'imagine que cet ailleurs doit être ce que les humains appellent le cœur.

Oh Anja, comme si seulement tu n'en avais pas. Tu aimeras n'est-ce pas ? Tout le monde l'a un jour souhaité. Plus de conséquences, rien du tout, juste des actes et une récompense. Le cœur se mêle toujours de tout, c'est infernal, il interfère avec les vrais objectifs, et ce , sans cesse.

— Pourtant elle n'est déjà plus entre tes bras. Est-ce que tu es seulement encore sa mère, Anja ?

Peut être que ce n'est pas toi que désigneras le maman au bout de ses lèvres.
Il y a trop de regrets dans cette voix, trop de pesanteur dans un seul prénom. Anja.
Elaïa.
Mais si elle a ses deux, que tire-t-elle de toi Anja ? Qu'apprendra-t-elle ? A enfermer son cœur dans tes cotes d'acier et ne plus jamais le laisser s'exprimer ?
Bienvenue dans le monde Elaïa, bienvenue dans la noirceur de ces temps, bienvenue dans la trahison, à peine née et déjà l'objet de prochaines peurs nocturnes, de sueurs froides, de terreurs blafardes. Numéro un sur la liste noire.
Dans quelle monde arrives-tu ?

Le jeune homme s'appuie finalement contre le mur, un peu négligemment. Il ne sait même plus c'que représente Anja a cet instant là. Doit-il lui en vouloir de l'avoir cachée ? Abandonnée ? Pourtant il n'a pas son mot à dire - il n'a jamais eu à le faire - parce qu'il est un soldat, un gars qui marche quand on lui dit de le faire et fin de l'histoire. Et pourtant, il est Papa ? Rien de compatible dans l'histoire, tout s'oppose, des réalités contraires assemblées à la colle, quelque chose de bancal qui ne tient pas la route.
Ça ne marchera pas, rien ne semble jamais marcher dans sa vie de toute façon.

Il relève les yeux vers la blonde, toujours aussi belle, sans cesse plus froide, et pourtant ! Elle n'a pas tué son enfant - quelle bonté d'âme ! - alors voilà l'héritière de Rosenrot, qui ne le sera peut être jamais - qui sait ?
Alors il souffle et se mord la lèvre jusqu'au sang - il y a des tiques plus durs à faire passer que d'autres - sans savoir ce qu'il est censé faire.

— Qu'est-ce que j'en fais ? Tu comptais me le cacher pour toujours, et j'n'l'aurais peut être jamais soupçonné, mais maintenant que j'le sais.. si tu l'as laissée, c'est parce que tu n'en voulais pas, j'n'ai pas mes droits dessus, j'suppose.

Il déglutit. Ah, c'est dur d'être remis à sa place, n'est-ce pas ? Surtout quand c'est par soi-même, mais Green a grandit, a appris, il a beau foncer tête baissée dans les ennuis - suffit de voir cette journée tout à fait désastreuse avec un déroulement de pire en pire - il savait qu'au final, ce serait toujours la même place qui lui reviendrait. Il ne serait jamais plus, un esclave ne devient pas chef au final, il reste esclave, il meurt et il est remplacé.
Fin, de, l'histoire.

A quelle vitesse oublieras-tu, Anja, qu'un jour, tu as eu un enfant avec ton soldat ?

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyJeu 20 Nov 2014 - 8:47

Alors c'est ça la vie ? Une méchante, sans le moindre sentiment qui se met soudainement à aimer un bébé ? Une sorcière noire à la tête de l'une des plus dangereuse organisation dont le point faible est sa propre fille. Un mauvais téléfilm des années 2000.
Mais non. Non parce que ce n'est pas ça, non parce que ce n'est pas aussi simple.
La vie c'est un putain de truc où on souffre tous. On aime et on souffre. On rit et on souffre. On danse et on souffre. On baise et on souffre.
Quoi qu'on fasse, on finit par souffrir.
Parce que oui, la vie c'est ça. C'est une merde qui, pour nous faire nous sentir bien vivant, n'a d'autre choix que de nous faire souffrir. La vie c'est cette douleur lancinante au creux des côtes, c'est cette explosion de doute dans la poitrine, c'est ce tintamarre quotidien de rage dans la tête. Tout ça pour avoir le frisson exhalant de pouvoir se sentir vivant.
Au fond, dès qu'il s'agit d'amour, on devient tous masochiste.

La lettre d'Anja pour sa mère était venue s'échouer dans l'âtre avant même d'avoir été achevée. Il était à présent temps d'en commencer une autre. Pour un correspondant bien vivant, cette fois là.
Mais à quel prix ?

Liebe Elaïa,

J'espère que tu n'auras jamais à lire cette lettre. Je l'espère sincèrement, du plus profond de ce coeur que l'on vient de m'offrir et que je suis encore en train de découvrir.
Je souhaite réellement que tu sois heureuse dans la vie, aux côtés de Mohammed. Je le connais peu, mais c'est un homme bien à qui on peut faire confiance. Un homme qui serait prêt à donner sa vie pour la tienne. Un homme qui, je le sais, t'aime comme sa propre fille.
Mais un jour... Un jour tu découvriras sûrement qu'il n'est pas vraiment ton père. Il te le dira. Tous ces mystères autour d'une mère qui n'existe pas t'intrigueront. Tu chercheras à savoir qui étaient tes véritables parents.
Alors nous y voilà.

Ton père, ma Elaïa, était un soldat de plomb et ta mère la reine sans coeur. Était. Parce que depuis ta naissance, ils ont bien changé.
Un enfant ça change tout.
La scène que je vais te raconter ma fille, c'est celle de deux enfants en train de devenir grands. C'est une scène encore brûlante dans mon esprit, puisque je viens moi même de la vivre. C'est une scène sans mensonge - il y en a déjà bien trop dans le monde et je refuse qu'il y en ait ici aussi - et, je l'espère, rapportée le plus fidèlement possible.
C'est une scène sur tes parents qui t'aiment.

— Pourtant elle n'est déjà plus entre tes bras. Est-ce que tu es seulement encore sa mère, Anja ?

Ces mots balancés froidement à la figure, presque jetés, frappés, poignardés, ces mots là sont ceux de ton père. Un père blessé parce que je ne lui ai pas révélé ta naissance. Il l'a appris tout seul, je ne sais comment.
Ces mots là sont sa vengeance destinée à me blesser à mon tour.

Et ça a marché. Ça a marché parce que non, effectivement, je ne pouvais déjà plus réellement m'appeler "maman". Ce n'est pas moi qui te verra grandir, pas moi qui bandera tes plaies, pas moi qui t'apprendrai à faire du vélo, pas moi qui te serrera dans ses bras lors de ton premier chagrin d'amour, quand tu crieras au monde entier que les garçons c'est tous des nuls.
Moi, j'ai à peine le droit de t'aimer.
Et même si je sais que j'ai fais ça pour ton bien, même s'il fallait t'éloigner de moi parce que ta vie aurait été trop en danger, c'est dur.
Dur parce que je sais que tu ne comprendras pas forcément, et je m'en excuse.
Dur aussi parce que ça me vaut la haine de ton père.

— Qu'est-ce que j'en fais ? Tu comptais me le cacher pour toujours, et j'n'l'aurais peut être jamais soupçonné, mais maintenant que j'le sais.. si tu l'as laissée, c'est parce que tu n'en voulais pas, j'n'ai pas mes droits dessus, j'suppose.

Je suis restée froide et droite à cette remarque. C'est quelque chose que tu dois savoir sur moi Elaïa ; quelque chose que tu dois savoir sur le monde. Il est dangereux de laisser transparaître ses émotions.
Alors je suis restée froide et droite à l'extérieur, mais dedans j'avais mal. Ton père est fou, maladroit, imprévisible, mais il sait toucher juste.
Et voilà que j'étais en train de couler.

- Alors pourquoi es-tu venu ? Pourquoi si tu savais qu'elle n'était pas avec moi ? Que cherchais-tu ? La vérité ? Alors voilà, tu l'as eu ta vérité.

J'ai regardé cet homme, ce soldat au regard brillant et au sourire désabusé. Cet homme marqué par la vie et blessé par le temps - car il y en aurait des histoires à raconter sur ton père, mais ce n'est pas le bon moment - qui venait une fois de plus de perdre quelqu'un. Cet esclave, presque, que je maltraitais de mes mots.
Qui souffrait à cause de moi et pour toi.
Je l'ai regardé et je me suis approchée. Un sourire figé sur les lèvres, un regard triste dans les yeux. Il est beau ton père Elaïa. Avec cet air rebelle d'enfant sur le visage et ses yeux presque noirs qui semblent aspirer la lumière autour de lui.
Les mêmes que les tiens.

- Tu sais, non ? Que tu n'es pas un simple soldat. Que l'absurdité me pousse vers toi. Consciemment ou non, tu le sais.

Je me suis approchée si près de lui, que je sentais sa respiration sur mon visage.

- Alors maintenant, dis le moi. Que veux-tu ?

Très près, trop près.

[...]


Cette lettre était si dure à écrire.
Et pourtant, Anja ne s'était jamais sentie aussi vivante.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyMar 25 Nov 2014 - 21:43

Green n'avait jamais été un bon parleur. Il aurait, pourtant - l'éloquence ça aide avec les filles ! - et faire de grands discours, tourner ses phrases pour qu'elles impulsent ses idées sans avoir a passer des heures à chercher comment les formuler.
Non, rien de tout ça, on lui avait tellement appris à se taire toute sa vie que finalement, quand venait enfin l'heure - tant espérée - de parler, il n'y avait plus rien à dire. Que du silence à offrir, à faire rouler sous la langue en guise de rire dans les meilleurs moments.
Vous savez, ces regards uniques complices que vous partagez, quand il ne faut pas rire, avec cette personne si spéciale qu'il n'y a jamais eu besoin de mots pour s'exprimer. Ces œillades entre Green et Bleuann, qu'il avait perdu.
Et c'n'était pas quelque chose qu'on pouvait retrouver sur le chemin, en se retournant « tiens, j'ai perdu mes clés ! J'devrais faire demi tour pour les retrouver. »
Non.
Il avait perdu ces moments, comme il avait perdu ses mots, noyés dans ses maux.

Ça donnait des phrases gauches, puissantes, maladroites et indolentes qui aimaient à arriver au coeur sans détour ni sauveur. Green n'avait pas l'art de tourner ses phrases, mais il avait tout le reste, la colère et l'injustice, l'asservissement sous sa langue, la douleur dans sa bouche, la vérité entre ses lèvres.

