Kamtchatka - Retour au bercail

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 Kamtchatka - Retour au bercail

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Solitaire
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CITATION DU PERSONNAGE : "Si un chameau te dit qu'il sait parler c'est qu'il te ment". HK.

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Ambre Esyll
Ambre Esyll
Solitaire
MessageSujet: Kamtchatka - Retour au bercail    Kamtchatka - Retour au bercail  EmptyMar 10 Oct 2017 - 15:07

Retour au bercail. Après presque sept ans d’absence, le Kamtchatka lui ouvrait les bras, comme une mère affectueuse heureuse de revoir sa fille partie depuis si longtemps. Et, si Ambre l’avait alors quittée comme on prend la fuite, elle se sentait étonnamment émue, aujourd’hui, de retrouver sa terre natale. Les rivières sauvages, les forêts vierges où règnent les ours, les étendues minérales des chaînes volcaniques… tous ces paysages faisaient resurgir d’outre-tombe les souvenirs d’une vie qui lui paraissait étrange et lointaine, comme ayant appartenu à une autre. Il s’était passé tant de choses, depuis la mort de son père et son envol en ballon au-dessus de la Taïga.

Pendant des années, elle n'avait fait que fuir les conséquences souvent désastreuses de son pouvoir, au point d'en oublier souvent la mission qu'elle s'était alors fixée, protéger sa planète de ceux qui la détruisent. D'explosions imprévues en explosions préméditées, elle avait parcouru le monde, solitaire. Solitaire, jusqu'au jour où elle avait croisé pour la deuxième fois les vies de Zacharia Smith et Maysar Fjerda.

Alors qu'elle sortait de la forêt à flanc de montagne, et que se dévoilait sous ses yeux le paysage rocailleux au pied du volcan Taunshits , elle repensa à sa seconde entrevue avec le vieil homme, quatre ans plus tôt.

"Tu es un homme étrange, Maysar Fjerda"

"Et tu es une fille surprenante, Ambre Esyll".


Elle l'avait surpris assis en tailleur au milieu d'un cercle de runes scintillantes, dans une caverne au plus profond du volcan Islandais où l'ancien Orphelinat de Mme Mystery avait trouvé refuge. Il scandait à voix basse des mots dont elle n'avait pas compris le sens. Bien décidée à lui parler quoi qu'il en soit, elle l'avait interrompu sans gêne, entamant la conversation d'un ton accusateur sans savoir qu'elle serait l'une des plus importantes de sa vie.


"Pourquoi ne m'avoir rien dit la dernière fois ? Tu m'as hébergée, soignée, nourrie pendant trois jours, sans me dire qui tu étais. Sans me dire que tu étais sorcier. Pourquoi ?"


Il avait eu ce petit sourire triste. Elle avait appris à l'aimer, ce sourire, avec le temps...

"Quelle réaction aurais-tu eue si je t'avais tout raconté ? Aurais-tu accepté de rester si longtemps pour te laisser soigner ?"


Ambre sourit à ce souvenir. C'était parfaitement Maysar. Il disait toujours qu'il ne pouvait pas donner la réponse, seulement aider à trouver la question.

"De plus, je voulais en savoir plus sur la manière dont tu avais échappé à la téléportation. Tu n'es pas la première à avoir essayé de lâcher ton guide, mais à ma connaissance tu es la première à en être sortie vivante ! Et ton don de résistance ne suffit pas à expliquer que tu te sois extraite du néant. Tu as dû, d'une manière où d'une autre, apporter l'énergie magique nécessaire à la fin du processus..."
"Alors c'était pour m'étudier, c'est ça ?"
"Je suis quelqu'un d'extraordinairement curieux ! Et qui peut peut-être t'apporter des réponses si tu me laisses une chance..."


Elle n'avait pas hésité. Des réponses, elle en cherchait depuis bien déjà trop longtemps.

Les jours suivants, ils avaient passé des heures à discuter. Une sorte de magnétisme les poussait à tout se dire, malgré leur différences d'âge, d'origine, de sexe. Comme si leur histoire était écrite par la même personne, ils s'étaient tout raconté. Elle lui avait parlé de son pouvoir, de sa fuite incessante, de sa colère contre Orphéo, de ses doutes quant à l'avenir. Il lui avait livré ses souvenirs de jeunesse, les pertes qu'il avait subies, sa haine des exorcistes, puis sont acceptation. Et surtout, il lui avait parlé des Nazcas, de la chute des Winitran, du Guntray et de ce qu'il avait fait à son ancien élève, Karhel Gueï. Maysar n'en avait jamais parlé à personne, n'avait jamais exprimé cette vieille culpabilité, mêlée d'espoir. Mais il se savait proche de la fin. D'une manière ou d'une autre, il mourrait bientôt, disait-il, et il ne pouvait laisser ces secrets tomber dans l'oubli.
Alors il s'était tourné vers Ambre, déjà happée par son histoire. Il lui avait proposé, demandé même, de le laisser lui transmettre les connaissances des Winitran, les runes ancestrales et les valeurs bienveillantes qui liaient ce peuple aux Poltergeïsts. Et un peu malgré elle, de soir en soir, après une année d'apprentissage, elle était devenue l'une des leurs.

Dans le même temps, Maysar l'avait aidée à mieux comprendre et contrôler son pouvoir instable. Il lui avait fait subir des expériences d'une rigueur scientifique, la contraignant à s'isoler dans un champ de runes jusqu'à ce que son pouvoir se déclenche, la faisant vivre pour un temps dans "l'Autre Lieu" qu'il générait avec son don et où il avait un contrôle total, la mettant volontairement en colère pour tester l'influence des émotions dans le processus, et lui imposant des séances de méditation quotidiennes pour apprendre à anticiper et retenir le déclenchement de sa magie.

Peu à peu, ils avaient découvert sa nature de canal. L'énergie magique pure circulait à travers Ambre qui, ne sachant pas la rediriger, la stockait en elle jusqu'à ce que celle-ci se libère, en prenant forme de manière aléatoire. Elle devait donc apprendre à gérer ce flux, pour être capable de le retenir ou le laisser couler, en le dirigeant vers un objet ou une personne qui lui fasse prendre forme. C'était un travail de longue haleine, auquel elle s'était aussitôt attelée.

***

Ambre s'arrêta au bord d'un petit torrent qui dévalait la montagne. Elle fouilla dans sa sacoche, en sortit un morceau de viande séchée dans lequel elle croqua aussitôt, ainsi qu'une petite montre à gousset en laiton. Huit heures moins cinq. Elle avait vingt minutes d'avance. Elle s'assit, les yeux fixés sur les aiguilles argentées de l'instrument. C'était Zach qui la lui avait offerte, l'accompagnant d'une phrase philosophique sur le temps qu'elle n'avait pas vraiment comprise. Le visage hagard du jeune homme se manifesta à elle et, avec la nostalgie, une grande lassitude. Elle se laissa aller contre le tronc de l'arbre derrière elle.

Elle avait été heureuse, plus que jamais, aux côtés de Zacharia Creed. Entre les cours qu'elle donnait, son rôle de responsable de la surveillance à l'extérieur de la grotte, ses leçons avec Maysar et les interactions avec les professeurs et orphelins, elle trouvait encore du temps à passer avec lui - souvent au détriment de son sommeil. Ils allaient se promener le soir dans les montagnes environnantes. Ils se racontaient leurs passés si différents, leurs visions du monde. Il lui parlait de ses études d'exorcisme, elle lui montrait comment pister les loups et cueillir les plantes médicinales. Ils parlaient des élèves, de ceux qu'il fallait vraiment aider, de ceux qui leurs semblaient prometteurs, de leurs futurs apprentis, si jamais ils devaient en prendre. Ils avaient eu quelques aventures aussi, une fois avec des dealers locaux, bien d'autres à cause de son pouvoir.
Et puis tout ça avait pris fin, brutalement, avec l'arrivée de Hayley York. Soudain, le lieu n'était plus sûr, l'orphelinat était dissout, les enfants étaient répartis dans des familles d'accueil, et Zacharia retrouvait son ancien amour. Désorientée, Ambre avait suivi Maysar jusqu'à Londres, où il ne tarda pas à lui confier une mission de la plus haute importance.

On disait de Maysar Fjerda que lorsque son heure aurait sonné, bon nombre de personnes qui avaient des dettes envers lui auraient à y répondre. C'est semble-t-il ce qui arriva cet automne-là, et la mystérieuse Ambre Esyll y était souvent liée d'une manière où d'une autre...

Il commença par faire effacer toute trace d'elle dans les dossiers d'Orphéo. Les charges qui pesaient contre elle furent abandonnées, elle reçut un statut d'Exorciste au sein de l'Ordre, et aussitôt un ordre de mission à Strasbourg. Bien sûr, Maysar lui donna des instructions bien différentes...

Elle devait se téléporter en Alsace le 16 septembre, en compagnie d'Olga, la même femme qui avait tenté de l'arrêter deux ans plus tôt. Mais dans sa poche, un morceau de papier contenant une rune tracée par Maysar, alimentée par l'énergie magique canalisée grâce à son don après des heures d'entrainement, devait décider d'une toute autre destination. C'est ainsi que, après presque trente secondes d'horreur dans le néant, les deux sorcières à bout de souffle ouvrirent les yeux sur le désert Australien ; Ambre tendant aussitôt une lettre de Maysar à sa compagne incrédule. Une histoire de dette à payer, encore, demandant à Olga d'oublier tout ça. Elle lut le papier, hocha la tête, puis regarda Ambre dans les yeux sans animosité, lui souhaita bonne chance dans sa quête, et repartit sans rien ajouter.

