« Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »

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 « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »

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Admin | Exorciste d'Orpheo
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Sylvester A. Aonghus
Sylvester A. Aonghus
Admin | Exorciste d'Orpheo
MessageSujet: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyDim 11 Nov 2018 - 23:43

Le voyage en avion avait paru interminable. Carla, la jeune compagne - pouvait-on encore l’appeler ainsi après cinq ans loin l’un de l’autre ? - de Louis était restée crispée sur son siège tout le long du voyage, ne parlant que pour les choses les plus essentielles. Elle n’avait pas touché à l’écran qui diffusait une large palette de films et à peine effleuré son repas. Les yeux fixés sur le hublot, elle ne les avait décollés que pour dormir, à peine quelques heures, avant l’atterrissage.
Sylvester l’avait laissée dans ses pensées, conscient des batailles qui devaient faire rage dans la tête de la jeune femme pour qui il s’était pris d’affection durant ces cinq années. Il la connaissait assez, désormais, pour savoir la laisser dans son mutisme. Lui-même n’avait que peu de choses à dire, tant les questions se bousculaient dans son esprit.

Depuis combien de temps Louis était-il au Canada ?
Comment avait-il atterri là-bas ?
Comment avait-il fuit les sorciers noirs ?
Qu’avait-il fait pendant ces cinq années ?
Et, surtout, pourquoi est-ce que personne n’avait eu la présence d’esprit de l’avertir lui, Sylvester Aonghus dont la réputation n’était plus à faire et qui était son maître, celui-là même qui avait remué ciel et terre cinq ans durant ?

Avec la guerre, Orpheo s’était lentement délité et les contacts entre les différents QG n’étaient plus aussi simples qu’auparavant. Depuis la prise beaucoup trop facile du Mystery, la méfiance régnait et les accès ainsi que les contacts s’étaient peu à peu refermés. Alors qu’ils auraient dû s’entraider, la guerre qui s’éternisait forçait la distance entre les pays et les informations devenaient de plus en plus délicate à dénicher.
Mais tout de même !
Sylvester n’était pas prétentieux en pensant à sa réputation ; il était simplement conscient de ses capacités et de ses contacts. L’exorciste était doué, vraiment doué et consciencieux. Rares étaient les missions où il avait échoué et, loin de le détruire, il avait appris à considérer ces échecs comme des leçons. De plus, il avait de nombreux contacts dans toute l’Europe, de la simple secrétaire à ceux qui exerçaient leur pouvoir dans les plus hautes sphères.
En Europe. Pas au Canada.
Toujours est-il, qu’il n’était pas normal d’avoir aussi peu d’information aussi tardivement et par le biais de Carla. Quelqu’un allait payer pour ça. Parce que c’était le seul moyen pour Sylvester de repousser la culpabilité de son incapacité à avoir retrouvé Louis, de tout ce temps perdu à retourner le monde entier pour que dalle. Durant les heures de vol entre l’Ecosse et le Canada, le sorcier avait eu tout le temps pour dresser une liste de ce qu’il ferait une fois qu’il se serait assuré que Louis allait bien et qu’il aurait éclairci quelques points.

- Retrouver les sorciers noirs qui avait capturé Louis.
- Les massacrer.
- Retrouver tout ce qui auraient heurté le jeune homme.
- Les massacrer.
- Retrouver tous ceux ayant dissimulé des informations - qu’ils soient amis ou ennemis.
- Les massacrer.

Puis, lorsqu’il aurait enfin accompli les quelques tâches sur sa liste, l’australien pourrait enfin se relâcher, se laisser aller à sa peine et expier sa propre faute par les larmes.
Louis lui pardonnerait-il un jour ?
Avec un soupir, le sorcier parqua la voiture de location sur le parking de l’IBMM de Gatineau. Pour les innocents - comme Carla - le bâtiment n’était rien de plus qu’un hôpital... à l’exception que ceux qui le parcouraient étaient des sorciers, des mêlés et des humains doués, souvent pourvus de pouvoirs extraordinaires. Si ces gens ne pouvaient plus rien pour Louis - et les inconnus qui avaient débarqué chez la jeune femme pour lui annoncer l’endroit où se trouvait son amant avaient bien précisé que son état empirait - personne ne pourrait rien pour lui. Personne sauf...
Le regard de l’exorciste glissa sur sa passagère. L’amour pouvait-il réussir là où la magie avait échoué ? Carla ne disait rien, seul la pâleur de sa peau trahissant son angoisse. Sylvester l’observa ouvrir la portière et se diriger vers l’hôpital, droite, sans une hésitation.

Deux jours plus tôt, c’était avec cette même droiture qu’elle avait ouvert aux messager alors que Sylvester - venu pour une simple visite officiellement amical, officieusement pour s’assurer qu’elle était toujours en vie - vérifiait mentalement l’emplacement de ses armes et son accès à ses pouvoirs. Little Angleton pullulait de sorciers noirs et une mauvaise rencontre aurait sans doute fini d’achever l’humaine.
Cependant les deux hommes venu à la porte n’étaient pas porteur de menace, mais d’un espoir. Louis était vivant.
À ces mots, l’exorciste avait failli s’écrouler alors que Carla, l’innocente, douce et enfantine Carla, était restée droite dans l’encolure de la porte, un seul mot traversant la barrière de ses lèvres.
« Où ? »
Quelques minutes plus tard Sylvester achevait de payer leurs billets pour le Canada.

Une fois dans l’IBMM, il ne fallut que peu de temps aux deux voyageurs pour découvrir le numéro de la chambre de celui qu’ils étaient venu voir et pour s’y rendre. Cependant, une fois devant la porte, l’hésitation s’égara sur la main de la jeune femme, pourtant fermement accrochée à la poignée.
Sylvester déposa sa main sur son épaule, comme un appel, un soutien. « Ça va aller », pensa-t-il si fort qu’il ne fut pas certains que les mots ne s’étaient pas échappés de manière impromptue de sa bouche.
Enfin, Carla appuya sur la poignée, pour découvrir une chambre d’hôpital sombre - le temps de faire le voyage depuis l’aéroport, la nuit était déjà tombée - et au milieu duquel régnait un lit blanc porteur de mort.
Porteur de Louis.

Sylvester et Carla s’avancèrent, tremblant presque devant cet être perdu depuis si longtemps. Puis, alors que toute émotion semblait avoir quittée Carla depuis des années déjà, la jeune femme s’écroula au chevet de son amant, incapable de retenir les sanglots et les larmes.


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Admin | Exorciste d'Orpheo
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Louis M. Jørgensen
Louis M. Jørgensen
Admin | Exorciste d'Orpheo
MessageSujet: Re: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyLun 12 Nov 2018 - 23:52

On ne voit bien qu'avec le coeur,
L'ESSENTIEL EST INVISIBLE POUR LES YEUX.


Le temps passe comme une aiguille. Il se faufile en tenant le fil, tisse des liens et pique à vif. Il pointe vers un avenir et noue des histoires à chaque point. Je m'amuse à le penser, le construire et le découdre ensuite. Il est comme ce linceul que tissait Pénélope la journée et qu'elle défaisait chaque nuit, dans l'espoir qu'il revienne un jour à elle, sain et sauf, et la sauve de ces prétendants qui ne veulent que gouverner Ithaque. Elle a le courage de rester fidèle à cet homme qui a prit la mer et s'en est allé faire la guerre. Je me pose la question, moi. La question. Et je la tourne et la retourne dans tous les sens, jusqu'à l’écœurement, en silence, seul. Et toi Carla ? Je ferme les yeux un instant, ne pouvant plus faire semblant de regarder la télévision qui déverse des inepties à longueur de temps. Je me fiche de ces hommes et femmes qui discutent dans les talk-shows et racontent n'importe quoi. Ce n'est même pas drôle. L'exorciste qui est de garde aujourd'hui, Amber Tremblay, n'est sans doute pas d'accord avec moi si j'en juge son regard collé non-stop.