- Alors pourquoi es-tu venu ? Pourquoi si tu savais qu'elle n'était pas avec moi ? Que cherchais-tu ? La vérité ? Alors voilà, tu l'as eu ta vérité.

Elle restait droite, si droite Anja. Comme si rien ne pouvait jamais la briser, mais tout le monde sait que les comparaisons ne sont pas faites pour être vraies. On les laisse s'apparenter à un réel biaisé.
J't'aime comme un fou.
T'es comme un frère - quelle étrange comparaison, celle-là. Est-ce sensé signifier beaucoup ? Beaucoup d'amour ? Comme entre Red & Green ? Invraisemblable.
Bref. Anja était c o m m e une femme de glace, c o m m e une femme qui ne ressentait plus rien.
Comme.
Comme rien du tout, au fond, Anja était Anja, elle était vivante malgré tout, malgré tout ce qu'elle aurait aimé être. Et elle jetait ses mots comme des pics dans le coeur de Green qui était comme inexistant. Beaucoup de suppositions, rien d'bien vivant.

Pourquoi il était venu ? Parce qu'au fond, il avait eu du pouvoir entre les mains, et que c'était peut être la première fois. C'était l'occasion de te faire mal Anja, de voir ta respiration qui connaissait de légers ratés saigner pour toi. Pour hurler des mots calmes d'indifférences qui te crieraient l'absence que tu seras pour ta fille.
Pourquoi les fins heureuses les fuyaient-ils ?

Alors Anja, Anja elle s'approche. Ça ne sonne rien de bon, n'annonce rien de censé - ils n'ont jamais été doués ce jeu là. - mais elle s'avance quand même. Green lève la tête, bien droit, il surplombe sa supérieure mais c'n'est qu'une histoire de taille.

- Tu sais, non ? Que tu n'es pas un simple soldat. Que l'absurdité me pousse vers toi. Consciemment ou non, tu le sais.

Etrangement, ça ne sonne pas comme d'habitude. Ça n'est pas là pour tout dévaster. Bien sûr, le sens de ces mots c'est barré, ça n'est pas quelque chose de surprenant, et pourtant, Green n'est pas déstabilisé par cet enchaînement de rabaissements.
C'est humiliant mais assez familier pour qu'il s'y soit fait. Non, le problème n'est définitivement pas là. Le problème c'est le soldat, le simple soldat qui, justement, voit la jeune femme s'approcher. Tout le monde a pu constater comment ça s'était terminé la première fois.
Pourtant, ça ne les empêche pas d'en frôler un morceau à nouveau cette fois. Green ne sait pas - n'a jamais su - si elle se joue de lui, encore une fois, encore cette fois, mais il peut sentir son parfum, et au fond, il ne sait pas si ça compte.
La considération d'Anja. Est-ce que ça a un jour compté ?

- Alors maintenant, dis le moi. Que veux-tu ?

Il y a ce parfum qui flotte dans l'air, un parfum de première fois, ou de seconde, et elle est proche, si proche, qu'il peut voir le fond de ses yeux. Il n'y a rien de plus à comprendre, rien de plus à apprendre. Elle est là, si belle, si proche, si ..
Il se mord l'intérieur de la joue, le coeur au bord des yeux, l'envie au bord des lèvres; bien trop proche d'éclater.

Il lève un bras, ses doigts doucement viennent du poignet clair de la jeune femme pour remonter jusqu'au coude, juste le dos de la main qui glisse jusqu'à l'épaule, comme une poudre prête à s'enflammer.
Pourquoi joue-t-elle à ça ?

Pourquoi y répond-il ?
Pourquoi est-il tellement attiré par Anja ?

A-t-il seulement envie de savoir ?

— Toi, souffle-t-il.

Il n'y a jamais eu autant de sincérité dans des mots, jamais eu autant de sincérité tâchée par un désabusement le plus total. On veut ce qu'on n'a pas, ce n'est pas nouveau, c'est vieux et hideux, et on n'y peut rien.
Simple soldat.
Pauvre soldat.
Mais parfois il y a un éclat simple, qui fait qu'on obtient ce qu'on désire seulement dans ces rêves refoulés qu'on s'étonne même de posséder.

Alors Green, il laisse ses doigts remonter sur le cou d'Anja, sur la mâchoire, glisse jusqu'à s'accrocher aux lèvres qu'il a un jour posséder depuis.
Il pense à Elaïa, la fille qu'il n'aura pas.
Il pense à tout, - c'était mieux quand il ne pensait pas ce gars là - et alors que la seconde d'avant il se trouvait sur le fil de ses propres envies, à jouer contre sa propre vie et là, il est soudainement conscient de sa réalité. Une réalité en dessous de celle d'Anja et malgré tout partagée.
Il s'avance vers elle, si belle, et leurs lèvres s'effleurent mais ne se scellent pas.

Un instant.

— Je te veux toi, Anja. Toi, et Elaïa.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptySam 29 Nov 2014 - 0:14

Le stylo ne tremble pas dans la main d’Anja, mais son cœur lui tressaute. Elle imagine sa fille, si belle avec ses longs cheveux blonds et son regard nuit, découvrant ces mots, dessinant ses parents, les haïssant probablement.
La haine.
Sentiment destructeur, douloureux, meurtrier. Et pourtant tellement plus vivant que l’indifférence. Si Elaïa les hait c’est qu’elle éprouve quelque chose. Si Elaïa les hait c’est qu’elle est capable de ressentir un sentiment à leur égard. Si Elaïa les hait c’est qu’un jour, peut-être, elle pourrait les aimer ?
Mais toi Anja ? Toi qui hait ce père qui a voulu te sauver, ce père qui a détruit ta famille. Toi qui aime cette mère qui a toujours été froide et dure avec toi, cette mère qui t’a presque abandonnée.
Oui, toi. Penses-tu donc que l’amour et la haine est aussi simple que ça ? Bien sûr que non. Evidemment que non. Tout comme la vie, ça se déchire, se cherche et se rejette. Tout comme la vie c’est des sentiments incompréhensible, au delà des mots ou du regard.
C’est quoi l’amour pour toi Anja ? Écrire des lettres pour une morte ? Ce pincement au fond du cœur quand tu penses à ta fille ? Ou encore ce brasier de désir que tu sens monter en toi lorsque tu t’approches de Green ?
Et c’est quoi la haine ? Refuser de couvrir la tombe d’un mort ? Abandonner un enfant derrière toi ? Ou bien cette flamme que tu as vu briller dans les yeux de ton soldat ?

Merde Anja. Tu viens tout juste de découvrir que l’amour et la haine ce n’était qu’une pelote de sentiments bien plus compliqué qu’on tentait de résumer en deux mots.
Et toi, tu n’as jamais su tricoter.

[...]

Je ne sais pas quel âge tu auras lorsque tu tiendras cette lettre entre tes mains Elaïa. Je t’imagine jeune femme, au corps fin et aux cheveux longs, aux yeux noirs et au menton volontaire.
Le reste de ton visage lui, reste trouble.
Trouble parce qu’une partie de moi voudrait qu’il soit gentil et naïf alors que l’autre l’aimerait décidé et colérique. Trouble parce que je ne sais pas si je veux que tu nous ressembles un peu ou pas du tout.
Je ne connais pas ton âge, mais j’imagine cependant que tu as déjà connu des hommes dans ta vie. Peut-être bien que certains t’ont brisé le cœur, ou qu’un petit chanceux arrive encore à te donner l’illusion que l’amour existe.
Je ne te donnerai pas de conseil sur l’amour.

Tu t’apercevras vite au travers de cette lettre que c’est un art - ou un péché - que je ne maîtrise pas. C’est un jeu dans lequel je m’aventure en sachant d’avance que je vais m’y brûler les ailes.

« Et l’oiseau bleu perdit ses plumes
Et les mendiants leurs Ave »
(La Tzigane, Guillaume Apollinaire)

Je ne crois pas qu’il y ait d’amour entre ton père et moi. Il n’y a qu’un oiseau bleu malade qui se meurt doucement sans ses plumes. Incapable de voler, coller au sol, respirant dans des soubresauts d’inconscience. Il n’y a pas d’amour, mais du désir.
Un désir physique et charnelle, mais aussi masochiste. Le désir de se faire du mal l’un à l’autre. Pour rester vivant.

- Toi.

La réponse de ton père n’est qu’un souffle qui vient se perdre en moi. Résonner en moi. Je regarde ce soldat qui me domine d’une tête, cet être qui ne devrait même pas avoir le droit de me tutoyer et qui, pourtant, vient de me murmurer qu’il me veut.
Moi.
La reine.

Ses doigts sont venus glisser dans mon cou, effleurant mon visage jusqu’à prendre possession de mes lèvres.
Les lèvres de la reine. Qui ne disent plus rien. Accroché au doigt de leur soldat. Un soldat qu’elles aimeraient embrasser.
Et qui presque l’embrasse. Presque parce que ses lèvres ne font qu’effleurer les siennes, comme la caresse d’une aile de papillons. Un papillon éphémère qui va crever dans son coin.

- Je te veux toi, Anja. Toi, et Elaïa.

Je me suis promis de ne rien te cacher Elaïa. Et je tiens à respecter cette promesse, à défaut de respecter ton enfance.
Alors je dois te dire la vérité ; une vérité que tu n’as probablement pas envie de lire, une vérité que tu n’as sans doute pas envie de voir sur ta propre mère. Une vérité qui va sans doute te faire me haïr encore plus.

J’ai eu un mouvement de recul.

- Et une maison de campagne peut-être ? Tu veux qu’on fasse quoi ? Qu’on quitte l’organisation pour aller élever cette enfant que ni toi ni moi n’a désiré ? Qu’on aille se cacher pour devenir l’image même de la parfaite petite famille ? C’est ça que tu veux alors que ni toi, ni moi ne savons comment aimer ?

J’imagine la déception dans tes yeux Elaïa et ça me fait mal. Tu n’avais sans doute pas imaginé ta mère comme ça. Mohammed t’a sans doute dit que l’on t’a confié à lui pour te protéger - ce qui est en partie vraie - et tu as dû imaginer une mère qui attendait que tu grandisses pour venir te serrer dans ses bras et t’aimer convenablement.
Il ne t’aura pas dit que si je t’ai abandonné comme ça, c’est parce que, justement, je ne savais pas aimer. Que je ne voulais pas que tu souffres à mes côtés, en plus de devoir te protéger pour que personne ne puisse t’atteindre.
Que je ne voulais pas être pour toi la mère absente que fut la mienne.