Ce fut le début d'une année bien longue. Elle se rendit au siège d'Orphéo Australie, où, munie d'un diplôme tout frais d'Exorcisme soi-disant obtenu à Moscou, de ses qualités de combattante et de son insolence, elle n'eut aucun mal à se faire embaucher en mettant rapidement hors d'état les cinq agents de sécurité de la section des ressources humaines. Puis elle fit son travail d'exorciste, remplissant les missions, grimpant les échelons, pour se rapprocher au plus de sa cible, le président conservateur Yann Denkle. Maysar avait un très mauvais pressentiment à propos de cet homme terrifiant, qui avait été jusqu'à demander son exclusion d'Orphéo suite à la chute de l'orphelinat. Il le soupçonnait d'être mêlé à l'attaque elle-même, qu'il avait facilité en refusant la protection demandée quelques semaines plus tôt par Pandora et Maysar, d'être mêlé à la crise des Poltergeists en Russie, mais aussi à quelque chose de plus sombre, de plus caché, qu'il ne faisait que pressentir. Et il avait raison.

Elle avait commencé par noter l'inhabituel sommeil de Mr. Denkle. Il dormait presque douze heures par nuit, et s'éclipsait régulièrement dans son bureau, d'où il sortait parfois une heure plus tard avec l'air endormi. Elle avait également suivi ses échanges avec les membres du parti conservateur d'Orphéo. Il les avait tous à sa botte. Il avait d'une manière générale tout le monde à sa botte, grâce à des secrets personnels qu'il glanait avec son don de Connaissance. Puis elle avait fini par pénétrer dans son bureau. Son investigation n'avait pas duré longtemps. Malgré les sorts protecteurs qu'elle avait déjoués, elle n'avait pas détecté le système d'alarme électronique qui protégeait l'ouverture d'un des tiroirs du bureau. Prise de cours, elle n'avait eu que le temps de vider le contenu de la poubelle dans son sac à dos avant de prendre la fuite, poursuivie par la moitié d'Orphéo Australie.

Grand bien lui en avait pris. Cachée dans un camp de réfugiés aux abords de Canberra, elle avait découvert, parmi les documents froissés, les vieux chewing gums à la menthe et les verres en carton, un mystérieux flacon en verre portant l'unique inscription "à boire en même temps". Elle s'était aussitôt rendue chez Nick, un ancien indic avec qui elle avait fait équipe lors d'une mission quelques mois plus tôt, chimiste professionnel et dealer de potions. Il avait ouvert de grands yeux effrayés après avoir reniflé les quelques gouttes de mélange à l'odeur âcre qui restaient au fond du flacon, et avait reposé le récipient précipitamment, comme s'il craignait de se brûler.

"Où est-ce que tu as eu ça ? Tu devrais t'en débarrasser tout de suite avant qu'il ne t'arrive des ennuis !"
"Comment ça des ennuis ? Tu sais ce que fait cette potion ?"
"Fractionnement de l'esprit. Mais je sais surtout qui l'a faite !"
"Qui ? Qui l'a faite ? Réponds !"
"Je... Elle... Elle s'appelle Broune. C'est... C'est un peu une légende parmi les fabricants de potions. Elle a des connaissances incroyables... Mais elle est surtout très dangereuse ! Tu devrais prendre ton flacon et partir d'ici tout de suite ! Je ne veux pas être mêlé à ça."
"Et comment je fais pour la trouver cette Broune ?"
"La... La trouver ? Tu es folle !"
"Dis-moi ! Comment je fais ?"
"Tu.. tu ne peux pas la trouver. C'est..."
"C'est elle qui te trouve."
Avait dit une voix dans leur dos.

Ambre s'était retournée brusquement en dégainant son poignard. En face d'elle, se tenait une femme aux cheveux gris coupés courts, de taille moyenne, à l'apparence d'une sexagénaire bien conservée. Ce qui frappait surtout, c'était ses yeux, d'un bleu délavé, presque blanc ; ils avait l'air de voir au-delà du visible.

"Je m'appelle Brigitt Bételgeuse Aristote. Mais tu peux m'appeler Broune, comme tout le monde. Si tu veux des réponses à tes questions, tu n'as qu'à laisser cet imbécile et venir avec moi."


Elle ne s'était pas faite prier. Broune l'avait guidée sans un mot à travers la ville, pendant plus d'une heure, faisant maints détours qu'Ambre ne manqua pas de noter. Elles avaient fini par entrer dans une vieille maison à la peinture blanche écaillée, quelque part dans la banlieue Ouest. Alors enfin, la vieille femme avait repris la parole.

"C'est une maison que j'utilise parfois, quand je viens en Australie. Elle appartenait à un couple de sorciers qui ont été tués il y a dix ans ; je me suis arrangée pour la récupérer. Ce sera ta maison pour les deux prochains mois. "

Ambre avait reculé d'un pas vers la porte en fronçant les sourcils.

"Je n'avais pas l'intention de rester. Je veux juste -"
"Des informations sur Yann Denkle." Finit Broune. "Sauf que je ne donne pas d'informations sans contrepartie. Surtout des informations comme celles que tu me demandes."


Ambre avait de nouveau froncé les sourcils. Elle n'avait encore rien demandé... Cette femme semblait savoir plus de choses que la logique ne le voudrait. Et elle n'aimait pas ça.

"Et cette contrepartie me prendra deux mois ? Qu'est-ce que vous voulez au juste ?"
"Cinquante-sept jours exactement. Tu commenceras par reprendre les trois séances de méditation quotidiennes que tu n'aurais jamais dû abandonner. Ensuite, tu t'entraineras à retenir et tracer des runes que je t'enseignerai. Tu t'exerceras à diriger l'énergie qui circule à travers toi vers des runes, des animaux ou des humains."
"Attendez... comment vous savez tout ça ? Et c'est quoi cette contrepartie ? Vous voulez m'entraîner ?! Pourquoi ?"
"Disons que j'ai mes raisons. Le reste du temps, tu m'aideras à graver des runes protectrices sur des talismans, et à préparer des potions pour mon commerce."


Ambre n'avait su que répondre face à cette femme. Elle commençait à comprendre la peur qu'elle inspirait à Nick. Mais elle avait accepté ; que faire d'autre ? Sans ces informations elle n'avait rien.

Au fil des jours, Broune était apparue bien moins sévère qu'elle ne le semblait. Si elle se montrait exigeante avec Ambre sur son entraînement, elle n'en était pas mois pédagogue et patiente. Pendant les repas qu'elles partageaient, elle se montrait plus souriante et naturelle. Elles se racontaient leurs vie : Ambre partageait ses innombrables aventures, elle lui parlait de son commerce, de ses voyages et de ses accords avec ses clients.

Ambre n'avait pas tardé à comprendre que Broune était voyante. Elle avait souvent des comportements étranges, tendant un torchon à Ambre juste avant qu'elle ne renverse le thé, anticipant les demandes de ses clients en lui demandant de préparer des potions à l'avance, et s'arrêtant parfois, le regard dans le vide, immobile pendant dix secondes, avant de repartir comme s'il ne s'était rien passé. Quelques fois, elle s'était même interrompue brusquement dans une tâche, ou au milieu d'une phrase, se levant précipitamment et attrapant un sac à dos en annonçant à Ambre qu'elle partait pour le Vénézuéla, le Congo ou l'Irlande. Lorsqu'Ambre avait fini par lui poser la question, elle n'avait pas cherché à nier son pouvoir. Répondant à ses questions, elle avait toutefois refusé une fois de plus de lui dire pourquoi elle pensait qu'il était important qu'Ambre s'entraine de la sorte.

Ambre avait donc passé deux mois chez Broune, sans vraiment savoir pourquoi, s'attachant peu à peu à la vieille femme étrange avec qui elle vivait. Et au bout de cinquante-sept jours, comme elle l'avait annoncé, son séjour prit fin. Broune ne lui avait toutefois pas dit que ce serait à cause de l'arrivée soudaine des services spéciaux d'Orphéo Australie. Elle s'était précisément absentée à ce moment-là, disant mystérieusement à Ambre de la rejoindre près du Marché lorsque "ce serait fini", et de se dépêcher de terminer "cette fichue rune". De fait, c'était cette rune précisément qui l'avait sauvée. Ambre l'avait finie et activée selon les instructions de Broune, juste au moment où les Sorciers d'Orphéo défonçaient la porte d'entrée. Un brouillard dense s'était alors élevé dans toute la pièce, impénétrable même aux lampes des intrus. Ambre connaissait la maison, et n'avait pas eu de mal à se diriger jusqu'à la porte du garage. Les clefs étaient déjà sur le contact de la vieille Ford de Broune, comme attendant qu'elle s'y installe. Elle avait défoncé la porte du garage, et percé les défenses des gardes qui encerclaient la maison, avant de filer à toute allure vers le Marché. Avisant Broune qui l'attendait calmement, elle était sortie en claquant la portière et avait foncé en furie vers la vieille femme.

"Et tu pouvais pas juste me dire qu'ils allaient venir et me faire sortir avec toi ? Non, tu préférais les laisser m'attraper ? Dans quel camp es-tu franchement, Brigitt Bételgeuse Aristote ?"

Broune avait répondu d'une voix égale.

"Il fallait qu'ils te voient. Et puis je t'ai donné de quoi t'échapper non ?"
"Qu'ils me voient ?! Comment ç.."