Suis-je partie à la guerre, laissant Carla ? Est-elle obligée de coudre un linceul pour enterrer sa peine ? Mes paupières se rouvrent, comme à regret. Le temps coule encore, et avec une lenteur qui me laisse de marbre. Je n'ai presque pas d'envies à vrai dire. Je me sens vide. Penser est difficile. Bouger est difficile. Vouloir est difficile. Je ne peux que vivre. Manger machinalement alors que rien n'a de goût ou pas réellement. Marcher aux moments de liberté que l'on veut bien m'accorder hors de mon lit. Dormir quand le sommeil veut bien se montrer et les cauchemars se cacher. Respirer chaque seconde, comme le dernier besoin qu'il me reste. A part Carla. Carla est un besoin vital de chaque instant, insatiable. Une question. La question. Je sers les poings autour de ma couette. Si Amber ne me jette ne serait-ce qu'un coup d'oeil, c'est un miracle. J'ai mal de ne pouvoir sortir d'ici, de rester cloîtré. J'en deviens presque fou, à ruminer mes pensées qui ne peuvent pas sortir. Je suis toujours incapable de prononcer le moindre mot, de formuler la moindre idée. Je ne veux pas manquer de respect à ceux qui ne cessent de me poser des questions, à ceux qui s'emportent face au silence. Je ne veux pas trahir ou me montrer obstiné comme ils ont l'air de le penser, certains. Je veux seulement produire un bruit, n'importe lequel, montrer que la coquille n'est pas vide, qu'il y a un sens à tout cela. Même si je ne le vois pas.

J'ai beau me concentrer, chercher quelque chose dans ce néant qui m'habite et me torture chaque minute un peu plus, je ne trouve rien. Mes doigts palpent l'obscurité, mais ne rencontrent aucune aspérité à laquelle s'accrocher. Je suis face à la question. Et je n'ai pas de réponse. Pas un souvenir. Pas un mot, une image, un son, ne vient pour soulager le vide. Le mur est infranchissable et le désespoir accablant. Je pourrai pleurer, si j'en avais la force. Cela me demande encore trop. Une larme, de temps à autres, mais jamais le déluge. Dehors, il ne pleut pas non plus. Ou si, peut être. Je ne sais pas, je ne fais plus attention. Ce n'est pas important. Si ? Mes yeux se sont refermés, comme dans un effort de plus, se concentrer, chercher, quitte encore une fois à revenir bredouille et le moral en berne. J'ai le coeur qui se serre à chaque défaite, mais qui continue de battre avec acharnement. A chaque fois, j'ai l'impression de mourir un peu plus et de me forcer à revivre encore, pour trouver. La réponse. A la question. Je m'enfonce dans l'oreiller comme je m'enfonce dans les méandres de mon esprit atrophié, avec douceur et précaution. Et je m'y perds de la même façon que si je n'avais rien à perdre. Je n'ai rien à perdre.

Je ne sais combien de temps. Je ne compte plus. Il y a du bruit, léger. On n'insiste pas. Un plateau semble être posé. Un repas ? Je me concentre, oublie le reste. Le vide est obsédant et demande une réponse. Un pourquoi ? Ou un comment ? Je ne sais même plus ce que c'est, la question. Pour autant, je n'ai cessé de me la poser, chaque jour, chaque heure, chaque minute et chaque seconde, dans une répétition effarante. C'est à devenir fou, une fois de plus, à perdre le peu de raison que j'ai et dont tous doute à présent. Ils pensent qu'il y a un blocage. Merci Einstein ! A quoi ? De quoi ? On ne sait à vrai dire et c'est bien là le problème. Ils se succèdent sans arrêt, pour essayer et me reproche de ne pas y mettre du mien. Qu'en savent-ils, de cette souffrance sans borne quand je me confronte à ce silence ? Ils pensent le connaître, eux, mon silence. Ils n'en savent rien. Rien du tout. Pour eux, c'est ce refus de mes cordes vocales de vibrer. Pour moi, c'est pire encore, l'absence totale de son et de pensée cohérente quant à mon passé, quant à ce que j'ai été, pendant ces années, ce que j'ai subi et fait subir... Je suis face à ce silence, tous les jours. Il n'a pas de sens. Il est et est avec violence. Dés que j'essaye de le briser, je suis face à un gouffre qui m'avale, une nausée qui me prend et la panique qui m'étreint.

La porte s'ouvre. Mes yeux s'ouvrent. Il fait nuit. Il fait sombre dans la pièce. Une forme puissante me regarde comme désemparée. Une forme frêle s'effondre sur mon lit, dans un éclat de larme qui me déchire le coeur. Je pensais connaître la souffrance, je la contemple à présent. Et je regarde une femme se perdre dans une tristesse sans nom, se perdre dans le regard humide qu'elle pose sur mon corps affaibli, accablée. J'ai le coeur qui s'arrête. Qui repart. Qui brûle. Il veut sortir de ma poitrine. Mon corps se met à trembler. Violemment. Et ces larmes qui ne voulaient sortir plus d'une seule à la fois, se déversent, toujours en silence, sur mes joues encore un peu creusée, dans ma bouche ouverte et béate. Que... ? La question ? Je détache un instant mes yeux de cette silhouette vacillante pour les monter un peu. Il est là, lui aussi ? Les mots se perdent, les noms aussi, le décors à changé. Ma chambre est dans la nuit. Combien d'heures encore ai-je essayé pour ne pas voir qu'ils arrivaient ? Pour ne pas voir ces mouvements ? Au diable Amber qui semble avoir disparu. Qui est là ? Mon regard retombe sur ces cheveux blonds. Au diable qui est là ! Elle. Elle est là.

- Carla...

Et je sursaute d'un étonnement sans bornes. C'était à peine un murmure rocailleux. A peine un son audible. Rien. Juste un souffle ou... ? C'était ma voix ? Je sens mon coeur prêt à déchirer le monde tant il se bat. Et le silence se fissure doucement, dans une douleur presque jouissive. Et cette peur qui me glace.

electric bird.
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Humaine Innocente
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Carla A. S. Lowett
Carla A. S. Lowett
Humaine Innocente
MessageSujet: Re: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyMar 13 Nov 2018 - 13:37

Le monde se bousculait devant ses yeux.
Carla pensait avoir perdu la capacité à pleurer. Elle en avait versé des larmes dans sa jeunesse ; quand son père frappait un peu trop fort, quand le terroriste l’avait violée, quand Louis n’avait pas cessé de disparaître. Elle en avait versé des larmes, du sang, de la bile. Puis, peu à peu, les torrents s’étaient calmé et il n’était resté que la musique, profondément enfoncée dans ses oreilles les jours de tempête. La jeune femme avait remisé toutes ses émotions dans un coin de sa tête, expiant les sentiments dans le pain qu’elle façonnait chaque jour. Elle avait oublié jusqu’au goût des larmes dévalant les joues pour glisser dans sa bouche.
Plus de larmes, plus de sentiments.
Même lorsqu’elle avait revu Ian, cinq ans après l’attaque, Ian qui l’avait tellement soutenue dans le passé, portée, aidée, Ian qui avait le même tatouage qu’elle gravé sur la peau, sous les os, pour l’éternité. Même à ce moment-là, elle avait été incapable de se laisser aller, ne crachant que des mots comme du sang sur la plage grise.
Carla pensait avoir définitivement perdu la capacité à pleurer. Plus rien ne valait la peine de vivre alors plus rien ne valait la peine de pleurer.
Et pourtant, le monde se bousculait devant ses yeux.