Je sais. Je sais que c’est dur de lire ces mots et je m’en excuse. Je ne veux pas que tu doutes de mon amour pour toi, parce qu’il existe.
Mais je ne sais pas le gérer.
Comme je ne sais pas gérer la relation que j’ai avec ton père. Ou les mots que je lui balance en pleine tête, comme des gifles.
Comme des coups de fouet à un esclave.

- Tu ne pourras jamais avoir ta fille. Jamais.

Pardon Elaïa.

[...]


Les mots tombent, une question subsiste.
Un doute, infime. Qui pourrait la sauver.
Est-il possible d’aimer et de haïr en même temps ?

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyDim 30 Avr 2017 - 22:42

« Le monde est ainsi fait et bien fait qu'on le quitte finalement sans regret parce qu'il nous est devenu étrange et étranger » (Sophie Bassignac)

Anja se recule. Elle ne semble pas troublée que Green ait failli l'embrasser et pourtant ce n'est en rien une victoire. On ne gagne pas quand on est un pion, de toute façon. Le soldat relève les yeux vers elle, il ne sait pas ce qui est à venir mais il est loin d'être idiot : si il n'est pas encore brisé comme un mur c'est que sa supérieure a des choses à lui dire encore.
Green écoute son cœur battre à ses oreilles, sourd et paniqué. Il regarde la femme devant lui qui lui fait ressentir tant d'émotions contraires sans réussir à démêler ce qu'il ressent. Il avait beau l'avoir haï et la détester encore à présent il ne pouvait pas prétendre qu'il n'avait pas été sincère en disant la vouloir. Ces mots n'étaient pas réfléchis, ni pesés, ils avaient été lancés au sein d'une discussion houleuse qui malmenait Green.
Anja avait toujours malmené Green, et à bien regarder, il s'était toujours senti comme au milieu d'une tempête face à la froideur et à l'immobilité de la jeune femme. A vrai dire, il s'était toujours senti à moitié noyé, mais face à Anja c'était différent. Vous savez, c'est un peu comme quand vous réussissez à côtoyer quelques instants quelqu'un de trop bien pour vous et que vous avez subitement envie de le garder auprès de vous quel que soit le prix mais surtout quelle que soit le moyen ?

- Et une maison de campagne peut-être ? Tu veux qu’on fasse quoi ? Qu’on quitte l’organisation pour aller élever cette enfant que ni toi ni moi n’a désiré ? Qu’on aille se cacher pour devenir l’image même de la parfaite petite famille ? C’est ça que tu veux alors que ni toi, ni moi ne savons comment aimer ?

Green baisse les yeux. Il n'a jamais été bon pour discerner les émotions dans la voix de ses interlocuteurs mais c'est encore différent avec la jeune femme qui lui fait face : comme discerner les sentiments de quelqu'un qui s'interdit de les ressentir ? Qui les a enfermé au sous-sol et qui refuse de voir qu'ils sont encore là ? Amputés, mutilés, présents, sanglants.
Un petit sourire se dessine sur le visage du jeune homme quand il s'imagine Anja, à la campagne, apaisée.. apaisée, quelle drôle d'idée. Son visage était déjà ravagé par le manque et les contradictions, la peur, la rage, la colère, et Green le savait, il n'y avait pas de retour en arrière.

Il aurait du savoir ce qu'elle allait répondre bien avant de se lancer, il avait été idiot, impétueux, il le savait. Après tout, Green avait une propension à vouloir les personnes qui ne voudraient jamais de lui. En même temps, il était toujours plus facile de survivre à une déception platonique qu'à une vraie rupture, surtout quand les vraies ruptures étaient plus réellement des morts, à Rosenrot.
Mais là n'est pas le sujet.
Le sujet étant le rejet d'Anja pas si rejetant que ça, plutôt méchant, acide, ironique, et face à ça, l'ego du petit soldat se rebelle. On lui a déjà accordé beaucoup plus d'intérêt que ce qu'il ne méritait (bon sang, Anja lui avait laissé prendre sa virginité) mais il ne savait pas s'arrêter.

Si Anja se pensait incapable d'aimer, ou du moins, inapte à laisser l'amour la guider ou motiver ses actions, Green était un handicapé de l'amour, un mutilé, quelqu'un laissé pour compte sur le bord de la route. C'était plus ou moins le cas de chaque membre de sa famille mais le jeune brun avait au moins eu le mérite de tenter sa chance avec Chloé, du bon côté des choses, du bon côté du monde.
Du côté des morts, finalement, surtout.

Il voudrait lui dire qu'il aurait juste voulu la posséder (mais c'était un peu trop) ou la baiser à nouveau (exagéré aussi) alors il se contente de la regarder, la regarder vraiment, de haut en bas, ses formes, ses hanches, ses bras, ses lèvres, ses yeux, tout.
Le désir explose comme une bulle dans ses bas ventre alors qu'il reste coincé dans ses envies, ses mots et ceux qu'on lui lance au visage. Inutile, silencieux, blessé.

- Tu ne pourras jamais avoir ta fille. Jamais.

Si certaines phrases sont dures à entendre, d'autres ne devraient pas être dites. Elles devraient être sous entendues, proposées et pas lancées au travers de la pièce.
La chair de poule hurle sur l'épiderme de Green qui ne bouge pas d'un poil, touché. Il est sur les montagnes russes depuis trop longtemps, il aimerait pouvoir en descendre pour vomir. se plier en deux, ses pencher et poser ses paumes sur la terre, l'herbe, le sol, peut importe.

A vrai dire, il aimerait surtout pouvoir répondre quelque chose de dur, lui dire qu'il n'aurait jamais du l'avoir elle et que pourtant c'était une vérité, il l'avait eu, il était venu en elle et il avait eu un enfant. Rien de tout ça n'aurait du être possible alors, avec toute l'arrogance du monde il aurait voulu lui dire qu'elle se trompait mais au fond de lui, Green le savait bien : Anja avait parfaitement le pouvoir d'éloigner Elaïa de lui pour l'éternité. Et un mot correspondait à ce qu'il pensait : Weltschmerz, c'est à dire : « une sorte de sensation ou émotion dont un individu fait l'expérience et qu'il comprend que la réalité physique ne peut satisfaire les demandes de l'esprit. » pour Jean Paul ou encore « le sentiment d'abattement qu'on ressent quand le monde extérieur ne correspond pas au monde tel qu'on voudrait qu'il soit » selon John Green.
En clair, Green avait envie à la fois d'étrangler Anja, d'être en elle, de brûler la pièce et de se tirer une balle dans la pièce. Il perdait pied et son visage s'affaissa, ses sourcils se rejoignirent dans une expression de détresse.

- Pas plus que toi, je suppose
, répondit-il. Pas vraiment pour blesser, surtout parce que ça lui semblait vrai.

Il passa une main dans ses cheveux, ses émotions contradictoires le bousculant. Il se demandait à quoi ressemblait cet enfant et où diable Anja avait pu la cacher, à quoi elle ressemblait, si elle avait ses yeux à lui ou bien ses yeux à elle, si ses cheveux étaient sombres ou blonds comme ceux d'Anja. Il pensait à ce que lui et la cheffe avaient créé, quelque chose d'innocent et de pur encore.
Il aurait voulu savoir ce que ça faisait de la tenir dans ses bras, de la serrer, de..
Oh, comment Anja pouvait-elle avoir le pouvoir de le priver de ça ? Comment pouvait-elle avoir le droit d'agir comme ça ? Sans être punie ? Sans payer le prix ?
Il se sentait tellement bloqué dans sa vie.

Il recula encore plus, sentant chaque centimètre qui éloignait son corps de celui d'Anja. Il se rappelait avec précision de la chaleur brûlante du corps de la blonde contre le sien et il se demandait comme quelque chose d'aussi beau qu'un enfant avait pu naître de personnes aussi affreuses, aussi bancales, aussi malades.
Peut être que sa fille deviendrait un monstre également.

Il se posa négligemment contre le bureau de sa supérieure, les épaules basses. Baisser les bras est un language universel. Il avait finit de lutter, finit de jouer au petit con plein de colère. Il savait qu'elle avait ses raisons d'éloigner l'enfant d'elle mais il ne pouvait s'empêcher de penser que, où qu'elle soit elle était déjà vouer à se traîner la misère des sorciers noirs. Cruauté, puissance, peur.

- Je finirai bien par la trouver..

Sa voix était calme, posée et éteinte. Il y avait des chances immenses pour qu'il n'ait jamais accès à sa fille en vrai, qu'il ne puisse jamais la toucher, mais il pourra forcément la retrouver dans le monde des rêves, se glisser dans son monde. Il se doutait bien qu'il n'avait pas le niveau pour entrer dans les rêves d'un bébé mais il avait toute ses chances pour finir par la trouver quand elle serait adolescente, quand elle pleurerait, roulée en boule sur son lit et qu'elle finirait, épuisée par s'endormir. Alors là, il saurait, ou du moins, il espérait.

- ..et elle sera sûrement à notre image, incapable d'aimer, incapable d'être sereine parce que tu n'as pas eu le courage de la garder.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyDim 30 Avr 2017 - 23:41

Anja regarde le vieux bureau en chêne sur lequel est posé la fine feuille de papier. Elle en a hérité en même temps que du commandement de Rosenrot. Un bureau imposant, un bureau de chef, un bureau qui montre la puissance de celui à qui il appartient. Il paraît que ça intimide les gens de voir un bureau pareil en entrant, et Anja, toute mince presque frêle et pourtant tellement froide derrière ce bureau. Les gens se recroquevillent derrière ce bureau.
Et Elaïa ?
Est-ce que elle elle se recroquevillerait ? Est-ce que elle elle aurait peur ?
Ou serait-elle comme son père qui, pas plus tard qu’hier s’est assis sur ce bureau avec cet air presque triste dans les yeux. Anja espérait que sa fille ressemble à Green.
Mais pitié, pas à elle.
Pas à cette être malade qu’elle était devenue.

[...]

Pardon ma fille.