Elle l'avait interrompue d'une voix ferme.

"Pas le temps pour des explications. Maintenant tu vas m'écouter attentivement. L'homme que tu recherches s'appelle Joaquin Rejés. C'est un polyincarné, il se fabrique des corps qu'il habite tous en même temps. Yann Denkle est l'un de ses corps. Il est partout ; à Orphéo, à Rosenrot , dans les organisations terroristes des humains. Il cherche à semer le chaos pour son enrichissement personnel. La potion que je lui ai vendue lui a permis de compartimenter son esprit pour agir simultanément avec tous ses corps, le jour de l'attaque du Mystery. Il est également responsable de la crise des Poltergeist en Russie. Le seul moyen d'en finir définitivement est de tuer son corps primaire, celui de Joaquin Rejés, qui navigue sur une vieille goélette avec l'équipage d'élite qu'il a rassemblé. Mais ce n'est pas celui que tu devras attaquer en premier...

"Prends ce billet d'avion. Il part dans 2 heures pour Londres. Au dos, j'y ai marqué des coordonnées GPS. C'est quelque part au large du Pays de Galles. Tu dois t'y rendre le soir du 19 décembre ; le bateau de Rejés y sera. Sache que tu ne pourras pas l'atteindre à ce moment-là. Mais tu devrais pouvoir y récolter des preuves.

"Maintenant, prends la voiture et file à l'aéroport ; ils sont déjà sur tes traces. Fait un détour par Lincoln Street, et n'oublie pas ton passeport et ta sacoche qui sont dans la boîte à gants."

***

Ambre se releva. Il était huit heures et quart. Elle déchira une bande de tissu dans l'écharpe en lambeaux qu'elle portait autour du cou, et la noua autour de l'arbre contre lequel elle s'était appuyée. Puis, s'enroulant dans son long manteau brun, elle jeta un rapide regard derrière elle avant de reprendre la marche, descendant toujours vers la vallée en contrebas. Encore plongée dans ses souvenirs, elle se sentait évoluer entre les arbres comme dans un rêve. Que de peines elle avait surmontées...

Car à Londres, Orphéo l'attendait à la sortie de l'avion. Incapable de s'échapper cette fois, elle avait été capturée, et emmenée sous bonne garde jusqu'à une cellule du siège de Londres. Elle y était restée trois mois, prisonnière. Elle avait déjà fait de la prison, plus longtemps que ça même, et avait su user de patience. Mais là, elle tournait en rond comme un lion en cage, tant l'idée de manquer la date indiquée par Broune la hantait. Les parois spéciales l'empêchaient d'utiliser la magie, elle n'avait rien, aucune distraction, seulement trois assiettes de riz blanc et deux pichets d'eau par jour. Et aucun contact avec l'extérieur. Elle imaginait Maysar, là dehors, essayant d'obtenir sa libération malgré sa culpabilité évidente. Pourtant, ce n'était pas Maysar qui était venu.

Non, c'était quatre orphelins qui l'avaient secouru. Brian, Elsa, Gwenaëlle et Peter avaient ouvert la porte de sa cellule et, sans plus d'explications, l'avaient conduite vers la sortie. Ambre avait vu trois gardes évanouis sur leur chemin ; elle reconnaissait là le pouvoir de Elsa. Peter détectait grâce à son ouïe surdéveloppée les gardes et exorcistes qui circulaient dans le bâtiment, et les guidait par les endroit sûrs. Jusqu'à ce que sa fuite soit découverte, qu'une alarme se déclenche et qu'ils se mettent à courir. Les quatre adolescents avaient su user de toutes leurs capacités pour se sortir de là. Et, avant que les membres d'Orphéo n'aient véritablement compris ce qu'il se passait, ils étaient dehors, à courir sur Trafalgar Square, puis dans le métro, prenant ensuite un bus, et marchant enfin jusqu'à une maison abandonnée dans la campagne anglaise. Une fois assis dans un grand canapé, les quatre adolescents s'était esclaffés.

"Hahaha ! Au nez et à la barbe d'Orphéo ! Ils vont en faire une tête, vous allez voir !"
"Oui, et je pense que cet imbécile de Thomson va en prendre pour son grade ! Mis KO par une gamine de 16 ans !"
"C'est grâce à ça qu'on a réussi ! Qui se méfie de quatre petits morveux venus à la recherche de Jonathan Taylor ? C'était tellement insensé que personne n'a réagi à temps !"

Ambre n'en croyait pas ses oreilles. Eux, les quatre inséparables, ses élèves favoris, qui se proclamaient artistes et avaient repeint en une nuit tout un pan de leur caverne en Islande, eux qu'elle avait poursuivis, une nuit, à travers les forêts où ils s'étaient enfuis, et qu'elle avait finalement retrouvés autour d'un feu, en train d'essayer un rituel mystique pour invoquer une vieille déesse antique. Eux qu'elle avait ramenés à la caverne avec un visage dur, et pourtant fière, au fond d'elle, d'être leur professeur. Eux, ces trois ados de 16 ans, étaient venus à sa rescousse. Quand il avait appris qu'Ambre avait été capturée, Brian avait aussitôt contacté ses amis. Ils avaient fugué de leurs familles d'accueil respectives, et s'étaient retrouvés dans cette vieille maison pour élaborer un plan. Un plan qui avait fonctionné à merveille ! Ambre ne pourrait jamais dire à quel point elle les aimait. Elle regrettait de ne pas avoir pu passer plus de temps avec eux. Car elle était partie le lendemain matin, après leur avoir donné un message à transmettre à Maysar. On était le 18 décembre, et elle ne pouvait pas traîner.

Elle s'était rendue en deux jours au Pays de Galles, avec l'appareil photo et le téléphone de Gwen. Les coordonnées GPS indiquaient un point près de la côte, dans une petite baie habitée d'un unique village de pêcheurs. Elle s'était postée en haut des falaises. Une petite goélette était arrivée et avait jeté l'ancre près du rivage. Une barque avait débarqué une demi-douzaine de marins, qui avaient pillé sans ménagement la petite supérette du village. L'un d'eux était un grand homme aux longs cheveux noirs, avec un anneau scintillant à l'oreille droite et un grand chapeau. C'était certainement Joaquin Rejés ! Ambre l'avait suivi discrètement, alors qu'il s'éloignait seul du village sur un chemin forestier. Il avait marché jusqu'à une clairière, au milieu de laquelle s'élevait un dolmen solitaire ; trois immenses dalles de granit, l'une sur les deux autres, comme une table géante. Le pirate avait sorti une vieille carte qu'il avait consulté longuement, et était allé s'assoir en tailleur au sommet du mégalithe. Il avait alors pris dans sa sacoche un flacon étrangement familier... Il avait avalé les dernières gouttes qu'il contenait, puis était resté là, immobile pendant presque une heure.
De temps à autres, il murmurait pour lui-même des phrases incohérentes :

"Le cercle n'est pas complet. Les écureuils.. non ça on s'en fiche. Kare a oublié son fils à l'école aujourd'hui... ça c'est intéressant ! Un poltergeist lié à Meiko Greyjoy est avec moi en Tchétchénie, c'est quelque chose comme son arrière grand-oncle. Erdogan a fait un nouvel accord avec la Syrie... Ali doit faire attention au Kurdes, ils sont plus avancés que je ne le pensais. Le mari de Laura part demain à Sidney. Laura Belt... elle est jolie dis-donc ! On va bien s'amuser tous les deux demain... Il y a une mine de Salpêtre pas loin, sur la droite.. ça peut servir si je trouve du souffre."

Ambre avait arrêté la vidéo qu'elle prenait. Laura Belt, la fiole et une drôle de ressemblance avec Yann Denkle... elle avait les preuves qu'elle était venue chercher. Laissant le navire et son horrible capitaine, elle était retournée à Londres. Dans la vieille maison, elle avait retrouvé les quatre adolescents et Maysar, qui venait d'arriver. Elle s'était jetée dans ses bras de soulagement de le voir. Elle s'était rendue compte, alors, qu'elle s'était sentie bien seule cette dernière année. Où était passée la jeune fille solitaire et associable qu'elle avait été autrefois ? Elle avait tout expliqué à son vieil ami : l'Australie, Yann Denkle, Broune, la polyincarnation, et Joaquin Rejés. Il avait soupiré de lassitude.

"Cela explique beaucoup de choses. Vraiment beaucoup... (il resta silencieux un moment, le regard dans le vide). Il nous faut arrêter cet homme avant qu'il ne soit trop tard. J'avais brièvement entendu parler de Broune Bételgeuse avant que tu ne m'en parles. C'est une femme étrange et dangereuse. Les voyantes le sont toujours. Mais je pense que dans le cas présent, nous devons tenir compte de ses conseils. Rejés est trop fort pour que nous l'attaquions directement. C'est Denkle que nous devons atteindre en premier. Tant qu'il sera là à nous menacer de l'intérieur, nous ne pourrons rien faire."

Ils étaient donc retournés à Orphéo ; Maysar, elle, et les quatre adolescents. On avait tenté de les arrêter à l'entrée, mais la jeune Olga, sur un signe de Maysar, avait donné deux ordres brefs qui leur avaient ouvert la voie jusqu'au bureau de Alicia. Fidèle au Mystery, elle n'avait pas été difficile à convaincre. Mais la vidéo d'Ambre, disait-elle, ne constituait pas une preuve suffisante pour agir par la voie légale, car elle était pieds et poings liés par les membres du parti conservateur. Elle convoqua Olga dans son bureau.

