Et le soleil

Il faisait beau cette journée-ci. L'après-midi était déjà bien avancée. Le soleil était à son apogée, et semblait poser son regard sur l'univers tout entier.
Oui, le soleil est un astre magnifique, puissant et noble. Il peut surplomber le plus vaniteux et narcissique d'entre nous.
Vraiment...
Je suis là, à contempler la lumière qu'il produit, se reflétant sur le blé qui tend timidement le bout de son épis vers le soleil. Il fait tellement chaud et beau aujourd'hui que j'ai l'impression de me retrouver devant un champ baigné de lumière. Mes yeux en sont d'ailleurs les principales concernées. En raison de mon iris blanc, je ne supporte pas le moindre rayon de soleil, et j'en suis ainsi contraint à porter des lunettes. Cependant, je n'ai pas de tendance spéciale à me la péter, et les lunettes de soleil sont pour moi un synonyme de crâneur. Vous comprendrez donc l'ambiguïté.
Soupirant, je baissais les yeux. Rien ne sert de se lamenter, il suffit de se dire que c'est mes yeux ou mon apparence.
Adossé à un arbre, les yeux posés sur le sol et les bras croisés, j'occupe mon esprit à observer mes pieds faire des cercles sur la terre sèche. Je suis habillé comme tous les jours, pas en tenue du dimanche, pas non plus en habit médiéval, simplement d'un pantalon de toile noir et d'un t-shirt orange.
On pourrait croire que j'attends quelqu'un, car mon attitude pourrait faire y faire penser, mais ce n'est pas le cas. Nous sommes un samedi après-midi, les cours sont finis, et je me repose simplement, car ma maison ne me plaisait pas, étant donné le beau ciel sans nuage qui m'avait obnubilé durant les cours de la matinée.
Malheureusement, comme j'étais seul, la balade s'était terminée en bouchon, et j'avais décidé de me mettre à l'ombre d'un arbre, faute de quoi je pensais attraper une insolation. Voilà pour le résumé.

Le soleil ne diminuait pas d'intensité, et l'ombre de l'arbre devenait inutile, presque étouffante. Je me décidais alors à m'en aller, rentrer chez moi, passer ma fin de journée à regarder la télévision, ou remplir mon frigidaire qui commençait sérieusement à se vider, ou encore préparer mes cours.
Beaucoup de choses, en somme.
Décidé, je décroisais les bras, et repoussais mon corps de l'arbre, en m'aidant comme soutien de mon pied. Soudainement, j'entendis comme une course lointaine, un bruit de pas atténué pour paraître silencieux. Je me retournais brutalement. Rien. Sans doute un animal.
Pourtant, je ne ressentais pas de discussion animalière dans mon champ de reconnaissance.
Je laissais tomber.
De nouveau, le bruit se réitère. Je me retourne doucement, cette fois, conscient qu'il n'y ai aucun danger. Je fais face à Luka, située à environ dix ou vingt mètres de moi, surprise de ma présence en ces lieux, tout simplement.

-Oh, Luka, c'est toi?

Y'a plusieurs dieux, mais y'a qu'un seul soleil...

Oui mais le soleil, il brille ou bien il brûle... Samedi après-midi, la campagne autour de Little Angleton et du Mystery Orphanage. Le soleil chauffe assez fort. Pas de nuages dans le ciel pour couvrir le sol d'une ombre protectrice. J'ai pris ma forme d'aigle impérial aujourd'hui pour visiter les lieux. Je ressens les moindres coup d'air, les moindres changements du vent, c'est magique. Et s'il fait chaud, en hauteur le vent souffle. Je vole si haut que les humains innocents ne pourront pas se demander ce qu'un aigle impérial fait en Ecosse. Pas de problème donc. Au dessous de moi s'écoule doucement la campagne, les étendues vertes, altérés par le jaune des champs de blé ou encore les quelques tâches de forêt.

Je fais un tour le long de la côté, respirant l'air marin, volant au dessus des embruns, me laissant porter par le vent, planant insouciament. La mer s'agite en bas, ses vagues fortes se fracassent brutalement contre la falaise. Au loin je vois quelques oiseaux marins. Je finis par m'éloigner doucement de la côté pour rentrer plus dans les terres. Sous moi les champs et les étendues d'herbe s'allonge. Je vais bientôt attérir. Je n'ais pas pris mes vêtements, mais j'ai les bandes que nous avons mis au point. Les bandes? Oui ce qui nous sert de sous-vêtement, nous, les métamorphes. Les miennes sont noires et m'entoure le bassin et la poitrine, quelque soit la forme dans laquelle je me trouve. Leur secret? Un tissus magique qu'un élève maintenant mort face à un poltergeist il y a de cela une dizaine d'année, a trouvé au Mystery Orphanage. L'orphelinat est plein de recoin, et il ne se souvenait même plus où il l'avait déniché. Par contre il se souvenait parfaitement qu'on lui ai dit quoi faire avec ce tissus. Etrangement, le rouleau ne diminue pas.

