Je l'ai retrouvé! J'ai retrouvé le petit écureuil gris dans la forêt, celui qui m'aime bien. On a discuté un peu -je vous jure que c'est bavard un écureuil-, et j'ai repris ma forme humaine sous son nez. Il a été assez surpris. Pourtant, à l'odeur il a bien été obligé de reconnaitre que c'était la même personne. Les animaux sont bien les seuls à qui on peut avouer nos pouvoirs sans risques. Ils se fichent complètement qu'on en ait ou non, puisqu'à la base nous sommes déjà différents d'eux. Un peu plus, un peu moins...
Et depuis que cet écureuil gris sait pour ma métamorphose, on ne se quitte plus. Ça fait maintenant une bonne semaine. Les animaux sont autorisés au Mystery à partir du moment où tout le monde peut s'en occuper. Je ne retiens pas l'écureuil, il fait ce qu'il veut, mais c'est lui qui reste avec moi. Et il commence à avoir ses fans au milieu des enfants. Il est facilement effrayé, c'est un animal sauvage à la base, mais le fait de pouvoir communiquer avec lui si je me transforme est quand même un plus pour le rassurer. Dans tous les cas, même quand il s'enfuit à cause d'un bruit, je sais que quelques heures plus tard, il revient tranquillement vers moi. Je n'ai pas la moindre idée de comment il parvient à me retrouver toujours, mais il y arrive, pour peu que je sois au Mystery. Sinon il attend que je revienne.
Et je crois qu'il en a après mon tuteur. Dès qu'il le voit, il va lui courir dans les pattes pour essayer de le faire tomber, ou alors il grimpe sur lui et agrippe en le regardant fixement. Ça m'amuse beaucoup, mais je crois que Takeji commence à le trouver flippant. Il finiront bien par s'entendre.
L'écureuil pourra dire ce qu'il voudra, mais hier quand j'ai dû partir pour la journée, il est resté près de mon tuteur toute l'après-midi, après avoir fait plusieurs fois le tour de l'orphelinat pour me trouver le matin. Certains ont dû bien rire en cours de téléportation.
L'écureuil, l'écureuil, il faudrait que je lui trouve un nom. Lui, il s'en fiche comme de sa première noisette. Il me dis toujours "tu", et n'utilise pas mon prénom. Ça ne doit pas être très naturel pour un écureuil d'appeler quelqu'un d'autre par son prénom. Il s'y fera, mais moi en attendant j'ai besoin de dire autre chose que l'écureuil, tout le temps. Et je ferais bien de me dépêcher de lui trouver un nom avant que mon tuteur n'ait un élan d'inspiration à ce sujet. Je crains le pire. Vu comme ils s'entendent, le nom aura forcément quelque chose de plus ou moins ridicule, et le pire, c'est que je finirai moi aussi par adopter ce nom. A croire qu'il a un don pour faire passer ses inventions nominales auprès d'autrui.
Alors... Comment est-ce que je pourrais appeler un écureuil, hein? Euh... Je ne sais pas vraiment. Ok, je me donne la journée pour trouver! Il y a bien quelque chose qui va me venir à l'esprit.
J'ai envie d'aller courir dehors. Vraiment envie. En plus, j'ai déjà mes bandes sur moi, je peux me métamorphoser quand je veux. Je referme le livre que j'ai entre les mains avec un bruit sec, puis me lève de ma chaise pour aller le remettre à sa place sur une des étagères de la bibliothèque. L'écureuil qui dormait sur la table s'est réveillé avec le bruit. Mais il n'a pas bougé, se contentant de m'observer faire. Il sait bien que je ne vais pas partir sans lui. Je remets le livre, puis reviens vers la table et tends un bras à l'animal, qui en profite pour me grimper dessus. Et voilà, j'ai un écureuil sur l'épaule. Je sors de la bibliothèque et monte deux à deux les marches jusqu'au dortoir des adolescents au troisième. J'ai l'intention de mettre mes vêtements dans un sac, parce qu'il fait vraiment froid dehors. Comme ça si je me détransforme, je n'aurais qu'à me rhabiller. Comment je compte les emmener? Ha ha, admirez! Je tire d'une valise sous mon lit un sac qui se porte normalement en bandoulière. J'agrandis la lanière, puis fourre en vrac mes vêtements dans le sac. Hop, transformation en loup. Gros loup noir plein de poils. Et la lanière est parfaitement à ma taille pour que je passe le cou dedans. Un coup d'épaule, et le sac se retrouve calé sur mon dos, sans risque de chute puisque je l'ai autour du cou. L'écureuil prend le risque de s'installer sur ma tête. Je le soupçonne d'adorer être sur la tête d'un loup, sans risquer de se faire dévorer. Bah, si ça l'amuse.
Je n'ai pas fermé la porte exprès pour pouvoir repartir en sens inverse. Un loup dans les escaliers. Si on me voit, on va me reprocher de mettre des poils partout, je le sens. Alors je file en vitesse, et m'élance au dehors de l'orphelinat.
La terre est humide, et mes griffes en arrachent à chaque foulée, mais qu'importe. C'est bientôt l'hiver, il n'y a pas beaucoup de plante à part de l'herbe... Les arbres ont perdu leurs feuilles, il fait froid, il y a encore du vent... J'attends la neige! Il neige en Écosse, rassurez moi? J'espère qu'il neige. Pour tout avouer, je n'ai jamais pu aller dans la neige. J'ai passé une bonne partie de ma vie dans des pays où il fait bien trop chaud pour y voir venir le moindre flocon. Alors maintenant, si je dois passer des années dans la pluie et le froid, je veux qu'à l'arrivée, il y est une récompense! Je vais guetter la neige. Et au premier flocon, tout le monde dehors. Je sais que les écureuils sont censés hiberner, mais celui qui est sur ma tête a l'air d'avoir décidé d'enfreindre la règle. Il viendra jouer dehors avec moi.
L'air froid me fouette les poils, et malgré l'épaisse fourrure, j'en sens quand même la morsure. Avec l'euphorie de la course, je n'en ai rien à faire. Vous avez djà vu un loup enrhumé vous? Moi, non. Alors je m'en fiche. Ma fourrure noire fait très bien son boulot, et je ne tomberai pas malade.
C'est étrange, je ne vois plus beaucoup d'arbres. Pourtant, je devrais être près de la forêt là, non? Non... Oh! Je suis partie dans le mauvais sens, quelle idiote. Franchement pas douée. Mon sens de l'orientation est supposé être meilleur que ça quand même. Résultat, me voilà dans une vaste prairie. Je ne viens pas souvent ici, et préfère nettement la forêt, mais on fera avec. Je ne ralentis pas ma course pour autant. J'ai le vent en pleine tête, mais c'est amusant de lutter contre pour avancer. Et... Ça sent quoi? Un humain. Je crois même que c'est quelqu'un que je connais. L'odeur m'est familière, un orphelin? Peut être bien. Je fais un grand tour pour avoir le vent de dos, et me retransforme en humaine. Le sac glisse au sol. Oh qu'il fait froid! Vite, vite, vite, je renfile en quatrième vitesse un jean et mon pull. Brrr, froid, froid, froid. Allez l'écureuil, reviens donc sur mon épaule, et allons dire bonjour. Je mets bien une minute à repérer ce qui semble être un adolescent. Je crois que... Ian, non? Élève en sabre. Mais attendez, pas possible y'a un truc qui cloche. J'ai reconnu son odeur, donc je l'ai déjà sentie sous forme animale. Mais je n'ai pas le souvenir de m'être jamais transformée en cours de sabre. Alors il est aussi élève du cours de métamorphose? Oui, il y a des élèves du cours de métamorphose dont je n'ai jamais vu la forme humaine. Ian en faisait partie, maintenant je sais qui il est.
Mais je n'arrive pas à savoir en quoi il se métamorphose... Oh, ça va finir par me revenir. J'avance encore jusqu'à ce qu'il m'ait en vue, et lui offre un large sourire.