Incapable de supporter cette délivrance de ses sentiments, incapable de soutenir la déferlante d’émotion à laquelle elle devait faire face, elle s’écroula au chevet de Louis. Loque humaine, son visage se chiffonna contre les draps blancs alors que sa main, muée d’une vie propre, cherchait le contact, la preuve de ce qu’elle n’arrivait pas encore à croire.
Louis était en vie.
L’amour respirait.
Les cœurs battaient encore.
Ce sont deux mains perdues qui se retrouvèrent. La main glacée de Carla se glissa dans celle de Louis, sans vraiment oser y croire, en gardant toujours l’impression de faire face à un fantôme, affaibli, déchiré, translucides. Pourtant cette main ne disparut pas, elle était bien là, contre la sienne, peau contre peau, douleur contre douleur.

- Carla...

Ce ne fut qu’un râle qui s’échappa des lèvres de l’homme alité. Un murmure à peine audible. Sylvester lui-même, pourtant à quelques mètres seulement des deux amants, ne l’entendit pas. Néanmoins, ce chuchotement, ce bruissement dans la nuit, résonna dans le cœur de celle à qui il était destiné comme un hurlement d’amour. Un cri qui déchira à la fois la nuit et son cœur.
Dans son dos, la jeune femme n’entendit même pas la porte se refermer sur la silhouette de Sylvester.

« Il faudra quand même que je lui dise un jour à Charlotte, que ça doit être différent de faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime. C’est peut-être pas mieux, surtout quand on sait pas si c’est juste pour une nuit, mais ça fait tellement du bien d’aimer les gens qu’on aime, que ça finit par faire mal.
Je ne sais pas comment on survit à ça. Non, franchement, je ne sais pas. »


Combien de temps s’écoula-t-il encore avant que Carla ne se ressaisissent et que les sanglots cessent de la secouer ? Peut-être quelques minutes. Peut-être cinq ans. Sans doute une éternité. Quand enfin les flots semblèrent se tarir sur les joues de la jeune femme, elle se sentit capable de se relever, vacillant sur ses jambes trop maigre, avant de s’asseoir sur le matelas. Sa main n’avait toujours pas quittée celle de Louis.
La jeune femme renifla alors qu’un sourire se dessinait sur ses lèvres et qu’elle fixait de ses yeux l’homme étendu devant elle. L’homme pour lequel elle avait mis sa vie de côté pendant cinq ans. L’homme qu’elle n’avait cessé d’aimer.
Depuis toujours et pour toujours.

- Louis...

Elle n’ajouta rien, les mots étant trop faibles pour exprimer la tempête qui se déroulait à ce moment-là dans ses tripes. Mais en avaient-ils besoin ? La main libre de la jeune femme remonta le long de la joue de Louis, caressant la peau qui lui avait tant manqué.


De l’autre côté de la porte de la chambre d’hôpital, un homme souriait.
Carla Lowett.
Cette gamine avait beau ne posséder aucune once de magie en elle, l’amour qu’elle portait pour Louis dépassait tout ça. Elle avait réussi là où ni la sciences, ni les pouvoirs n’avaient triomphé.
En silence, les larmes se mirent à couler sur les joues de Sylvester.

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Ton coeur et mon coeur à l'unisson.

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Admin || Nounours ennemi des épinards || Directeur Orpheo Canada
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Allen Kristiansen
Allen Kristiansen
Admin || Nounours ennemi des épinards || Directeur Orpheo Canada
MessageSujet: Re: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyMar 20 Nov 2018 - 22:15

« Blablabla, j’ai du boulot, blablabla on connait le refrain. »

Tout à fait. Je ne suis pas habilité à me tourner les pouces dans mon bureau parce que le travail n’attend pas, n’attend même jamais à vrai dire. Des papiers par-là, des comptes-rendus de l’autre, un chercheur qui insiste pour une énième fois à se faire publier alors que non, juste, c’est de la merde. Mais il faut y mettre les formes pour ne pas paraître condescendant même si les spécialistes du milieu – qui m’aiguillent sur les sujets, je ne peux pas être callé dans tous les domaines – ne se cachent pas de le dire, ce « c’est de la merde ». Ils font même parfois preuve d’une infinie imagination pour décrire leurs sentiments. Des chercheurs quoi.

Ce n’est pourtant pas le sujet du jour. Non, celui qui nous importe aujourd’hui, c’est les heures qui me séparent de mon départ. Je pourrais choisir de partir maintenant puisque je suis mon propre patron mais le travail ne se fait pas tout seul et je peux bien me brosser pour que Phil prenne la barre.
Il semblerait que mes agents les plus proches soient parvenus à retrouver la dénommée Carla. Little Angleton. Ce nom m’a tiré un léger sourire avant de s’assombrir à cause du climat actuel. Il me paraît tout à fait incroyable que des humains puissent encore vivre totalement tranquillement à côté du Mystery. Ne se sont-ils rendus compte de rien ? Préfèrent-ils seulement fermer les yeux ? D’après les informations en ma possession, il se trouve que Carla, de son nom complet Carla Annika Sandra Lowett, est une humaine innocente. Liée au monde magique par la seule intervention de Louis. Jusqu’à quel point connaît-elle la situation qui nous chamboule tous ? Saisit-elle seulement la raison de l’état de Louis ? Pourrait-elle nous aider ?

Carla, c’est le seul mot qu’à prononcé Louis de notre dernier échange. De nos derniers échanges. Pou avoir percé la barrière de ses pensées et constaté les débris s’amoncelant à l’intérieur, je sais à quel point cela a dû lui demander des efforts. Alors, Carla, c’est peut-être la clé qu’il nous manque.
A l’origine, je ne souhaitais pas vraiment parler de la présence de Louis au Canada. Juste, simplement, prend des nouvelles. Mais à mesure que le temps passait et que Louis stagnait dans son état malgré l’intervention des médecins, j’ai jugé préférable de revoir mes objectifs. L’amener, entre autres, au chevet de mon petit frère de cœur. Orpheo pourra bien râler sur le coup, il finira par se calmer lorsque Louis ouvrira de nouveau la bouche pour s’exprimer. Et alors, je serai le premier à faire barrage pour qu’on lui fiche la paix.
Oh que oui.

Mes agents, mes presque amis, se sont donc retrouvés face non pas à une demoiselle seule, mais plutôt un couple. Un duo. Il paraît qu’ils ont pris l’avion dans l’instant et sont annoncés pour la soirée. La soirée. On ne peut pas dire qu’ils aient traînés. Y’a fallu que je réajuste des milliers de choses, que j’en annule certaines mais ça s’est fait, je me suis libéré.

Les pieds sur les pédales de la voiture et me voici quelques kilomètres pus loin à Gatineau, dans l’IBMM déguisé en hôpital pour non-doués. Je salue le personnel hospitalier, les hommes, les femmes avec le même regard bienveillant. Un peu inquiet aussi. Est-ce que Louis va bien ? Le duo est-il déjà arrivé ? Leur a-t-on barré la route ? Il n’y a personne dans les couloirs. Personne que je reconnaisse en tout cas. Du personnel, encore et encore. Mes pieds parcourent le couloir avec un entrain certain et je me retrouve finalement face à la porte. J’ai appris il y a bien longtemps à cesser d’imaginer mais à voir. Je pose donc ma main sur la poignée et pousse la porte. Il n’y a pas vraiment de lumière – pourquoi il n’y a pas de lumière ? – mais je devine sans peine trois silhouettes dont celle alité. L’une est proche du lit, l’autre debout. Une carrure bien impressionnante, il faut le dire. Qui est-ce ?