C’est de ma faute si tu ne nous connais pas. Parce que je ne suis pas n’importe qui, parce que je suis Anja von Duisbourg, héritière de Rosenrot. Peut-être qu’un jour toi aussi tu dirigeras Rosenrot. Je ne l’espère pas.
Je ne veux pas que tu deviennes comme moi.
Avec tout cette haine.

Ton père me hait. Il me hait et il a eu mal. Mes mots l’ont heurté, bousculé, brisé. Je n’avais même pas besoin de le regarder pour savoir ce qu’il ressentait. Pour savoir la haine, le désespoir, l’envie. L’envie de moi, de toi, de vengeance.
Il a accusé le coup. Difficilement. Sans ciller. Pas besoin d’avoir un pouvoir d’empathie pour comprendre que c’était le brouillon dans son corps et dans son esprit. Moi je n’ai rien dit, rien ajouté. J’attendais la gifle, le coup de poing, la balle.
C’est venu sous la forme de mots :

- Pas plus que toi, je suppose.

Pas plus que moi. Voilà Elaïa. C’est ainsi. Ni moi, ni ton père ne pourront jamais être avec toi. Ce n’est pas possible.
J’ai observé Green sans rien dire. Sa main dans ses cheveux, le trouble dans ses yeux. À quoi pensait-il ? À tout ce temps perdu ? À ce bébé qu’il ne connaîtra jamais, que je ne lui laisserai jamais voir. À toi, Elaïa, ce bébé née d’un sentiment abstrait, indéfinissable. Ni complètement haine, ni complètement amour. Une attirance improbable entre un fou et une reine sans doute tout aussi folle.
Comment aurais-tu pu grandir avec nous Elaïa ? Comment aurais-tu pu t’épanouir entre deux fous ? Je ne veux pas que tu finisses comme nous, une simple pièce sur l’échiquier de la vie. Tu es différente, du moins je l’espère. Oh... Elaïa... Que ne donnerai-je pas pour que tu sois meilleure que nous deux réunis ?

Green s’est assis sur mon bureau, les épaules basses, le corps las, l’air défait. Plus de mots crus dans sa bouche ou de geste brusque. Une certaine résignation. Et pourtant :

- Je finirai bien par la trouver...

Une voix calme, aussi calme que son corps posé. Ce n’était pas de la résignation, mais une détermination froide. Il te voulait Elaïa. Il nous voulait.
Mais il ne pouvait pas.

- ... et elle sera sûrement à notre image, incapable d’aimer, incapable d’être sereine parce que tu n’as pas eu le courage de la garder.

Les mots blessent. Je suis bien placée pour le savoir, j’utilise cette arme quotidiennement. Une phrase bien placée, un sarcasme évident ou une sentence méprisante peuvent être plus efficaces qu’un coup de couteau. Les mots sont l’arme des êtres malins, calculateurs. Tu ne verras jamais quelqu’un comme Dorian Cross les utiliser. Trop imbu de lui-même. Trop certain de sa force. De ses muscles.
J’en ai connu des mots qui blessent. Et des silences également, lorsque l’on attend, dans le noir, des mots qui ne viennent pas. Depuis toujours, toute petite. L’indifférence de ma mère, la sévérité de mon grand-père, la froideur des gens de Croix. J’en ai connu et pourtant jamais je n’ai eu aussi mal qu’à ce moment-là, face à ton père.

Comment pouvait-il dire ça ? Comment pouvait-il me regarder dans les yeux et me dire ça ? J’ai tout fait Elaïa, tout pour que tu ne nous ressembles pas, que tu ne sois pas comme nous. Je t’ai donné à un être droit et honnête, je lui envoie de l’argent, tout ce qu’il faut. Tout pour que tu sois loin de moi, de nous, de cette organisation qui suinte la haine. Cette organisation qui nous transforme mais à laquelle nous dédions pourtant notre vie dans l’espoir que toi, que nos enfants, aient une vie meilleure, sans la présence insupportable de ces mêlés. Tout fait pour vous rendre ce monde à toi ma fille et à tous les autres sorciers. Ce monde qui devrait vous appartenir, nous appartenir.
Je pourrais tout sacrifier pour toi. Je m’en fiche d’avoir les mains sales, je m’en fiche de tuer d’autres sorciers.
Mais je ne veux pas que tu sois comme moi. Moi j’ai un cœur noir. Un cœur qui a depuis longtemps accepté le sang sur sa mémoire. Mais toi tu dois rester droite.
Je veux juste que tu vives dans un monde meilleur, sans avoir à te battre et à te salir pour toi.

- Tu ne sais pas ce que tu dis. C’est exactement pour ça que je ne l’ai pas gardée. Pour qu’elle ait l’opportunité d’être différente. Pas pourrie de l’intérieur. Et que personne ne puisse l’atteindre.

Mes yeux ont commencé à piqué. Cela faisait longtemps que je n’avais plus ressenti ce genre de sensations. J’ai ravalé mes larmes, difficilement.

- Le courage n’était pas de la garder, mais de la laisser. Tu ne sais pas ce que ça m’a coûté. T’étais pas là quand j’ai dû lui dire au revoir. Parce que je ne voulais pas imposer ça à quelqu’un d’autre que moi. Parce que je ne voulais pas t’imposer ça.

[...]


Le monde avait déjà assez d’une Anja et d’un Green. Il ne méritait pas un mélange d’eux deux.
Elaïa devait être meilleure.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyLun 1 Mai 2017 - 12:09

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Taking my soul into the masses »
(ID, believer)

Peut être que Green aurait un jour l'occasion de se retourner sur tout ça, de se rappeler de tous ces événements qui semblaient la fin du monde pour lui. Le monde s'était après tout terminé de nombreuses fois déjà mais au matin, quand l'aube s'était étirée dans sa chambre sans volets, le monde avait semblé toujours tourner.
Sans lui.
Il avait cru, quand on lui avait pris Chloé, que plus rien ne pourrait l'intéresser, que c'était fini et qu'il avait été vaincu; tant pis. Il était rentré dans cette maison qui n'était plus son chez lui, il avait vomi, hurlé, il avait tout fait pour oublier mais tout restait décidément ancré dans son crâne et puis...
Et puis Anja, sérieusement ? Il ne savait plus bien si ça avait été une erreur - qu'il voulait commettre à nouveau, encore et encore - ou si après tout ça avait été la chose à faire. Il avait atteint la reine, quel soldat n'avait pas souhaité ça ?
Qui, dans l'entourage d'Anja, n'avait pas souhaité ça ?
Pourquoi est ce que ça n'avait pas en rester là ?
Green ne s'était pas vanté de tout ça - il aurait pu mais il fallait être réaliste, il ne parlait pas beaucoup et n'avait personne à qui le dire de toute façon - il n'avait fait courir aucune rumeur parce qu'Anja n'était pas un trophée, un corps qu'on baladait, elle était elle et ça avait l'air d'être beaucoup trop à supporter de toute façon.

- Tu ne sais pas ce que tu dis. C’est exactement pour ça que je ne l’ai pas gardée. Pour qu’elle ait l’opportunité d’être différente. Pas pourrie de l’intérieur. Et que personne ne puisse l’atteindre.

Il regarde la jeune femme s'émouvoir, là, ses yeux qui deviennent subitement brillants. Comme c'est ironique. Il aurait presque envie d'applaudir et hurler "regardez, la Reine ressent, elle n'est pas qu'un pion comme tous les autres sur l'échiquier" mais il ne bouge pas. Il ne peut pas bouger.
Pourquoi lui dit-elle tout ça ? Pourquoi est-ce qu'elle se sent obligée de s'expliquer et de parler, lui dire pourquoi et lui dire comment, pourquoi ? Il ne comprend pas dans quel case elle le range et il se sent un peu mal à l'aise, lui si habitué de rentrer dans le moule que les gens veulent bien lui tendre.
Il a l'impression d'être sorti de sa case et de devoir assumer, à présent.
Assumer surtout d'être face à Anja qui lui montre quelque chose.
Alors elle l'a lâchée pour qu'elle puisse être libre et heureuse, loin ? Ailleurs ? Il sait qu'il n'est pas plus sain qu'Anja mais n'empêche, pour un enfant, être abandonné ce n'est pas le départ le plus joli dans le vie. Et puis comment Anja a pu trouver quelqu'un digne de confiance ?
Personne n'aurait du être suffisant pour cet enfant, personne n'aurait du être assez bien, assez parfait, assez doux, assez gentil, assez drôle, intelligent, patient..

- Le courage n’était pas de la garder, mais de la laisser. Tu ne sais pas ce que ça m’a coûté. T’étais pas là quand j’ai dû lui dire au revoir. Parce que je ne voulais pas imposer ça à quelqu’un d’autre que moi. Parce que je ne voulais pas t’imposer ça.

Le jeune homme s'affaissa un peu plus sur le bureau en roulant des yeux, pinçant le creux de son coude avec sa main gauche, vieux tic hérité de quand il était petit.

- Comme si je faisais parti de tes soucis Anja, on sait tous les deux que c'est faux. J'étais pas là parce que tu ne me l'aurais sûrement jamais dit si je n'étais pas venu aujourd'hui. Tu l'aurais caché, comme tout le reste que tu gardes pour toi et qui..

Il souffla sans continuer, c'était inutile après tout, la bataille était finie, pourquoi vouloir un peu plus enfoncer la jeune femme ? Green n'était pas comme ça, la haine et la colère l'avait changé, le manque, l'injustice, tout ça avait fait de lui quelqu'un de différent mais pas totalement à l'encontre de ce qu'il avait été avant.
Il se rappelait toujours des raisons qui l'avait poussé à fuir avec Chloé, et depuis ce temps finalement, rien n'avait changé.

- Tu penses vraiment qu'elle sera différente de nous ?

Un frisson parcourut ses bras, lui donnant la chair de poule.

- T'as traversé toute la planète pour la laisser devant la porte d'une famille calme, aimante, en dehors de tout ce qui se passe ici ?

Il secoua doucement la tête, des mèches retombant sur son front, se demandant comment on pouvait avoir autant d'affection pour un être que l'on avait jamais vu, jamais touché, jamais serré dans ses bras, pourquoi est-ce que ça lui importait subitement, l'avenir de cet enfant ? Ce tout petit enfant.. Sa toute petite fille.

- Comment est-ce que t'as pu faire assez confiance à quelqu'un pour lui confier la seule chose qui vaille encore le coup ? Comment..

Son menton se mit à trembler un peu.