- Coucou Ian!

Mon Dieu, quel vent, je crains presque qu'il n'arrache mes cheveux de ma tête lors de ses bourrasques les plus brusques. L'écureuil est roulé en boule contre mon cou, et quelques cheveux se mêlent à sa fourrure, je le sais sans le voir. J'avance jusqu'à m'assoir près de Ian, et dépose mon sac maintenant vide à mes côtés. L'écureuil descend immédiatement se rouler en boule sur mes genoux. Hey, mais c'est qu'il blanchit lui. Il est d'un gris vraiment clair. Une de mes mains vient doucement se poser sur lui alors que je tourne la tête vers Ian pour demander directement:

- Tu es bien élève en cours de métamorphose?

Et de sabre aussi, mais ça je le sais.

- Salut Autumn ! Oui oui, j'y suis. Tu sais, le loup gris / noir.

Alors c'est lui l'autre loup! Moi, je suis une louve noire noire noire peut importe la saison. J'ai presque envie de l'étreindre, alors que mon côté "fait des câlins à tout le monde" n'est pas plus développé que ça. Contrairement à mon tuteur par exemple. Pas qu eje n'aime pas les câlins, simplement je ne donne des étreintes qu'à mes amis, pour dire bonjour. Ian et moi, on ne se connait pas plus que ça. Même si il ne tient qu'à nous d'y remédier. Instinct animal, les loups vivent en meute, je cherche encore la mienne.