Je pénètre un peu plus dans la pièce. Cette Carla, j’ignore à quel point elle est impliquée dans l’Ordre. Dans la magie, même. Il va falloir revoir ma présentation et paraître le plus évasif possible tant que je ne suis sûr de rien. Mon regard parcoure très rapidement les trois personnages pour s’arrêter sur Louis. Il semble choqué et je devine que je n’en suis pas à l’origine. J’ai l’impression d’avoir manqué un acte important mais je ne sais pas manipuler le temps alors tant pis. Carla pleure. Cet homme pleure. Je suis décidément arrivé au mauvais moment et je vais juste leur couper ce beau moment d’émotion.
Hey, tant pis, ça ne sert à rien de simuler et sortir quelque chose comme « non non, j’attends que vous finissiez votre séance émotion et je parle après. ». Inutile. Ils m’ont vu.
Je reste tout de même un peu en retrait avant de m’exprimer prudemment, d’abord vers le blond :

-Bonjour Louis.
– Je l’observe avec un sourire doux avant de rediriger mon regard vers l’homme plus âgé, à défaut de ne capter le regard de la jeune femme – Je m’appelle Allen Kristiansen. Je suis celui qui vous a contacté.

On devrait continuer sur autre chose, non ?

-Merci de vous être déplacés aussi vite. Il semblerait que Louis ait retrouvé une petite part de lui-même.

C’est la vérité. Malgré son air quelque peu choqué, Louis m’a l’air un peu plus vivant. L’effet Carla fait son effet et ce n’est pas pour me déplaire. J’imagine par ailleurs tout à fait l’état dans lequel doivent se trouver ces deux inconnus pourtant si proches du blondinet. Je l’étais il n’y a un mois. Tout aurait pu se passer tellement plus vite si Orpheo avait daigné m’indiquer où trouver mon petit frère. Nous aurions pu gagner un an, deux peut-être même. Même une semaine ou deux, peu importe, ç’aurait été deux semaines de moins à souffrir pour lui.

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Admin | Exorciste d'Orpheo
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Sylvester A. Aonghus
Sylvester A. Aonghus
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MessageSujet: Re: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyDim 25 Nov 2018 - 23:14

Sylvester n’avait jamais vu cet homme et pourtant il avait une grande envie de lui envoyer son poing dans la figure.

L’exorciste contint sa rage à grande peine, se forçant à se remémorer l’entrée abrupte de cet inconnu qu’il n’avait jamais vu de toute sa vie et qui pourtant portait un nom qui, lui, lui était connu. L’australien venait à peine de retourner dans la chambre après avoir estimé avoir laissé les deux jeunes gens seuls assez longtemps. Le silence était encore palpable ; personne n’osait vraiment parler ni briser ce moment un peu magique qu’ils vivaient tous. Sylvester c’était donc simplement glissé dans un coin, oubliant les larmes sur ses joues.
Et l’incongru était entré.
Le quinquagénaire avait rapidement effacé les traces de faiblesse sur ses joues, refusant à cet nouveau venu la légitimité de le voir dans un tel état. Le sorcier n’aimait pas qu’on le voie pleurer ; il ne pleurait d’ailleurs que rarement. Cette fois-ci était une exception, et encore, Carla et Louis était trop perdus dans leur propre détresse pour s’intéresser à ses larmes.
Mais l’homme était rentré et n’avait pas compris, malgré le regard lourd de Sylvester, qu’il n’était pas le bienvenu ici. Que c’était le moment des retrouvailles entre deux amours enfantins et éternels. Pire encore, l’homme s’était permis, après un moment trop court aux yeux de l’australien, de briser le silence.

- Bonjour Louis.

Malgré son regard gentil, Sylvester ne pressentait rien de bon. Et la suite n’avait pas vraiment aidé à modifier cette impression.

- Je m’appelle Allen Kristiansen. Je suis celui qui vous a contacté.

Le quinquagénaire s’était forcé à trier les informations pour ne pas s’énerver trop rapidement. Allen Kristiansen. Sylvester était à Orpheo depuis assez longtemps pour connaître le nom des chefs de QG les plus influents dans le monde magique - à part celui de Coco de Berlin qu’il ne parvenait jamais à retenir et donc auquel il avait greffé un surnom - et n’ignorait donc pas qu’Allen dirigeait le Canada. Mais l’information qui l’avait le plus frappé était que c’était lui, précisément cet homme, qui avait apparemment fait de la rétention d’information.
Le poing avait commencé à le démanger à ce moment-là.

- Merci de vous être déplacés aussi vite. Il semblerait que Louis ait retrouvé une petite part de lui-même.

Sylvester prit une grande inspiration, repoussant la scène qu’il venait de vivre et les informations qui en découlait pour plus tard. Pour l’instant le principal c’était Louis et l’exorciste n’avait aucune envie de faire une scène devant lui.
Mais Allen Kristiansen et sa gueule d’ange ne perdaient rien pour attendre. Chef du QG Canada ou pas chef - par ailleurs il aurait bien aimé qu’on lui explique qui avait eu l’idée de mettre un jeune homme à peine sec derrière les oreilles à un poste aussi important ; pas étonnant quederrière qu’il fasse n’importe quoi.

- Sylvester Aonghus. Je suis le maître de Louis.

Et l’exorciste tendit une main à Allen. Non pas un signe de paix, bien au contraire, puisqu’ayant saisi la main du canadien, il s’amusa à la broyer en activant son pouvoir. Pas dans le but de la casser - il ne fallait pas créer de problème tout de suite, il avait déjà été radié dans sa jeunesse des USA pour une dizaine d’années et l’expérience d’être raccompagné à la frontière menottes aux poings n’avait pas été très agréable - mais suffisamment pour faire mal et que l’autre se rappelle de cette poignée de main pour un bon moment.
Puis, sans le lâcher il l’attira vers lui et ajouta, assez bas pour que les deux jeunes gens ne puissent l’entendre :

- Vous et moi aurons une petite conversation quand cette histoire sera réglée.

Il planta son regard sombre dans celui de son adversaire, la mâchoire serrée en promesse de douleur.
Ensuite, aussi soudainement qu’il avait tendu sa main, il relâcha Allen et s’approcha du lit pour déposer sa paume beaucoup plus délicatement sur l’épaule de son apprenti. Il sourit et avec la douceur dont seul celui qui se prend pour un père est capable et s’adressa enfin à Louis :

- Bien essayé ta tentative de fuir l’entraînement, gamin. Mais si tu crois qu’un jour j’aurais abandonné les recherches, c’est que j’ai encore bien des trucs à t’apprendre.

Sylvester avait déjà remisé la présence d’Allen au second plan ; désormais ce n’était plus le canadien qui comptait. Seul brillait Louis sur lequel l’exorciste déroulait une voix emplie d’émotions.