Enfin les objets magiques en même temps... Faut pas chercher à comprendre. Il n'y en a pas beaucoup en plus. J'aurais pu prendre mon balot de vêtements, mais je n'avais pas envie de m'encombrer pour ce vol. Finalement j'attéris dans un champ et je me retransforme. Un coup de vent fort passe et je frissonne. Et tout de suite il me vient l'idée de me transformer en renard. Ne me demandez pas pourquoi, c'est ma lubie du moment. Etrangement la panthère vient parfois en second. Même si c'est évidement elle qui reste la première. Et je deviens un petit roux. Mon flair quant à lui devint bien plus fin. Et c'est alors que je sentis le professeur Takahata, mon prof de métamorphose. Décidant d'aller le voir, parce que je me sentais finalement un peu seule, je couru dans sa direction. Le vent sifflait à mes oreilles. Je ne cherchais pas tellement à me faire discrète aussi m'entendit-il. Car si je l'avais voulu il n'aurait pas pu. Tout simplement parce que l'oreille humaine n'est pas adaptée à des sons si bas. C'est aussi pourquoi c'est assez grisant d'être dans la peau d'un animal, il possède des facultés qui nous sont étrangères. Le plus grand risque des métamorphes est de vouloir rester animal. Le professeur a reconnu ma forme de renard, assez caractéristique vu que contrairement aux autres renards, mes oreilles étaient entièrement noires. Allez savoir pourquoi. Je me retransformais pour lui faire face.

-" Oui c'est moi professeur. Vous allez bien?"

Je souris légèrement, ayant totalement oublié que d'une certaine manière, j'étais en petite tenue. Mais de toutes façons ils nous étaient tous arrivé, à nous, métamorphes, de nous retrouver nus, ou avec les bandes, devant nos professeurs, amis et autres... C'était assez comique parfois, moins quand c'était notre tour...

Et les nuages

Mes oreilles ne m'avaient pas trompées. Luka avait débarquée quelques secondes plus tard, tout d'abord, et pendant un temps extrêmement court, sous forme de renard, puis sous sa forme humaine.

-Oui c'est moi professeur. Vous allez bien?

Puis, elle avait sourit.

Je constatais alors qu'elle était habillé des bandes qui nous permettait de reprendre forme humaine après une transformation, sans forcément se retrouver tout nu. Je n'y fit cependant pas attention, car ce n'était pas considéré comme tabou chez nous, mais plutôt habituel. Posant mes mains sur mes hanches, je souris à mon tour, finissant par répondre à sa question.

-Ça peut aller, mais avec le soleil d'aujourd'hui, je me sentais mal de rester chez moi, riais-je, presque à moi-même. Et toi, comment vas-tu?

Elle ne répondit pas tout de suite, mais comme une affirmation à ma phrase concernant le soleil, elle observa l'horizon, prenant soin de mettre ses mains en visière. Je mis alors mes mains dans mes poches, et observait le champ de blé qui luisait comme de l'or. C'était si beau que je faillis en avoir les larmes aux yeux. Ma vue était cependant gravement altéré quand au fait que je portais des lunettes, et que ces dernières me protégeaient de la vue du soleil, mais aussi de la luminosité. J'eus alors envie de les enlever, de regarder les véritables couleurs qui siégeaient devant moi.
Je saisis une branche de mes lunettes de ma main droite, fermait les yeux, et tentai de les rouvrir peu après, sans réussite. Je recommençais cette machinerie plusieurs fois, et finit par m'avouer vaincu. reposant les lunettes sur mon nez, et puisque Luka devait certainement se demander ce que je faisais, je déclarai, fixant à travers le voile noir les yeux de Luka :

-Ce que je t'envie de pouvoir regarder de tes propres yeux ce spectacle. De ma vie, j'ai toujours été obligé de me protéger du soleil, à cause de la couleur trop claire de mes iris.

je soupirai. Je n'étais pas vraiment déçu, ni désespéré, mais je m'en voulait d'être né ainsi. En même temps, cette couleur inhabituelle me plaisait. je n'avais donc pas de quoi me plaindre.

