Des papiers, des papiers, plein de papiers. Et dire que je dois aller au tribunal tout à l'heure … Cette corvée. Pourquoi faut il qu'on ait un double emploi ? Comme si les assassinats ça ne payait pas assez … Ca paye bien, très bien même, beaucoup mieux que notaire et avocat, pourtant on est doué, du coup on a de bons honoraires. Mais, c'est chiaaaaaaant. Pourquoi ?

Oui, merci Scarlett, je sais déjà tout ça. Mais ça se voit que c'est pas toi qui est en train de faire les papiers là ! Je suis en retard en plus, le procès commence dans une heure, tous les papiers sont sans dessus dessous dans l'appartement, posé au milieu de flingues, tout va bien. Bon, ranger, vite. Et trier surtout. Je souffle. Je reprends ma respiration, j'essaie de me calmer pour être méthodique.

Je la laisse donc faire, elle est plus calme que moi maintenant.

Oui oui, je m’exécute donc. Je prends des dossiers et glisse les papiers qui semblent parler de la même chose ensemble. Je reconnais tous ces logos, quand Lucian travaille, je ne suis jamais très loin. Alors je suis assez familière avec tout ça. J'ai tout de même plus de distance ce qui me permet de trier tous ses papiers sans péter un câble, n'est-ce pas Lucian ?

Je glisse tous les dossiers dans sa serviette, vérifie la tenue que mon frère portera, enlève les quelques poussières qu'il pourrait y avoir et le laisse reprendre les droits du corps que nous partageons.

Elle ne répond pas, mais je sens qu'elle est heureuse de m'avoir aidé, elle sait que je suis vraiment reconnaissant. Nous sommes vraiment une bonne équipe, tous les deux. Bref, je resserre mon nœud de cravate, prends le casque et sort de l'appartement, encore en bordel.

Sérieusement, si quelqu'un vient dans cet appartement, il aurait peur. Peur de qui nous sommes. Je ferme les trois verrous de la porte et descends en trombe les escaliers. Arrivé en bas, j'enfourche la moto, mets le casque et file droit vers le tribunal.

Il y a de la circulation mais je me faufile facilement entre toutes les voitures jusqu'à arriver devant le tribunal. Je trouve de la place facilement, enlève vite mon casque, passe ma main dans mes cheveux pour essayer de les recoiffer un minimum et monte les quelques marches qui me sépare des portes.

J'ai cinq minutes d'avance.




Le procès s'est plus ou moins bien passé. J'étais uniquement là pour réunir des faits. Mais j'ai une autre mission à faire maintenant. Quelque chose de beaucoup plus délicat. Quelque chose que Lucian doit faire, pas Tom. Tom était au tribunal. Je repasse donc à la moto, prend l'arme qu'on a toujours dans le petit coffre et la dispose au creux de mes reins, regardant au préalable que personne ne me voit.

Je fais alors demi tour et marche, l'air soucieux, vers un café non loin de là. Je croise une femme qui me sourit pendant que je fais sonner la petite cloche qui est accroché à la porte.

Oh, je vois, effectivement j'étais tellement dans mes pensées que je n'ai pas réalisé que y avait d'autres personnes que moi qui m'entourent. Je m'assoie dans le petit fauteuil près de la vitrine, et sourit enfin à la femme dehors, lui faisant même un signe de venir me rejoindre, sur le fauteuil en face de moi qui est vide.

Je demande en même temps deux thés au serveur. Je suis assez excité pour ne pas en rajouter avec du café. Nerveux surtout. Le thé arrive vite, j'espère que la femme comprendra que le deuxième est pour elle. Ma mission n'est qu'un peu plus tard dans la journée, je peux essayer de me vider un peu l'esprit en attendant. En ayant une agréable discussion avec une charmante demoiselle par exemple.

La belle inconnue parue rougir face à mon invitation. Le thé arriva bien vite et j'évitais de trop la regarder pour éviter de lui mettre trop de pression dirons-nous. Aheum. Mais elle était plutôt belle. Du coin de l'oeil, je regardais si elle acceptait mon invitation, plutôt bizarre me dira-t-on. Carrément bizarre oui. Normalement on parle avec la personne avant de lui offrir une boisson chaude. (Certains diront même que les boissons chaudes c'est que quand un ami est bouleversé qu'on lui en offre une). Je fais tout le contraire. Mais voyez-vous, je suis aussi également un peu nerveux, rapport à ma mission de ce soir. C'est une routine sans nom, mais c'est comme monter sur scène pour les artistes, j'ai le trac. Un thé me détendra. Ou deux, si elle décide de pas venir.

La petite cloche de la porte d'entrée retentit, elle était finalement rentrée. Je souris quand elle s'assit en face de moi, face à nos thés. Surprise agréable qu'elle ait acceptée. Je ne vais pas me plaindre. Elle garde ses vêtements, et sa sacoche sur ses genoux. Elle n'a pas l'air très en confiance. Elle sait que je ne vais pas la violer ?

Oh. Mince. Moi qui pensait que le thé convenait à tout le monde. Rares sont les personnes qui n'aiment pas le thé. J'ai l'impression qu'elles sont plus nombreuses à ne pas aimer le café par exemple.

Oh ! … AH ?! Oui, j'ai entendu mais je n'avais pas forcément tilté, effectivement. Well, ça fait quoi qu'elle soit enceinte exactement ? Rien du tout. C'est une personne au visuel tout à fait charmant que j'ai invité pour prendre une boisson chaude, rien de plus, rien de moins. Quel est le problème ?

-Merci de m'avoir invitée, en tous cas. Vous êtes du coin ?

Le petit changement de sujet qui fait du bien à mon cerveau. On va pas se mentir. Même si je suis plus doué que Scarlett en relations humaines, c'est pas tout à fait notre fort non plus. Et j'éviterai de me poser 300 000 questions comme ça.

-Il est toujours plus agréable d'avoir un minimum de compagnie.

Oui bon, ok, mais j'sais pas, elle est mignonne. Et pourquoi ne pas essayer de mieux la connaître ? C'est pas parce qu'une personne est d'abord rencontrée au détour d'une rue qu'on peut pas se rapprocher après, n'est-ce pas ?

Je le dis. Tout à fait. Et puis, on verra bien comment ça se passe.

Je prenais une gorgée de thé. Beaucoup trop chaude. Pourquoi ils servent toujours le thé beaucoup trop chaud. Tu ne peux jamais le boire sans te cramer la moitié de la langue. Je commande une boisson, chaude certes, mais je m'attends à pouvoir la consommer de suite. Et bah non. Quand tous les gens qui sont autour de toi ont pris un café, tu es le seul qui n'a pas encore commencé à boire son thé alors qu'ils ont tous fini leur expresso et sont sur le point de partir.

-Disons que mon boulot m'amène à beaucoup voyager.

Je vois pas comment répondre plus précisément à sa question. J'vais pas commencer à dire que j'ai des appartements partout dans l'Europe ou presque tout de même.

Elle par contre, avec son léger accent, je pourrais dire qu'effectivement elle est du coin.

Scarlett, on a un accent nous ou bien ?

-C'est pour bientôt ?

Je glisse un coup d'oeil vers son ventre bien rebondi, pendant que je rebois une gorgée de mon thé.

Mon interlocutrice de demanda ce que je voulais dire par là. Ca se voyait sur son visage. Chose bien normal après tout. Personne ne dit généralement qu'il a deux personnes à nourrir. Elle sourit alors.

-Vous aussi vous êtes enceinte ?


Je décrochais un petit rire bref mais sincère. Comment répondre à cela maintenant que j'avais abordé Scarlett.

De toutes façons si elle n'est pas douée elle ne comprendra pas. Donc c'est bon. Au pire elle me prendra pour un fou. Un schizophrène. Et ces gens là ont le droit de vivre comme les autres après tout. Et même si elle était douée, c'est pas pour ça que je dévoile ce que je suis dès les cinq premières minutes. Pour des missions oui, ça nous est déjà arrivé mais ça s'arrête là. On doit connaître les compétences de chacun pour pouvoir travailler au mieux.

Elle me remercia de mon invitation. Je balayais son propos d'un geste de la main.

-Ce n'est rien voyons.


Ce n'est pas un thé en plus qui allait nous ruiner. Mercenaire, ça paye plutôt bien. Plutôt bien beaucoup. On est assez réputé dans le milieu. Même notre activité de non doué rapporte bien. Encore heureux, sinon on ne pourrait pas avoir tous ces appartements, bureaux et véhicules sans éveiller les soupçons. Et même si on voudrait que les non doués soient au courant de la magie, c'est pas pour ça qu'on va faire notre coming out seuls. En plus on risquerait de s'attirer les foudres d'Orpheo. Déjà qu'ils sont pas hyper d'accord sur notre métier... Chose plutôt compréhensible mais bon. On va éviter d'attirer davantage leur attention sur nous. Surtout que les choses sont plutôt compliqués là bas depuis quelques années. Si on tombe sur la mauvaise personne, on risquerait de ne plus du tout exister … Oui on a des contacts. Quand même. Des anciennes connaissances. Avec qui on est resté en contact. Ils n'approuvent pas notre activité mais ils ne nous dénonceront pas. C'est déjà ça. Et après on essaie au maximum de se cacher, même si on leur accorde une certaine confiance.