"Je vous veux prêts à partir, vous et votre équipe, dans vingt minutes. Vous allez vous rendre avec Ambre en Australie, et arrêter Yann Denkle à son domicile. Vous allez prendre un jet privé jusqu'à l'aérodrome le plus proche de chez lui. Il vous attendra pour le ramener ici en toute sécurité. Prenez vos précautions. Il apprendra sûrement grâce à son don votre venue une heure avant que vous n'arriviez."

L'opération avait été menée rapidement et efficacement. Les gardes qui attendaient effectivement leur venue avaient été vite mis hors d'état de nuire par la brigade spéciale d'Olga. Elles avaient intercepté Denkle alors qu'il fuyait en voiture vers le siège d'Orphéo. Ambre et la jeune femme s'étaient découvertes très complémentaires dans l'action, et leur animosité d'origine s'était peu à peu transformée en autre chose. Autre chose avec de longs regards, puis des sourires timides, puis une nuit, bien plus tard, dans une chambre...

Tout avait ensuite été très vite. Elles avaient ramené Yann Denkle au siège de Londres, où il avait été aussitôt mis en examen. Les experts l'avaient soumis à un test magique qui avait dévoilé son lien télépathique avec ses autres corps. Les preuves étaient alors assez fortes pour l'incarcérer. Un jugement rapide avait eu lieu avant qu'il ne soit conduit en cellule. Cela avait entraîné un soulèvement des conservateurs, réclamant un appel et la libération de leur leader. Londres avait tenu tête au parti majoritaire, suivi par les quelques rares nations encore progressistes ; mais Maysar savait que ce ne serait qu'une question de temps avant que Denkle ne soit libéré. Ils devaient agir vite. Ordonnant à Ambre de rester à Orphéo pour retenir Denkle le plus longtemps possible, il partit lui-même en Russie pour tenter de bloquer le double corps de Rejés qui y semait le chaos.

Mais Ambre n'avait pas suivi son ordre. Surveillée de près par les services secrets liés aux membres conservateurs, elle n'avait dû son salut qu'à Olga, qui l'avait faite échapper et conduite par téléportation jusqu'à l'aéroport, où elle avait pu prendre l'avion treize heures seulement après celui de Maysar. Arrivée à Moscou, en territoire bien connu, elle avait volé une voiture et pris la route de la Tchétchénie, où se rassemblaient les Poltergeist. Une fois sur place, elle n'avait eu aucun mal à retrouver la trace du "vieil européen avec une barbe blanche", en parlant russe avec les locaux. Et elle l'avait enfin retrouvé. Au moment crucial. Au moment où tout était dévoilé.

Maysar avait éliminé Ari, le corps secondaire de Joaquin, effacé les runes géantes qu'il avait tracées pour attirer les Poltergeist, et tracé d'autres runes pour apaiser et disperser les spectres. Ambre s'était cachée derrière un arbre pour l'observer, lorsqu'Il était arrivé. Joaquin Rejés était apparu entre les arbres, vêtu du même manteau et du même chapeau sombre que la dernière fois. Il avait raillé Maysar, disant qu'il ne savait rien, RIEN, de la toile d'araignée qu'il avait tissé autour de lui.

"Tu es mort, vieillard" avait-il craché.

Alors, il l'avait fait venir. Sa botte secrète, son arme ultime, son monstrueux allié. Le Guntray. Un être de cendre et de fumée, de colère glacée, terrifiante ; avec, au fond de son esprit, l'âme du jeune Karhel prisonnier. Maysar avait ouvert de grands yeux, et pâlissant, tremblant, il avait reculé de quelques pas.

Rejés lui avait tout expliqué avec un air de triomphe : comment il avait dénoncé les Winitran à leurs ennemis, comment il l'avait utilisé, lui, pour transformer le jeune Duham en une arme absolue qu'il n'avait eu aucun mal à rallier à son compte, comment il avait semé le chaos dans le monde magique, juste sous son nez, depuis plus de dix ans.

"Tu es fini, Fjerda. Tu vas mourir des mains de ta monstrueuse création. Seul, abandonné."

"Non, pas seul."


Ambre était sortie de sa cachette, pour aller se placer aux côtés de Maysar. Elle lui avait pris la main. Il l'avait serrée, d'une étreinte tremblante.

"Comme c'est touchant... Mais un ou deux morts, quelle différence ? Le résultat sera le même." avait craché Joaquin. Mais il ne riait plus.

Sans prévenir, il avait dégainé son sabre et s'était jeté sur Ambre. Du coin de l'œil, elle avait vu le Guntray fondre sur Maysar.

Tout s'était précipité. Ils combattaient depuis à peine cinq minutes lorsque Yann Denkle était arrivé avec une jeune femme blonde et un jeune homme brun qui devaient être d'autres de ses corps secondaires. Ambre, qui reprenait alors l'avantage, avait été débordée par le nombre d'assaillants. Elle sautait de tous les côtés pour éviter de se faire prendre en revers par ses adversaires, s'essoufflant de plus un plus. A côté, elle voyait Maysar qui peinait à contrer les attaques du monstre, à coups de runes, de sortilèges et de fenêtres dans l'Autre Lieu. Profitant d'une seconde de répit, il lui avait crié :

"Ambre ! Tu es un canal ! Un canal !"

Elle avait évité de justesse un coup de sabre. Un canal... Oui ! Alors elle avait lâché prise, ouvrant toutes les portes, toutes les vannes, plus grand que jamais, laissant l'énergie magique circuler en elle. Elle avait senti une grande chaleur l'envahir, l'envelopper. Elle n'était plus essoufflée, et bougeait avec fluidité, sans penser. Elle était instinct. Et elle avait fini par comprendre la faiblesse de son agresseur : il ne pouvait contrôler ses trois quatre corps en même temps, il devait passer de l'un à l'autre... Alors, changeant sa façon de voir, elle avait vite trouvé une faille, et porté un coup sous la clavicule de Yann Denkle. Elle avait vu le sang jaillir. Les autres avait hurlé de douleur. Au même moment, elle avait vu Maysar s'effondrer en poussant un cri. Alors, désespérée, elle s'était jetée sur Joaquin, qui avait reculé en faisant battre son sabre devant lui. Le visage crispé, il tentait de séparer son esprit du corps du mourant, qui le faisait blêmir de douleur. Se concentrant sur son don, Ambre avait avancé sur lui en laissant le sabre s'abattre sur elle sans la blesser. Il lui avait saisi le poignet qui tenait le couteau, d'une main de fer. Elle avait tenté une clef de bras, des coups aux points vitaux, qu'il avait parés facilement. Ils étaient engagés dans un duel rapproché, intime même, un duel où, plus fort et plus grand, il avait l'avantage. A moins que... Ambre avait encore tout lâché, ses principe, son humanité ; seul restait son instinct d'animal, de prédateur. Elle avait lancé sa tête en avant, et mordu à pleines dans dans la carotide de son adversaire. Elle avait mordu fort, fort, à s'en déchirer la mâchoire, et tiré, coupé, arraché. Le sang avait jailli. Il avait crié. Elle avait rugi. Et elle avait recommencé, mordant, déchirant, agrandissant le trou béant dans le cou de l'homme qui ne criait déjà plus, et tombait au sol en l'emportant dans sa chute. Au même moment, d'autres corps s'effondraient autour d'eux. Ambre resta quelques instants au sol, reprenant ses esprits. Il y avait quelque chose d'urgent... de vital...

"MAYSAR !"


Elle s'était levée d'un bond, la bouche sanglante, lâchant aussitôt un cri de désespoir. Maysar était au sol, immobile. A quelques mètres de lui, s'ouvrait une fenêtre dans l'Autre Lieu, par laquelle le Guntray avait passé la moitié de son corps. Un râle glaçant s'en échappait, comme si le monstre aspirait toute l'énergie du lieu. L'énergie de Maysar. L'énergie...

Ambre s'était précipitée vers son ancien mentor. Il était inconscient et ne respirait plus. Elle avait pris sa tête dans ses bras.

"Tiens bon ! Il faut que tu refermes la fenêtre. Je vais t'aider..."

Elle s'était ouverte à nouveau au flux d'énergie, le dirigeant autant qu'elle pouvait vers Maysar. Après quelques secondes, il avait pris une grande inspiration et avait ouvert les yeux.

"Ambre... ça ne suffira pas. Il a compris que j'étais le seul à fournir l'énergie de l'Autre Lieu. Il la pompera jusqu'à ce que je meure. "
"Et la fenêtre ? Si tu la refermes, il..."


Elle s'était interrompue pour se concentrer. Il fallait à tout prix qu'elle maintienne le flux d'énergie.

"Il est assez puissant pour m'en empêcher. Ambre.. Il n'y a plus rien à faire. Je savais que ça arriverait bientôt, de toute façon. Mais ton intervention n'aura pas été inutile... Elle m'aura donné du répit pour te parler. Le Guntray... Une terrible erreur... Tu dois l'arrêter, Ambre. Orphéo a les moyens de le détruire, mais ils ne s'embêteront pas à sauver Karhel. Il faut sauver Karhel. Tout est de ma faute. (Il pleurait, à présent). "
"Mais comment ? Karhel est prisonnier dans son esprit ! Je ne peux pas rentrer dans un esprit !"