-Bon..., et sinon qu'est-ce que tu viens faire ici, si ce n'est pas personnel? dis-je d'une voix plutôt inintéressante.

Il est rare qu'un nuage prenne la forme d'un nuage !

Il fait décidément très beau aujourd'hui. Le soleil tape un peu fort, mais qu'à cela ne tienne, je ne prend pas de coup de soleil. Et ça c'est pas forcément donné à tout le monde. Les tiges jaunes des blés me gratte les jambes mais je n'y fais pas attention. Ca sens bon le début de l'été. Je regarde devant moi. Des champs à pertes de vue. C'est ça la campagne autour de Little Angleton.

-" Ça peut aller, mais avec le soleil d'aujourd'hui, je me sentais mal de rester chez moi, riais-je, presque à moi-même. Et toi, comment vas-tu?
-" Je vais bien merci."

Je souris légèrement. Et je regarde le paysage, mettant ma main en visière pour me protéger du soleil. Je n'ai pas les yeux tellement clairs, ils sont d'un gris léger, mais tout de même. Ces yeux, c'est un peu comme ceux de ma maman. C'est d'elle que je les tiens. Et c'est de papa que je tiens les cheveux. Parce que ma maman elle est rousse. Comme les sorcières du Moyen Âge. Enfin ce qu'on disait. J'aime bien les rousses. Mais elles me font peurs. Parce qu'elle me font penser à Maman. Et c'est pas forcément super...

-Ce que je t'envie de pouvoir regarder de tes propres yeux ce spectacle. De ma vie, j'ai toujours été obligé de me protéger du soleil, à cause de la couleur trop claire de mes iris

Je ne me retourne pas, ne le regarde pas. A moins il n'est pas aveugle, mais je dois avouer que ce ne dois pas être une situation confortable. Je soupire doucement. Il y a tellement de choses qui seraient gênante pour un animal qui le sont moins pour l'homme. Un animal ayant ce genre de problème ne survivrait pas longtemps. C'est la loi de la nature. Et pourtant nous les humains, sorciers, mêlés, nous accueillons ces handicapes parfois petit, comme des désagréments de la vie quotidienne, mais qui ne menace pas nos vies. On a appris à vivre avec, et cela ne cause pas notre mort. C'est fou ce que le monde des animaux est parfois bien plus cruel que celui des hommes, et inversement d'ailleurs. Les hommes peuvent être bien pires... Pourquoi suis-je venue?

-" Je me promenais tout simplement... Les vraies couleurs de ce paysages sont magnifiques, mais elles vont peut être disparaîtres..."

Oui avec le temps les couleurs disparaissent. Parce que les humains les abimes. Parce que nous ne respectons rien. Et c'est bien triste.

La chaleur me fait perdre la tête.

C'est bien vrai. De sa phrase pleine de sens était né un ressentiment profond. "Mais elles vont peut-être disparaitre".
Si vrai. Qui? Nous. Ou bien d'autres personnes. La nature disparaitra. Il faut la préserver. Comment? L'avenir nous les dira, et les opportunités arriveront. À nous de les saisir.
Je soupirai. Je n'avais pas la tête à faire de la psychologie, ni à me morfondre sur l'avenir. Eh oui, comme les chiens, je me concentre sur le moment présent. Et ça me permet de vivre chaque action à fond! Mais puisque je ne me soucis pas des conséquences, il y a forcément des retombée. On me l'a souvent reproché quand j'étais petit. Résultat, j'essaye de faire plus attention maintenant.
Mais je me perd. Mes réflexions se terminent toujours comme ça, de toute façon. Je pars d'un endroit pour en arriver à un autre. C'est typique de moi, ça. C'est pour ça que peu de personnes me comprennent. Mais je m'y suis habitué. Je fixais Luka, sans trouver quoi dire. En ce moment, il serait donc mieux de se taire, et de laisser faire la nature. Si elle avait besoin de parler, ce serai elle qui allait engager la discussion. Mais pour le moment, le spectacle du champ de blé reflété par le soleil me suffisait amplement.

Pourtant, deux minutes plus tard, je ne pus rester de marbre. Il me fallait bouger, parler, mais faire quelque chose. Je n'appréciais jamais de rester trois mille ans quelque part. Je me levais du dossier qui était le tronc d'arbre, et interpella Luka :

-Qu'est-ce que tu es venue faire ici, au fait? Tu étais certainement transformée avant notre rencontre. Tu faisais un tour?