Elle commanda alors une infusion. C'était presque la même chose qu'un thé au final. Au pire ils pouvaient toujours redonner le sachet du thé et remplacer celui de l'infusion. Mais je me connaissais. Boire deux thés ne me faisaient pas peur !

Je tiens mieux que toi, chère sœur.


Ce n'était pas faux. Elle savait pertinemment bien que je marquais un point ici. Je souriais, tout seul, certes. La jeune demoiselle devait me prendre pour un fou. Si ce n'était pas déjà le cas.

Elle retira enfin sa veste, je me détendais alors un peu plus. J'étais heureux qu'elle se sente plus à l'aise. Après tout, je n'allais pas l'agresser. J'avais du mal à comprendre comment on pouvait agresser des femmes.

C'était vrai. Combien de fois j'avais entendu Scarlett se faire siffler dans la rue. Alors même qu'elle ne dévoilait aucun bout de peau. C'est vrai que ce n'était pas son genre de se trimballer en jogging mais quand même. Un rien excitait ces jeunes gens. Et pas que jeunes. Dégoûtant. Combien de fois j'ai voulu prendre le contrôle de notre corps pour leur foutre une raclée. Touche. Pas. A. Ma. Soeur. Evidemment, Scarlett sait se défendre. Obviously. Elle décide juste de les ignorer. Et si jamais ils viennent plus près, well... Disons que plusieurs ont ensuite fait un séjour à l'hôpital. Ca leur aura sûrement appris la leçon et peut être qu'ils ont arrêté d'emmerder les femmes. On espère du moins.

-Vous avez raison. J'apprécie également. Au fait, je ne connais pas votre nom. Je m'appelle Mary-Jane.

Je souriais.

Jane. Tarzan. Jane. Tarzan. Non, pardon.

Oui bah excuse moi de rattraper ce que j'ai pas vu quand j'étais petit.

-Je m'appelle Tom.

Parce que je pars du principe que c'est une non douée. Et mon nom pour ces gens est Tom Mercer, notaire. Celui de Scarlett est Sélène Mercer, avocate. C'est notre boulot de mercenaire qui a pour nom Lucian et Scarlett. Ou pour les gens qui nous sont proches. Peut être qu'un jour, elle aura l'autre prénom. En attendant, on n'est jamais trop méfiant. Je détesterais qu'elle tombe sur Lucian Mercer sur le dark web et qu'elle voit nos activités et qu'ensuite elle … Eh bien, qu'elle nous dénonce. Ca fouterait une belle partie de notre vie en l'air.

-Tom Elvis Jedusor.


Ou Tom Marvolo Riddle. Au choix. J'espère qu'elle comprendra la référence et que c'est une petit blagounette. Hihi. J'ai un petit sourire en coin pendant que je sirote mon thé qui est encore beaucoup trop chaud. Tristesse infinie. Et je ne suis pas Voldemort par contre. Je suis gentil par rapport à lui, non ?

-Et qu'est-ce que vous faites dans la vie, si ce n'est pas trop indiscret ?


-Je suis notaire. J'ai un bureau en commun avec une avocate. On voyage en Europe principalement pour répondre aux besoins de nos clients.


Et c'est vrai. Quand ça coïncide avec nos activités de mercenaire c'est encore mieux. Sinon, en fonction des clients, on les redirige vers des collègues aussi doués que nous. Parce que comme tout le monde, ça nous arrive parfois d'être overbookés. Et oui, on est quand même humain avant tout.

Elle essaya de boire son infusion. N'était-ce pas trop tôt ? Elle allait se brûler, tout comme lui. Tout comme tout le monde, tout le temps. Elle ne fit pas de petite grimace mais... Un truc dans sa tasse ? Comme des bulles ?

Moi je fais ça quand j'ai une paille !

Je souris, mais faisait mine de ne rien avoir vu. C'est quelque chose de personnel de faire des bubulles ! Des bubulles, des bubulles, mes bubulles.

-Février. J'en suis à cinq mois.


Je ne sais pas ce que ça représentait exactement. Oh bien sûr je sais qu'il faut neuf mois pour être à terme mais … Mes connaissances s'arrêtaient là. Et Scarlett n'avait jamais vécu ça, et nous n'avions pas d'amies qui l'avait vécu non plus donc … Voilà. En même temps on a pas beaucoup d'amis non plus. On est des sauvages solitaires. Grrr.

Je ne pipais mot. Namého.

Elle se mit à caresser son ventre d'un geste maternel rempli de tendresse.

-Cela ne vous gêne pas dans votre activité ?


Petit façon détournée de demander ce qu'elle fait dans la vie, sisi t'as vu.

Je ne savais pas exactement les réglementations du Pays de Galles en ce qui concerne les congés maternité des femmes enceintes. Scarlett a beau être une avocate hors paire, on ne connaît pas forcément toutes les lois de tous les pays par cœur. Donc généralement on fait beaucoup de recherches pendant notre boulot, pour se remettre à niveau. C'est fatigant, mais on a l'habitude et d'une certaine manière, ça nous plaît. Même si être mercenaire est beaucoup plus... Passionnant ?

-Et le père ?


Et le père quoi ? Bah je sais pas. Et le père juste. Genre il fait quoi. Il le prend bien ? Enfin, sûrement, non ? Mais il le vit bien ? Genre des fois c'est sur d'avoir une femme enceinte à la maison, non ?

Un léger rire se dessina sur ses lèvres que je devinais douces.

Chut. Elle a ri à ma blague, pas comme toi, madame je n'ai aucun sens de l'humour.

Elle leva un sourcil face à ma réponse. Peut être en avais-je trop dit. Il ne faudrait pas que des non doués commencent à se poser des questions. Quoique... si. En fait, si. C'est exactement ce que l'on voulait. Mais faire ça seul, un petit coup comme ça n'est vraiment pas bienvenu. On ne peut pas faire une énorme révélation sur le monde magique juste seul. Vu ce qu'il se passe à Orpheo en ce moment... mais je l'ai déjà dit. Il me semble.

Non mais il faudrait une énorme meute d'humain noir, Et BOUM LA MAGIE EXISTE LES GARS. Orpheo serait beaucoup plus dans la merde. En plus là ils sont plutôt occupés avec les organisations de sorciers noirs et la libération de l'orphelinat, ça pourrait être le moment idéal ...

Bon après ça causerait aussi un vent de panique à cause des événements sus nommés qui se déroulent en ce moment. Et on veut plutôt quelque chose qui se passe dans le calme Et La compréhension, La tolérance et l'acceptation.

Coucou Les gars, on est gentil nous en fait.

En plus on bute des vilains.

Plus ou moins...

-Y aurait-il une femme en vous ?

Je répondis avec La même mimique tout en trinquant l'air avec une de mes tasses de thé.

-Qui sait, dis-je avant de m'abreuver.

Da.

Je me présentais donc Et fit ma blague redoutable. Je suis Lord Voldemort, je lui ressemble tellement en plus. Enfin, avec le nez. Et des cheveux. Et moins albinos. Et je crois que La liste est encore longue. Disons que j'ai uniquement mon deuxième prénom en commun avec lui.

Elle fit mouche, Un rire éclatant retentit dans ton le café. Ce son était très agréable. On n'avait pas trop l'habitude ni même l'occasion de sociabiliser avec d'autres personnes. Surtout inconnues. Plutôt Des collègues de travail pour quelques missions Et l'heure n'était généralement pas aux blagues.

Ça changeait de la routine. Découvrir de nouvelles personnes totalement inconnues, douées ou non.

Bouffée d'air frais.

-Bien. Alors je crois que je vais être obligée de vous tuer.

Pourquoi tu juges ?

Il est vrai qu'après ce magnifique rire claironnant il était difficile de la croire. Sauf que ...

C'est pour ça que tu as déplacé Le Bras dans le dos ?

Aucune réponse. Mais le geste a été souple, discret, mais notre main était sur La crosse du pistolet dans le creux de mes reins.

Elle caressa son ventre ce qui me permis de me détendre. Je ne sentais que maintenant Les muscles de mon dos et de mes bras qui s'étaient tendus naturellement sous la menace, pour bouger Et se défendre aussi rapidement que possible.

Toujours être prêt à agir. Ne jamais baisser sa garde.

En plus un jour j'me baladais (sur l'avenue, le cœur ouvert, à l'inconnue), sur Les champs élysées en plus, très approprié donc, quand je me suis fait agressé par une illustre inconnue.

