Il avait toujours su ce qu’il devait faire.
Simple.
Grandir, rendre Mohammed fier, travailler dur, lancer, tirer, rouler, kidnapper, déchirer, couper, courir, soulever, exploser, saigner, guérir, abattre, gagner la guerre. Quelle évidence ! Gagner la guerre.
La guerre avait été perdue et Harry n’était plus un apprenti.
Tel un border collie sans mouton, qui fini par pourchasser sa queue, Harry aurait, certainement, tout fait pour ressentir le quart de l’importance et de l’adrénaline que ses premières années lui avaient données. Il savait bien qu’il n’avait revêtu aucune forme d’importance dans ces années de boucherie, malgré son statut, personne ne voulait faire confiance au chien de garde des enfers.
Alors, lassé de se ronger ses propres pattes, il avait accepté sans la moindre hésitation la proposition de Bleuann Soul. Elle revêtait toujours cet air sauvage, complètement ailleurs, des yeux clairs provenant de Saturne et un petit air de Perséphone quand cette dernière descend aux enfers. Bleuann voulait la couronne ?
Il la poserait sur sa tête.
Au fond, il se sentait royalement utilisé (et n’arrivait pas à comprendre pourquoi). Il n’était plus à la recherche d’argent ni d’un poste à pouvoir, il aurait voulu du sens dans ce monde qui s’était incroyablement étriqué. La résistance noire n’avait rien d’organisé et personne n’avait dit « désormais, c’est le bien contre le mal, il est évident que nous devons nous regrouper pour tenter le tout pour le tout jusqu’à notre mort. ». Non, chacun tirait dans les pattes des autres dans l’espoir de regagner un peu de terrain, si ce n’est sur Orpheo, au moins sur les autres, pour son propre ego.
Comme Bleuann.
Il sourit en songeant au poids des responsabilités qu’il lui poserait sur la tête ; elle serait une reine crainte et fragile.
Sanglé dans une tenue de combat, Harry s’engouffre dans la brèche créée à son intention. Le gilet pare-balle avec les plaques sur les avant bras, les cuisses, la nuque pèse presque vingt kilos. Tout est runé, bien sûr, et il sent le sang qui bat à sa tempe, le fameux tambour de la magie gravée dans son équipement, prête à pomper toute son énergie pour s’activité.
Attention, c’est coupant.Il retourne un regard à Bleuann, à mi-chemin entre l’excitation et la concentration.
*
Il se souvient des étranges rencontres qu’ils avaient planifiés pour mettre au point un plan. Il avait brièvement eu honte de son appartement sous les combles, un mur en brique, un lit, une douche à l’italienne, et un mur dédié à son armurerie. C’est tout. Les chiottes sur le pallier, pas de cuisine, pas de plaques, pas de frigo.
Il avait feuilleté le dossier d’Allen sous les yeux de sa fille, essayant de mesurer le caractère de la jeune femme. Il ne pouvait pas s’agir d’un piège (il n’était pas assez important) ; mais aurait-elle le courage de l’assassiner ? De l’abattre froidement ?
Il était un sorcier noir et savait la vérité des loups qui mangent leurs petits ; il n’avait jamais entendu parler de puppies dévorant leurs aïeux.
Si Bianco se met en travers du plan, souhaites-tu l’abattre ?En finir avec toute la fratrie, une bonne fois pour toute ?
Traquer les survivants, les arrêter également.
Personne n’essaiera de te voler le trône ? Je veux dire, c’est au plus jeune d’obtenir la charge de la famille, mais si la plus jeune, en l’occurence, est morte… Green Soul viendrait-il assassiner sa soeur ?
Anja manipule-t-elle encore les marionnettes, d’une façon ou d’une autre ?Assis par terre, adossé contre son sommier, il prenait des notes, le cerveau roulant à toute allure. Persuadé que sa mission serait
la mission, le coup salvateur qui lui permettrait de remettre un but à sa vie, de relancer la machine noire pour aller enrayer une bonne fois pour toute Orpheo.
Tant d’espoir dans un mercenaire…