- Tu fais quoi ici ? Je croyais que toi, c'était plutôt vers la forêt...

Effectivement. La honte de dire que mon sens de l'orientation a failli à sa tâche, et que me voilà ici. Pour autant, je n'ai pas envie de mentir sur quelque chose d'aussi futile. C'est en caressant distraitement l'écureuil sur mes genoux que je réponds:

- Ça fait un peu de changement. Mais la vérité, c'est que je me suis trompée de direction, en partant trop vite.

Même si la forêt est et restera mon lieu de prédilection. Il n'y a que là qu'on peut trouver des feuilles au sol en toute saison, sur une terre toujours légèrement humide la plupart de l'année. Et je déteste les incendies qui peuvent les détruire. Il faut tellement longtemps pour qu'elles se reconstruisent... Les arbres n'en ont cure, ils poussent à leur rythme. Facile à faire quand on peut vivre des centaines d'années. Oui, moi aussi je peux vivre plus de cent ans, à cause de mes origines, mais ce n'est pas une raison.

- C'est quoi son nom à celui là ? Il est trop mignon.

Aucune idée, il ne veut pas s'en trouver un tout seul. Il se fiche bien des noms. C'est un écureuil après tout, mais peut être que Ian aurait des idées pour le nommer? Lançons le débat pour savoir quel nom donner à cet animal.

- Il n'a pas encore de nom. Tu as une idée?

Je grattouille la tête de l'animal sur mes genoux, qui se tourne sur le dos, exposant complètement son ventre blanc. Il est tout doux! Et son geste me touche. Un animal ne s'expose ainsi qu'une fois en confiance, puisqu'il est totalement à la merci de l'autre. L'instinct qui fonctionne comme ça, on ne peut rien y faire.
Il y a une bourrasque un peu forte qui déplaît au seul véritable animal à fourrure de notre trio, et avant que je ne puisse réagir, il se cache sous mon pull. Ça chatouille! En plus t'es froid, tout froid contre mon ventre. Je n'ai rien mis sous mon pull, puisque je m'amuse à me métamorphoser. Trop de vêtements, c'est fatiguant à mettre et à enlever. Mon pull est de toute façon suffisamment chaud.

- Il y a un de ces vents! C'est toujours comme ça dans ce pays?

Qu'on me pardonne, mes dix derniers mois ont été passés en Californie.
A sentir ce vent, j'ai de nouveau envie de me transformer. Je me demande si faire une course tenterait Ian... Je ne le saurais qu'en le lui demandant. Après, pas tout de suite. On a le temps, la journée, notre jeunesse notre vie entière si personne ne vient nous la prendre. Profitions juste. Le tout est de savoir continuer à profiter même une fois l'âge adulte atteint, et les responsabilité qui vont avec. Je demanderai des conseils à certaines personnes qui ont l'air professionnels dans ce domaine.
En un sens, même si il y a un manque de maturité parfois bien flagrant, je les admire. Combien d'adultes ont des airs secs et pincés, à faire un drame de la moindre chose, à se stresser sur ce qui se passe autour d'eux et ne les concerne même pas? Beaucoup trop.
Et dire que quand ils étaient enfants, ils jouaient à la marelle ou aux billes avec insouciance...

- Euuuh... C'est sincèrement moyen mais .. : Matwy, Ellms, Omèlway, Ace... Les autres sont horribles.

Ah, Ian a des idées lui! Je me transformerais bien pour demander à l'écureuil ce qu'il en pense, mais il va me dire qu'il s'en fiche. Alors je choisis! Tant pis pour lui si ça ne lui plait pas.

- Ne dis pas ça, j'aime bien tes propositions.

L'animal est un mâle. Ellms me semble un peu féminin. Tout du moins, c'est ainsi que cela sonne dans mon esprit. Omèlway sonne mixte à mes oreilles. Matwy et Ace masculins. Matwy, le diminutif serait Mat', un diminutif assez humain sommes toutes. Diminutif de Mathieu, Mathias, Mathéo, Mathématiques même si ce n'est pas un prénom. Et Ace... Ace, ça va bien à cette caricature de peste qu'est cet écureuil.

- Ace! Je garde. Merci Ian.

J'adresse un sourire à l'autre adolescent. Ace, viens voir par ici. Je le tire de sous mon pull, pour faire face à son regard désapprobateur. C'est qu'il avait bien chaud là où il était.