- Comment t'as pu croire que je ne le saurais pas et que je ne ferais pas tout pour la retrouver, pour l'atteindre ? Tu.. tu sais bien que l'éloigner ça ne sera jamais suffisant pour réussir à la protéger de toi, elle..

Le jeune homme prend à nouveau son temps pour détailler sa supérieure et il imagine l'enfant avec son nez, et puis plus tard, quand elle aurait cinq ans, ses cheveux blonds ou ambrés et des petites mains potelées...

- Elle sera sûrement aussi belle que toi. Et alors, tout le monde saura.

Et comment être plus sûre de blesser la Reine et la mettre à genoux qu'en atteignant la Princesse ? Elaïa pourrait avoir le nom de n'importe qui, il ne serait pas bien dur de reconnaître les traits d'Anja. Il était vrai que certains gestes et manières étaient héréditaires, et peut importe la façon dont elle serait éduqué, peut être qu'Elaïa aussi plissera un peu le haut de son nez quand elle aura envie de pleurer.
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Crying zeros and I'm nearing 111
Lifeless back slaps the surface of the pool
Pool killer, killer, pool, pool killer
Kiss me »
Alt J.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyLun 1 Mai 2017 - 14:16

Elaïa.
Ni un nom allemand, ni une couleur.
Elaïa von Duisbourg. Elaïa Soul.
Non. Elaïa al Hattal. Elaïa n'appartiendrait ni à la famille des âmes incolores, ni à Rosenrot. Elle devait être libre de ses choix et de sa vie.
Même si c'était difficile à accepter.

[...]

Les mots de ton père tombaient comme des lames dans mon coeur. Des larmes sur mon corps. Douloureux. Missiles à tête chercheuse.

- Comme si je faisais parti de tes soucis Anja, on sait tous les deux que c'est faux. J'étais pas là parce que tu ne me l'aurais sûrement jamais dit si je n'étais pas venu aujourd'hui. Tu l'aurais caché, comme tout le reste que tu gardes pour toi et qui...

Ce n'était pas faux. Je m'en fichais de Green et je m'en fiche toujours. Ton père n'est qu'un soldat, un pion, une dague qui a un jour un peu trop traîné près de sa reine. Il ne t'a jamais vu. Ce n'est pas lui qui t'a porté pendant neuf mois en son sein, déchiré entre haine et amour pour cet être grandissant en toi, pour cette faiblesse d'une rencontre. Il ne t'a pas senti bouger dans son ventre, il ne t'a pas donné la vie. Il n'a été rien d'autre qu'une petite graine déposée, sans réfléchir aux conséquences derrière.
S'est-t-il seulement inquiété ?
Ton père savait que j'étais vierge. Il sait ce qu'il m'a pris et il sait également que nous n'étions pas protégé. Mais il n'y a pas réfléchit une seule seconde, trop grisé par cette semence laissée en moi. Par le désir d'avoir la reine. J'étais un fantasme pour lui, un fantasme qu'il a eu et il n'a pas réfléchit plus loin.
Alors oui. Bien sûr que s'il n'était pas venu ce jour là dans mon bureau, je lui aurais toujours caché ton existence.

- Tu penses vraiment qu'elle sera différente de nous ?

Qu'est-ce que je pouvais répondre à Green ? Je ne sais pas moi si tu seras différente de nous. Mais je l'espère. Je l'espère et je fais tout pour en éloignant nos âmes pourries de ta petite âme d'enfant.

- T'as traversé toute la planète pour la laisser devant la porte d'une famille calme, aimante, en dehors de tout ce qui se passe ici ?

Je n'ai rien dit, je ne voulais pas que Green puisse avoir le moindre indice sur le lieu où tu vivais, la moindre idée que tu sois plus proche que ce qu'il pouvait penser.
Alors je n'ai rien dit, j'ai tout gardé en moi, je voulais rester Anja, la reine froide qui ne ressent rien, qui observe calmement avant de faire tomber froidement la lame de la guillotine.

- Comment est-ce que t'as pu faire assez confiance à quelqu'un pour lui confier la seule chose qui vaille encore le coup ? Comment..

Et lui ? Comment pouvait-il dire ça aussi impunément, sans savoir à qui je t'avais confié. Mohamed est la seule personne sur terre à qui je puisse faire confiance. Je pourrais lui confier ma vie. Mais je lui ai confié toi, ma fille. Encore plus précieux que ma vie.

- Comment t'as pu croire que je ne le saurais pas et que je ne ferais pas tout pour la retrouver, pour l'atteindre ? Tu.. tu sais bien que l'éloigner ça ne sera jamais suffisant pour réussir à la protéger de toi, elle..

Green ne termine pas sa phrase, une fois de plus. Ces hésitations, ces mots qui ne finissent pas, tout ça trahissent ses sentiments. Des sentiments pour toi Elaïa. Ton père t'aime. Il t'aime sans même te connaître.
Peut-être que j'aurais dû lui dire après tout. Abandonner Rosenrot, l'offrir à Dorian Cross. Tourner le dos à ce monde noir, acheter une maison à la campagne, loin de tout. On aurait pu vivre une vie heureuse tous les trois. Toi, ton père et moi.
On l'aurait pu. Pendant quelques mois. Quelques années, tout au plus. Jusqu'au jour où les sorciers noirs nous auraient retrouvés, déchirés. Tu ne connais pas ton père Elaïa et, par conséquent, tu ne connais pas ton grand père. Le grand maître de la famille Soul. Jamais il n'aurait laissé partir Green ainsi.
La dernière fois qu'il a fugué, une femme en est morte.
Et puis Rosenrot ne m'aurait jamais laissé partir comme ça. Ils auraient retourné terre et mer pour retrouver leur reine. Jusqu'à ce qu'il tombe sur une petite maison à la campagne. Qu'il te tombe dessus et qu'ils comprennent.
Nous serions morts tous les trois.
Ce n'est pas vraiment de moi que tu dois être protégée, mais du reste du monde.

- Elle sera sûrement aussi belle que toi. Et alors, tout le monde saura.


Elaïa. Ma fille. Notre fille.

- Personne ne saura parce que personne ne se doute qu'elle puisse exister. Et je ne te laisserai pas la trouver parce que, tu as raison, tu es le dernier de mes soucis.Et surtout parce que... parce que...

Hésitation. Douleur. Il me semble que ça fait depuis mon enfance que je n'ai pas ressenti ce genre de chose aussi fulgurante.
Je contiens. J'ai essayé de contenir. De faire comme d'habitude, de tout garder dedans, derrière mon regard froid. Je suis Anja von Duisbourg, héritière de Rosenrot, l'une des organisations magiques les plus puissantes du monde. Partout l'on me respecte ou l'on a peur de moi. Je ne peux pas montrer mes sentiment, je ne peux pas...

- Parce que je l'aime.

Et tout a explosé.
Tout ce que je retenais depuis toujours. Tous les sentiments que j'avais décidé d'enterrer en même temps que ma mère. La haine, la peur, la colère, l'amour... Tous. D'un coup.
Ne laissant plus aucune limite à mes pouvoirs.
Le verre de cristal sur mon bureau en chêne a commencé à trembler avant de s'envoler valser contre un mur. Puis tout s'est enchaîné, tous les objets se fracassant dans un brouhaha sourd. Par terre, contre les murs, contre ton père.
Contre ton père.
Il avait projeté ses mots contre moi, je projetais tous les objets de mon bureau contre sa peau. Avec fracas. Avec douleur.

[...]


Les esclaves ont depuis longtemps ramassé les bouts de verres explosé et remis en place les objets encore entier.
Mais la colère dévastatrice reste, à un autre niveau.
Dans le coeur même de la reine.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyLun 1 Mai 2017 - 15:22

Anja écoutait le jeune homme se perdre sans répondre, inatteignable au sommet de sa tour pendant qu'il se noyait dans les douves. C'était quelque chose d'habituel au sein de Rosenrot, il n'était pas facile de satisfaire les demandes d'une organisation aussi stricte sans perdre des plumes. Green avait la ferme impression qu'ici, personne n'était heureux.
Sûrement pas lui.
Visiblement, pas Bleu non plus, mais c'était une autre histoire que sa petite sœur.

Green se demandait comment Anja avait pu prendre une décision unilatéralement. Elle se rappelait pourtant sûrement comme cet enfant avait été ait et elle connaissait Green, il la servait depuis quelques temps à présent et ses histoires avaient fait le tour de l'organisation. Elle le savait têtu, acharné, mais braqué aussi.

- Personne ne saura parce que personne ne se doute qu'elle puisse exister. Et je ne te laisserai pas la trouver parce que, tu as raison, tu es le dernier de mes soucis. Et surtout parce que... parce que...


Le jeune homme la regarde hésiter. Il est loin d'elle, plus que jamais. S'entendre dire qu'on ne se soucies pas de vous pourrait dans une autre situation être déplaisant à Green mais ce n'est pas une surprise, il le sait. C'est une petite cicatrice qui est apaisée désormais, elle ne le dérange plus.
Il aime la sincérité que ça devrait dégager dans les mots, la plupart du temps, mais chez Anja, aucune sincérité n'est possible, plus depuis qu'elle se ment à elle même, enfermant tout ce qu'elle ressent dans une boîte.
Mais aujourd'hui, la boîte s'agite. Elle se craquèle et fait signe de s'ouvrir et voir Anja aussi vulnérable lui rappelle à quel point ils sont jeunes encore. Il se souvient de ces séries d'humains qu'il regardait parfois avec des personnages dont les soucis n'avaient rien à voir avec ce qu'il vivait lui, tout semblait encore possible dans leur monde à eux alors que tout était tellement.. tellement irrémédiable ici.
Quand les choses se terminaient, il n'y avait pas de retour en arrière possible. Les choses étaient finis, les gens partis ou les gens morts, ça n'avait pas d'importance dans ce monde là. Monde dans lequel vivait Anja après tout, la jolie Anja si bousculée dans ses mots et ses sentiments qui semble tellement fragile à cet instant là.

- Parce que je l'aime.