Tentative de discussion. de toute façon, si elle en répondait pas, je m'en irait. Et puis, je n'avais pas une grosse envie de traîner ici. Pour finir, parler de transformation me provoque toujours une envie irrésistible de faire pareil. Je souris gentiment, et attendit.

Froide est la douleur de croire que la chaleur ne reviendra jamais.

J'avais envie de courrir. Courrir pour vivre, pour respirer, pour oublier. Oublier que je suis poursuivie, poursuivie jusqu'au plus profond de mes rêves. Je respire doucement mais la terreur est toujours là. Parce que je sais que ma mère est dans le coin. C'est ce qu'on dit. Et on l'a aperçu. Peu de gens au Mystery savent qui elle est et à quoi elle ressemble. Il y Mrs Mystery, Nérys et John et Josh Stewart. Mrs Mystery et Nérys parce qu'elles sont dirigeante, John parce que c'est le petit ami de Nérys et mon papa de coeur, et Josh parce que c'est le conseillé de Mrs Mystery. Cependant beaucoup de gens connaissent ma mère. Parce qu'elle est recherchée par Orpheo. Mais son lien avec moi, ça, les gens l'ignore. On a pas le même nom de famille, ça aide.

Je regardais vaguement le professeur, préférant la nature.Le vent se leva et souffla fort. Les épis de blé plièrent et formèrent une mer agité, une mer jaune et verte. L'horizon était vert, jaune et bleu. Mélange de la terre fertile et du ciel. Le professeur Takahata se décolla doucement du tronc contre lequel il était adossé. Moi je n'avais toujours pas bougé. Dans mon immobilité je voyais une sorte de défis. Être immobile relève de l'impossible car on doit respirer. Je souris. C'est assez drôle. Je me lance souvent des défis. Et rester immobile en est un. Je parviens parfois à des résultats plutôt étonnant tel que parfois un oiseau vient se poser sur ma tête.

-" Qu'est-ce que tu es venue faire ici, au fait? Tu étais certainement transformée avant notre rencontre. Tu faisais un tour?"

Je me retourne vers lui et souris. Oui faire un tour si on veut.

-" Oui j'avais besoin de me dépenser. Et vous?"

J'avais envie de lui proposer de faire la course. Je souris. C'était profondément immature et gamin, mais qu'à cela ne tienne, peut être que je le ferais. Parce que ce dois être amusant de faire la course contre lui. Je sais pertinament qu'il est plus rapide que moi étant mon professeur... Quoique... C'est à voir. Et je demande vraiment à voir. J'ai tellement envie de courir...

Les épis sous le soleil...

-Oui j'avais besoin de me dépenser. Et vous?

Ce que je faisais? Aurais-je du dire que je passais par là par hasard? Que j'observais l'extérieur? La nature, les champ, le soleil et le ciel? Aurais-je eu l'air idiot?
Disons plutôt que ça aurait fait un peu professeur rêveur. Mais je m'en fiche pas mal, puisque en dehors des heures de cours, j'aime bien me défouler, et je me présente tel que je suis, sans vraiment tout montrer.

-Bof, je me baladais dans le coin, cherchant un endroit où me reposer et être tranquille. Disons que je voulais observer la nature pour être exact. Il faut en profiter un maximum, je crois. Dis-je, à moitié songeur.

Luka ne bougeait pas. Elle semblait s'amuser sans bouger. Je souris un peu, et finis par lui dire :

-Mais puisque nous sommes tous les deux ici, autant s'amuser un peu. Tu veux faire quelque chose?

Un peu immature, certes, mais je n'avais pas envie de me comporter sévèrement. Et puis, la confiance nait le plus souvent quand des personnes sont proches. Autant dire que la relation prof/élève n'est pas très efficace pour se confier ou autre. En cours, d'accord, mais à l'extérieur, il est question d'être cool et gentil. Voilà l'image que je veux faire passer. Autant dire aussi que ce n'est pas de la tarte...

C'est dans cet état de réflexion que Luka me dit quelque chose que je ne saisis pas. Sortant de mon état léthargique, je lui dis :

-Excuse-moi, tu peux répéter? J'étais ailleurs, m'excusai-je.

Comment paraître plus rêveur et "à l'ouest" après ces mots? Je soupirai et passait une main dans mes cheveux. Décidément...