- Tu t'appelles Ace, que ça te plaise ou non.

Aucune réaction, il me fixe toujours. Puis il file d'entre mes mains pour retourner sous mon pull. Mais je le sens se lover un peu plus contre mon ventre. Ah, M.J'en ai rien à faire des prénoms, finalement ça lui fait quand même quelque chose.

- Souvent oui. C'est plus agréable quand on a une fourrure quand même.
- Je ne te le fais pas dire!

Quel pays quand même! Le temps ne m'y rattache pas du tout. Mais les personnes qui y vivent, si. Et c'est la volonté du maitre que je sois là, sous le tutorat de Takeji. Alors j'y suis, et ce n'est pas plus mal.
Je constate que Ian a son sabre avec lui. Je lui proposerais bien un entrainement si j'avais le mien, mais je n'ai qu'une petite dague au fond de mon sac. J'ai froid. Et vraiment envie de me métamorphoser. Mes mains commencent même à glisser d'elles mêmes vers mes chaussures pour en défaire les lacets. Et tout en les enlevant pour les ranger dans le sac, je lance à Ian:

- Il fait trop froid.

On pourrait continuer à parler sous forme de loup, puisqu'on est de la même espèce après tout. Enfin je crois.
Une fois mes chaussures rangées, j'ouvre grand le sac et le pose au sol, toujours ouvert. Puis je deviens écureuil, et sors de mes vêtements. Ace a été surpris par le changement, et il se débat entre les vêtements.

*Préviens la prochaine fois! Quelle idée ces humains, de pouvoir enlever et remettre leur fourrure.
Quelle idée cet écureuil, d'aller se cacher sous la fourrure de l'humaine.*

Il marmonne je ne sais quoi et finit par sortir de sous le pull.

*Alors, attention Ace, je vais me transformer en louve, tiens toi prêt surtout.*

Pour toute réponse il fait un mouvement de la queue, en toute dignité, comme si il m'ignorait. Je souris mentalement et me transforme en louve. Puis j'approche mon museau d'Ace pour légèrement dévoiler mes crocs, avant de lui souffler brusquement dessus par la truffe. Voilà qui t'apprendra. Il grimpe sur mon cou pour s'accrocher sans l'épaisse fourrure de cet endroit de mon corps lupin.
Pour ma part, j'entreprends de ranger les divers vêtements dans le sac laissé ouvert pour cela. Tout en rangeant, je crée une illusion pour parler à Ian.

Il fait nettement plus chaud avec une fourrure. Si tu veux, il y a de la place pour tes vêtements dans mon sac.

Et voilà, rangés!

La fourrure d'un loup n'a rien a envier au meilleur pull humain, c'est indéniable. Mais encore mieux que la fourrure de loup, c'est celle du renard polaire. Il vit dans la neige, ici l'Écosse, c'est la plage, avec le Soleil et 30°C à l'ombre en plein mois de Juillet. Mais impossible de prendre cette forme avec Ace sur mon cou. Il va avoir bien trop peur, et je ne me sens pas de lui courir après dans une prairie pour le rassurer. De toute façon, je n'ai pas trop froid, et le loup reste ma forme préférée.
Ian se transforme puis met à son tour ses habits dans le sac. Il est super pratique ce sac! C'est fait exprès, je l'ai acquis pour ça. Il est en toile marron-beige, et surtout très résistant. Je peux courir avec sans crainte de l'ouvrir sur une branche un peu trop vicieuse.

- Tu le prends avec toi?

Ian parvient à faire entrer sa lame dans le sac, qui dont la toile tendue est du coup un peu déformée. Puis il parvient même à le refermer. Il y a une fermeture éclair, dont le... Truc pour tirer et dont je n'ai jamais su le nom a une petite cordelette d'attachée dessus. Même avec la mâchoire d'un loup, c'est facile de l'attraper puis de fermer le sac, en tirant sur la corde tout en posant une patte sur la toile marron-beige. C'est très classe un loup qui ferme un sac.

- Oui, c'est fait pour ça.