Les sourcils de Green se relève, et l'enfer s'abat dans la pièce. La première détonation lui fait croire qu'ils sont attaqués alors qu'un vase explose à côté de lui. Un éclat griffe sa joue alors qu'il ne retourne vers Anja. Son visage est différent, comme si un masque avait été arraché à sa peau, comme si la couche en béton qu'elle avait coulé sur ses pommettes, son nez, ses lèvres éclatait.
Un tiroir sorti de nulle part vint s'écraser contre son dos, puis un presse papier, des feuilles en tout genre comme une tempête. Comme la tempête qui avait lieu dans le cœur d'Anja. Il se mit à utiliser comme il pouvait son pouvoir pour dévier ce qui arrivait contre lui, incapable de réagir face à ce qu'il se passait mais les plus petits éclats trouvaient leur chemin dans sa peau.
Il ne savait pas s'il devait sortir de la pièce en courant, partir et fuir Anja pour le reste de l'année, et patienter jusqu'à pouvoir sentir les rêves de sa fille. Il en était déjà sûr, quand il arriverait à s'approcher de son univers à elle, il le saurait.
Pour autant la conversation n'était pas finie selon lui, il aurait voulu la forcer à reconnaître qu'elle avait tord, lui dire où elle était, c'était trop facile de tout lui faire éclater dans la tête et puis pourquoi tout cassait comme ça ?
Un morceau de bois il traversa le bras.
Qu'est-ce qui n'allait pas chez Anja ? Elle allait s'effondrer sur le sol si elle continuait à tout faire éclater; il n'avait aucune idée de l'étendue des pouvoirs de la jeune femme, et soudain, il eut peur, sans savoir s'il s'inquiétait pour lui, pour elle parce qu'elle était sa supérieure et qu'il se devait de la protéger, si c'était parce qu'il l'avait désirée et qu'il la désirait encore ou si c'était parce que c'était la mère de son enfant..

Toujours est-il qu'il attrapa ses épaules et essayant de capter son regard.

- ANJA !

Mais quand le bureau se souleva finalement, une peur viscérale grandit dans son ventre et il voulut subitement être ailleurs.
Bref, comme déjà dit, Green n'avait jamais été un bon téléporteur. C'était raté, le plus souvent, à cause de ces pensées parasites comme « surtout, n'pense pas à une fontaine ! » Ca gâchait tout.
Cette fois ne fit pas exception à la règle quand, en réaction à la peur, son cerveau lui imposa une image bien nette de la forêt proche d'ici dans laquelle il allait se réfugier étant petit, forêt qui était l'image même de la protection, le calme et la sérénité pour lui.
Une fraction de seconde après, il trainait Anja là-bas sans trop comprendre pourquoi. Il la lâcha immédiatement, surpris - elle allait bien finir par se lasser - d'avoir osé à nouveau l'approcher physiquement. L'énergie qu'il avait déployé pour se déplacer avec Anja était immense et il se retrouva là, mal à l'aise, vidé, la tête lourde et les membres inutiles.

- C'était quoi ça, là-bas.. souffla-t-il, bien conscient qu'il avait été le catalyseur de tout.

Il posa doucement ses mains sur son ventre, son torse, ses bras, parsemés de quelques éclats de verre, de bois, de cristal. Son bras saignait un peu.
Il s'abstint de faire léviter les objets en dehors de son corps - il en aurait été incapable de toute façon - et se laissa s'affaisser contre un tronc d'arbre.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyLun 1 Mai 2017 - 17:00

Lorsque les deux sorciers s'étaient téléportés, le bureau était retombé d'un bruit mat sur le parquet en bois sombre. Quiconque aurait encore été présent dans la pièce aurait eu d'ailleurs peur que le sol s'effondre sous ses pieds. Mais il n'y avait eu personne à ce moment là.
Le parquet avait pourtant résisté, ainsi que le lourd bureau. Bureau où Anja était à présent assise, sans vraiment savoir où elle en était.
Les mots gouttaient sur le papier sans qu'elle puisse les arrêter.
Et pourtant chacun d'eux la blessait un peu plus.

[...]

Tout a éclaté.
Mon coeur, les vases, les verres. Les crayons volaient dans la salle, autant que les statuettes hideuses dont j'avais hérité en même temps que ce bureau sombre.
Et soudain j'ai été projeté des années auparavant.

Le grenier de Diego, mon grand-père, ton arrière grand-père. 2008.
J'avais 16 ans quand j'ai découvert un vieux grimoire dans ce grenier. 16 ans quand les recherches que j'avais faites sur la mort de tous ceux qui m'entouraient ont pris un tournant décisif. J'avais 16 ans quand j'ai découvert mes pouvoirs.
C'est vieux 16 ans. J'en sais assez sur le Mystery Orphanage pour être au courant que les enfants là-bas découvrent leur pouvoir dès leur plus tendre enfance. Toi-même peut être découvriras-tu les tiens avant même tes trois ans.
Mais moi j'avais 16 ans.
Est-ce surprenant pour une enfant comme moi ? Une enfant élevée dans l'indifférence de son grand-père et l'absence de sa mère ? Tu vois Elaïa, j'ai toujours été malade. Noire au fond de moi avant même de connaître le monde magique.
En découvrant le grimoire, la mort de ma mère à cause de tout ça, la mort de Diego assassiné par ma mère... En découvrant cela, mes pouvoirs ont explosé. Exactement comme aujourd'hui avec ton père.
Les jouets de mon enfance entreposés, la vieille robe de mariée de ma mère, le grimoire en question, les meubles abandonnés là-haut... Explosé, dévasté, déchiré.
Comme moi à ce moment là.

Ce n'est pas la seule fois.
La deuxième c'était lorsque j'ai appris pour mon père. Pour sa trahison, son abandon de Croix. Ce jour là, j'étais tellement en colère que je me suis rendue au cimetière.
Quand je suis repartie sa tombe était en miette.
Les autorités de la ville ont cru à un acte de vandalisme et, quelques semaines plus tard, une nouvelle pierre tombale était en place.
Mais ce jour là j'ai compris que je n'étais pas normale. Et que mes pouvoirs pouvaient me dépasser, me dévaster. J'ignore même s'ils ont une limite.
J'ignore si mes sentiments ont en une.
Alors j'ai tout enfermé dans une boîte que j'ai jeté. C'était facile. Je n'avais pas d'attache, pas d'amis, même pas d'animal de compagnie à aimer.
Et puis il y a eu Green.
Et toi.

Les objets tourbillonnaient dans la pièce, dirigés droit sur ton père qui essayait vaguement de les esquiver avec son propre pouvoir. Combien de temps tiendrait-il avec ce petit manège ? Green n'avait pas le pouvoir de contrer le mien, pas à ce moment là. Je m'attendais donc, au coeur de ma folie, à ce qu'il tente de fuir et ne revienne jamais.
Il s'est approché de moi et m'a attrapée par les épaules.

- ANJA !

Et soudain tout a disparu. Le bureau qui commençait à se soulever, le verre et les bouts de bois explosé sur le sol, ma fureur.
Tout a disparu et a été remplacé par une forêt aux grands arbres élancés et aux piaillement insupportables d'oiseaux. Sorti de nul part, ou plutôt tout droit de la tête de Green qui avait apparemment décidé de nous éloigner de mon massacre.

- C'était quoi ça, là-bas..

À peine un souffle et quelques mots avant que ton père ne s'écroule contre un arbre, les bras lacérés par les bouts de verre et de bois. J'ai baissé les yeux sur mon propre corps ; il était également parsemé des mêmes blessures due à mes sentiments.
Je devais me calmer.
Respirer.
J'ai mis quelques instants à me ressaisir, mon pouls battant contre mes tempes. Puis je me suis assise à mon tour, contre le même tronc d'arbre que ton père avant de calmement utiliser mon pouvoir pour retirer les bouts de verre, de bois et de métaux de ses bras et des miens.
Le sang coulait, avec ce même goût métallique que des années auparavant, dans le grenier de ma maison de famille, ou que sur la tombe de mon père.
Je finissais toujours blessée.
De dedans et de dehors.

- Tu comprends maintenant ? Tu comprends pourquoi Elaïa ne peut pas rester avec moi ? Pourquoi je ne peux rien montrer, rien ressentir.

J'ai regardé le sang couler le long de ma peau, goutter sur le sol terreux. Du rouge sur du brun. La douleur sur la nature.
La forêt nous englobait de son calme, un léger vent caressant notre peau.
Ça pourrait presque ressembler à une scène romantique.
Presque.

- Je peux pas aimer parce que je ne sais pas me contrôler.

Désolée mon bébé.

[...]


Anja regarda le sang séché sur ses bras. Elle n'avait pas voulu soigner ses blessures et les quelques regards curieux qui avaient osé courir sur sa peau s'étaient vu renvoyer à leur place par un regard noir.
Regard éclair.
Les esclaves et les soldats de Rosenrot étaient bien trop apeuré et respectueux envers leur chef pour oser lui poser des questions. Ils avaient dû supposer qu'elle s'était fait ça en s'entraînant. Ou quoi que ce soit d'autre.
Qu'importe.
Ils étaient trop loyaux pour utiliser ça contre elle, quelles que soient les suppositions qu'ils en tirent.

Il n'y avait qu'un mouton noir parmi eux.
Celui qui ne baissait pas les yeux.
Qui n'était pas un simple pion.
Green Soul.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyLun 1 Mai 2017 - 19:01

Son poul à ses oreilles se calme petit à petit. Au sein de cette forêt, tout lui a toujours semblé moins important, moins grave, parfois même dénué d'intérêt. Mais pas cette fois. Anja n'était pas moins importante à ses yeux et la situation lui semblait toujours aussi grave, embrouillée, impossible à démêler.
Comme toujours.
Tout, était, toujours, si, lourd.

Anja resta quelques secondes, là, debout. Elle lui semblait irréelle au milieu de cette forêt, pas vraiment à sa place qui lui appartenait à lui, son cœur et son passé, mais pas vraiment étrangère non plus à tout ça. Elle s'assit à côté de lui sans rien dire d'abord, se contentant petit à petit d'enlever les éclats de leurs corps. Il aurait pensé qu'elle allait s'énerver et qu'elle faisait ça pour qu'il s'en aille - il n'avait aucune idée du pourquoi il avait réagit comme ça - mais elle restait étrangement calme et sereine et surtout, elle s'était posée étrangement proche de lui. Il allait peut être finalement se faire égorger, tiens.

- Tu comprends maintenant ? Tu comprends pourquoi Elaïa ne peut pas rester avec moi ? Pourquoi je ne peux rien montrer, rien ressentir.