"D'autres le peuvent. Trouve Pandora Mystery. Avec l'aide de ton énergie, elle pourra pénétrer l'esprit du Guntray. Utilise la rune que Broune t'a apprise pour la contacter. Elle avait prévu ça, d'une manière ou d'une autre... Utilise la rune... Et prends mon manteau. Garde-le.. En souvenir... Dans la poche de poitrine, il y a une lettre qu'elle m'avait envoyée... Pandora est au Japon... Tout ça devrait t'aider à lui envoyer un message. "
"Je le ferai. C'est promis. Mais comment faire pour..."


Il avait fermé les yeux à nouveau.

"Je n'ai... plus le temps. Tu devras te débrouiller seule. Tu es forte, Ambre Esyll... Garde... le savoir des Winitran... et transmets-le à ton tour. Moi... Il me reste une dernière chose à tenter... Adieu, Ambre..."

Il avait poussé son dernier souffle. Tandis que l'air s'échappait pour la dernière fois de ses poumons, une lumière presque invisible s'était échappée elle aussi. La fenêtre de l'Autre Lieu avait disparu. Et, alors que le Guntray se retournait vers eux avec un cri de triomphe, la petite lumière avait foncé tout droit au coeur de ses ténèbres...

Ambre avait retiré en tremblant le manteau de l'homme mort entre ses bras, alors que le Guntray se rapprochait lentement de sa prochaine proie. Puis elle s'était levée, le laissant là, son mentor et ami. Le grand-père qu'elle n'avait jamais eu. Il serait bientôt recouvert par les épines de pins... Elle avait couru jusqu'à la voiture, et roulé pendant plusieurs heures. Le Guntray la suivrait, elle le savait. Mais il prenait son temps. Il aimait la traque, comme tout prédateur. Elle avait tracé des runes pour dissimuler sa trace. Ca le ralentirait. Et elle était repartie, vers l'Est. Elle roulait quelques heures, laissait un morceau de tissus pour attirer le monstre, puis traçait une nouvelle rune pour le ralentir. Deux jours plus tard, elle avait contacté Pandora. Un message à sens unique, expliquant l'essentiel. Elle n'avait plus qu'à espérer que la vieille sorcière serait au rendez-vous.

***

Et le rendez-vous, c'était aujourd'hui, au pied du volcan Taunshits, au Kamtchatka. Ambre se laissa glisser dans les épines de pins pour les derniers mètres de descente. De temps en temps, elle grimaçait. Elle n'avait pas encore récupéré du combat contre Rejés. Elle continua jusqu'au cours d'eau qui contournait le mont, le traversa à la nage puis remonta la pente à travers un pierrier pour atteindre un petit lac sulfureux, d'où partait une petite piste carrossable. Pandora n'était pas encore arrivée. Elle regarda de nouveau sa montre. Elle avait pile le temps qu'il fallait.

Posant sa sacoche par terre, elle entreprit de déplacer des pierres sur le sol. A la manière des Nazcas... Peu à peu, des lignes apparaissaient, s'entremêlant pour former une rune complexe. Puis, tout autour, elle plaça des carrés de tissus préparés il y a des jours, sur lesquels elle avait peint d'autre runes, de trois sortes, que lui avait apprises la vieille Broune.

Lorsqu'elle eut fini, enfin, elle s'assit en tailleur au milieu du complexe, méditant sur son pouvoir en attendant l'arrivée de l'ancienne directrice du Mystery. Beaucoup de choses dépendraient de cette rencontre, et de ce qui allait s'ensuivre...

Elle eut une pensée triste pour son ancien mentor, et s'enroula plus fort dans le manteau du vieil homme. Elle était prête.


Dernière édition par Ambre Esyll le Ven 19 Jan 2018 - 16:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Kamtchatka - Retour au bercail    Kamtchatka - Retour au bercail  EmptyLun 25 Déc 2017 - 23:01

Besiegt die Liebe alles, im Falle jeden Falles?
Wo findet man denn noch ein richtig gutes, treues Herz?


C'était un matin japonais, comme les autres. Un matin de Kamakura. Pandora s'était levée vers sept heures, naturellement, avait ouvert les volets de la grande chambre que lui avait gentiment attribuée son frère Seth dans sa non moins immense maison familiale. Orihime, sa belle-sœur, devait déjà être en train de faire bouillir l'eau pour le thé, et de préparer le riz, les œufs, le poisson, ainsi que les incontournables natto, graines de soja fermentées, que la vieille femme avait toujours du mal à apprécier, mais consommait malgré tout, pour faire plaisir à sa belle-famille. De plus, on disait qu'ils étaient excellents pour la santé.

Orihime Mystery, née Kamigawa, était une sorcière de cent soixante dix sept ans, qui n'était pratiquement jamais habillée autrement qu'en kimono. Elle était calme, posée, et extrêmement sage. Mais surtout, elle était courageuse. Pandora se souvenait l'avoir vue se dresser devant un esprit hautement malveillant, généré par le désespoir résultant du tremblement de terre de 1923, pour protéger un groupe d'enfants, au péril de sa propre vie.
Difficile d'imaginer une telle scène à présent que la vieille femme aux longs cheveux gris et blancs, attachés près des pointes, passait le plus clair de son temps à faire la lecture à ses enfants et arrière petits enfants, s'adonner à l'ikebana, et prendre soin de sa maison.

Pourtant, la matriarche de la famille Mystery-Kamigawa recelait encore des aspects surprenants. Comme le fait qu'elle possédait sa propre forge d'armes anti-poltergeist à l'arrière du jardin, et qu'elle avait encore assez de force pour confectionner des pièces toutes plus belles et puissantes les unes que les autres.

Les deux vieilles femmes se parlaient peu, mais s'entendaient bien. Elles pouvaient rester des heures côte à côte à lire, composer des arrangements floraux, cuisiner, tricoter, écrire des lettres, sans prononcer un mot. Leur compréhension était devenue telle que leurs seuls échanges verbaux, sur la situation du monde magique, sur leurs familles, parfois sur l'entretien du jardin ou le menu du prochain repas étaient brefs, fluides, sans tension.

Avec son frère, c'était différent. Pandora avait besoin de parler pendant des heures, foison de mots, d'idées, qui fusaient. Ils aimaient se re-raconter les mêmes souvenirs, d'enfance, de jeunesse, leurs mariages, leurs bêtises, leurs exorcismes. Ils aimaient débattre, ardemment. Ils étaient si heureux de se retrouver.

C'était donc un matin comme ça, calme, avec un peu de brouillard, un matin d'automne aux arbres écarlates, quand Pandora avait reçu un message, un message de brume. Les messages de brume, parfois appelés messages de fumée, ou messages de sable, étaient un moyen de communication magique millénaire qui permettait une grande discrétion. Il requérait toutefois un certaine entrainement, l'expéditeur devant être capable de concentrer son énergie dans un support marqué d'une rune spéciale, pour ensuite y écrire ou dicter son message -les deux fonctionnaient-, et ensuite de se focaliser sur son ou ses destinataires, qui voyaient, l'instant d'après, apparaître la missive dans un nuage de particules aériennes. Celle-ci n'était visible que d'eux, à moins qu'ils ne choisissent expressément de le montrer à une tierce personne.

Ce message là venait d'une certaine Ambre Esyll. Ce nom n'était pas totalement inconnu à la sorcière. Elle l'avait entendu, quelque part, au détour d'une réunion du conseil d'Orpheo. Mais surtout, Maysar Fjerda avait du lui en parler, un jour.

Et par ailleurs, c'était bien de Maysar qu'il s'agissait. Ambre avait synthétisé en quelques phrases une histoire dont la complexité était aisément discernable.
Et une des choses qu'elle avait dite de plus importante, c'était que Maysar était mort. Maysar Fjerda, un de ses anciens employés, et amis, peut-être, aurait-il dit. Un ancien professeur du Mystery Orphanage, plus âgé et plus sage qu'elle. Un original, bien sûr, mais un pilier d'une grande valeur au sein de l'orphelinat, et d'Orpheo en général.

La nouvelle frappa durement Pandora au fond du ventre, toute sa peau s'était tendue. Et malgré l'âge, malgré les deuils passés, des deuils d'enfants, de parents, elle avait encore senti les larmes piquer les bords de ses yeux, elle avait douloureusement fermé les paupières. Son souffle se stoppa un instant, comme tout le reste, puis la vit reprit d'un coup, passant au travers des cendres de son ami mort, parce qu'elle était obligée, c'était comme ça, et lui aussi en aurait voulu ainsi.

Les gouttes au coin de ses rides étaient infimes, et elle les avait proprement essuyées. Elle avait tenté de comprendre au mieux le reste du message. Un ennemi important d'Orpheo, ou plutôt, du bien commun, était mort en même temps que Maysar, car tout cela n'avait pas été vain, au final. Mais une créature, puissante, dont elle avait déjà entendu parler, le Guntray, s'il fallait la nommer, était une menace grandissante. Et surtout, il avait l'âme d'un enfant entre ses griffes. Un enfant que Pandora avait recueilli, accueilli à l'orphelinat. Elle avait lavé et démêlé ses cheveux, elle avait regardé au fond de ses yeux clairs, d'enfant perdu, identité pas vraiment connue.

Karhel.

Les noms et les informations courraient à toute vitesse dans l'esprit sage, mais toujours sensible de la vieille femme.
La dénommée Ambre l'invitait à un rendez-vous, car il fallait agir, rapidement.

La créature était à ses trousses.

Pandora était entrée calmement dans la cuisine, et avait aidé sa belle-sœur à mettre le couvert. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas agi, pas une exorciste, dans les faits.