J'me suis bien défendu.

N'en rajoute pas quand même.

Bref. On a réagit au quart de tour. Qu'est-ce qui empêcherait Mary-Jane de faire la même chose ? Peut être qu'elle sait qui je suis vraiment Et qu'elle cherche à m'éliminer.

Se méfier de tout le monde.

Voilà pourquoi on ne batifole pas avec Des inconnu.e.s et qu'on s'en tient à Des relations professionnelles.

Mais le regard qu'elle lance à son ventre et le geste protecteur de sa caresse m'incite à penser qu'elle aime assez son enfant pour ne pas le mettre en danger. Et donc ne pas se mettre en danger. C'est un sacré handicap un ventre de cette taille. Un poids, tout Un centre d'équilibre à revoir, bref, l'enfer. Je pense. T'en penses quoi Lety ?

Non.

Un grand sourire revient sur le visage de MJ à mon adresse. Je me détendais alors totalement, ma main revint sur ma tasse de thé. Sans oublier que j'en avais une deuxième qui refroidissait tranquillement à côté.

Ma main avait bien sûr quitter mon arme depuis longtemps, La veste remise par dessus pour n'effrayer personne mais elle était restée tendue sur ma cuisse.

-Ca a l'air prenant. Mais vous devez être passionné, j'imagine. Et puis, voyager est toujours agréable, même quand c'est pour le boulot.

-Ce n'est pas toujours une partie de plaisir mais ça se fait plutôt bien. Apres c'est vrai qu'il me permet de voyager souvent à travers toute l'Europe et parfois plus loin. Je ne suis pas à plaindre.

Bon après on tue aussi Des gens. Et on essaie que les deux boulots coïncident.

Pourquoi cette fascination sur tuer des gens ? Il est vrai que La plupart des non doués prendraient sûrement ça comme étant une blague, en écho avec La précédente sur Harry Potter (ah mince vous étiez là Et vous avez un cerveau donc vous savez déjà). Mais nous ne sommes pas n'importe qui. L'arme dans mon dos peut d'ailleurs le prouver ... ce contact est d'ailleurs très rassurant.

Elle se remit à sourire. Comme si tout cela n'était qu'une blague.

-Non, plus sérieusement, je viens de m'installer comme herboriste à mon compte, ce n'est donc pas trop embêtant, sauf pour aller faire des cueillettes en montagne ou ce genre de chose, mais on s'en accommode.

Changement radical de sujet quand même. Promenade en nature contre meurtres. Tout va bien. Après l'un n'empêche pas l'autre ...

-Vous n'avez personne pour vous aider dans cette tâche ? Et au moins vous vous éloignez de la ville ça doit faire du bien. Ça fait bien longtemps que je n'ai pas pris de vacances loin de toute cette agitation.

On est plutôt Des citadins quand même avec Lety.

Je disais donc, avant que l'autre grognasse ne l'interrompe, que nos contrats sont plutôt en ville. Et je ne ressens pas forcément un besoin immense de vacances. Je suis bien au travail, j'ai un bon rythme qui me tient occuper Et je n'ai pas le temps de larver. J'aime être actif. Ça me convient. J'me vois pas trop aller en campagne j'avoue. Et nos cibles sont plutôt citadines aussi, si vous voyez ce que je veux dire.

Quand je La vis pâlir en face de moi, je me suis dit que j'avais fait une boulette en évoquant le papa du bébé dans le ventre. Mais je pouvais pas savoir eh. Pas vrai ?

Pas auprès de toi apparemment ...

Elle bu à nouveau dans sa tisane avant de me répondre. L'heure n'était plus trop aux plaisanteries et l'ambiance se faisait plus lourde.

-Il n'y a pas de père. Juste un géniteur.

Bon. On va supposer que son ex est un connard et s'est enfui comme un lâche Et surtout, on ne va pas faire de blagues dessus. C'est bien dommage parce que ça nous aurait cheer up quand même.

Bah non justement Vu La tête d'enterrement je vais éviter ouais ...

-Et donc, c'est le travail qui vous amène à Cardiff ?

Ah d'accord, changement de sujet donc. Je finis ma première tasse en une gorgée avant de répondre.

-C'est exact. Je sors tout juste Du tribunal Et je dois faire passer le temps avant une autre affaire qui aura lieu ce soir.

Et ça risque d'être un tantinet longuet. Je pris mon autre tasse de thé, mis du miel et Du thé dedans avant de tout remuer à l'aide de ma cuiller. J'allais faire pipi tout l'après midi avec ça moi, c'était pas possible.

-Si vous voulez me tenir un peu compagnie, vous serez la bienvenue.

Parce que sinon on va faire quoi ? Traîner ici quelques heures, bouquiner, aller repérer le lieu (même si on a déjà de bonnes connaissances), manger, faire du shopping dans les rues congelées, flâner ... bref. Pas beaucoup de choses à faire. Peut être aller dans un musée mais je sais pas ... j'avais La flemme. J'avais surtout envie de rentrer à l'appartement et prendre un bon bain chaud avec Des bougies parfumées.

C'est pas faux. La mousse et La bonne odeur, De prélasser de longues minutes avant de reprendre le travail, ça faisait Du bien. Je m'octroyais ce petit plaisir quelques fois par mois.

-Et votre boutique marche bien ? Vous pouvez m'en dire plus sur en quoi ça consiste ?

Je posais ma tête sur mes doigts qui s'étaient noués entre eux, Les coudes sur La table, Un sourire aux lèvres. Après avoir bu Du thé, obviously. La température de celui ci avait bien descendu donc il était à une température tout à fait correct pour être posé le temps de parler mais en même temps pour être bu sans se brûler la langue, assez pour se réchauffer et tout ça.

Mais vraiment, sa discussion pourrait être intéressante. Ça consistait en quoi être herboriste ? Genre on lui achetait des herbes pour cuisiner ? Des herbes pour se soigner ? Si oui lesquelles Et comment ça marche ? Des petits mélanges ?

Allez y, je suis tout ouïe.

-Vous m'intriguez

Je ris, d'un rire franc et net qui est un peu venu de nulle part. Il est juste sorti tout seul au court de sa remarque.

-Pourquoi donc ? Il me semble n'avoir rien fait pour ça.

En effet, je ne cherchais absolument pas le mystère ou what so ever. J'ai un secret, il est vrai, deux même, mais c'est pas vraiment le genre de choses qui arrivent sur une conversation avec quelqu’un d’innocent. Et puis on est si souvent en contact avec des humains non doués que on prend l'habitude de refouler toute cette part de magie en soit. Parce que, croyez le ou non mais nous sommes aussi souvent contacter par des personnes qui ne sont pas au courant de l'usage de la magie dans notre deuxième travail. Ils savent uniquement que nous sommes efficaces et ils se fichent de savoir comment on procède.

Et puis si la police trouve des runes sur place ils penseront uniquement que c’est un rituel satanique d'un fou quelconque. Mais on couvre très bien nos traces, jamais la police non doués n'a parlé de nous. Orpheo, en revanche… ils ne savent pas que c’est nous mais ils savent que des personnes sont mortes et que la magie est dessous. Se serait bien qu’on se tienne à carreaux des fois…

Aheum, elle a raison. Je m'ennuierai comme un rat mort. C'est pour dire. Entendez moi bien, tuer des gens c’est pas le truc de ouf non plus, mais on est doué, ça défoule, on bouge et tout, et on a un cœur de pierre. C’est que s’attacher à quelqu’un dans ce métier c’est un peu compliqué. Coucou je suis un monstre, je tue pour de l’argent, et je discrimine une partie de la population. Plus ou moins. On est pas les personnes les plus reloues du monde de ce côté-là. Après tout, on choisit pas notre naissance notre famille… c’est pas notre faute.

Je vous résume ? On tue pour de l’argent tout ce qu’on nous demande. Humain, sorcier, gentil, méchant, beau, pas beau. On honore les contrats qu’on accepte.

- Bon, pas un métier par passion finalement ... Mais pourquoi ce choix alors ?

-Ça paye bien.

Les deux payent bien. Je vais passer pour un gros rat avare qui fait passer son argent avant tout alors que pas du tout. A part le fait qu’on ai des appartements, voitures et motos dans toute l’Europe – C’est pour le boulot et nothing is like home – on vit normalement et modestement. Les appartements sont des deux pièces uniquement. Et on doit payer les munitions, l'essence, les billets d'avion… et vivre comme les autres gens aussi. Et on a plein d’argent qui dort à la banque.

On passe à autre chose ?

Oui. Du thé. Hop hop hop.

- Je vous emmène en balade dans la campagne quand vous voulez.

Petit Lu…

Je soupirais intérieurement. Cette sœur m'insupportait.

Je répétais ses dires de façon gnangnan.

-Se serait avec plaisir, quand vous voulez !