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MessageSujet: Re: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyMer 28 Nov 2018 - 20:29

On ne voit bien qu'avec le coeur,
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La réponse est immédiate, comme une suite logique, un enchaînement parfait. Carla. Louis. Les associations de ces deux prénom me ramène à une sorte de certitude qui m'échappe juste après. Les deux sons côtes à côtes sont agréables, douloureux, vivants. Et sa main sur mon visage, comme une caresse de la vie, me laisse soudainement exsangue, pâle, au bord d'une faiblesse qui est celle de celui qui laisse tout. L'abandon dans le repos, la langueur d'un recueil. Je me sens protégé, avec cette femme frêle aux cheveux volant dans le vent. Même si nous sommes dans une chambre d'hôpital, qu'il n'y a pas de vent et que nous sommes incapables l'un et l'autre de réellement nous protéger. C'est le monde qui nous l'a démontré, en nous séparant aussi facilement que s'il s'était agit d'une aventure sans lendemain. Je me pose la question. Et elle pleure. Elle pleure parce qu'elle n'a eu que cela pendant ces années. J'ai cette impression, ce sentiment affreux de lui avoir causé bien des larmes amères et finalement pas un sourire. Est-ce que c'est cela que je suis ? Des larmes amères ? Tais-toi ! Je ne veux pas y répondre, à cette question.

Je ne voyais que Carla à cet instant, et la porte s'ouvre, brise le moment. Je redescends brutalement dans cette réalité bancale, sur ce lit mou et aseptisé. Allen vient de rentrer. Je n'ai pas la force de lui sourire. C'est comme si j'avais été vidé de l'énergie, qu'il ne me restait que le désespoir, celui de constater la tristesse que j'ai laissé derrière moi, ce vide absolu de l'absence. Et pour moi la question. Le directeur du Canada semble s’immiscer dans la pièce comme une erreur sur le papier. Il a l'air de s'excuser. Devrait-il ? Je ne sais pas. Pose lui la question ! J'arrive à tordre mes lèvres dans une ébauche ratée. C'est déjà ça. Ca ne le sera jamais. Et puis il y a Sylvester, dans un coin. Je l'avais presque occulté. Je le retrouve avec plaisir. Il y a dans cette pièce des personnes que j'aime et les battements chauds de mon coeur en attestent. Pourtant, il semble exister une tension. Une de celle qui me brise le coeur. Je les vois s'échanger des poignées de mains à s'en briser les doigts et je me demande pourquoi tant de violence. Moi dans mon lit, là, réveillé depuis quelques semaines, il s'est sans doute passé trop de choses pour que je comprenne la brutalité de cette scène, les larmes et la rancoeur. Je me suis endormi hier, je me réveille aujourd'hui, avec la sensation désagréable d'avoir loupé quelque chose. Quelques années, à vrai dire.

La bulle explose. L'air semble redevenir serein, comme si ce n'était qu'une illusion. Ils ne me l'ont pas posée. La question. J'en ressens un soulagement immense et une étrangeté grossière. Sylvester se met à plaisanter. Je n'y goûte pas trop, la panique montant. Pourquoi ? J'essaye à nouveau de sourire et y parvient plus, cette fois. C'est comme jouer un rôle qui ne convient pas. Une bizarrerie de plus. Je hausse les épaules, par dépit. Je ne sais plus quoi faire puisque je ne peux pas dire. Le souvenir de cette voix qui s'est élevée il y a quelques minutes à peine me semble lointain, intouchable. J'ouvre la bouche, dans une tentative de plus. Je regarde Allen, puis Sylvester, et enfin Carla. Ô mon amour, reste là, s'il te plait. Et garde ce silence larmoyant, cette pudeur. Ne me demande pas. S'il te plait. Pas de questions. Je n'arrive pas à dire ce que je pense et je n'arrive plus à penser dés lors que je veux dire. Je replonge plus en avant mon regard dans celui de la jeune femme. Mon coeur se serre.

- Carla !

Ma voix résonne à nouveau, en échos à ce murmure éteint, à la difficulté d'un autre mot. Cette fois, c'est un vrai souffle qui a fait vibrer mes cordes vocales et le son qui en résulte, s'il n'a pas la force et la puissance d'antan, est tout à fait audible, presque palpable de la conviction que j'y mets. Je sens comme un courant d'air et la porte claque presque contre le mur. La rapidité avec laquelle on l'a ouverte me laisse sans voix, si je ne l'étais déjà. Il entre.

- Bonjour messieurs, madame...

L'homme se tourne vers Allen avec un dédain incroyable. Il ignore totalement Sylvester à côté, ne parlons pas même de Carla. Son air sérieux me dérange. Il n'est pas amical et son ravissement n'a rien de plaisant. Je me fige brusquement. Il va... Je sers la main de Carla. J'ai peur qu'il ose. Qu'il ose devant elle, celle qui ne sait pas, celle qui n'imagine pas. Comment dire la vérité à présent, après tant de mensonges ? Je ne peux l'aimer qu'avec honnêteté, mais pas tout lui dire. L'exorciste qui est entré dans cette nuit non sans violence devrait le savoir, cette impossibilité de révéler le secret aux innocents, avant qu'une demande ait été faite, validée et approuvée. Et je me rends compte que je me fiche de la magie. Que ce n'est pas ce qui m'importe. Je ne voudrais pas la détruire et moi avec, non, mais je ne veux plus lui donner autant d'importance. Et je voudrais lui dire. Lui faire voir le sang qui me couvre et qui l'a salie. Je voudrais lui dire que cela n'a pas d'importance. Cette question stupide. Mais ça en a et ce serait trahir. Comme on ne peut jamais dire que tout ira bien.

- Avec votre permission et votre concours, maintenant qu'il est parvenu à parler, nous aimerions savoir ce qu'il...
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Humaine Innocente
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MessageSujet: Re: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyJeu 14 Fév 2019 - 17:49

Carla n’entendit pas l’entrée d’Allen dans la pièce, pas plus qu’elle ne prêta attention à son échange avec Sylvester. Son attention toute entière était concentrée sur l’homme allongé sur le lit, sur la beauté fragile étendue devant elle, sur cet oiseau qui avait volé son cœur avant de se fracasser, violemment contre le sol. Loin, si loin d’elle...
La jeune humaine observa les traits pâles de Louis, sa douceur, sa pureté. Un instant leur passé la traversa ; tous ces moments passer ensemble, ses tremblements lorsqu’elle pensait à lui, sans jamais oser lui dire ce que son cœur ressentait vraiment. Tout ce temps perdu à se tourner autour, à s’épauler sans voir l’évidence. Louis brûlait d’amour pour Carla ; elle se consumait pour lui. Puis la consécration, enfin, l’aveu, le baiser et leur corps qui se cherche, qui se trouve, pour ne former plus qu’une seule union qui vibre dans la nuit. Le bonheur alors, les ailes qui avaient poussé dans leur dos, les poussant l’un vers l’autre, deux flammes vacillantes qui se cherchait pour se rencontrer, se reconnaître, enfin...
Et le choc. L’orphelinat, l’attentat, la disparition. Cette nuit, Carla ne désirait pas s’en rappeler et pourtant elle l’envahissait ; la chaleur de l’homme entre ces cuisses et l’absence de Louis qui résonnait dans ses entrailles. Son amant, son amour, avait disparu.
L’attente. Pendant des jours, des mois. Sa promesse à Sylvester ; ne pas prendre sa propre vie, continuer à résister. Mais comment vivre lorsque sa raison d’être ne revient pas, ne revient plus ? Parfois, la nuit, elle rêvait que tout était fini, que le cadavre de Louis était retrouvé, sur les bas-côtés d’une route obscure. Alors elle se réveillait, en sueur, en larmes, horrifiée d’imaginer la mort de celui qui comptait tant pour elle. Et pourtant, et pourtant, quelque part cette mort sonnait aussi le glas de la libération.
Et l’attente ne finissait pas d’attendre.

Puis enfin, les retrouvailles et, à présent, la main qui vibrait dans le creux de la sienne. Alors Carla avait besoin de temps, de s’ancrer dans le regard de celui qu’elle aimait. Le monde tout autour n’apparaissait plus, il avait perdu ses couleurs, sa chaleur, seuls restaient les yeux de Louis. Les lèvres de Louis. La voix de Louis.