L'épi de blé que la grêle du doute a courbé ne peut plus se relever et s'agiter au souffle de la vie.

-"Bof, je me baladais dans le coin, cherchant un endroit où me reposer et être tranquille. Disons que je voulais observer la nature pour être exact. Il faut en profiter un maximum, je crois."

Il est donc passé là par hasard. Le hasard est une belle chose, pour ceux qui y croient. Il permet de ne pas se soucier de plein de chose et garde parfois les gens dans l'ignorance total, que ce soit bien ou non pour eux. Je ne sais pas si je crois, si j'aime ou non le hasard. Je ne me suis jamais posé la question. Un coup de vent passe, je frissone. Autour de nous les criquets chantent, si on peut bel et bien appeler cela un chant. Les blés sont infestés d'insectes. C'est leur lieu de vie, leur lieu de mort. J'aimerais bien être un insecte parfois. Car le monde doit être si différent vu d'en bas. Et il doit être tellement plus grand. Je soupire doucement, laissant la magie de la nature opérer.

-" Mais puisque nous sommes tous les deux ici, autant s'amuser un peu. Tu veux faire quelque chose? "

C'est drôle qu'il me propose ça maintenant. Mais je ne vais pas refuser ça non ! Je souris de toute mes dents. Et le professeur Takahata croit que j'ai parlé alors que je n'ais pas ouvert la bouche. Il s'excuse. Je souris de plus belle. Il n' pas à s'excuser. Il n'a rien fait. Mais je ne dis rien, je me tais. Mr Takahata est vraiment un professeur sympa. En cours il a la rigueur qu'il faut, et en dehors il est vraiment cool. Je repense à ce que je veux. Une course! Va -t-il me l'accorder? Je ne sais pas. Sans doute. Nous courons sous nos formes animales pendant les cours. Pour nous entraîner sans doute. Mais la course, la vraie, quand la compétition anime deux corps, c'est... Magnifique.

-" Une course?"

Un sourire malicieux plane sur mes lèvres. J'ai les yeux qui pétillent comme une enfant qui joue à chats avec ses camarades. Je n'aime pas particulièrement courir sous ma forme humaine. Mais sous ma forme animale, c'est une autre histoire. Je sens le vent se faufiler avec moi, comme si il me défiait, comme si il courait avec moi. C'est agréable. C'est stimulant.

Une course sous un soleil de plomb...

Comment décrire le sentiment qui s'infiltra alors dans toutes les veines de mon corps? Un mélange de surprise, d'anxiété, de joie et de liberté, très certainement.
Je remarquai aux yeux malicieux de Luka qu'elle désirait vraiment faire cette course. Mais alors un doute me submergea. Qu'aurais-je l'air, à accepter comme ça l'invitation à se "défouler", en quelque sorte. Je suis un professeur, et même si je suis cool en dehors, il ne faudrait pas que je me mette à faire le fou, tout de même.
Mais mon esprit était aussi partagé par cette autre solution, beaucoup plus présente en ce moment. Elle était celle de considérer ça comme un entraînement, et non pas comme un jeu, même si je devinais aux yeux presque surexcités de Luka qu'elle prenait ça comme un simple jeu. Mais pour la tête d'un professeur, se défouler comme ça n'était pas permis devant les élèves, et encore moins avec eux.
J'entrouvris ma bouche, comme pour parler. L'expression de Luka sembla alors changer, comme si elle eu devinée avant que je ne parle, ma réponse négative. Peut-être cela se voyait-il sur mon visage?
Je n'en sais trop rien. Ce fut donc quelques secondes qui s'écoulèrent dans le silence, interrompu seulement par le vent qui s'engouffrait dans les feuilles des arbres.
Je ne pus m'empêcher de soupirer, conscient que je n'arriverais pas à lui refuser ça, car moi-même je voulais y participer.
C'est alors, que j'inspirais un bon coup, fit un effort considérable pour sourire affectueusement, et me lançai :

-Puisque ça te fait plaisir, j'accepte volontiers.

Luka paru surprise un moment, comme si elle pensait que ça allait être plus compliqué de me faire affirmer son idée.
Pour être certain qu'elle ne croit pas à une farce de ma part, je me transformai en léopard des neiges, certes plus lourd que l'ocelot -qui serait alors plus agile et rapide que le léopard- mais plus imposant aussi, et puisqu'il s'agit de ma forme fusionnelle, je m'y sens plus à l'aise.
Après, il faudrait simplement éviter de se faire remarquer, parce qu'un léopard des neiges qui coure par un temps comme ça dans les blés près de Little Angleton, ça pourrait porter à confusion.
Comme Luka semblait hésitante, je lui dis, d'un geste du museau, encourageant :

-Allez, prépare-toi. Jusqu'où se trouve la ligne d'arrivée, au fait? Je n'ai pas l'intention de faire le tour de la terre, moi, souris-je.