Les deux femmes n'avaient avalé que deux bouchées de riz chacune, assise l'une en face de l'autre autour de la vieille table de type européen, quand Orihime demanda, de son anglais parfait :


- Quand devras-tu partir ?

Elle avait compris que quelque chose préoccupait l'écossaise au point de la faire partir, même temporairement. Elle l'avait senti, comme elle sentait souvent. Elle était très intuitive, mais cela marchait particulièrement bien avec la sœur de son époux.

Pandora avait pris une gorgée de thé et répondu :


- Dans une semaine. Je préférerais utiliser un objet enchanté par une rune que les services d'un téléporteur.

La japonaise avait acquiescé. Elle n'avait pas demandé d'explications. Mais l'ancienne directrice de l'orphelinat en fournit tout de même quelques unes à son frère, car elle ne voulait pas qu'il s'inquiète trop, et elle savait que ce serait inévitablement le cas, alors, autant limiter les dégâts. Mais elle veilla à ne pas trop en dire, car pour le moment, l'affaire était trop personnelle, trop dangereuse. Elle voulait simplement s'en emparer à deux mains, de toutes les forces qu'il lui restait, et seulement après, lorsque qu'elle aurait tout bien saisi, peut-être même lorsque cela serait résolu, se permettrait-elle d'en parler avec plus de détails.

Pour le moment, elle devrait rencontrer Ambre Esyll.

Elle s'était préparée pendant toute la semaine. Son frère s'était occupé de lui fournir tout ce dont elle pourrait avoir besoin pour son voyage en Russie. Les vêtements chauds, un kit de survie, un sac à dos, plusieurs objets enchantés à divers usages, un livre de runes, une réservation dans un hôtel dans la ville la plus proche, des contacts aux QG d'Orpheo ou autres organisations du coin -elles étaient peu nombreuses, et souvent, pas réellement à proximité-. Pandora y avait également mit tout son cœur, tachant de ne pas s'en faire outre mesure, de garder son calme, le calme que lui conférait le grand âge. Sauver ses forces pour le bon moment.

Ainsi, sept jours plus tard, elle se rendit à Orpheo Tokyo avec son frère et un de ses neveux, afin de faire le voyage, jusqu'au volcan Taunshits.
On la mena dans une salle sobre, où de grands écrans verticaux récapitulaient où étaient à présents les agents du QG qui étaient partis de cette même salle. Les runes de traçage permettraient aux membres de la sécurité de savoir s'il leur arrivait quoi que ce soit. Pandora était toujours impressionnée par les alliages impressionnants de technologie et de magie que produisait la branche tokyoïte de l'Ordre. Elle sourit en pensant à sa plus jeune nièce, Amaterasu, qui en était la directrice. Elle était extrêmement fière d'elle.

Son neveu lui apporta une pierre lisse, comme un gros galet, qui comportait une seule rune, assez simple en apparence. Elle hocha la tête et le remercia.
Avant qu'elle n'active la rune, Seth ne put s'empêcher de la prendre dans ses bras, brusquement. Il n'aimait pas qu'elle puisse risquer sa vie. Mais il comprenait les enjeux, les valeurs, l'honneur. Il lui adressa un sourire crispé et plein d'amour alors qu'elle disparaissait.

Le paysage était presque lunaire, et contrastait avec les couloirs blancs et impeccables de l'endroit d'où elle venait. L'air était plus que vivifiant, presque douloureux sur sa chair âgée, mais elle en accepta le contact avec plaisir, et tendit son don autour d'elle, afin de repérer toute présence humaine.

Cela lui prit quelques minutes, avant de discerner un flot de pensées atténué, comme si la personne en question était dans un état d'apaisement canalisé, concentré. En méditation, probablement. Mais Pandora sentait des énergies qui lui étaient inconnues, une magie réalisée d'une façon qu'elle n'aurait pas appris.
Elle avança dans la direction que lui indiquaient le flux mental.

Elle n'écoutait que cela, avec, en fond, le bruit des cailloux sur lesquels elle marchait, celui du vent, des rares espèces animales qui vivaient là, et bientôt, celui de l'eau. Là, l'agréable bourdonnement des pensées d'Ambre était plus intense. Et Pandora ouvrit les yeux.

La jeune femme était assise en tailleurs au milieu d'un complexe enchevêtrement de lignes de pierres. Elle était très jeune, à peine sortie de l'adolescence. Les cheveux blonds foncés par la saleté, le corps fin et musclé, visiblement formé par une vie rude, et des entraînements du même acabit. Le visage ne trahissant pas de trouble.

Sans qu'elle puisse expliquer pourquoi, cette vision redonna espoir à la sorcière. Elle laissa un sourire imperceptible traverser son visage, et décida de ne pas interrompre la quiétude de l'instant. Celle qui l'avait appelée avait sûrement des raisons de procéder à ce rituel. Elle ne désirait pas l'interrompre.

La vieille exorciste s'assit donc à l'extérieur du motif rocher, en tailleur, elle aussi.

Là, elle se contenta d'observer Ambre dans sa méditation, attendant qu'elle perçoive sa présence, ou simplement qu'elle arrive au bout de son processus, quel qu'il fût. Son esprit se mit alors, mine de rien, à réfléchir à la chose. On aurait dit de la méditation, en effet, mais il semblait y avoir quelque chose de plus, quelque chose qui lui était inconnu, tout comme les circonvolutions rocheuses dans lesquelles la jeune disciple de Maysar était assise.
C'était réconfortant, quelque part, de voir cette jeune femme. En voyant son visage, elle pouvait voir de nouveau son vieil ami et collègue, sentir qu'il avait transmis, qu'il n'était pas totalement parti. Ce genre d'espoir est le meilleur ami de la vieillesse. Savoir que tout ne finira pas avec soi, qu'on est dépassé, que du positif arrive après nous, du meilleur.
Et alors que ses pensées vagabondaient, Pandora commença à ressentir ce qu'Ambre était en train de faire. Comme si elle faisait elle-même partie de cet ensemble. Un flux, une sorte d'énergie se dirigeait vers elle, sans que la vieille sorcière se sente menacée. C'était puissant, et fort, mais elle était en confiance, et cela lui semblait maîtrisé, du moins, pour le moment. Elle décida de s'ouvrir autant que possible à ce qui était en train de se produire, tout en restant sur ses gardes, force de l'âge et de l'habitude. Et puis, quelque chose pouvait bien arriver de l'extérieur.




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MessageSujet: Re: Kamtchatka - Retour au bercail    Kamtchatka - Retour au bercail  EmptyDim 31 Mai 2020 - 0:42

Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.


William Ernest Henley, Invictus


~


Au milieu d’une lande enneigée perdue dans le blizzard de l’hiver ukrainien, se trouvait une petite cabane. Par une fenêtre recouverte de givre, on pouvait distinguer la lumière jaune et tremblotante d’une chandelle. Celle-ci parvenait à peine à éclairer l’épaisse couche blanche qui s’était déposée sur le rebord extérieur, et à dix mètre de distance, elle était déjà devenue invisible. Tout autour, le paysage disparaissait sous la tempête de fins flocons volant dans tous les sens. Dans cet espace immaculé, une tâche rousse vaquait à ses occupations. Le petit renard tendait l’oreille, tentant de repérer le faible grattement d’un rongeur sous la couche de neige. Il marchait à pas lents ; un filet de vapeur sortait de sa truffe au rythme de sa respiration. Ayant entendu le son qu’il cherchait, il se figea. Il se ramassa sur lui-même, prêt à bondir…

Soudain, un grand fracas neige écrasée survint à sa gauche. Il sursauta, leva la tête dans la direction du bruit, et détalla sans demander son reste. Deux silhouettes venaient de surgir de nulle part. Enveloppées dans d’épaisses fourrures, elles formaient de larges tâches noires et bruyantes dans ce paysage blanc et silencieux. La neige crissa sous leurs pas alors qu’ils marchaient vers l’entrée de la cabane. L’un d’eux leva le bras et frappa quatre coups. La porte s’ouvrit presque aussitôt.
Sur le seuil apparut un adolescent au visage fin, à la barbe naissante et aux longs cheveux châtains noués en catogan sur sa nuque. Ses yeux noirs comme des puits sans fond fixèrent les deux visiteurs un instant, puis il s’écarta pour les laisser passer. Il resta un moment à balayer l’extérieur du regard, la blancheur uniforme, les traces de pas qui commençaient déjà à être recouvertes, la tâche rousse qui revenait prudemment. Puis il referma la porte.
Les visiteurs avaient enlevé leurs manteaux de fourrure. Le premier était un jeune homme grand et mince, aux cheveux noirs coupés court et à la barbe rasée de près, au nez droit et aux yeux bleus perçants qui juraient avec sa peau bronzée. Sous sa fourrure, il portait un vêtement étrange : une longue tunique bleue, très ample, qui lui descendait jusqu’aux chevilles. Il tenait dans la main une boule de tissu blanc.
Le visage du second était, de manière surprenante, exactement semblable à celui de l’adolescent. Le même visage fin, les mêmes cheveux longs noués en arrière. Seuls ses yeux étaient différents : les siens étaient d’un bleu délavé, presque blanc, aussi pâles que ceux du premier étaient noirs.

Le Karhel aux yeux noirs posa un regard interrogateur sur le grand jeune homme. Son double au regard pâle lui expliqua.