- Carla !

Une bouffée d’oxygène ouvrit les poumons de la jeune femme alors que le cri hurlait dans ses tympans. Elle ne réalisait pas, pas vraiment. Louis était en vie, Louis était là, avec elle, tout allait aller maintenant.


- Louis, mon amour...

Sa voix ne fut qu’un souffle qui glissa jusqu’au lit, sans daigner remonter plus loin, à des années lumières de Sylvester et Allen. Les deux enfants, les deux amants étaient seuls au monde, radeau au milieu de l’océan de leurs sentiments. Ils avaient besoin de temps et de solitude, pour se retrouver, réapprendre à s’appréhender, se rencontrer. Pas aimer. Aimer ils savaient ; ils n’avaient jamais cessé.
Contre les étoiles, contre les comètes, l’amour avant toute chose.
Mais le temps se refusa à eux alors qu’une porte rompait la fragile tension de la scène. Un nouvel arrivant dans la voix explosa, agressant l’oreille de Carla.

- Bonjour messieurs, madame...

Elle essaya de faire abstraction, de laisser le monde se tourner dans son dos, sans y prêter attention. Il fallait la laisser, Carla. La laisser à son Louis pour reconstruire la fragilité de leur Univers. Mais c’était impossible ; la voix était trop forte, presque menaçante. Et les doigts de Louis se serrèrent dans les siens, presque avec douleur.

- Avec votre permission et votre concours, maintenant qu’il est parvenu à parler, nous aimerions savoir ce qu’il...
- Vous n’avez ni notre permission, ni notre concours pour quoi que ce soit.

La voix de Sylvester était tombée, tranchante, interrompant le nouveau venu. Son ton était sec et intimidant. La suite ne fut qu’une succession d’ordres.

- Nous sommes en pleine retrouvailles et je ne permettrai pas que quelqu’un puisse venir s’interposer. Louis a besoin de temps et vous attendrez le temps qu’il faudra, tout comme cette jeune fille a attendu cinq ans pour le retrouver. Apprenez de cette humaine et mettez-vous sur la liste d’attente.

Carla osa se retourner, lâchant quelques secondes à peine Louis des yeux, sans pour autant laisser sa main. L’homme qui avait ouvert la porte avec tant de force était relativement grand, des muscles précis se dessinant sous ses habits moulants. Néanmoins, il faisait pâle figure face au maître de Louis qui avait posé sa main lourde sur le bras de l’inconnu, le fixant d’un air sévère.
La jeune femme ne les regarda pas plus longtemps, ses yeux se reposant déjà sur celui qu’elle avait tant attendu. La tête dans le coton, c’est donc à peine si elle entendit la fin de l’échange pour le moins étrange entre Sylvester et l’homme.

- Une humaine, mais... comment c’est po...
- Taisez-vous maintenant.

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Allen Kristiansen
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MessageSujet: Re: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyJeu 16 Mai 2019 - 12:58

« Y’a pas à dire, y’a toujours plus de défauts à être directeur que d’avantages. »

Le simple fait de se voir refourguer des dossiers pareils au dernier moment, par exemple, fait parti de ces nombreux moments où clairement, j’aimerais posséder un punching-ball sur lequel passer mes nerfs. Avant même d’entrer dans cette pièce, je sais à quoi m’attendre. Je sais que quoi qu’il arrive, ces personnes ont attendu des années, ont peut-être même perdu espoir et partagent actuellement un instant que l’on pourrait qualifier de miracle. Peu importe mon entrée, elle sera aussi discrète qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Tout finira brisé dans un chaos absolu et bruyant.

La montagne qui se dresse devant moi me lance un regard tout sauf cordial mais je me contente de lui renvoyer mon visage impassible. Je suis on ne peut plus habitué à ce genre de choses, à ces gens qui te jugent sans te connaître, refusent de te reconnaître. Et je comprends, c’est normal, je ne possède pas un tiers de leur expérience alors tout ce qui m’apparaît, ce sont des peurs fondées. Eh, à ce que je sache, le QG n’est pas encore tombé malgré la présence d’une grosse base de Croix quelque part au Canada.
Qu’importe, malgré son attitude, il me répond :

- Sylvester Aonghus. Je suis le maître de Louis.

Fort bien. On peut dire qu’il a l’air de tenir à son apprenti et quelque part ça me rassure. Il y en aura au moins un disponible pour se battre si Orpheo prend une décision idiote à propos de Louis. Ce n’est pas tant à moi qu’il en veut, mais à Orpheo d’avoir autant traîné pour le tenir au courant. Je pourrais ben entendu couper court à ses suppositions – fausses – mais je n’ai pas la force de me justifier. Qui sait si cet homme m’écouterait, par ailleurs. Il me broie par la suite la main et m’attire brutalement vers lui. Puisque je ne fais clairement pas le poids, je suis son mouvement et l’entend me murmurer à l’oreille :

- Vous et moi aurons une petite conversation quand cette histoire sera réglée.

J’acquiesce silencieusement, retenant de tout mon être le soupir coincé dans ma gorge. Tant que ce ne sont que des mots, je suppose que je peux encaisser sans problème. Il cherche un coupable et je me sers moi-même sur un plateau doré. Si je lui annonce la vérité, à qui pourra-t-il balancer ses frustrations ? Personne. Et paf, il suffira d’une minuscule petite chose pour que la goutte fasse déborder le vase. Croyez-moi, plus vite on se débarrasse des frustrations, mieux on se porte.
Et puis, s’il veut je lui offrirai aussi un punching-ball.

Il me relâche enfin et m’ignore subtilement pour se diriger vers le lit. Bah, tant mieux, c’est ce qu’il me faut pour encaisser sa poignée de main et me masser correctement. Espérons vraiment qu’il se soit calmé lors de notre « petite conversation ». Gardant ma position assez en retrait, j’observe la scène se dérouler sous mes yeux, le Sylvester faire une sorte de… blague ? à l’attention de Louis. Ce gars doit vraiment, vraiment me haïr. Fantastique.
J’inspire profondément et croise les bras.

- Carla !

J’ouvre grands les yeux. Il a parlé… Qui aurait cru que cette demoiselle lui aurait permis de libérer son esprit. Je résiste tant bien que mal à l’envie de plonger dans son esprit pour récupérer ces instants et tenter d’y déceler une logique autre que l’épais brouillard qui le parcourait jusqu’ici. On ne sait jamais, j’aimerais éviter d’avoir à provoquer son enfermement une seconde fois s’il se sent agressé psychiquement.
Je me contente de sourire calmement sans paraître choqué. Je suis simplement heureux. Heureux de voir une amélioration après des années passées enfermé dans son mutisme. C’est une belle leçon adressée aux sorciers noirs en tout cas. Un peu cliché peut-être, mais les humains semblent posséder plus de pouvoir que nous, doués, ne sommes capable de produire. Comme quoi.

- Bonjour messieurs, madame...

Je me retourne vers le nouveau venu. C’est exactement comme je l’ai dit : un éléphant dans un magasin de porcelaine, qui écrase le tout dans un raffuts exceptionnel. Qu’y a-t-il donc, maintenant ? Il n’est pas habillé comme un médecin, c’est un exorciste de terrain. Il snobe d’une manière tout à fait magistrale trois personnes sur quatre pour se tourner vers moi. Je ne sais pas pourquoi, mais sur le coup, j’ai juste l’impression que l’on s’apprête à m’annoncer une très mauvaise nouvelle qui n’a rien à voir avec le moment présent. Mais il semble que je sois à des années lumières de la vérité car il me dit :

- Avec votre permission et votre concours, maintenant qu'il est parvenu à parler, nous aimerions savoir ce qu'il...
- Vous n’avez ni notre permission, ni notre concours pour quoi que ce soit.