Je cherchais alors dans la poche intérieure de ma veste. Il me restait quelques cartes de visites. Je lui en fis glisser alors une sur la table.

Oups, je la repris, chercha encore dans ma poche et tendit cette fois ci la bonne. Tom était évidemment écrit dessus vu que c’était la carte de notaire. Nous n'avions pas de carte pour notre activité secondaire, je pense qu’il n’y a pas à expliquer pourquoi.

Si elle me demandait quelque chose, je lui répondrais que c’est la carte de Lety. En attendant, je vais juste faire comme si de rien n’était.

Mary-Jane eu l'air toute déboussolée alors que je lui proposais de passer du temps avec moi. Si déboussolée qu'elle se renversa du thé sur ses jolis vêtements.

-Oh, excusez moi, je ne m'attendais pas à une telle réaction. Si vous avez des choses à faire, n'ayez pas de remords à m'envoyer balader je vous en prie.

Je m’étais relevé sur mon siège face à cette surprise, et lui tendit quelques serviettes pour qu'elle s'éponge légèrement. Cela ne partirait qu'au prochain lavage mais c’était déjà ça. Et le fait d’éponge l’humidité, le vent de ce pays serait mauvais sur ce torse humide. Se serait dommage qu'elle tombe malade dans sa condition.

Puis je mis tranquillement mon miel dans mon thé. Je n'allais peut être pas l'éponger moi-même. Un sourire se dessina sur les lèvres de la femme. J'en eux légèrement surpris car il venait de nulle part, mais je lui souris en retour. Sa compagnie était loin d’être désagréable, elle était apaisante. Son sourire revint, encore plus radieux.

- J'en serais ravie. Je peux même vous faire visiter un peu la ville, si le cœur vous en dit. Et si vous en avez le temps. A quelle heure devez-vous retourner au tribunal ?

Je souris encore, ravi qu'elle accepte ma proposition.

…

Ma sœur était totalement dévergondée avec moi, jamais, ô grand jamais, vous l’entendrez parler comme ça à quiconque.

-J'adorerai visiter la ville en votre compagnie. Malgré tous mes voyages, je n'ai jamais le temps de faire du tourisme. Je dois être de retour au tribunal vers 18/19h.

Un petit mensonge parce que je devais repasser à l’appartement, me préparer pour ce soir… beaucoup de travail préparatoire avant d'appuyer sur la gâchette. Mais elle n'avait pas à savoir tout ça. Un innocent n'a pas à subir l’horreur de mon métier.

- Euh, plutôt. Je vend également en ligne, ce qui fait que je n'ai pas contact direct avec la totalité de la clientèle. Et celle-ci est un peu... Spécifique.

Je sentis Scarlett lever un sourcil à l'évocation de ce mot. Spécifique, serait-ce le même que nous ?

-Pour vous donner une idée, mon chiffre d'affaire se fait surtout auprès des foyers les plus écolos, ou des personnes ayant un penchant... ésotérique. Après, il y a toujours deux ou trois touristes curieux, et des locaux qui sont attachés à certains remèdes de grand-mère, que ce soit moi ou un proche qui le leur ait fait découvrir. Ça ne permet pas de faire des folies, mais j'aime ma vie comme elle est. Simple.

Une vie simple elle n'a jamais existé chez nous. Et ca ne nous manque pas, on s'ennuierait.

- Globalement, cela consiste à créer des mélanges de plantes à des fins cosmétique ou de guérison. Qui ne se substitue pas à la médecine classique bien entendu, mes clients sont toujours encouragés à faire attention à ce qu'ils consomment, certaines plantes sont contre indiquées dans des cas médicaux précis. Bref. On peut aussi utiliser l'herboristerie en cuisine, surtout lorsqu'on aime les plats relevés.

Je l’avais écouté, tout du long, très intéressé par tout ce qu'elle disait. Son métier et puis essayer de la découvrir un peu plus, elle.

-Ça vaudrait le coup de s'y pencher plus ! Qui sait, quand j'aurais un gros bobo je viendrais peut être vous voir…

Comprendra-t-elle le sous entendu selon lequel je voudrais ses coordonnées ? Et puis des bobos ça nous arrive souvent d’en avoir. Après on se débrouille tout seul avec des runes ou dans les IBMM quand c’est vraiment grave. Mais les runes ? La réponse universelle à tout. Je voue un culte à celle-ci.

- Et vos affaires en cours, à Cardiff, de quoi cela retourne-t-il ? Si vous n'êtes pas tenu à une forme de secret professionnel, bien entendu.

-Ce matin je m'occupais d'un directeur accusé de détournement de fond – faut remplir le frigo, il paye bien, je ne suis pas le juge, je m'occupe juste de sa défense. Enfin, moi personnellement non. Bref, je ne cautionne pas mais je suis payé pour plaider en sa faveur, sans mentir – et ce soir je suis contre un pédophile.

Oui, je suis contre lui parce que c'est mon contrat de ce soir.

-Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous spécifier les détails et les noms vous importent surement peu.

Je sortis mon porte-monnaie et déposait quelques billets, le compte et un petit pourboire, sur la table, supposant qu'on avait tous les deux fini nos consommations. Je prie alors mon manteau et commençait à l'enfiler.

-Vous me faites visiter alors ?

Je lui souris tandis que je finissais de mettre mon manteau et m'enroulait mon écharpe autour du cou. Écharpe qui sentait le parfum de Scarlett.

….

Mé.

-Il est assez rare pour un homme d'admettre qu'il pourrait avoir une part de féminité en lui, je trouve. 

-Pour tout vous avouez, je n'ai en réalité pas trop le choix.

Mais non voyons, ça paaaaaasse.

C'est, après tout, pas ma faute si on partage le même corps. Du coup, toutes les emmerdes que ma sœur côtoie tous les jours parce que c'est une femme, les douleurs de règles, tout ça je l'ai vécu aussi. Eh oui, moi aussi j'ai eu mal à l'utérus des fois. Oui parce que faut pas abuser, ya des fois où je me déconnectais complètement parce que … Voilà hein.

Moi aussi je t'aime soeurette.

-J'espère alors que cet argent contribue à faire votre bonheur,

Je fit une moue circonspecte. On peut pas vraiment dire que cet argent nous appaortait du bonheur. C'est quoi notre forme de bonheur ? Est-ce qu'on est heureux, vraiment ? On fait juste ce qu'on sait faire, sans état d'âme. On est payé pour ça, ce qui semble logique parce que tout service mérite salaire. Après... Ca nous convient et voilà. On a pas vraiment d'amis mais c'est pas grave, on vit au jour le jour et tant pis pour le reste. Disons que cette vie nous convient. C'est plutôt ça. Mais je ne rentrerai pas dans tous ces détails avec Mary-Jane, elle pourrait poser d'autres questions et il est hors de question qu'elle en sache plus. On a pas trop envie de se retrouver en prison. Même si une prison de non doué serait facile à déverrouiller. Les runes les amis. Les runes. Je n'ai rien d'autre à ajouter. Les runes.

Elle eut l'air d'être ravie quand je lui annonçais que j'apprécierai beaucoup découvrir la campagne avec elle. En vrai, ça me ferait du bien une pause, loin de toute cette agitation, de la ville, des meurtres, des accusations. On a peu de temps libre réellement. On le cherche aussi, mais voilà, on a pas beaucoup d'ami, surtout de confiance, on a plutôt des connaissances mais voilà, donc généralement on cherche surtout à s'occuper, ce qui est parfaitement normal. Je nous verrais pas du tout, Lety et moi, regarder des séries toute la journée en pyjama. C'est juste... Pas nous. On a besoin de bouger en permanence. Mais bouger dans un endroit calme et découvrir de nouvelles choses pourraient être bien aussi. Ca nous reposerait, on serait déconnecter. Une bouffée d'air frais, vraiment, pourquoi pas. Le soucis étant qu'il ne faudrait pas blesser cette femme. Pas qu'elle s'accroche à moi, et que je ne m'attache pas non plus à elle. On veut pas de complications dans le métier. Pitié. Pour ça qu'on a que des connaissances et qu'on ne cherche pas vraiment à nous lier davantage à eux. Ce qu'on fait est dangereux.

Elle récupéra alors ma carte de visite.

-Merci. Je penserai à vous pour mon testament. 

-Ah non ne dites pas ça, ça porte malheur.

C'était une boutade, évidemment.

Elle me remercia pour les serviettes et s'excusa également, même si il n'y avait pas de quoi. Ca arrivait à tout le monde. Moi par exemple, j'en connaissais une qui était incapable de boire dans son thermos sans en mettre partout.

Si vous le dites. Même si je conçois que les hormones de Lety peuvent parfois m'atteindre, et je sais pas quoi faire de tout ça. Je suis « eeeeeeh » et je déambule bizarrement dans l'appartement. Genre je sais pas quoi faire de mon corps et de ma vie et je veux juste me morfondre et regarder des comédies romantiques en mangeant du pop corn sous un plaid.