Elle répondit à mon sourire, et se mit alors à parler.

La vie : une course contre la mort... Le meilleur ne gagne pas.

Il avait l'air assez partagé et je ne pouvais lui en vouloir. Après tout c'était un professeur. Mais je ne voyais pas trop les choses de ce côtés. J'aimais tous les professeurs au Mystery Orphanage, parce qu'ils ont tous ce petit quelque chose... Je ne sais pas. Je ne vois pas vraiment quoi à vrai dire. Mais c'est toujours mieux qu'un prof normal. En plus ils sont tous un peu comme nos parents, nous instruisant des choses de la vie. On passe beaucoup de temps avec certains professeurs qui s'impliquent énormément, voir un peu trop. Moins avec d'autre qui sont plus réservé. Mais au final, c'est tout de même une grande famille tout ça. C'est mon point de vu... Je regarde ailleurs, attendant la réponse qui ne vient pas. Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé depuis ma dernière phrase, mais il se peut que ce soit de longues minutes ou bien quelques secondes. Je ne sais pas. Je suis un peu hors du temps étrangement.

-" Si vous ne voulez pas c'est pas grave..."

Je baissais les yeux. Et il accepta. Je souris largement, un tout petit peu surprise, mais le dissimulant, ou du moins essayant de le faire. Je regardais un peu le paysage essayant de délimiter le territoire et songeant en même temps à autre chose. Je pense souvent à plein de choses à la fois, surmenage sans doute. Le stress n'aide pas. Là je dois penser aux devoirs de plus tard, au lycée qui m'attend, malheureusement, à Mathew, me demandant ce qu'il fait, A Quãn, à ma mère, a Jonathan, à la vie, à la mort, à ma peur... Tant de question et si peu de réponse.

-" Allez, prépare-toi. Jusqu'où se trouve la ligne d'arrivée, au fait? Je n'ai pas l'intention de faire le tour de la terre, moi."

Je souris légèrement. Evidement qu'on allait pas courir trop longtemps. Cherchant dans ma tête un endroit trop proche, ni trop loin, j'écoutais également le vent se faufiler doucement dans le champ. Prête pour cette course? Je l'étais assez. J'aime courir sous ma forme animal. Il y a des choses pour lesquels on n'est jamais préparé, tout bonnement parce qu'il est impossible de s'y préparer. Mais là je l'étais, prête. Parce que c'est une simple action, courir, et le plus vite possible. Ca allait m'enlever tout ce trop plein d'émotions et de pensées que j'avais dans la tête. Une action simplement mécannique et instinctive.

-" Jusqu'à la falaise, c'est environ à deux kilomètres d'ici. Un peu plus je dirais. Ca vous va?"

C'était largement faisable pour des métamorphes. On était plus solide que des animaux normaux. De plus un félin pouvait courir cette distance assez facilement. Sauf le guépard. Enfin si, mais pas très rapidement. Lui il ne peut pas courir très longtemps à sa vitesse la plus grande, c'est environ du 200 mètres si je me souviens bien, ensuite il s'écroule épuisé et il doit se reposer 15 minutes avant de pouvoir reprendre. Je me demandais en quel animal j'allais me transformer. J'hésitais entre Tigresse et Panthère. mais question pratique, et endurance et confort, j'avoue que Panthère c'était mieux...

Une course hors du temps.

-" Jusqu'à la falaise, c'est environ à deux kilomètres d'ici. Un peu plus je dirais. Ca vous va?"
-Si ça ne te gêne pas, je veux un aller-retour. Mes affaires sont ici, et j'aimerais les récupérer le plus vite possible.

J'acquiesçai de la tête. Pourquoi pas? Un peu loin, mais largement faisable poru des métamorphes. Alors, je plie soigneusement mes affaires, et me transforme en léopard. Parceque même en étant plus lourde, c'est ma forme fusionnelle, celle que je maitrise le mieux, et la plus confortable de toutes. Je risque d'avoir un peu chaud, mais ça, il fallait s'y attendre. Une panthère des neiges, ça ne se balade pas dans les champs couverts de soleil. Reste à prier pour que le champ est innocupé et qu'un paysan ne va pas voir débarquer une grosse bestiole norie ou blanche dans son champ. À nos risques et périls, comme le dit si bien le dicton.
M'enfin, ce n'est qu'une simple course, pas la peine de se torturer l'esprit. Et puis, ce ne serait que la question d'une vingtaine de secondes, voir de trente maximum. Histoire de se défouler un bon coup.