Oh, fantastique. Allons régler nos comptes devant Louis, dans un hôpital. Déclenchons une tempête de pouvoir alors qu’un peu plus bas des humains tout à fait innocents dorment paisiblement dans leurs lits. Je fronce les sourcils, prêt à calmer la dispute dans l’œuf mais cet… cette armoire à glace continue son discours dans l’instant.

- Nous sommes en pleine retrouvailles et je ne permettrai pas que quelqu’un puisse venir s’interposer. Louis a besoin de temps et vous attendrez le temps qu’il faudra, tout comme cette jeune fille a attendu cinq ans pour le retrouver. Apprenez de cette humaine et mettez-vous sur la liste d’attente.

Cinq ans. C’est vrai que le temps passe à une vitesse folle. On a tendance à rapidement oublier le temps perdu lorsque l’on retrouve la personne pour laquelle tout ce temps nous a paru si long. Cinq ans sont difficiles à rattraper, encore davantage pour un humain peut-être. Sylvester harponne le bras de l’exorciste et se lance entre eux un duel de regard assez virulent.

- Une humaine, mais... comment c’est po...
- Taisez-vous maintenant.

Les gars.
Hey, les gars.
L’exorciste se retourne subitement vers moi, dans l’espoir d’y trouver l’autorisation tant désirée de terminer sa mission. Car il ne s’agit que d’une mission pour lui. Pas pour eux. Il serait temps d’apprendre à faire passer l’humain avant un ordre sur un bout de papier. Le soupir jusque-là coincé dans ma gorge profite d’une expiration pour s’échapper et je m’approche finalement des deux hommes, en me posant près du nouveau venu et m’adressant à Sylvester.
Commençons par le commencement. Sans effectuer un quelconque mouvement, je demande calmement :

-Lâchez-le, s’il vous plaît. Nous sommes dans un hôpital.

Et par définition, il y a des gens malades, des gens fatigués, des gens qui veulent du calme, ici même. Inutile d’hausser le ton ou en arriver aux mains. Je me tourne ensuite vers l’autre exorciste, tâchant de trouver les mots adéquats pour ne pas faire transparaître une quelconque affaire privée dans la mission à laquelle il a été assigné.

-Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Laissez-lui le temps de digérer tout ça, nous ne sommes plus à quelques heures ou jours près.

Inutile de mentionner l’état dans lequel doivent se trouver les deux individus ou de signifier à l’exorciste qu’il serait bien d’offrir un peu d’intimité à ces trois-là, il n’en aurait que faire. La mission est de faire parler Louis, aussi reste-t-il le sujet principal de ma justification. D’autant qu’après cinq ans de silence, grapiller deux ou trois heures n’est pas une fin en soi. Il me regarde, un peu décontenancé et je me contente de hocher la tête silencieusement. D’accord ou pas d’accord, je suis son supérieur hiérarchique alors si j’ai décidé que, il fera comme j’ai dit. Qu’il rapporte ça ensuite à la maison mère ne le regarde pas, Orpheo ne m’ennuiera pas pour des broutilles pareilles. Par contre, ces « broutilles » pourront considérablement compter pour les deux étrangers.
Pourtant l’exorciste n’a pas trop l’air ravi de mon parti pris. Génial. Je n’ai de toute manière pas grand-chose à faire ici. Ils ne peuvent pas partir avec Louis et je peux au moins leur accorder ce moment d’intimité. Puisque monsieur armoire à glace veut discuter, eh bien je profiterai de ce moment pour récupérer toutes les informations nécessaires.
Je jette un coup d’œil vers Louis mais il m’a l’air tellement obnubilé par la dénommée Carla que je ne prononce aucun mot à son égard et me dirige vers la porte tout en indiquant à l’exorciste en mission de me suivre. J’ajoute à destination des autres.

-Je vous laisse seuls un moment.

Je retiens le « prenez le temps qu’il faudra », conscient du regard désapprobateur d’un de mes agents et referme la porte derrière nous. A nous d’avoir une petite discussion entre canadiens histoire de gagner un peu de temps. Je ne crains pas une tentative de fuite de la part des trois personnes derrière la porte. Orpheo s’est soigneusement chargé de notifier les départs et arrivées de chaque personne par toutes les entrées et sorties possibles, fenêtres incluses.

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Sylvester A. Aonghus
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MessageSujet: Re: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyDim 10 Mai 2020 - 13:28

La main de Sylvester tenait fermement le bras du nouveau venu, émettant une puissance calculée pour lui faire comprendre que, s'il bougeait, il risquait fortement de passer par la fenêtre. C'était fou cette capacité des canadiens à se pointer au mauvais moment, avec les mauvais mots. Au moins en Angleterre, le pays de coeur de Sylvester, les gens savaient comment se comporter. Ce genre de chose ne se serait jamais produite. On leur aurait laissé le temps de se retrouver avant de rentrer timidement, poliment.
Oui, c'était ça le grand avantage des britanniques : la politesse.
Mais même en Australie on n'aurait pas osé cette brusquerie. En Australie, de toute façon, on avait appris à laisser le temps au temps. Était-ce le soleil qui ramollissait le besoin pressant que le froid canadien rendait agressif ?
Dans tous les cas, l'exorciste aurait donné beaucoup pour pouvoir déplacer Louis sur un autre continent. Un continent où l'on ne croisait pas des caribous à tout bout de champs.

– Lâchez le, s'il vous plaît, nous sommes dans un hôpital.

Sylvester dut se retenir difficilement d'indiquer à Allen que, justement, parce qu'ils étaient dans un hôpital, c'était une raison supplémentaire de serrer un peu plus fort. Au moins, s'il lui brisait le bras, une armée de guérisseur pourrait aussitôt intervenir.
Il hésita un instant à mettre en acte ses pensées, puis soupira lourdement avant de relâcher le bras de l'inconnu. Après tout, il était là pour Louis et pas pour se battre avec tous ces abrutis qui semblaient absolument désirer quelque chose de son apprenti. Comme s'il pourrait lui parler. Dieu seul savait ce qu'il avait vécu, mais Sylvester en revanche savait que, pour se remettre, il avait besoin de Carla et de temps. Pas d'imbéciles d'Orpheo Canada - il se refusait à insulter tout Orpheo, son coeur bien trop ancré pour Orpheo en Angleterre - quêtant des réponses à des questions qui blesseraient Louis.

– Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Laissez-lui le temps de digérer tout ça, nous ne sommes plus à quelques heures ou jours près.

Quelques heures, quelques jours ou quelques mois. Quelques siècles même. Si Louis désirait se taire, c'était son droit. Et vu les méthodes en vigueur dans cet hôpital, il n'était guère étonnant qu'il n'ait pas désiré parler depuis son arrivée ici.

– Je vous laisse seuls un moment.

Enfin un peu de délicatesse. Sylvester envoya encore un regard noir à l'exorciste indélicat qui avait failli révéler le Secret devant Carla et les regarda sortir. Il se demanda un instant s'il ne ferait pas mieux se les suivre également, mais la perspective de passer un moment dans un couloir avec ces deux idiots le refroidit. Il préféra appuyer son dos contre la porte, de manière à ce que plus personne ne puisse les interrompre. Son pouvoir pouvait se révéler vraiment pratique...
Et puis Carla et Louis n'avait pas vraiment besoin que la pièce soit vide. Les deux amoureux étaient déjà partis ailleurs, ils avaient battus un mur autour d'eux, abolissant l'existence du monde au-delà. Pudique, Sylvester baissa le regard, leur laissant le temps de se retrouver, de s'enlacer.