J'approche mon museau de la lanière, puis donne un coup dedans pour la relever et passer ma tête au travers. Je m'arrête de justesse avant de donner un coup d'épaule pour envoyer le sac sur mon dos, en me rappelant qu'Ace est plus que probablement installé sur la trajectoire du sac. Je me concentre pour faire apparaitre une noisette dans les airs, et l'approche de l'écureuil. Étant une illusion, cette noisette n'a pas d'odeur, mais je pense qu'Ace a les yeux ouverts.
Ça s'agite sur mon dos, j'avais vu juste. Je descend la noisette au sol, vite suivie par l'écureuil. Puis j'envoie le sac sur mon dos pendant qu'Ace perd toutes ses illusions en se rendant compte que la noisette n'a pas de consistance réelle. Et pouf, plus de noisette, je la fais disparaitre. Boude pas Ace, il fallait bien te faire bouger de mon dos. Allez, grimpe de nouveau, on va courir.
Il es caractériel cet animal. Je le pousse du museau alors qu'il me fixe, en priant pour qu'il ne me morde pas la truffe, parce que ça fait très mal. Il se contente de me grimper dessus, me faisant brusquement fermer les yeux pour éviter d'y recevoir une griffe. Ah la la... Qui a dit que les écureuils étaient faciles à vivre?

- Une course ?

Oh oui, une course! J'ai du monde sur le dos, mais je n'en sens pas vraiment le poids. J'ai bien plus de force sous cette forme que sous forme humaine, ce n'est pas un sac et un écureuil de 200 grammes à tout casser qui vont m'empêcher de courir.

- Quand tu veux!

Je me place à côté de Ian, et teste rapidement la stabilité de tout ce que je porte sur le dos. Je ne suis ni un cheval, ni un chameau et encore moins un âne, mais pour aujourd'hui, on va faire une exception et je porterai des trucs sur mon dos.

- On va... Jusqu'au gros rocher qu'on voit tout la bas?

Ce qui ne représente qu'environ 600 mètres. Pas grand chose pour des loups métamorphes.
Je fais apparaitre une illusion devant nous.

3
2
1
Partez!

Et tout le monde s'élance à toute vitesse. J'espère ne pas perdre Ace en route. Ce n'est pas tous les jours qu'un écureuil peut s'entrainer à faire une course de loups. Et Ian est drôlement rapide!

Aimez-vous courir? Si ce n'est pas le cas, je vais avoir du mal à faire passer ce que je ressens. J'essaie quand même. La seule chose qui semble nous retenir, c'est l'air qu'on doit fendre pour avancer. Quatre pattes, c'est bien plus puissant que deux, on est beaucoup moins limités que sous forme humaine. Par contre, l'air me gèle le poil, et je prends actuellement une grande claque glacée. Je sens Ace s'agripper à mes poils comme si sa vie en dépendait, ce qui est peut être plus ou moins le cas. Je ne sens pas vraiment ses griffes, mais je sais qu'il les enfonce de toutes ses forces. Vive la fourrure épaisse.
Je suis très légèrement devant Ian. Tellement légèrement qu'en fait, il me rattrape et nous courrons côte à côte pendant quelques secondes. Le point d'arrivée se rapproche, mais j'ai surestimé mes capacités, et suis complètement incapable d'aller plus vite. Je crois même que je ralentis très légèrement. Dans tous les cas, Ian me dépasse, et c'est lui qui parvient au rocher le premier.
De peu!
Je freine des quatre pattes un peu brutalement, et Ace est éjecté dans l'herbe. Oups... Pardon! J'ai la langue qui pend, et la respiration bruyante qui dégage un nuage de vapeur à chaque expiration. Soit, il fait froid, ce n'est pas nouveau. Je retire le sac en jouant des épaules puis du cou, puis m'ébroue d'un seul coup pour me remettre les idées en place. Pfiou, ça défoule.
Je fais une léchouille à Ace qui est bien parti pour faire du boudin, grand écureuil adulte et mature qu'il est.
Qui peut demander à un écureuil d'être mature de toute façon?
Je lance à Ian entre deux expirations:

- 1-0 pour toi. Mais il y aura une revanche!

Et avec ça je m'écroule dans l'herbe à côté de lui. Fatigue qui me tombe sur les épaules, même si j'ai déjà envie de me remettre sur mes pattes. L'hyperactivité canine ne se soigne qu'avec l'âge, j'ai le temps.

- Tu cours super vite.