« Je l’ai trouvé errant entre l’Inconscient, la zone du Toucher et la Faille. Vu ce qu’il raconte, j’ai pensé qu’il valait mieux te l’amener. Ça n’a pas été facile, "Il" était déjà après lui quand je l’ai trouvé. Nous avons dû nous cacher dans le souvenir de l’anniversaire de Malaki pour "Lui" échapper. Puis d’autres parties de Nous, Karhel aux yeux Verts, en particulier, nous ont cachés et aidé à te rejoindre. Je dois aussi te dire que Marron… Marron s’est fait prendre. Il s’est sacrifié pour nous laisser une chance de passer. Je… Je suis désolé. »

Il baissa les yeux.

« Eh bien ? Dit le Karhel aux yeux noirs en fixant l’étranger d’un regard dur. Qu’est-ce qu’il raconte ? Voyons si ce qu’il a à dire justifie la perte d’un des nôtres. »

« Il vaut mieux que tu commences par lui dire ton nom», dit l’autre Karhel au jeune homme.

« Maysar. Je m'appelle Maysar Fjerda »


~
~
~

« Bonjour, Pandora Mystery. Je suis contente que tu sois venue. »
Ambre n’avait fait que penser les mots, mais elle était sûre que la vieille femme les avait entendus. Elle pouvait presque sentir sa présence dans son esprit. Les yeux fermés, elle se concentrait sur sa magie.

« Nous avons peu de temps, poursuivit-elle. Le Guntray sera là d’un instant à l’autre. Si la situation était moins grave j’aurais aimé qu’on fasse connaissance, mais... »


Au lieu de continuer avec des mots, elle laissa s’exprimer sa tristesse ne ne pas pouvoir échanger avec la vieille directrice que Maysar avait si bien connue. Elle savait que Pandora comprendrait, qu’elle partageait la même peine. Elle sentit le lien magique qui les unissait se renforcer.

« D’après Maysar, expliqua-t-elle, le seul moyen de vaincre le Guntray et libérer Karhel est d’entrer dans son esprit pour l’aider à reprendre le contrôle. Je sais que tu n’es que télépathe, mais je peux t’aider à augmenter ton pouvoir pour que tu puisse prendre forme et agir dans l’esprit du garçon. Tu sens l’énergie que je t’envoie ? Le flux deviendra de plus en plus fort à mesure que notre lien se consolidera... »


Ambre arrêta un instant son explication. Elle avait senti quelque chose. Une puissance magique se rapprochait, provoquant des remous dans sa propre aura. Elle ouvrit brièvement les yeux, crut voir des arbres tomber sur le versant opposé de la vallée. Le temps lui manquait.

« Quand tu seras dans l’esprit de Karhel, poursuivit-elle d’un ton plus pressant, tu perdras tout contact avec ton propre corps. Ce sera mon rôle de le protéger. » Elle pointa du doigt un vaste assemblage circulaire de runes, dessiné sur le sol à côté d’elle. Tu t’assiéras là dedans, en faisant très attention de ne déplacer aucune pierre. Ça te mettra à l’abri de ses attaques. »


Elle n’ajouta pas que les runes ne fonctionneraient que tant qu’elle même continuerait de les alimenter en magie. Il faudrait qu’elle dirige son flux non pas sur une, mais plusieurs cibles en même temps, ce qu’elle n’avait encore jamais fait. Inutile d'inquiéter d'avantage la vieille femme...

« Je ne sais pas par quel canal passera mon énergie pour t’atteindre une fois que tu seras partie, s’il passera par ton corps ou ira directement vers ton esprit. Si tu parviens à garder le lien télépathique avec moi, ça pourrait renforcer notre co... »

La puissance magique la frappa de front. Elle ouvrit les yeux pour voir une forme noire foncer vers elles à travers le ciel, ses grandes ailes de fumée sombre battant furieusement.

« Vite, dans le cercle ! » Cria-t-elle à voix haute.

Le monstre atterrit devant elles dans un grondement terrifiant.



~
~
~

« Et tu dis que tu ne te souviens de rien ? »

« Non, répondit Maysar. J’accompagnais la Caravane vers le Nord. Les Touaregs de l’Est sont ma famille, ajouta-t-il en réponse au regard interrogateur. Ils m’ont recueilli il y a dix ans, quand… enfin peu importe. J’ai voulu utiliser mon don de recherche pour aller surveiller les Mamaliks qui se rassemblent à la frontière. Mais à la place, je me suis retrouvé ici. Dans… tu as bien dit que c’était ton esprit ? »


Les deux Karhel échangèrent un regard. Un jeune occidental accueilli par des Touaregs, un don de recherche… c’était bien le Maysar qu’ils connaissaient ; ou plutôt une version plus jeune de lui-même. Mais comment était-il arrivé ici ? Et pourquoi ? Ne se souvenait-il vraiment de rien ? Mieux valait ne pas lui dire qu’ils le connaissaient beaucoup plus vieux. Pas avant d’en savoir plus.

« Avant, c’était mon esprit. Dit le Karhel aux yeux noirs. Maintenant, c’est le Sien. »

Maysar frissonna.

« Qu’est-Il ? Je n’ai jamais rien vu d’aussi terrifiant. Et pourtant, j’ai vu bien des choses terrifiantes...».

« Un monstre, dit le Karhel aux yeux pâles. Une volonté noire, une malédiction… je ne sais pas vraiment. Quand Il est apparu, c’était comme une bête sauvage, un prédateur. Nous étions de force égale. Peut-être même que j’étais un peu plus fort. Pendant un temps, j’ai réussi à le maîtriser. Le temps de fuir. Puis il y a eu la fille. Je ne sais pas comment elle a fait. Elle a dit le Nom et la Faille s’est ouverte. »

« Qu’y a-t-il dans cette faille ? Elle m’a semblé étrangement familière, et pourtant j’ai eu envie de m’enfuir dès que je l’ai vue. Et un murmure s’en échappait. Un nom. Duh... »

« Tais-toi ! S’écrièrent en même temps les deux Karhel. Ne le prononce pas ! »

Maysar eut un mouvement de recul.

« Pourquoi ? Que signifie-t-il ? »

« Souffrance. Dit Karhel aux yeux noirs, le visage crispé, les yeux fixés sur la flamme vacillante de la chandelle. C’est le nom de la Souffrance, qui s’est déversée ici quand la faille s’est ouverte. Le monstre s’en est nourri, Il a grossi jusqu’à occuper mon esprit tout entier. Et moi, elle m’a détruit. Il l’a utilisée pour me traquer. Pour me protéger, j’ai contacté mon âme, jusqu’à n’être plus qu’une infime particule de conscience. Mais ce n’était pas suffisant. Alors je l’ai faite voler en éclats. Chacun de Nous est un éclat. Noir, Pâle, Vert, Rouge, Marron… Nous n’existons pas. Nous sommes moins réels que des fantômes de pensées. C’est à ce prix que nous survivons. Et même ainsi, Il arrive parfois à nous retrouver.
« Mais toi ! Dit-il en relevant la tête. Toi, tu n’as rien à faire ici. Tu ne peux pas être là, c’est impossible. Cet esprit n’a pas de porte d’entrée… et pas de porte de sortie. »




Ils sursautèrent tous les trois. Quelqu’un venait de frapper quatre coups à la porte.






Note de l'Auteur (de moi quoi) : Comme tu vois, Maysar a réussi avant de mourir à projeter sa conscience dans l'esprit de Karhel. Mais il y a perdu la majorité de ses souvenirs, ce qui explique pourquoi il a pris une forme plus jeune : la dernière dont il se souvient. Maysar ne sait donc pas qu'il est mort, ni qu'il s'est passé plus de 150 ans entre son dernier souvenir et le présent.

Pour bien faire avancer les choses (parce qu'il va y en avoir pas mal à raconter) je pense que Pandora peut débarquer chez Karhel dès ton prochain post. A toi de voir comment elle réagit vis-à-vis de Maysar, ce qu'elle dit aux Karhel, si elle arrive à garder contact avec Ambre ou pas... Hésite pas à prendre des libertés et me surprendre, ça rendra les choses plus intéressantes !

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MessageSujet: Re: Kamtchatka - Retour au bercail    Kamtchatka - Retour au bercail  EmptyVen 6 Nov 2020 - 22:41

Doch dein Gesicht, in meiner Hand, ist das unentdeckte Land

La jeune femme ne se leva pas, Pandora resta là dans son grand manteau, rien qu'à observer ce souffle posé, cette jeunesse dans les yeux et dans le corps. C'était donc elle qui l'avait fait venir ici. Sans crainte pour son grand âge, son moral fatigué. La sorcière en était heureuse. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle se sentait utile. Elle était de nouveau quelqu'un dont la sagesse et les pouvoirs étaient recherchés. Elle n'avait pas perdu toute son identité.

L'exorciste observait calmement le cercle de pierres, déplaçant son souffle sur la surface de chaque élément rocheux, essayant de comprendre ce qu'elle avait sous les yeux. Ambre Esyll avait énormément travaillé, elle avait méticuleusement construit ce réceptacle magique, pour une raison qu'elle allait bientôt lui révéler.
Les mains jointes, Pandora attendait.

Les mots ne se firent plus attendre, elle fut saluée avec reconnaissance par cette voix d'enfant, même en pensées. Ambre aurait pu être une de ses orphelines, pensionnaire au visage terreux d'être encore allée se balader dans la forêt, se blessant à cause de son don, ou ramenant une punition de l'école du village pour avoir ridiculisé l'institutrice en cours d'EPS. Elle entrevoyait toutes ces possibilités de vie dans les mèches pâles de la jeune franco-russe.