Alors je soupire et attend que Luka se métamorphose. D'un côté professeur, ça me permettra de voir les progrès de Luka, sur lequel je n'ai aucun problème. Je suis en forme, et ça m'étonnerai, sans me vanter, qu'elle me dépasse.
Une fois que tous les réparatifs sont prêts, je fais signe de la tête pour montrer à Luka le point de départ. Je sort mes griffes et les raclent sur la terre défraîchie. Je tourne la tête vers Luka et attend sa réponse à ma précédente question.
Parce que la plupart des élèves ont tendance à tout miser sur la vitesse et non pas sur l'endurance, ce qui est une faute grave, car on s'essoufle beaucoup plus vite. Un aller simple mesure la vitesse, tandis qu'un aller-retour se fit principalement à l'endurance.
Mais ça, je ne doute pas une seule seconde qu'elle s'en soit rendue compte.
Pour ce qui est du top départ, j'attend que Luka le donne, parce que oui, je ne donne jamais le départ dans une course, sinon j'ai tendance à m'élancer avant que le décompte soit terminé. Ce qui équivaut franchement à de la triche.

Il veut récupérer ses affaires. Ce que je peux comprendre aisément. Alors qu'il se transforme en puma, je hoche la tête doucement pour acquiescer. Ce sera donc un aller retour. Je me transforme à mon tour, laissant mon corps devenir panthère. C'est tellement agréable. Je le regarde et plante également mes griffes dans le sol. L'herbe hautes me chatouille les pattes mais je me retiens de rigoler. Parce que rigoler sous ma forme de panthère ça donne à peu prêt ça : "roooarrrrraarrarrarraaa". Pas terrible je dois dire. Même franchement ridicule. Alors vaut mieux que je me calme. Un petit écureuil casse une noisette plus loin, et plusieurs familles de rongeur séjournent dans le coin. C'est fou l'ouïe qu'on peut avoir quand on est métamorphe. Je tape le sol de ma patte noire trois fois. Un... Deux... Trois !

Et nous nous élançons. Le vent cours sur mon pelage. C'est vraiment agréable. Et la sensation d'adrénaline qui se déverse dans mon corps me fait frissonner. Enfin, pas vraiment. Mais si j'avais été humaine à ce moment là c'est ce que j'aurais fait. Mes muscles saillant travaillent à plein régime. Je le dépasse au bout d'un petit moment. Heureuse, je continue ma course folle. La falaise n'est plus trop loin. Ça sent la mer à plein nez. Des oiseaux marins piaillent. Ce n'est pas désagréable pour le félin et prédateur que je suis. Ça me donne envie de chasser. Être animal de temps en temps ça veut dire ça aussi. J'arrive à la falaise et m'arrête juste avant de tomber. C'est hors du temps, irréel, magnifique et magique. En bas les vagues se fracassent. Et le professeur Takahata me dépasse alors que j'entame à peine le retour. Il court à la même vitesse pourtant. C'est moi qui ai ralentis. Zut... Et une phrase me revient. Une phrase du cours de vovinam viêt võ dao. "La vitesse et la force ne nous font pas toujours gagner dans un combat, alors que, l'endurance et la créativité sont synonyme de réussite ".

Bon endurance c'est raté. Manque la créativité. Et je sens un énorme courant d'air me poussant. Créativité ! Je me transforme en aigle impérial et vole, profitant de ce courant d'air rapide. Et je redescend sur terre, atterrissant en panthère. Je suis à quelques mètres derrière le professeur Takahata. La "ligne d'arrivée" n'est vraiment pas loin. Je tente le tout pour le tout et me lance dans un dernier souffle. Seulement c'est trop tard, j'ai oublié l'endurance, il a gagné. Arrivée après lui, j'attends de reprendre mon souffle avant de me retransformer. Une fois fait, je reprends ma forme humaine. Je respire un grand bol d'air pur et regarde le Mr Takahata en souriant.

-" Vous avez gagné, mais un jour, ce sera mon tour !"

Oui, un jour je gagnerais, c'est promis.

Ah, les adolescents...