Une, deux, trois inspirations-expirations, et je rentre ma langue à sa place, puis laisse s'écouler quelques secondes tranquillement. D'un mouvement du flan, je me redresse sur mes pattes. Ça va déjà mieux!
Ace est toujours dans son coin à ruminer, surement en jurant sur toutes les cachettes à noisettes qu'il a pu utiliser dans toute sa vie. Pour ma part, j'ai une soudaine envie de jouer. Comme les louveteaux! Avec mes 16 ans, même si un vrai loup de cet âge serait déjà adulte, je sais que ma forme de loup a encore quelques muscles et des centimètres à prendre. Pas fini de grandir, faute à la forme humaine qui prend tout son temps.
Je me tourne vers Ian et le fixe un instant. Puis, je commence à reculer un peu en dévoilant mes dents blanches dans un sourire lupin. Trois, deux, un... A l'attaque! Je m'élance en avant et saute sur l'autre loup pour le faire roule dans l'herbe. Non, pas comme dans le Roi Lion, parce que je ne crois pas que ça soit possible, et qu'on est pas sur une pente. Donc en fait, je le fais tourner et passe de l'autre côté, avant de revenir à la charge. Un bond en avant, je le touche de mes deux pattes antérieures et recule pour adopter la position spéciale des chiens "joue avec moi". Avec la queue qui remue un peu mais pas trop. Je ne suis pas un chien, rappelez-vous en.
Je n'ai jamais eu l'occasion de jouer ainsi avec un autre métamorphe lupin. Je l'ai déjà fait avec un vrai loup, et aussi pour embêter mon maitre. Ce qui m'a rapporté le surnom de "Sac à puces" pour désigner la forme de loup. "Transformes toi en Sac à Puces maintenant et va courir après le chat!". Ça parait cliché et foutage de figure comme ça, mais le chat était en fait une illusion qui passait par des chemins pas possible, pour transformer la course en parcours d'obstacle. L'agilité, c'est un peu ce qui nous manque, aux canins.
J'avoue qu'une fois c'était en fait un vrai chat. Qui a dû avoir la plus grosse frayeur de toute sa vie en voyant un gros loup noir se lancer joyeusement à sa poursuite.

]

- Merci, la prochaine fois tu m'battra p'têtre.

Peut être, peut être pas, je finirai par y arriver! Ce n'est jamais que la première défaite, et aussi la première fois que je courrais contre un métamorphe. Non, pas contre, plutôt avec. C'était... Agréable? Oui c'est le mot. D'avoir quelqu'un de semblable à côté, c'est agréable. Je ne suis qu'à moitié chez moi avec les loups, et à moitié chez moi avec les humains. Enfin, en proportion ça serait quand même à trois quart chez moi avec les humains, et au quart chez moi avec les loups. Mais jamais complètement. Donc c'est un évènement d'en trouver un qui remplisse les deux conditions.
A prendre tous deux la position du chien qui veut jouer, on ne ressemble pas tout à fait à des loups. Je veux dire, le louveteau ferait ça, mais pas le loup adulte. Ils sont plus calmes, en général. Sauf que nous ne sommes pas tout à fait adultes, alors on nous pardonne!
On bouge, et Ian parvient à me sauter dessus pour nous envoyer rouler au sol de nouveau. Ça secoue!
Ian roule et atterri devant Ace, qui n'a absolument pas l'air ravi qu'on s'amuse. Espèce de petit jaloux, tu peux toujours essayer de t'immiscer dans le jeu, mais je ne serai pas responsable en cas d'écrabouillement intempestif. Ian se relève rapidement, et je ne comprends pas trop ce qu'il lui arrive, mais il passe par diverses métamorphoses. J'ai vu un cheval!

- Oups, pardon, je beugue un peu, je crois que c'est le froid.

Je ris légèrement, ce qui sonne un peu étrange sous forme de loup vu que ce n'est pas censé rire à la base. Ian s'ébroue, trépigne un peu, puis me saute dessus. J'ai un réflexe totalement idiot. Je me redresse sur mes pattes arrières, croyant à tord pendant un instant que la forme de loup est aussi stable sur ses pattes arrières que la forme humaine, alors que ce n'est pas le cas.
Arrive ce qui doit arriver, on tombe. Un loup ce n'est pas fait pour tomber sur le dos comme ça, alors je me débrouille pour tomber le plus possible de côté. Les pattes qui s'emmêlent dans l'herbe, Ace qui doit piquer une crise dans son coin, et le froid. Ça me donne envie de devenir renarde, mais je suis tellement bien sous forme lupine que je n'en bougerai pas. Je force un peu pour me dégager et revenir sur mes pattes. On commence à salir la fourrure à se rouler dans l'herbe mouillée et dans la terre.
Il commence à pleuvioter, mais je n'en ai rien à faire. Et si Ace n'aime pas ça, il y a un arbre à quelques mètres. D'ailleurs, je ferais mieux d'y porter le sac. J'attrape un pan de la toile du sac après m'en être approchée et trottine jusqu'à l'arbre avant de le reposer contre le tronc. Et voilà!
Retour vers Ian. Et je le renvoie au sol. L'herbe est un peu plus clairsemée ici, la plaine n'est pas une grande pelouse entretenue. Je viens de râper le sol avec ma queue, et elle a récolté de la terre mouillée dessus. Finalement je ne deviendrai pas renard, si c'est pour salir une fourrure toute blanche.