Il hoche doucement la tête, les doigts plongés dans les aiguilles de pin et la terre sèche, la mousse aussi. Il se demande surtout ce qu'il y a eu avant mais aussi pourquoi les sorciers du monde noirs semblent tous se débattre dans un univers qui les rend malheureux. Peut être qu'il n'a que de mauvais exemples, peut être qu'il pense ça parce qu'il n'a jamais réussi à entrer dans le moule, peut être qu'il se sent de côté parce qu'il a essayé d'en sortir et qu'il n'a rien pu faire d'autre que revenir, peut être que certains ne sont réellement plus humains depuis longtemps.
Anja ne lui a jamais paru plus humaine qu'à cet instant.
A quel moment les sentiments ont-ils commencé à être un fardeau à ce point pour elle ? Il ne connaît pas son histoire - il n'a pas cherché - et il n'est pas sur de vouloir savoir mais elle semble changée, maintenant.

- Je peux pas aimer parce que je ne sais pas me contrôler.

N'est-ce pas ironique, de tels mots, venus de la dirigeantes de l'une des organisations les plus puissantes du monde ? Et pourtant, assise contre le tronc, aux côtés de Green qui la dépasse d'une tête et qui doit faire le double de son poids, elle semble petite, tassée, toujours aussi froide et distante mais comme percutée par ses propres émotions. Prise dans sa propre tempête.
Il n'aurait peut être finalement jamais du essayer de l'avoir.

Le jeune homme jette un coup d'œil au sang sur ses bras, petites coupures qui seraient disparues dans la semaine. Certaines saignent un peu mais d'autres sont superficielles.

- C'est rien, tout ça..

Il se cale en tailleur contre le tronc.
La nausée qui lui saisit le ventre depuis quelques minutes commencer petit à petit à s'apaiser alors qu'il se rappelle qu'il n'aurait pas pu assumer un enfant, qu'Anja n'aurait jamais dit dans tous les cas qu'il était le père..
Quel honte d'avoir laissé un soldat lui faire un enfant !
Il se passe les deux mains dans les cheveux, puis sur le visage, essayant de se débarrasser de ces pensées qui l'assaillent. Pourquoi diable Anja n'a pas pris de pilule du lendemain, ou quoi que se soit pour se faire avorter ?

- Je..

Il se mord la lèvre.

- Tu sais que je l'atteindrai au moins dans ses rêves, mais.. mais j'lui dirai pas. Ni pour toi, ni pour moi.. C'est pas un cadeau d'être fils de Soul de toute façon.

Sa voix n'est pas triste ni pesante, c'est un fait réel et avéré. Comment réagirait Bleu face à cette information ? Et Red ? Cyan ? Le reste de la famille ?
Il avait tellement de questions et aucune réponse. Ses pensées ne le lâchent pas, pas une seconde. Il voudrait lui dire que l'avenir de l'enfant est l'oeuvre de sa mère (Napoléon) mais qu'elle n'aurait pas du la laisser là-bas parce que quoi qu'elle pense, elle ne ferait jamais de mal à Elaïa.

- Mais ne la laisse pas.. regarde ce que la solitude nous a fait. Et ce que l'amour provoque chez toi, tu es différente à présent.

Il sait qu'il devrait se taire, il sait que les traits d'humours ne sont pas appréciés, il sait que.. il ne sait pas le silence.

- Tu n'es pas la personne avec qui j'ai fait l'amour dans un bureau.

C'est une blague, bien sûr qu'il n'a pas fait l'amour à cette personne, c'était une partie de désir et de volontés, par de sentiments, il sait tout ça, mais il n'assume pas ses mots alors il ne la regarde pas, s'occupant les mains pour garder une contenance. Il attrape un bâton et le lance comme un enfant, puis un caillou. Il aurait souhaité dire ça avec un petit sourire et se tirer, mais il était faible et fatigué.
Et puis il fallait l'avouer, il était sans dessus dessous : après tout, il allait être papa.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyMar 2 Mai 2017 - 10:50

Quelque part en elle, quelque chose ne pouvait s'empêcher de lui souffler que tout aurait pu être différent. S'ils n'avaient pas été noirs.
Peut-être auraient-ils été tous les deux étudiants.
Peut-être se seraient-ils rencontrés à une de ces soirées comme on en voit dans les films.
Peut-être se seraient-ils vraiment aimé.
Peut-être auraient-ils eu une maison, leur fille et leur amour.
Sauf qu'ils étaient noirs et que tout ça n'était qu'utopie.

[...]

La plupart des gens me voient comme une personne insensible autant aux sentiments qu'aux éléments qui m'entourent. Cela m'arrange ; ils m'en craignent d'autant plus. Pourtant ce n'est pas tout à fait vrai. À ce moment là, assise dans la terre contre ton père, je savourais l'odeur du bois mouillé, la douceur de la mousse sous nous, la froideur de l'écorce contre notre dos.
Et le sang sur nos bras...
Ce sang qui me rappelle la scène qui a eu lui quelques instants auparavant. Ce sang qui rappelle notre mortalité, à tous les deux. Parce que parfois la reine doit se sacrifier pour protéger un pion encore plus important qu'elle même. Le roi.
Toi, Elaïa.

Tout aurait été tellement plus simple si tu étais née dans une autre famille. Ou si nous étions différents. Parfois, j'envie les humains sans pouvoir. Qui ne sont au courant de rien et qui vivent leur petite existence sans se douter de quoi que ce soit. Green et moi aurions pu te garder avec nous, t'élever entre nous...
Ou peut être pas.
Peut-être bien que je réduis la vie humaine à trop de facilité. Ils sont plus bêtes que nous, mais ce ne sont pas non plus des animaux. C'est vrai. Alors peut être bien que, même si nous avions été humains, nous n'aurions pas pu te garder Elaïa. Parce que trop jeunes, parce que parents trop sévères, parce que pas les moyens financiers...
Être humain rend plus bête, mais pas nécessairement plus heureux.

- C'est rien, tout ça..

Je ne sais pas exactement à quoi les mots de ton père correspondent. À la tempête qui s'est déchaînée ? Aux marques sur nos bras ? À mon impossibilité d'aimer plus que mon incapacité.
Rien.
Un mot, une syllabe. Un mot qui peut correspondre à tout, ou à rien, justement. Rien c'est vide et pourtant c'est infiniment plein. Cela me paraît être un bien court mot pour tout ce que cela représente.

- Je..

Encore une interruption, une hésitation.

- Tu sais que je l'atteindrai au moins dans ses rêves, mais.. mais j'lui dirai pas. Ni pour toi, ni pour moi.. C'est pas un cadeau d'être fils de Soul de toute façon.

Tu vois Elaïa, ton père n'a jamais fait le choix que je lui ai imposé. Si tu dois en vouloir à quelqu'un dans cette affaire, c'est uniquement à moi. Il voulait te connaître. Il te connaît même peut être... Soldat fou qui hante tes rêves afin de découvrir un peu qui tu es... Alors tu ne dois pas en vouloir à Green, ce n'est pas sa faute, tout est de ma faute...
Hais moi si tu le veux, mais ne reporte pas sur ton père une faute qu'il n'a pas commise.

- Mais ne la laisse pas.. regarde ce que la solitude nous a fait. Et ce que l'amour provoque chez toi, tu es différente à présent.
- C'est bien ça le problème.

Je me suis tournée vers Green, mes yeux froids cherchant son regard. Mais il regardait droit devant lui, les arbres, la forêt, le vide. Tout sauf moi. Un instant, je me suis remémorée ton visage à la naissance ou les quelques photos que m'envoyaient prudemment Moha. Elaïa, tu n'as que quelques mois et pourtant tu ressembles déjà tellement à ton père... Le même nez de profil. La même moue boudeuse.
Et mes yeux, tu as mes yeux. Enfin presque. Le même bleu, mais avec tellement plus d'intensité et de vie dedans. Tellement plus d'amour.
Tu avais besoin de quelqu'un capable de te rendre cet amour. Pour pas que tes propres sentiments se retrouvent noyé.
Besoin de quelqu'un comme Moha.

- Elaïa avait besoin de quelqu'un capable de s'autoriser de l'aimer. Sans condition. Et elle ne mérite pas cette vie non plus. Notre vie. Que crois-tu qu'Orpheo ferait s'ils étaient au courant de son existence ? Peut-être bien que des gens comme Pandora Mystery n'oseraient pas toucher à un enfant, mais la plupart des exorcistes justifient les moyens par leurs fins. Ils sont pire que nous, en fin de compte. Au moins, nous on assume.

Silence. Silence et oiseaux.
Qui suis-je ?
Qui est ta maman Elaïa ? Moi même je n'en suis pas sûre. C'est difficile d'être.

- Tu n'es pas la personne avec qui j'ai fait l'amour dans un bureau.

Esquisse de sourire. Ton père a raison, j'ai changé depuis ta naissance.
Je ne peux pas m'empêcher de t'aimer.
Comme je ne peux pas t'empêcher de me haïr.
Excuse moi

Deine Mutti


Anja s'était promis de tout dire à sa fille. De ne rien lui cacher. Mais là c'est trop, là elle ne peut plus. Ecrire lui fait trop mal.

Il s'en est passé des choses après ces mots de Green. Anja avait pris une mince feuille de papier glacée dans la poche de son blouson avant de la tendre à son soldat.
Elaïa.
Petite chose fragile aux grands yeux bleus, babillant devant l'objectif. Bébé bien éveillée avec un sourire capturé à son apogée. Un ange, encore plus beau que ses parents, et avec tellement plus d'amour en lui.
Une photo récente d'Elaïa.

Puis Anja planta son doigt dans la terre avant de dessiner une rune de contraception sur son avant bras.

- Fais moi l'amour.

Des mots qui tombent comme des larmes. Anja lâche les armes, se révèlent à Green.
Fais moi l'amour.
Elle ne peut décemment pas l'écrire dans une lettre. Ce moment là n'aurait pas dû exister. Ces mots là n'auraient pas dû tomber. Jamais. Jamais. Jamais.
Trop tard.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyMar 2 Mai 2017 - 15:43

« Perfore ma peau »

Le vent avait soufflé un peu plus fort, laissant des frissons sur la peau entaillée du brun qui laissa le froid s'emparer de lui sans chercher à se réchauffer. Il se sentait un peu plus serein, un peu moins perdu. C'était idiot, il n'arriverait pas à atteindre Elaïa avant bien des années mais il trouvait qu'avoir une fille c'était un but en soi, comme un projet de vie et un objectif à atteindre : la rendre heureuse et la protéger, qu'il ait une place à ses côtés ou pas n'avait finalement aucune importance.
Qu'il ait ou non son nom sur la couverture du livre ne changeait rien au fait qu'il voulait le meilleur pour elle sans jamais l'avoir vue.