Mé.
Vilaine Lety.

-D'accord, il nous reste donc environ 3 heures pour vous faire découvrir un peu notre jolie capitale. Ca me semble assez faisable. C'est trop dommage de ne jamais rien visiter.

-Vous devriez blâmer mon emploi du temps beaucoup trop serré. Quand ce n'est pas le tribunal, se sont des papiers à remplir, des rendez vous, des dépositions, des visites, des cas à préparer... Temps de choses à faire et trop peu de temps pour les effectuer. Je suis déjà bien heureux d'avoir ces trois heures devant moi. En charmante compagnie en plus de cela.

T'as fini ?

Je lui tendis le dos d'une carte de visite ainsi qu'un stylo pour qu'elle puisse noter tout cela, accompagné d'un sourire.

-Malheureusement, je repars après midi pour la France. Mais une autre fois avec plaisir. Et je n'oublie pas la campagne.

-Eh bien, en tous cas on peut dire que vous êtes occupé. J'espère pour vous que tout va bien se passer. Mais du coup... J'imagine que votre associée s'occupe de la défense des clients, et quel est votre rôle, concrètement dans tout ça ?

Je m'éclaircis la gorge.

-C'est un petit peu compliqué à expliquer, mais en gros, une fois que mon nom, mon sceau et ma signature sont apposés sur un document, moi ou n'importe quel notaire, pardon, celui-ci lui donne une valeur juridique. Je dois garder tous ces documents et les enregistrer. Mes bureaux sont donc remplis de papier partout, c'est génial. J'interviens dans beaucoup de contrats liés à l'immobilier, la valeur d'un bien, l'héritage, la vente ; la famille et également dans les locations de bien immobiliers pour établir des bails. J'aide également les personnes concernées à comprendre mon travail et les lois qui les régissent. En réalité, j'interviens très rarement au tribunal, c'est vraiment que l'affaire est grave, et je représente plus un témoin de l'Etat, quelqu'un de neutre avec des documents et preuves à l'appui qu'autre chose.

Je buvais une gorgée de mon thé.

-Désolé, ce n'est pas un métier des plus passionnants, et il n'est pas très facile à expliquer aux personnes qui ne sont pas du milieu.

Je me levai alors et mit mon manteau. Il était temps de se dégourdir un peu les jambes.

-J'avais dit que je paierai.

Je fis un sourire désolé. Je ne l'étais pas du tout.

On sortit alors du café pour respirer l'air frais du Pays de Galles. Dieu qu'il faisait froid dans ce pays. Et ce vent qui s'insinuait partout. On était mieux à l'intérieur, au chaud en fait.

Elle m'aurait fouetté si elle avait pu.

-Je vous propose d'aller rapidement voir le Wales Millenium Center, puis par Norwegian Church, puis nous feront le tour de la baie. Ca vous semble bien ?

Elle me parlait chinois. Je fis un signe de la tête et la suivait d'un bon pas. Elle avait quelque chose de changer, un voile était passé sur ses yeux qui étaient si joyeux quelques instants.

On a fait quelque chose de mal ?

-Et vous, vous avez des enfants ?

Je ris, franchement, encore une fois. Elle avait le don de me surprendre à chaque question.

-Loin de là ! Il faudrait déjà que je rencontre quelqu'un pour ça, et c'est loin d'être facile, être toujours à chaque coin du monde n'aide pas du tout une relation en plus.

J'en ai trop dit ?

Et puis, on peut essayer de se faire des amis de temps en temps, non ? Même si ils ne connaissent pas les moindres détails de nos vies.

On arriva au … Machin Center-

C'est pas ma faute si ils ont des noms compliqués !

-Vous connaissez un peu l'histoire des bâtiments ou ce qui s'y fait ou … Quelque chose ? Ou vous savez juste que c'est des choses à voir ?

J'veux dire, comme la majorité des parisiens qui savent qu'il faut avoir vu la Tour Eiffel, la Concorde, l'Arc de Triomphe, Montmartre, le Louvre mais qui ne savent pas forcément qui est quoi et pourquoi.

J'espère qu'elle va pas penser que je la juge.

- Ça fait partie de vous, vous avez l'impression ?

-Totalement !

Je n’ai pas trop le choix à vrai dire.

J’étais obligé de le reconnaître. J’ai toujours vécu avec une Lety dans un coin de ma tête. Alors oui, qu’on puisse se voir en vrai, qu’on puisse se toucher, se serait fabuleux. Peut être qu’avoir son propre jardin secret serait également bien aussi. J’envie parfois les personnes qui sont seules dans leur tête.

Parfois.

Soyons honnêtes, je ne pourrais pas vivre sans Lety. Elle ne pourrait très probablement pas vivre sans moi. Il y aurait un manque. Oui avoir toutes ses pensées scrutées en permanence peut être compliqué, mais on a grandit comme ça, on a appris à vivre avec. On se fait assez confiance pour savoir respecter l’intimité de chacun. Se mettre en off quand il le faut, sentir quand on va trop loin. On a réussi à mettre des murs sur certaines pensées, que l’autre ne va pas essayer de gratter. On sait tous deux que ces murs sont faits de papier.

Si on arrivait un jour à avoir chacun notre corps, j’espère sincèrement que notre magie évoluera avec et qu’on développera une sorte de télépathie entre nous deux. Mais encore plus fort que ça. De telle sorte à ce que même si on est de l’autre côté du globe, on puisse se parler, on puisse appréhender l’environnement de l’autre. Oui, encore mieux que le téléphone. Voire même, se téléporter à la place de l’autre.

Oui je me fais énormément d’illusion.

Elle rit à ma blague et me dit que j’avais raison. J’ai toujours raison voyons.

Je perçus quelques rougeurs sur ses joues suite à mon compliment, et un sifflement moqueur.

-Quel est ce son ? N’a-t-on plus le droit d’être galant ? Rassurez vous, si je ne le pensais pas, je ne dirais rien de tout ça. De plus, si je n’appréciai pas votre compagnie, je serais déjà loin d’ici.

J’essayais de la rassurer autant que je puisse. Est-ce que mes paroles feront mouche ? Aucune idée. Mais je suppose que ça fait du bien de s’entendre dire ses choses là. Je pense que même si elle se les dit à soi même, le fait que je ne sois pas encore parti par exemple, rien ne vaut le fait de se l’entendre dire par la personne qui nous accompagne. Ça rend les choses plus réelles, plus tangibles, plus vraies.

- Je comprends bien, oui. Vous allez à Paris ? J'ai passé une grande partie de mon enfance pas loin. Oui, la campagne. Il ne faut pas que j'oublie de vous donner mon numéro.

-Non, je me rends du côté de Bordeaux pour aller voir une connaissance de longue date.

Inutile de m’étendre sur les détails de cette entrevue. Cette connaissance étant un petit peu ... spéciale. Cela fait longtemps que je ne l’ai pas vu et c’est la première raison pour laquelle je me rends en Aquitaine. J’ai ensuite d’autres affaires à régler. J’en ai juste profiter pour décaler quelques contrats vu que je me déplaçais dans la région.

-Vous ne m’avez pas donné votre numéro ? Je vous ai tendu une carte de visite pour que vous écriviez vos coordonnées dessus...

Elle n’y avait peut être pas fait attention quand je l’ai glissé, elle devait donc être encore sur la table du café, dommage, mais pas irréparable.

Je sortais alors mon téléphone, histoire que ses données soient directement dans mon téléphone. Je ne suis pas du genre à oublier, mais... après la mission de ce soir j’aurais plutôt tendance à soit aller boire un verre, soit aller me crasher dans mon lit.

Et demain, well, demain, a-t-on besoin de parler du programme haut en couleur chargé de demain ?

Je lui tendais donc mon téléphone, histoire qu’elle inscrive elle même directement toutes les coordonnées dont je pourrais avoir besoin de la recontacter si l’envie m’en prenait.

- Non non, c'était intéressant. Je comprends mieux maintenant. J'ai toujours eu du mal avec la paperasse, alors il faut m'expliquer comme à une enfant. Du coup, j'imagine que l'affaire de ce soir est relativement importante.

-C’est vrai que tout le côté administratif prend une grosse partie du travail. Mais on y prend vite l’habitude. Il faut savoir faire preuve d’organisation surtout je dirais, mais on s’y fait.

De là à dire que j’aimais mon métier de façade ... On s’éclate un peu plus en tant qu’avocat que notaire. S’éclater étant un grand mot. On ne pouvait pas dire qu’on s’éclatait en tant que mercenaire non plus. Il faut avoir une sacrée carapace pour ce genre d’activités.

C’était quoi le métier qu’on voulait faire quand on était petit ?