Luka lance le top départ. Comme d'habitude, je démarre un quart de seconde plus tard. Les courses n'ont jamais été mon fort, après tout. Je vois Luka qui me dépasse à une vitesse fol dingue. Je soupire et reprend ma course semi-rapide. Mes poils effleurent doucement les épis de blé. Ça me donne envie de me gratter. Je n'aurais qu'à le faire en rentrant.
Ça me pousse à rentrer plus vite aussi. Dans ma vitesse vraiment pas surprenante, je finit par atteindre la moitié du chemin. J'aperçois Luka qui ralentit un peu. Elle n'a pas vraiment retenu la leçon. Je retiens un énième soupir et passe devant elle, D'un côté, ça me fait penser qu'il faut que j'organise un cours sur l'endurance.
C'est plongé dans mes pensées que je franchis la ligne d'arrivée. Luka arrive une seconde plus tard. Je la soupçonne d'avoir triché, mais peu importe, du moment qu'on s'est bien amusé.
Je ne suis pas vraiment essoufflé, et j'en profite pour me gratter la tête avec ma patte arrière droite. Puis, je reviens à mon état humain et me rhabille. Au moment de remettre mon t-shirt orange, Luka me fixe en disant :

-" Vous avez gagné, mais un jour, ce sera mon tour !"

Je n'en doute pas, et c'est sans réponse que je lui renvoie un sourire des plus radieux. Les adolescents ont une vitesse de récupération impressionnante. C'est étonnant, mais je commence à douter de ma réussite si Luka avait suivi le principe de l'endurance.
Je me tourne vers elle et lui lance :

-Je veux bien te croire. Je ne doute pas du tout de tes capacités. C'est ton entrain qui t'a fait perdre. Si tu décides un jour de prendre ta revanche, tu n'as qu'à m'appeler. Pour le moment, moi qui croyait prendre un peu de repos, j'ai fait exactement le contraire. Enfin bref, je crois que je vais rentrer maintenant. Passe une bonne journée.

Je lui souris à nouveau et attend une possible réponse.
Dès que je rentre, je fonce sur le piano. Mes mains vont devenir fébriles sinon. La maladie des musiciens...

Il me sourit. Et je le fais à mon tour. Je ne dirais pas que j'ai une relation très proche avec le professeur Takahata, parce qu'il est plutôt distant, ou du moins c'est ce que je pense, mais je l'aime beaucoup. Il est très jeune, pour un prof, mais il a toutes les qualités pour enseigner. Moi je ne pourrais pas à sa place. La patience et la pédagogie n'ont jamais été mon truc. Je peux être quelqu'un de proche des enfants, mais jamais je ne tiendrais en tant que professeur, et encore moins au Mystery. Ange pourrait je pense. Oui il pourrait.

-"Je veux bien te croire. Je ne doute pas du tout de tes capacités. C'est ton entrain qui t'a fait perdre. Si tu décides un jour de prendre ta revanche, tu n'as qu'à m'appeler. Pour le moment, moi qui croyait prendre un peu de repos, j'ai fait exactement le contraire. Enfin bref, je crois que je vais rentrer maintenant. Passe une bonne journée."

J'hoche la tête fortement, convaincue et admirative. Cet homme est métamorphe jusqu'au bout des ongles, ou des griffes si l'ont veut. Chaque métamorphes à ses capacités, différentes, propres à chacun, et souvent en rapport avec l'animal. Il y avait un professeur de métamorphe, très vieux, dont la forme fusionnelle était un caméléon. Et comme le caméléon, cet homme arrivait à prendre la couleur des choses derrières lui pour se fondre dans le décor. Il était très très vieux, et était arrivé à un niveau de fusion énorme. Il avait passé sa vie à s'entraîner, le résultat était concluant. Et cet homme est partis, pour prendre sa retraire de sorcier, à 171 ans. Je me demande ce qu'il est devenu. Je l'aimais bien, il me racontais des histoires parfois, alors qu'il commençait à m'apprendre à accepter le fait de parfois n'être plus humaine.

-" Vous aussi, passez une bonne fin de journée."

Et avec un sourire je m'élançais, devenant aigle. Le vent me porte un moment et je me laisse faire, profitant des courants d'air chaud. Quelques nuages au loin se forment, peut être pleuvra-t-il ce soir. Mais je m'en moque. Il n'y a que maintenant qui compte. Seulement maintenant. Une brise marine me parvient mais je résiste à aller voir l'océan, je vais rentrer...