- C'est bien ça le problème.


Il haussa les épaules. Il ne savait pas si c'était un problème ou juste un fait. Les gens et les choses passent, changent, ce n'était pas mieux ou moins bien, c'était différent. Green voyait surtout l'immense tour d'Anja se craqueler petit à petit, il voyait les certitudes de la jeune femme s'effriter et il ne pouvait que se rappeler de ce que ça lui avait fait à lui aussi, quand il avait eu l'impression que ce qu'il voulait n'était plus compatible avec ce qu'il avait.
Il ressentait ça, aujourd'hui plus que jamais.

- Elaïa avait besoin de quelqu'un capable de s'autoriser de l'aimer. Sans condition. Et elle ne mérite pas cette vie non plus. Notre vie. Que crois-tu qu'Orpheo ferait s'ils étaient au courant de son existence ? Peut-être bien que des gens comme Pandora Mystery n'oseraient pas toucher à un enfant, mais la plupart des exorcistes justifient les moyens par leurs fins. Ils sont pire que nous, en fin de compte. Au moins, nous on assume.

Il se pince les lèvres.

- C'est Orpheo qui t'inquiètes le plus ?

Il secoue la tête.

- Ceux qui veulent ta place sont assez nombreux pour qu'elle soit en danger de l'intérieur même de l'organisation. Je dis pas que t'as fait le mauvais choix, je dis juste que ce n'est pas le mien.

Tout était toujours tellement lourd et tellement compliqué que quoi qui soit dit ou fait chacun devait au final trainer son boulet, aussi lourd qu'il soit jusqu'au bout.
Enfin, jusqu'à cet instant ou Anja se décida et lui tendit une photo. Il l'attrapa, les deux un peu tremblants. Le bébé sur la photo lui semblait irréel, il n'y avait aucune chance qu'il ait pu créer un être aussi.. aussi..
Il se tut pour la première fois réellement depuis bien longtemps. Il aurait voulu faire un commentaire, dire à quel point elle était magnifique - mais bien évidemment que c'était la plus belle d'être toute, c'était sa fille - ou fragile ou.. ou simplement qu'il aurait voulu sentir sa chaleur à elle contre son torse à lui et ses petits doigts enroulés autour de son pouce. Il aurait voulu la bercer et pourtant ce n'était pas à lui que cette tâche incombait et malgré tout ce qu'il avait pu dire sur le fait qu'il ne dévoilerait pas qu'il était son père, cela le rendit immédiatement profondément malheureux.
Il avait engendré quelque chose qu'il n'avait pas pu maîtrise ensuite et il s'en voulait, il s'en voulait d'avoir laissé les choses glisser.
Il aurait voulu, pour une fois, être moins en colère contre le monde et plus apaisé, mais sa colère le consumait de l'intérieur cette fois.. comment avait-il être aussi stupide. Comment pouvait-il être le papillon qui provoquait la tempête sans même s'en rendre compte ?

Il se sentait idiot.

Il passe son pouce avec lenteur sur le papier glacé en souhaitant à nouveau sa fille dans ses bras. Il trouvait déjà incroyable de la savoir réellement, vivante, toute pleine d'énergie et avec ces yeux, ses yeux à lui. Il était papa ? Il ne pouvait décemment pas être le père d'un tout petit être si innocent, si lisse, si vivant..

Anja se mit subitement à dessiner une rune sur sa peau nue et abimée, sans que Green ne puisse la reconnaître - alors qu'il avait réellement étudié cet art, il considérait toujours que ce qu'il savait était un avantage. Il se retourna contre lui et il fronça les sourcils, elle semblait si.. si.. différente, humaine, fragile, si expressive tout à coup.

- Fais moi l'amour.

Oh.
Il déglutit.
Tout était trop. Beaucoup trop. Il était rentré pour la faire parlé, elle avait tout avoué, il avait une fille, il allait être papa, il n'était pas mort (ce qui était peut être le plus étonnant dans l'histoire finalement), elle s'appelait Elaïa, elle avait ses yeux, Anja avait voulu lui faire autant mal à lui qu'elle avait mal dans son cœur à elle, il l'avait amenée ici dans son univers à lui en se téléportant, il se sentait nauséeux, blessé, perdu et.. et Anja était Anja.
Son visage se mit à transporter un air désolé, un peu cassé quand il posa sa main chaude sur le visage d'Anja avant de presser ses lèvres avec toute la douceur dont il était capable sur la joue de la jeune femme. Les effluves de la jeune femme vinrent le tourmenter quelques secondes, il en avait tellement envie.
Mais Green était celui qui possédait la reine quand il ne fallait pas, celui qui levait les yeux quand il aurait fallu les baissait, celui qui ne regardait pas Anja quand elle cherchait son regard, celui qui disait non quand n'importe qui aurait dit oui.
Il avait l'impression qu'il perdait pieds et qu'il allait se noyer. Il ne comprenait pas pourquoi elle lui demandait cela, pourquoi elle céder subitement face à lui, soldat, moins que rien, l'inutile qui finalement l'avait mise enceinte.
Il aurait voulu lui dire qu'il aurait bien voulu mais que c'était trop, qu'il ne pouvait pas faire ça, que c'était trop tard maintenant.
Il se redressa doucement, les yeux brillants de larmes comme un enfant, lèvres pincées et le menton un peu tremblant de quelqu'un de désolé qui pense qu'il n'a pas le choix.

Il se téléporta dans les toilettes de sa chambre après avoir rompu tout contact avec Anja. A l'instant même où il toucha le sol, il tomba à genoux pour vomir une bile âcre et douloureuse. Il attrapa avec des doigts tremblants les serviettes et la couverture polaire qui traînaient ici et se roula en boule en chien de fusil tel le pauvre soldat qu'il était et qu'il serait toujours, frôlant l'inconscience en tombant dans le sommeil.

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MessageSujet: Re: He's a picture drawn from sadness.    He's a picture drawn from sadness.  EmptyMar 2 Mai 2017 - 19:19

- C'est Orpheo qui te fait le plus peur ?

Non. Bien sûr que non. Mais il était tellement plus facile d'accuser ses ennemis que de regarder ses alliés. Des alliés sanguinaires, froid, cruel. Si Orpheo n'hésiterait pas à exécuter Elaïa, les sorciers noirs trouveraient pire que la mort. La souffrance. Les déchirures.
Et le pire de tous, c'était Dorian Cross. Si Anja était la reine et Green le fou, Dorian était sans nul doute le roi. Protégé par des rangées de pion. À la sentence irrévocable. Insurmontable. Le chef de Croix était la dernière personne sur Terre à qui Anja aurait osé parler de sa fille. Parce qu'il était le pire de pire.


- Ceux qui veulent ta place sont assez nombreux pour qu'elle soit en danger de l'intérieur même de l'organisation. Je dis pas que t'as fait le mauvais choix, je dis juste que ce n'est pas le mien.

Le loup pourrait venir de Rosenrot même. Raison de plus pour la cacher avait envie de hurler Anja. Mais elle ne dit rien. Elle se contenta de regarder Green.
Elle avait envie de lui. Envie qu'il déchire son corps, qu'il la lacère de l'intérieur, qu'il la détruise un peu plus. Qu'il la prenne ici même contre un tronc d'arbre, sans réfléchir.

Fais moi l'amour
Plus qu'une demande, un cri roque provenant des tripes, du désir.
Fais moi l'amour
Une supplication de la reine, le dernier acte d'un suicide minutieusement préparer.
Fais moi l'amour
Presque un ordre.

Pas de réponse. Juste un air désolé, une tristesse presque dans les yeux de Green. La reine avait abattu sa garde, son être pour lui et le fou la regardait de haut.
Le fou jouait au fou.
Quelle ironie.
Alors que tant d'hommes auraient désiré être à la place de Green à ce moment là, Dorian Cross étant d'ailleurs probablement le premier sur la liste. Anja en connaissait certains qui auraient tout sacrifié pour entendre ces quelques mots sortir de la bouche de la cheffe de Rosenrot. Elle était belle, jeune et surtout son pouvoir faisait tourner les tête. Décrocher la reine sur son tableau de chasse. Baiser avec l'imbaisable.
Mais le fou restait fou.
Et au lieu de sauter sur elle, au lieu d'écouter son désir - parce que oui, Anja était sûre qu'il la désirait tout autant qu'elle le désirait, il ne pouvait nier cette alchimie entre eux, au lieu de tout ça, il la regardait juste. Tristement.
Et avec cet air d'excuse insupportable dans le regard.

Ouvre ton coeur Anja.
Quelle erreur.

Green se tourna vers elle, posa ses lèvres chaudes sur sa joue. Un geste d'un père à un enfant, d'un frère à une soeur, d'un humain à un autre humain.
Dégoûtant par son amour.
Il se leva sans rien dire. Il n'y avait plus rien à dire. Et pourtant les yeux du jeune homme criaient des larmes.
Green se téléporta.
Et une fois de plus Anja était seule.

Cette forêt, ces piaillements débiles des oiseaux, tout l'insupportaient. Green était parti, l'avait laissée là alors qu'elle s'était offerte à lui, entièrement. Son corps et son coeur. Plus loin qu'elle n'avait jamais été avec quiconque d'autre.
Et il lui avait mis un vent.
Pour la blesser, c'est sûr qu'il l'avait déchiré. Déchiré le peu de bout de coeur qu'elle avait reconstitué durant cette conversation.

Ouvre ton coeur Anja.
Quelle erreur.

C'était terminé à présent. Plus jamais on ne l'attraperait à ce genre de conneries humaines. Ça rend pas plus heureux. Ça ne fait que déchirer. Ça rend pas plus humain. Juste moche et noir. De l'amour, elle n'en aurait plus que pour sa fille. Des bribes. Insoupçonnables aux yeux du monde. Juste pour elle, bien enfoncé dans le bout de caillou qu'elle avait dans la poitrine.
Green pouvait bien aller brûler en enfer.
Elle s'en fichait.

Anja se releva, se dirigeant lentement vers l'orée de la forêt afin de rentrer dans la ville chercher un taxi.
Les oiseaux pouvaient bien continuer de piaffer.


Dans la forêt, le calme reprenait ses droits. Il ne restait plus rien de la conversation entre Green et Anja.
Si ce n'est un arbre déraciné par des sentiments trop violents.

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