On a pas vraiment eu le temps de se construire avec eux. Heureusement que Phyllis nous a accueilli. Enfin, ses parents surtout. Sans eux, je sais pas ce qu’on serait devenus. On serait peut être encore à la rue, Lety enceinte de son troisième enfant issu d’un viol.

Mais même si on était dans un environnement favorable, comment se construire avec une blessure aussi béante en nous même ? Notre chair qui nous renie, les gens en qui on avait le plus confiance ... Je pense que depuis cette date, on a voulu faire en sorte que les choses changent.

Nous restions dans un moment de silence. Ce silence d’acceptation et d’amour. Parce qu’on ressent l’émotion de l’autre et ses sentiments, surtout lorsqu’on s’ouvrait comme ici. On ne cachait rien, chacun voulait le meilleur pour l’autre.

C’était dans ses moments là que je souhaitais le plus la serrer dans mes bras.

- Mais je suis sûre que vous rencontrerez quelqu'un qui vaudra le coup de prendre un peu de temps pour elle, ou lui. Peut-être quelqu'un qui a le même genre de métier que vous ? Enfin, si c'est ce que vous désirez.

Est-ce que j’avais oublié la présence de cette jeune femme à mes côtés ? Oui. Complètement. J’étais un petit peu trop dans mes pensées et j’espère qu’elle ne l’a pas vu ou, au pire, pas mal pris. Du moins pas trop.

-Je ne suis pas sûr que deux personnes qui bougent énormément partout tout le temps puisse être dans une relation... Si c’est pour ne jamais se croiser parce qu’on est tout le temps en train de travailler ailleurs, cela paraît compliqué pour construire quelque chose.

Et le métier de notaire, ou celui de mercenaire ... ? Est-ce qu’on voudrait de quelqu’un qui tue également des gens ? Est-ce qu’on voudrait partir en mission avec cette personne ?

Et accorder sa confiance est déjà quelque chose de compliqué chez nous. Encore plus dans notre métier. C’est pas pour rien qu’on a pas d’ami proche. Comment une personne pourrait être plus intime avec nous avec toutes les barrières qu’on impose ?

Est-ce qu’on est prêt à baisser ses barrière et à laisser quelqu’un rentrer plus dans notre vie privée et notre intimité ?

Pendant que nous arrivions près d’un bâtiment qui m’avait l’air d’une importance certaine, on ne pouvait s’y tromper avec cette façade... devanture ? Bref, cette énorme plaque gravée de lettres, trouée même ; je lui demandais si elle connaissait le comment du pourquoi de ces lieux touristiques, ou même leur utilité.

- Eh bien, le Wales Millenium Center fait office d’opéra, de théâtre, etc. C'est un important centre culturel et artistique. Il comprend aussi des restaurants et des boutiques. Il y en a une là, par exemple, à travers la vitre.

Voilà, j’avais à présent ma sœur qui chantonnait dans un coin de ma tête. Comment vous voulez suivre une conversation quand y’a un coin de votre tête qui fait l’idiote ? Et je ne pouvais décemment pas dire à Mary-Jane « attendez, y’a une personne dans ma tête qui ne veut pas se taire », non, elle m’aurait pris pour un fou.

Et les fous, on les envoie à l’asile.

Les affiches des spectacles qui se jouaient donnaient envie, y avait de la couleur, de la joie, tout ce qui fallait pour passer un bon moment. J’arrivais à lire « opéra gallois » ou même l’orchestre national de la BBC ou encore la chorale du Pays de Galles. Avions-nous le temps de passer deux trois heures à un spectacle comme ça ? Non.

Est-ce qu’on profitait assez de la vie ... ?

Je regardais la boutique qu’elle m’avait indiqué. Elle était bien agencée et donnait envie de voguer dans les allées et de découvrir ce qui était mis à la vente. La vitrine présentant les différents produits était bien mise en valeur et tout donnait envie de sortir sa carte bleue.

-Je pense que j’aimerais beaucoup assister à un spectacle ici. Ça a l’air très vivifiant et joyeux. Le problème est toujours le même, je ne sais pas si j’en ai le temps malheureusement. J’ai toujours des choses à faire, il est vrai qu’après peut être que je ne prends pas le temps de me reposer, de visiter comme je le fais ici avec vous, ou d’aller voir ce genre de magie.

Et voilà que je me confie beaucoup trop. Je me sentais bien avec elle, bizarrement, elle avait un côté apaisant, rassurant. Pas maternel, tout de même, mais, on était bien à ses côtés je trouvais.

Je me retournais vers elle tandis qu’elle me désignait un autre bâtiment, de l’autre côté de la baie.

- Ceci est le Pierhead building, il appartenait à une compagnie de docks. Et là bas au loin, c'est la Norwegian Church, qui est comme son nom l'indique une église norvégienne. Je ne sais pas grand chose là dessus, à part que Roald Dahl y a été baptisé, car ses parents étaient norvégiens venus s'installer au Pays de Galles. Nous allons nous y arrêter si vous le voulez et sinon... Vous connaissez la série Torchwood ?

Le Pierhead building était un magnifique bâtiment rouge, assez vif, pour un bâtiment. Il détonnait bien dans le ciel gris gallois. Très beau, il avait une horloge, il me faisait beaucoup pensé à St Pancras, à Londres.

L’église norvégienne, d’un blanc éclatant était aussi très belle. Un peu plus et je dirais même « pipou ».

C’est ça, vas y, moque toi. Vilaine sœur.

D’une taille assez petite, son contraste entre son toit et ses murs étaient somme toute impressionnant.

-Je veux bien oui ! Je suis très curieux de voir l’intérieur, c’est une architecture que je n’ai pas du tout l’habitude de voir et je suis très curieux.

J’appréciais également beaucoup les informations qu’elle me donnait. Rien de tel qu’une locale pour nous faire découvrir une ville. Quoi que... ne parlons pas de tous ces parisiens qui ne sont jamais allés sur la Tour Eiffel.

-Et pour répondre à votre dernière question, non je ne connais pas cette série. Quand j’ai du temps, j’avoue que je préfère regarder un film, ce qui prendra beaucoup moins de temps qu’une série.

Même niveau audiovisuel, que se soit film ou série, on n’est pas très calé. On est calé en ... pas grand chose au final vu qu’on a le temps de rien. Film, très peu de temps, série, pas le temps, visiter, pas le temps. Ah, si, on lit beaucoup. On lit plus qu’on ne regarde la télévision.

Je fermais un peu plus mon manteau à cause du vent qui s’insinuait à travers les pores de ma peau et me faisait frissonner. Cette place était fort agréable à traverser, je me doutais que la traversée de la baie en serait de même.

-On continue jusqu’à l’église ? Et n’hésitez pas à m’arrêter ou me dire de ralentir surtout.

Je pouvais avoir tendance à oublier les spécialités physiques de chacun. Lety et moi étions très en forme, se balader avec une femme enceinte ne serait donc pas là même chose, mais cela ne me posait aucunement problème.

-Et n’allez surtout pas croire que vous allez m’embêter si vous estimer que vous devez vous arrêtez. Vous connaissez mieux votre propre corps qu’un illustre inconnu.

Je préférais la rassurer car j’ai cru déceler chez elle le syndrome de « je ne veux surtout pas déranger alors je me tais et je souffre en silence », c’est évidemment une exagération. Et ce n’était pas la solution. Je supposais qu’il y aurait des bancs le long de la baie pour qu’elle puisse s’asseoir cinq minutes si elle en ressentait le besoin.

-Je ne prends jamais le temps de me balader de cette manière, comme je vous l’ai déjà dit. Alors cela me fera le plus grand bien.

Prendre le temps de se poser, de souffler, respirer, être tranquille.

Je commençais donc à m’avancer plus en avant vers la baie.

Ahaha. Non.

[right]Elle est folle elle. Je veux pas mourir de froid moi. En plus, Mary-Jane est en talon, elle ne pourrait pas se déplacer sur la plage de cailloux. Je ne vais pas aller lui fausser compagnie juste pour faire trempette des orteils. En plus elle verrait ma tête du « ouuuuuuh, c’est froid glagla » et euuuuuh... Non.

Le vent jouait avec mes cheveux qui commençaient à se décoiffer, la sensation était agréable. Le sel marin faisait son chemin dans mes narines, je fermais les yeux pour profiter de cette brise, de cette caresse. J’écartais mes doigts et laissait filtrer l’air de la mer entre eux, je voulais être connecté avec cette puissance, juste quelques instants. Loin du monde qui m’entoure habituellement, plein de technologie, de froid, de sang.

Ici, en cet instant, c’était chaleureux.

Je me détournais enfin, et commença à marcher le long de la plage, vers l’église.

–Oh, alors j'espère que si on se revoit par la suite, vous me ramènerez des cannelés et du vin ! Je vous souhaite de bien en profiter...

Je riais de manière légère en ajoutant un « je n'y manquerai pas, mais pas sûr qu'ils supportent le trajet jusqu'ici... ». La faute au métier, encore une fois. C'est pas tous les jours qu'on faisait Bordeaux/Cardiff, n'est-ce pas. Même plutôt rare.