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MessageSujet: Re: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyLun 11 Mai 2020 - 23:10

On ne voit bien qu'avec le coeur,
L'ESSENTIEL EST INVISIBLE POUR LES YEUX.

Et je croyais que l'horreur était à bout de force, sur le point de valser en l'air comme un cœur transi, un amoureux perdu sur la surface du globe. J'ai cru que l'horreur se terminait. Il n'y a pas de fin dans la souffrance. Je n'ai plus de mots à dire et pourtant ils ont essayé. Ils se sont heurtés au mur de la question, comme moi, sans aucune réponse. Ils s'y sont écorchés, agrippés, avec la certitude d'obtenir autre chose que ce vide permanent. Il n'y a rien eu, mais ils reviennent encore. Encore et encore. Qu'est-ce que le bonheur quand ce mur est là, toujours présent ? Mes yeux fixent l'homme qui est entré, cheveux sur la soupe, cheveux qu'il n'a pas. Il est entré et m'a rappelé qu'ils attendaient une réponse. Une réponse que je n'ai pas.

Que je n'ai plus.
Que je ne veux plus avoir.

Mes yeux se brouillent de larmes humides, trop timides pour sortir, trop honteuses, brûlantes. Mes paupières se ferment. Mes paupière se rouvrent. Carla. Carla est devant moi. Carla me regarde. Et à nouveau l'horreur valse. Le monde est ailleurs, je suis avec elle. Mes paupières se ferment. Plus de larmes dans les yeux. Mes paupières se rouvrent. Carla. Encore. Ma lèvre tremble quelque peu et mes oreilles sont sourdes à ce qu'il se passe ailleurs. Je suis là. J'ai envie de lui dire. Je suis là.
Là...
S'il te plait, Carla, je suis là. Perdu avec toi, comme toujours. Les hommes se perdent un jour, c'est irrépressible. Je voudrais parfois ne jamais me retrouver. Que ce soit irréversible. A jamais. Jamais, jamais, comme un enfant qui boude, un Peter Pan sans boussole. Je lui dis par les yeux. Je suis là.

Ma main monte. C'est l'Everest. J'ai froid, si froid de ce cœur meurtri, resté en Norvège. Je continue, lentement, d'approcher mes doigts de son visage, lumineux. La neige était blanche et rouge. Je me souviens de la question.

Louis, tu peux m'aider ?

Cette main est tendue. Tendue vers moi. Main que j'attrape, que j'agrippe, que je tire pour relever. La relever. Ma main se stoppe, frôlant la peau chaude et douce de Carla. Mais je suis en Norvège. Là-bas, loin. Une larme coule le long de ma joue, une larme qui ne voulait plus couler. Ma main tremble. Ma main attrape la sienne, la relève, dans cette neige pleine de sang. Elle crache. Elle frappe le sol.Pas mécontente de les avoir crevés. Je caresse sa joue. Elle a les cheveux plein de sang. Je souris. Tu as bien fait, tu es bien le fils de ton père toi. C'est une main sur mon épaule et je me retourne. Il a vu ma violence, il a aimé. J'ai aimé aussi. Mon visage se défait devant les beaux yeux de Carla. Je suis un monstre. Grimace de dégoût. Le vent souffle, envoie la neige dans l'air, sous le soleil. Un millier de gouttelettes gelées scintillent. Des gouttelettes rouges. Qu'est-ce qu'il y a Louis ? Tu savais que ce serait moche...

Je déglutis. Je suis là. JE SUIS LA ! Le mur écrase la Norvège, il n'y a plus de neige. Que le visage inquiet de Carla. Les murs de la chambre d’hôpital, Sylvester dans un coin. C'est tout. Et Carla. Je caresse sa joue à elle et sourit pour de vrai. Parce qu'il le fallait.

- Je suis là.


electric bird.
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Humaine Innocente
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MessageSujet: Re: « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur »   « Nous ne connaissons l'infini que par la douleur » EmptyMer 27 Mai 2020 - 0:14

Le monde avait disparu autour d'elle. Sylvester, l'homme étrange qui les avaient accueillis, le malpoli qui les avait interrompu, ils avaient tous disparu. Leur voix n'était qu'un brouillard futile à mille lieux d'effleurer Carla, entièrement concentrée sur Louis.

Elle ne voulait voir plus que lui, n'entendre plus que lui, ne penser plus qu'à lui.

Tout le reste pouvait attendre. Elle savait que ce moment ne durerait pas, qu'elle ne pourrait pas rester à son chevet tout le temps, qu'elle devrait se relever, pour des préoccupations humaines, trop humaines... Manger, boire, aller aux toilettes, dormir. Et il faudrait prévenir les autres, écrire à Ian, appeler Ange, remercier Rhyan de ne pas l'avoir laissée s'abandonner dans le gouffre. Il faudrait à un moment se relever et affronter cette montagne de tâches, rassurer d'autres personnes, songer à retourner à une vie plus normale. Il y aurait la convalescence, puis Louis pourrait lui revenir.

Réapprendre à vivre ensemble, réapprendre à s'aimer.

Ça lui sembla tout d'un coup insurmontable. Tellement d'obstacles qui pouvaient se présenter, alors qu'elle n'avait même pas la force de défendre l'homme qu'elle aimait face aux agressions des inconnus qui envahissaient la chambre de Louis. Heureusement que Sylvester était là...

Sylvester. Lui aussi disparut de son esprit.



Elle se concentra uniquement sur le corps allongé devant elle, sur la difficulté de cette main à s'élever, cette même main si forte qui, dans le passé, arrachait ses vêtements, la plaquait contre un mur, la soulevait du sol. La main était si lente, douce torture qui résonnait dans la chambre d'hôpital comme un appel : aide moi.

Carla ne fit rien. Elle attendit simplement que la main trouve son propre chemin, persuadée dans son for intérieur que ça devait être ainsi, que Louis devait retrouver Carla, qu'elle devait le laisser venir à elle.

Lorsque la peau du patient atteignit enfin celle de la jeune femme, elle réalisa qu'elle était glacée. Aussi froide que le regard égaré de l'homme, comme perdu à des milliers de kilomètres de la chaleur étouffante de cette chambre d'hôpital.

Ne pas bouger. Ne pas trembler et le laisser revenir.

Une ultime fois les yeux immenses se troublèrent. Puis ils se fixèrent sur les yeux de celle qui l'avait attendu depuis si longtemps. Enfin de retour. Enfin ensemble.



– Je suis là.



L'étau qui enserrait la poitrine de Carla se libéra enfin et elle put à nouveau bouger, plaquant sa main contre celle, glacée, de Louis, qui s'était égaré sur sa joue. Avec tout l'amour coincé en elle, tout cet amour qu'elle avait gardé pendant cinq longues années sans jamais pouvoir le partager, elle enlaça ses doigts à ceux de son amant et sourit.



– Je sais, mon amour.



Sa voix n'était qu'un murmure, une douce chaleur qui provenait de son coeur et coulait dans ses veines, comme pour réparer toute la douleur qu'avait laissé la disparition de Louis.

Dire qu'elle y avait toujours cru, dire qu'elle n'avait jamais douté de le revoir un jour, serait un mensonge. Et pourtant, au fond des prunelles froides en face d'elle, Carla avait trouvé l'évidence de son attente.



– Je t'attendais.



Devant une porte dissimulée par sa haute stature, un homme sourit. Ils étaient tout de même mignons, ces gosses.

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