- Ian, tu as de la terre sur la truffe!

Je m'ébroue, envoyant de la terre autour de moi. Je n'imagine pas l'état de ma fourrure. Et la pluie tombe un peu plus fort, mais nous continuons à nous rouler par terre joyeusement. Sauf qu'au bout d'une poignée de minute, la pluie se fait vraiment forte. Je vais rejoindre Ace sous l'arbre, en me secouant pour enlever l'eau de mon pelage. Ah... Il pleut très fort, impossible de rentrer comme ça. En plus il fait froid! On doit être dans un état lamentable. Je ne peux pas reprendre ma forme humaine, ou je vais geler. Le loup supportera très bien.

- On est coincés là...

Ace s'approche pour se placer entre mes pattes alors que je m'assois.

- Et il fait froid!

Je ne peux retenir un immense bâillement qui dévoile toutes mes dents. Et pas moyen de mettre la main devant la bouche sous cette forme, vu qu'il n'y a pas de mains. On fera sans, je suis louve, pas humaine, pour le moment. Ace vient se caler contre les poils chaud et relativement secs de mon ventre. Enfin, ceux qu'il trouve à sa convenance. Je courbe l'échine pour le regarder, et ai droit à un regard noir. A coup sûr, il n'est pas content d'être là sous la pluie. Sans compter que même si le feuillage de cet arbre est particulièrement épais, on reçoit quelques gouttes opportunistes. Mais seulement quelques-une.

- Dis Ian, tu viens d'où?

- Fatiguée ?

Maintenant qu'il le dit, c'est vrai, je ne suis pas au maximum de mon énergie. La métamorphose est peut être géniale, mais elle pompe mes forces. Je bouge mon oreille droite d'un mouvement vif, comme si quelque chose s'y était posé. Il y a certains tics que je ne comprends pas. Ian s'allonge, et mon instinct me souffle d'aller m'allonger à côté. C'est comme ça que les animaux partagent la chaleur.
Avez vous déjà vu des loutres de mer se tenir chaud? Elle font la planche sur le dos, et se tiennent par la patte, pour se laisser flotter côte à côte. C'est adorable, même si je ne vois pas trop comment ça peut les réchauffer, en étant entourées d'eau froide.
Chez un animal, se frotter à d'autre, ou leur lécher le pelage n'a pas la même signification que pour deux humains qui dormiraient ensemble, ou s'embrasseraient.
Tout ça pour en venir au fait que mon instinct animal me dit de le faire. Mais mon instinct humain en est légèrement perturbé, parce qu'il sait que ce n'est pas un vrai loup au final. Oh, quelle importance, j'ai froid!

- Oui un peu.

Allez, Ace, bouge de là on se déplace. Je me relève.

- D'Ecosse. Et toi?

D'où je viens?

- Des Etats-Unis. J'étais en Californie l'année passée.

Avec le maitre. Quand est-ce qu'il revient? Il a promis! J'aimerais le voir pour Noël, et qu'il neige. Un jour je lui ai demandé comment est la neige. Et maintenant je veux la voir sous son nez, pour voir si ça correspond exactement à ce qu'il m'a raconté.

- T'es arrivée comment ici ?

Bah...

- Par avion...?

Je saisis pas le sens de la question... Oh!

- Oh, tu voulais dire, pourquoi je suis là? Plus de parents. Comme nous tous en fait. Ils... Ont été tués.

Je n'en dirai pas plus, de peur de partir sur quelque chose de très douloureux. Et je n'ose pas lui retourner la question. Vite, quelque chose de plus joyeux pour raviver la situation!

- Mais je ne suis pas venue immédiatement après ça. Avant j'ai été recueillie par un homme.

Et vive lui, malgré tout ses défauts. Je crois que je ne serais pas moi si il ne m'avait pas prise sous son aile.

- Et tu sais quoi? Je ne sais pas si j'ai le droit de le dire... Oh et puis, ça ne fait rien! Cet homme avait aussi entrainé Tak... Mr.Kido avant de s'occuper de moi. C'est pour ça qu'il m'a ensuite envoyée dans cet orphelinat et pas un autre.