–Excusez moi, je pensais que la carte était pour moi.

Tandis que je sortais mon téléphone, Mary-Jane reprit ma carte de visite dans sa poche en griffonnant son numéro dessus. Nos mains se percutèrent, le téléphone faillit tomber par terre et elle, tomba en excuse.

–Allons, voyons, au pire, il ne tombera pas plus bas !

Tant que le matériel fonctionnait, une égratignure de plus ou de moins n'allait pas m'émouvoir tant que ça. Même si on faisait plutôt attention aux apparences. La coque était neuve, l'écran légèrement rayé, mais rien de vraiment visible.

Je reportais son numéro dans mon téléphone directement et lui rendit la carte avec un clin d’œil. Pas de favoritisme.

–N'hésitez pas à m'envoyer un message si vous avez envie de discuter un peu.

C'était sincère. Je ne proposais pas l'appel, étant souvent occupé. Le téléphone était souvent en silencieux, pour éviter que nous nous fassions repérer, pour ne pas perturber les séances avec les clients, le juge, le tribunal. J'étais peu disponible pou un appel. Les messages par contre, je pouvais plus facilement y répondre même si je mettais un peu de temps parfois à le faire.

Mary-Jane était plutôt … Lunatique, d'humeur rapidement changeante. C'était compliqué de jongler avec toutes les émotions différentes qui passaient très vite sur son visage. J'étais pas vraiment quelqu'un de trèèèèèès social. Dans le sens où on fréquente pas beaucoup de personnes en amitié, parler aux gens n'était pas un soucis. Redonner un coup de boost était quelque chose de sensible à faire, donc.

–Tout dépend de ce que ces deux personnes attendent de ladite relation. Je crois aussi que tout le monde n'attend pas de l'amour qu'il soit voué à construire quelque chose, mais j'entends votre propos, c'est un ressenti tout à fait légitime, même s'il semble un peu résigné pour vous.

Je me passais la main derrière la tête, avec un sourire gêné.

–C'est surtout que ça fait pas partie de mes priorités. Hmmm, dans le sens où j'ai jamais vraiment recherché une relation. Ce n'est pas quelque chose qui me manque dans ma vie, du moins en ce moment. Si un jour ça se passe, ça se passera, en attendant je vis ma vie et tout va bien chez moi.

–Mais je pense comprendre. L'amour peut être aussi juste partager des moments, qu'ils soient lointains ou proches, pas besoin de se faire tout un futur, des moments fugaces peuvent parfois suffire. Il n'y a pas besoin d'être dans une relation où on passe toute notre vie avec une seule et même personne, façon de parler, c'est ça ?

Je me fourvoyais peut être complètement sur ce qu'elle voulait dire, mais j'étais curieux de savoir ce qu'elle entendait.

–Je comprends. C'est absolument culte par ici, mais je ne vous en tiendrai pas rigueur. Je sais que la science fiction n'est pas du goût de tout le monde. Je préfère aussi les films, mais je ne dis jamais non à une bonne série. Qu'est-ce que vous aimez comme films ?

–Je ne savais même pas que c'était de la science fiction, pour tout vous dire. Jusqu'à aujourd'hui, je n'avais jamais entendu le nom de cette série. Et, je vais sûrement vous semblez très banal et barbant, mais, aha, mon truc c'est les trucs vrais. Genre film policier, thriller, de temps en temps une petite comédie, les drames. Pas de pouvoirs, pas de fantasy, des choses concrètes.

Même si bon, voir des meurtres à la TV alors qu'on en commet, parfois c'est assez bof, n'est-ce pas ?

Comme les médecins qui en ont marre des séries à l'hôpital.

Elle me regardait, d'un air apaisé, comme si elle était reconnaissante que je m'inquiétais pour elle.

J'étais sur le qui vive, mais me sentait apaisé en même temps.

Une vague de méfiance m’envahis, freinée par l'apaisement que je ressentais. Qui était pas nous.

–Pas de problème Tom, la santé de mon enfant passe avant tout, alors si ça ne va pas, vous le saurez.

J'hochais la tête, parfaitement satisfait de cette réponse.

Etait-elle magique, elle aussi ?

Nous continuions nous progression lorsque soudain, Mary-Jane m’agrippa le poignet. Je regardais mon poignet, ce contact, qui me tendit un peu avant de me souvenir que tout allait bien, on était en promenade tranquille.

Et que la demoiselle s'était stoppée nette, m'arrêtant sur son passage.

–Il bouge !

Un sourire sincère et immense s'afficha sur mon visage. Sa joie était communicante, j'étais surexcité pour elle également. Mes yeux faisaient des allers retours entre son ventre et son visage. La joie irradiait d'elle.

La taquinerie était présente, mais rien de mesquin.

–C'est super ! Vous voulez vous asseoir peut être ?

Je ne savais pas qu'est-ce qu'on devait faire à ce moment là. Était-ce douloureux ? A part la joie, quoi ? Besoin de repos ?

Je pris son poignet et l'attirais vers un banc à deux pas de là, pour qu'elle puisse peut être juste, savourer l'instant. La vie qui battait en elle. Un enfant à naître, une mère qu'on voyait, qui chérissait déjà cet être.

La joie toujours présente sur tous les traits de son visage, en cet instant, elle était très belle, malgré les cheveux qui balayaient son visage.

Pfffff.

Je jouais le jeu. Elle était bien capable de prendre le contrôle. Même sans transformation. Donc double peine, on serait tellement plus fatigué à la fin de cette performance.

–Vous allez bien Mary-Jane ? Ce n'est pas trop douloureux ? Vous avez besoin de quelque chose ?

Je levais le bout de mes sourcils, pour montrer l'inquiétude. Je me levais, faisait quelques pas, venais me rasseoir, pour me relever. Rassis.

Mary-Jane consentit à me faire la conversation par écrit, plus tard. J'étais soulagé, surtout pour elle. C'est un peu comme si elle acceptait qu'elle n'était pas uniquement un poids. J'étais ok pour qu'elle me parle, donc autant en profiter et ne pas culpabiliser. Elle avait l'air parfaitement le type de personne à se dire « oh non mon dieu, je dérange, mon dieu mon dieu mon dieu.

–Et ne vous en faites pas si je ne réponds pas, hm. La réponse arrivera, tôt ou tard. Ne pensez pas que vous m'embêtez ou quoi que se soit, d'accord ?

Je ne voulais pas qu'elle se flagelle. Stop les réprimandes à soit même.

–Je comprends. C'est certainement la meilleure attitude à adopter, vu votre rythme de vie. L'essentiel est que cela ne vous manque pas.

J'hochais la tête. Elle comprenait, cela m'allait très bien. Comme je pouvais, presque, comprendre les personnes qui voulaient absolument quelqu'un dans leur vie. Je dis presque uniquement parce que je pense qu'on ne se définit pas par rapport aux autres, mais par soi même. On a pas besoin de quelqu'un d'autre pour exister, on existe par soi même. Et mieux vaut être fidèle à soi même, s'accepter, pour ensuite avancer avec les autres, non ? Comme ça, on est deux personnes qui avancent, ensemble. Et pas une personne qui prend appui sur l'autre, d'une certaine manière. J'ai un peu les mots flous pour ça.

–Je pense qu'il peut en être ainsi, oui. Ce n'est certainement pas pour tout le monde, je ne crois pas que ce soit pour moi, par exemple. Je voulais juste dire que l'amour peut prendre des formes très diverses.

–Grande romantique, hein ?

C'était de la rhétorique. J'pouvais avoir tout à fait tord aussi, mais quelque chose me disait que j'avais touché. Romance dans plein de formes, de la vie aussi, des gens. Une personne assez sincère, dans l'ensemble, fidèle à ses valeurs, ayant espoir dans l'humanité peut être presque. Romantique de l'humanité ? C'était peut être un peu gros.

–Oh oui, je comprends. Il y a aussi un côté policier dans cette série mais vu ce que vous me dites, ce ne serait pas pour vous en effet. Vous avez eu des coups de coeur récemment ?

–J'ai adoré Insaisissables !

J'aurais voulu lui demander ce qu'elle, regardait, lisait, faisait de ses journées, à part gambader dans les champs et les prés à cueillir des petites plantes. Humour, humour. Mais j'ai une image de Mary-Jane version la petite maison dans la prairie, rien ne sert de le nier. Sauf qu'il fallait la mener à un banc. Je ne savais même pas si c'était cette action qui s'imposait, mais il était trop tard.

Elle souriait.

Elle commençait à rire face à mon manège. Pas de nouvelle vague d'humeur, rien du tout.

Soulagée ?

Bah bien sûr.