Il n'y avait que le vent entre elles, le frémissement de leurs âme. Une grande solennité qui s'emparait de l'instant. Pandora savait qu'elle devait se préparer à rejoindre le silence blanc dans lequel était assise son interlocutrice.
Elle sentit une bienveillance diffuse émaner de celle-ci, chargée de mélancolie. L'heure était grave, comme l'avaient annoncé le décor, le calme, l'importance de la respiration. Le ciel était blanc, c'était presque comme s'il n'existait pas, de vagues oiseaux semblaient le traverser comme dans un rêve.

Rapidement la jeune femme adressa l'urgence de la situation. Evoqua un nom que la sorcière aurait aimé ne jamais connaitre. Et soudain elle sut de qui il s'agissait, ce qui était à sauver. En quoi Ambre l'accueillait de nouveau dans son rôle de toujours. Sauver les orphelins. Les sauver par magie, par amour. Karhel. Son arrivée au Mystery Orphanage avait précédé de quelques années sa prise par les sorciers noirs. Elle l'avait vu passer de l'enfance à l'adolescence, puis chacun s'était évanoui dans son propre malheur. Ainsi, même si le mot Guntray était empli de terreur, Pandora ne put s'empêcher d'y voir un espoir de retrouver un des enfants qu'elle avait accueillis. Aimés. Tous les fragments de son coeur dispersés au quatre coins de la planète. Des graines à la dérive parties se planter elle ne savait où, sauf pour de rares exceptions. Parfois elle se demandait qui l'avait oubliée.

Tendue vers elle, de toute sa magie et de toute son âme qui ne formaient plus qu'une seule entité, l'humaine douée lui parlait sans mots. Elle lui disait un deuil, se désolait du manque de temps...

La sorcière répondit elle aussi, versant en elle ses regrets à son tour, l'envie qu'elle aurait eu de s'asseoir avec elle autour d'un thé, dans un salon confortable où aurait ronflé un feu de cheminée. Elles auraient pu s'enseigner des choses.

Puis vint un autre nom dans son esprit, qui se referma comme un poing sur son coeur. Maysar. Son vieil ami qu'elle n'avait pas revu depuis la chute de l'orphelinat qui l'avait tant aidée... C'était lui qui l'avait, dans un premier temps, aidée à comprendre le mal duquel souffrait Karhel. Il était sage, plus âgé qu'elle d'ailleurs, arrivé à presque deux cent ans d'expérience, cette vie de sorcier, lui qui avait donné sa vie pour tant de mystères. Alors lui aussi était là aujourd'hui. Elle retrouvait aussi ce visage buriné par la vie encadré par de longs cheveux gris. Bien.

Ambre lui expliqua calmement comment elle allait devoir sauver Karhel. La vieille femme imprima mot après mot chacune de ces informations dans son esprit. La solution de Maysar. Et Ambre allait l'aider à se décupler. Elle hocha la tête. Elle sentait en effet ce flux magique se tisser lentement entre elles. Elle l'accueillait sans peur.


- Je suis lectrice de pensées, corrigea-t-elle simplement. Mais cela suffira.

Elle ne ressentit pas le besoin de dire qu'elle était prête. C'était l'évidence. Elle n'avait même pas d'assentiment à donner pour cette mission. Ambre avait su depuis le début qu'elle accepterait, Pandora aussi. Elles allaient travailler ensemble.

Elle sentit tout à coup une aspérité dans le calme, Ambre avait eu comme un arrêt au coeur, un souffle irrégulier. L'urgence se fit sentir plus grande. Mais elle ne sut identifier ce que c'était. Sa concentration n'avait pas encore atteint le stade de celui de la jeune femme.

Celle-ci lui expliqua alors le danger de l'opération. Pandora allait littéralement sortir de son corps, elle n'aurait plus aucun contrôle dessus. Cette annonce ne provoqua chez elle aucune réaction. Son corps était vieux et bien qu'elle en prenne soin, cette enveloppe était à présent plus tendue vers la mort que vers la vie, elle acceptait le risque de perdre celle-ci pour sauver l'enfant qui était arrivé chez elle maculé de terre et de neige cinq ans plus tôt. Etrangement, elle avait confiance en la protection que pourrait lui apporter cette solitaire inexpérimentée, plus jeune même qu'Ange, Luka et toute leur petite bande. Oui. Ambre était capable de la protéger. Tant d'enfants lui avaient fait confiance durant sa vie. Il était temps de faire confiance aux enfants.

Elle devrait s'asseoir dans le cercle, fermer les yeux, et partir. Rien de plus facile. En espérant, que, comme le souhaitait Ambre, l'énergie passe par un canal mental plutôt que physique. Elle devrait s'ouvrir au maximum, planter une confiance inébranlable en elle, tendre sa magie vers celle de l'autre femme. Faisable.

Avant qu'elle n'ait eu le temps de se décider à elle même entrer dans le cercle magique, Ambre interrompit son discours pour le lui crier de vive voix. Menace présente. Elle se laissa presque tomber en tailleur, dos à celle qui l'avait appelée ici. Une petite partie de son esprit adressa une petite prière à la faveur de sa protectrice qui allait devoir réaliser la tâche titanesque de la protéger et d'alimenter une magie puissante. Peut-être trop puissante.

Pandora s'enfonça dans les ténèbres, se laissa happer.

Il neigeait partout, l'air était plus glacé que celui de la Kamtchatka. Pandora, ou du moins, la forme qu'avait revêtu son esprit s'était retrouvée projetée au sol, en position foetale.
S'écorchant les genoux, elle se releva. Elle était couverte d'une épaisse fourrure et avait du mal à discerner autour d'elle. Elle ne savait pas quelle apparence avait la projection de son âme, mais elle était libérée des contraintes physiques de la vieillesse. Elle étira toute sa colonne vertébrale mentale avant de regarder autour d'elle.

Légèrement en contre-haut se tenait une petite cahute de bois, d'où provenait de la lumière.
Sans un bruit, elle s'avança, dérapant au passage sur quelque pierres gelées. Elle frappa à la porte.

Elle avait interrompu des éclats de voix.

La demeure s'ouvrit sur un jeune homme aux yeux noirs.

La vieille femme prit un instant avant de reconstituer les traits d'enfants dans le visage de l'adulte. C'était lui. Mais il était trop différent pour que ce soit vraiment lui. D'autant qu'il existait une réplique de ce visage pas plus loin que derrière lui. A ses côtés, un autre jeune homme. Coup au coeur. Maysar. Elle ne l'avait pas connu si jeune. Il était plus de vingt ans son aîné. Elle se souvenait réellement de lui à quatre vingt dix ans, l'apparence d'un homme de quarante, alors qu'il avait tenté de l'assassiner. Qu'il ne l'avait pas fait. Qu'ils avaient fini par devenir amis.

Elle soupira légèrement. Alors son esprit subsistait en Karhel. Etait-il là pour le protéger ? L'aider ? Pour le moment, il avait plutôt l'air sans défense. Elle ne disait rien, le regardant avec un amour mêlé d'une grande douleur. Mais elle se ressaisit et reconcentra son attention sur les Karhel.

- Auriez-vous de la place pour une pauvre vieille femme ? dit-elle avait un sourire.

C'était presque un combre de fée. Aux accents inquiétants, macabres.

L'autre Karhel avait les yeux verts. Les informations défilaient en elle, elle essayait d'en constituer un sens. S'était-il divisé en éclats ? Une part de lui était-elle soumise au Guntray ? Elle devait en avoir le coeur net. Elle fit un pas de plus dans la demeure, une main sur la poitrine, portant une attention toute particulière au lien de magie qui la mêlait à Ambre.

Pandora dégagea son visage de sa capuche en peau et se tint droite devant le trio d'hommes, considérant ces fragments d'âme avec gravité.

- Tu te souviens de moi ?

La question s'adressait à tous à la fois. Elle avait parlé doucement, avec presque une pointe de timidité, de la mélancolie encore. Mais elle se sentait empreinte d'une grande force. Elle n'était pas là pour échouer. Simplement, elle devait comprendre.

- Je ne me souvenais pas que tu étais si... fragmenté, Karhel. Tu as beaucoup grandi.

Son regard passa en revue les murs de la petite cabane. Paille, vaisselle en terre cuite, parchemins, outils. Elle ne comprenait pas encore ce qui se tramait dans cette esprit. C'est pourquoi elle finit par ajouter :

- Mais je crois avoir interrompu votre conversation... Pourriez vous m'expliquer ce qu'il en est ?

Elle ne tenait pas pour exclu de se faire attaquer, éparpillée comme de la poussière d'étoile et de roche. Mais elle ne comptait pas se retenir, se cacher ou faire semblant. Elle devait comprendre et vite. Une énorme vibration partit de l'endroit où devrait se trouver son coeur si elle avait été dans son corps physique, pour se répandre dans toute la petite maisonette. Rien de bon. Etait-ce dans l'esprit de Karhel ? Etait-ce une répercussion du monde extérieur ? Les deux.

Elle rouvrit les yeux qu'elle avait fermés le temps de la secousse et considéra gravement les trois autres.


- Maintenant vous devez me parler. Sans ça nous ne trouverons jamais la sortie.

La lumière de la chandelle posée sur l'établis de forune vascillait dangereusement. Il semblait pleuvoir d'étranges lueurs à l'extérieur de la pièce. Pandora comptait chaque millième du précieux temps d'Ambre et du sien dans les battements de son âme.
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