On sent à la joie dans ma voix que j'adore mon maitre. Avec lui, c'est quitte ou double. Soit on l'adore, soit on le déteste. Pas vraiment de demi-mesure possible. J'ai choisi mon camps. Je sais que mon tuteur l'adore aussi. Même si il râle souvent à son propos.
Ne le lui répétez pas, mais de toute façon, mon tuteur, il râle toujours. Toujours. Je crois que ça l'amuse vraiment.
J'avance jusqu'à Ian et me laisse tomber à ses côtés, fourrure contre fourrure. Évidemment, Ace vient se frayer un chemin pour être entre les deux. A l'endroit où les pattes avant se joignent au reste du corps, lorsqu'on est allongés et collés à autre chose, il a un espace entre le quelque chose et cet endroit qui ne touche pas le sol mais presque. L'écureuil s'y est faufilé. Jaloux. J'émets un espèce de grondement qui est en fait un rire étouffé de louve. Même avec la fourrure mouillée, on va bientôt ressentir de la chaleur. Ace l'a bien compris.

- Je peux me mettre ici?

S'iiiiiil te plait? Je tourne la tête pour lui coller un coup de langue sur la joue. Enfin, joue de loup. Alleeez s'il te plait!
Je n'ai plus du tout envie de bouger maintenant que je suis allongée. C'est paresseux un loup.

- Hey, mais tu as vécu toute ta vie en Écosse alors? Dis, est-ce qu'il neige beaucoup en hiver ici?

Tout est sorti avant même que j'y pense. Et je rougis sous mes poils -ça ne se voit pas!- de ma question soudaine. Ah, comment passer du coq à l'âne, synonyme: Autumn.

- Pffou, la Californie... Tu dois trouver l'Écosse vraiment froide non?
- Et pas qu'un peu! Mais j'ai pensé à emmener une fourrure chaude, ça va.

Renard polaire! Je peux aller où je veux avec ça, absolument où je veux. Allez dire bonjour aux ours polaires, ce n'est pas un problème, et je pourrais même serrer l'aile à un manchot. Enfin j'aurais surement un peu de mal avec mes pattes de renarde.

- D'aaccord. D'ailleurs, Takeji tiens particulièrement à toi.. Vous avez un rapport de famille ?

Famille? Non... Peut être qu'un jour je le considèrerai comme un frère. Encore que ça risque d'être délicat, vu que mon vrai frère est mort. Ah, je ne veux pas y penser, on verra bien.

- Non, c'est mon tuteur. Mais qu'est-ce qui te fait dire ça, vous êtes confidents?

Sait-on jamais. C'est une supposition lancée dans le vent, pour qu'il me dise comment il le sait vraiment. Lecteur de pensées? Oh, oh j'espère que non! Même si je n'ai encore rien pensé de mal, c'est toujours déstabilisant de se dire que même dans sa propre tête on n'est pas à l'abri. Dis moi que ce n'est pas ça, tu me rassureras.
Un espèce de soupire de contentement étouffé sort de quelque part vers le sol. Je sais que mes oreilles ne me trompent pas. Ça va Ace, à priori tu as trouvé une place parfaite.

- Nan.

Comment ça non? On ne traite pas une fille comme ça! Enfin, je dis ça mais je peux bouger si il le faut.
Quoi qu'en fait non! La flemme, je suis très bien ici, et si je le pouvais, je tirerais la langue à Ian.

- Sisi, bien sûr.

Et toc!
Reprenons la conversation.

- Bah oui, quand même un peu. Un petit mètre de neige, environ.

Un petit mètre?! Je n'en ai même jamais vu le moindre centimètre, alors un mètre ouah. Je vais me creuser un trou dedans et avancer comme ça, pour voir ce que ça fera. Aucun risque qu'on me perde de vue, ma fourrure est noire. Si je veux jouer, je me transformerai en renarde, et là je vous assure que plus personne ne sera en mesure de me repérer.
Oh, j'ai bien envie d'essayer en cours de métamorphose, pour faire une petite blague à M.Takahata. J'espère qu'il ne m'en voudra pas.

- Y'a des fois où j'aimerais qu'il fasse bien vingt degré de plus.
- Peut être qu'on aura le droit de prendre l'avion tous seuls l'été prochain. Pour aller dans des endroits où l'été, c'est vraiment l'été! Là où la mer est chaude même à huit heures du matin.

Et ça existe.
Brrr, quel vent. Et quelle pluie!

- Ian, et si on bougeait? Je ne sais pas où on est, mais quittes à avoir froid et être mouillés, autant que ça soit pour quelque chose.

Je me relève, sous les protestations d'Ace, et vais chercher le sac que je passe sur mon dos. Je m'étire largement, les muscles prêts pour la course. Allez, haut les cœurs comme on dit!

- C'est parti pour une course!

J'attrape Ace par la peau du cou pour l'envoyer dans mon dos, et je le sens filer se cacher dans le sac. Parfait. J'envoie un regard à Ian en dévoilant mes dents dans un grand sourire. Et je m'élance sous la pluie.