Un puis, elle éclata de rire. Je ne savais que penser, comment agir, cela me laissait perplexe. Elle me prit le bras, je me calmais, ou du moins, arrêtais ma nervosité un peu feinte, surjouée. J'me rassis, pensais à ce contact doux.

–Mais non, tout va bien, tout va bien...

Qui mieux qu'elle pour savoir si elle allait bien ou non, après tout. Le rire ne s'arrêtait pas pour autant. J'allais finir par bouder à force, attention !

–Désolée, ahaha, c'est vraiment trop absurde, cette situation... Voilà, maintenant je ne peux plus me lever.

Le rire ne tarissait pas, prit mon ego et le roula en boule dans un recoin de mon esprit. Rien ne servait même de feindre la bouderie. Je souriais juste.

–Je suis juste heureuse en fait.

Et ça se voyait. Ca transpirait tout autour d'elle, toutes ces ondes positives, un vrai halo. J'étais persuadé que si quelqu'un passait pas loin de nous, il aurait un sourire béat jusqu'aux oreilles. Elle suintait le bonheur, la gaieté et la joie. Comme un rayon de soleil, et j'étais heureux, en cet instant, que ses rayons me réchauffent un peu le cœur.

On est obligé d'y aller ce soir, pas vrai ?

Oui.

Mais on est bien là.

[color:9429=#darkcyan]

Oui.

Différente intonation. Premier non négociable. Deuxième regret teinté de ma propre émotion. Joie.

J'aurais voulu passer la soirée en sa compagnie. Ne pas retrouver de suite les tueries macabres. J'aurais voulu me réchauffer en sa compagnie, plus longtemps, tel un animal à sang froid. Recharger les batteries d'endorphine.

Peut être que finalement, on avait besoin de gens dans notre vie, avec Lety. De laisser plus souvent, des gens rentrer dans notre vie. De tisser plus de liens, de les entretenir plus régulièrement. Ça faisait du bien, j'avais l'impression de respirer et d'être plus épanoui.

–Moi aussi, je suis très heureux de vous avoir croisé aujourd'hui. Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti tout ça.

Je la regardais, posa ma main sur la sienne.

–Merci.

Et je savais que l'heure avançait. Je savais à quelle heure était notre rendez vous. Je savais que nous devions d'abord passer à l'hôtel pour nous préparer. Je savais quel temps il fallait pour rentrer. Je savais que les minutes passées en sa compagnie s'égrenaient, doucement, de plus en plus vite. Je savais que, bientôt, il serait temps de partir.

Je me relevai, tendit ma main, mon bras, pour que je puisse l'aider à se relever, galant.

–Et si on allait jusqu'au bout de cette promenade ?

Allons jusqu'à cette église norvégienne. Profitons de ce temps de répit qu'il nous reste. Respirons l'air marin. Réchauffons nous aux côtés de Mary-Jane.

Elle acquiesça alors que je lui confirmais que ses messages ne me gênerait pas. Cela me ravit. Je ne lui aurait pas donné mon numéro sinon. Je n'aurais pas non plus profité d'une promenade en sa compagnie. Et tout ça me donnait envie d'en savoir plus sur elle, de continuer ses moments de pause, ces moments de bonheur.

Elle répondit pas l'affirmative également alors que je lui annonçais que c'était une romantique. J'avais effectivement visé juste. Encore une fois, c'était quelque chose d'assez facile à deviner, même si on était pas très bon à déchiffrer les gens, ne les côtoyant que trop peu.

J'entrepris alors de lui raconter le pitch d’Insaisissables : une bande de magicien qui se servent de leur tour pour voler une banque. Je lui disais comment la trame était bien ficelé, que les effets spéciaux faisaient écho à la magie sur scène. J'essayais de lui donner envie de voir le film. Essayais.

Une fois tout deux assis, elle me remercia moi, et Dieu. Je profitais encore du vent sur ma peau. Je profitais de l'instant. De la pause. Du bien être que cela procurait de … Rien faire. Et d'en profiter en bonne compagnie. De ne pas se sentir stressé par le boulot, les responsabilités. Un moment calme, un moment de détente, qui faisait du bien, et qui ô combien, était nécessaire. On ne s'en était jamais rendu compte jusque maintenant je pense. On était toujours dans l'action, toujours occupé à quelque chose, ne s'octroyant que très rarement des instants pendant lesquels regarder un film ou sortir boire un verre. J'étais toujours choqué d'être rentrer dans ce café. N'en regrettait rien.

Nous reprîmes la balade en silence. Les graviers roulant sous nos semelles, les touffes d'herbe ondulant sous le vent, les mouettent caquettant dans le ciel, les vagues se fracassant sur la jetée. Pas de nuisance sonore. Pas de voiture avec le moteur vombrissant. Pas d'éclat de rire de gens inconnus. Pas de mots criés plus haut qu'un autre. Pas de musique qui faisait trembler mon corps. Le calme de la nature. Je comprenais pourquoi tant de gens faisaient de la randonnée. Pourquoi tant de gens allaient se promener. Pourquoi tant de personnes allaient vivre dans de grands espaces, isolés de tous. Je comprenais pourquoi elle prenait du temps pour aller chercher ses herbes. Si c'était pour avoir un tel calme et une telle sérénité tout du long, ça en valait le coup.

Peut être lui rendrais-je visite, quand elle sera isolée, comme ça. Pour prolonger cet instant, en profiter à nouveau. Redescendre en pression. Oublier la vie et les tracas, sans fioriture.

Nous arrivâmes à l'église norvégienne et Mary-Jane prit les devants pour aller poser sa main sur le bois blanc immaculé, trop clair pour le gris de la météo, presque éblouissant dans ce décor. Et pourtant. C'est comme si cet élément improbable avait sa place parfaite.

Elle se retourna vers moi. Attendant que je parle, probablement.

–C'est magnifique.

Autant l'église que ce que je voyais, en vérité. Le cadre, la place de Mary-Jane. Tout ça était splendide.

Mon téléphone vibra dans ma poche. Je fronçais le nez. Il était presque le temps d'y aller.

Je me rapprochai d'elle.

–Vous me faites visiter l'intérieur ? Avec, j'espère, tout ce qu'un guide touristique pourra m'apprendre !

Je laissais une pause.

–Après cela, je regrette de devoir vous annoncer que je vais devoir y aller. Mes obligations m'appellent et je ne peux m'y dérober.

J'espérais sincèrement la revoir bientôt.

Elle me fit alors visiter le bâtiment. On entra à l'intérieur et effectivement, des activités diverses et variées étaient représentées. Elle me les énonça. Elle savait de quoi elle parlait et je trouvais toujours ça mieux de visiter avec une autochtones qui sait ce qui doit être vu plutôt que de juste errer au hasard ou vérifier sur un guide touristique. Elle m'informa alors du baptême de Rhoald Dahl qui avait eu lieu ici. Elle m'expliqua l'histoire de la bâtisse et j'écoutais attentivement, hochant la tête. On se balada donc dans l'enceinte de l'église, je regardais les vagues caresser la baie à travers les vitres. Le sentiment de sérénité et de calme que j'avais vécu toute la journée continuait ici. Le monde était silencieux, les gens du café parlaient doucement, respectant le lieu.

Elle m'amena dans la nef où des peintures étaient exposées. On regarda en silence les toiles, accompagné par les bruit de pas et de chuchotements qui résonnaient des rares visiteurs.

- Je serais bien incapable de vous donner plus de détail sur l'artiste qui a peint ces tableaux. En tous cas, je tenais à vous dire merci pour ce moment. C'était vraiment très agréable et j'espère que vous garderez un bon souvenir de notre ville.

Je contenais mon rire dans ce lieu empreint de sérénité.

C'est pas de la ville que tu vas garder un bon souvenir, hm ?

Oh shush.

- Merci à vous, Mary-Jane. De m'avoir fait découvrir votre ville, de m'avoir donné de votre temps, et d'avoir partagé votre univers avec moi.

Cet univers si calme et si serein que j'aimerais, au final, retrouver plus souvent. J'aimerais bien la revoir.

- Il est temps pour moi de vous quitter.

Et c'était à regret. J'aurais aimé étendre d'avantage ce moment. J'espérais sincèrement la revoir.

Je lui pris la main pour la saluer une dernière fois, et tournai les talons pour sortir. Le vent me rattrapa bien vite et je fis machine arrière sur le chemin le long de la baie, seul.

Genre t'es seul.

Mais-

On sait.

J'augmentais la cadence de mes pas. J'avais étiré le temps autant que je le puisse pour passer un maximum de temps avec cette femme d'un calme absolu. J'avais l'impression de sortir de méditation, d'être un nouvel homme, calme, serein, reposé presque. Prêt à retourner à mes affaires dans de meilleurs dispositions qu'habituellement.

La ville arriva bien vite, l'effervescence également, l'agitation, les bruits. Je chevauchai la moto, la démarra en trombe et parti comme une furie vers mon rendez vous.