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Danse avec l’air,
Son souffle t’apprendra…
 
Le week end, c’est deux jours bien courts. On les voit commencer, et il se termine aussitôt. On n’a même pas le temps d’en profiter qu’il est déjà passé. Toute cette poésie, si l’on peut dire, c’est pour dire que la semaine est arrivée trop vite. Et que ça m’énerve. Et que je n’ai pas la forme. Du tout. Que je me suis pointé en cours avec la pupille très dilatée, et non, je ne me suis pas drogué, ça arrive simplement souvent lorsque je suis fatigué par les évènements. Il faut dire que mon week end était plutôt mouvementé. J’ai donc eu ressenti le fort besoin de me changer les idées après une journée pleine. Ne dites pas que je ne travaille pas suffisamment, sinon je vous pends et je me pends après. Donc, taisez-vous et laissez-moi mourir en paix. Quoiqu’il en soit, me voilà dors et déjà en dehors de l’orphelinat.
 
Vous vous demandez l’heure qu’il est ? Eh bien regardez sur on emploi du temps, puis ajoutez-y une vingtaine de minutes, le temps qu’il faut pour aller dans la salle des profs, dire bonjour à tout le monde, stagner comme un glandu devant la machine à café, cherchant désespérément la pièce de monnaie qui fera toute la différence. Bon, vous l’aurez deviné, je carbure au café, et j’ai pris plus que vingt minutes pour effectuer toutes ses tâches, étant donné qu’entre temps, un élève m’a assaillie de questions diverses et variées, concernant tous les cours qu’il suivait avec moi, à savoir le japonais et la musique. Je pense qu’à moi seul, je connais pratiquement tout l’orphelinat. Mais ce n’est pas le sujet, alors je tairais mes propos. Lorsque l’interrogatoire se termine, que l’élève semble satisfait des réponses de son enseignant, pour ainsi dire moi, je me sens soulagé. C’est parfois dur de trouver comment s’adresser aux étudiants, sur une question qu’ils ont du mal à formuler. Par exemple, « comment fait-on une gamme chromatique sur un instrument ? », tu as envie de lui répondre avec sympathie que ça dépend des instruments, mais non, tu vas chercher une réponse plus compliqué, sinon l’élève n’est pas rassasié. Je vous jure, certains sont vraiment des cas. C’est comme les enfants qui demandent pourquoi le ciel est bleu. Tu connais peut-être la réponse scientifique, mais l’enfant ne comprendra rien. Donc tu dois faire marcher ton imagination pour faire tenir la route à tes propos. Voilà pourquoi le préfère les animaux aux enfants. Eux, au moins, ils ne posent pas de questions idiotes.
 
Alors, lorsque je me décide enfin à sortir de cette petite primaire, je ressens le puissant besoin de sortir en pleine nature. Si ça ne vous est jamais arrivé, je ne pense pas que vous pourriez comprendre, mais pour moi qui suis métamorphe, j’ai parfois mes sens primaire qui reprennent le dessus. Vous comprendrez bien qu’en tant que léopard blanc, j’ai parfois quelques envies spéciales, comme une brusque sensation de liberté, uniquement lorsque la neige tombe et qu’un long manteau blanc recouvre le sol. Le pire, c’était cet hiver. Le plus froid et le plus neigeux que j’ai connu, depuis bien longtemps. En cette saison, c’était plutôt compliqué de retenir mes pulsions, et je ne manquais pas de me transformer sans prévenir, tout en tâchant de garder le contrôle de moi-même. En cette période, on vient souvent à se demander si on est humain, ou si l’on est né animal. On se pose beaucoup de questions, mais environ un tiers d’entre elles trouvent des réponses.
 
Je me dirige vers ma maison, me déshabille entièrement puis passe sous forme de léopard. D’une patte puissante, je me dirige vers le canapé, et en profite pour entamer une petite sieste… qui se termine assez rapidement, compte tenu de mon envie de sortir. Je soupire avec un air animal, puis passe sous forme humaine, prend mes affaires pour en faire un gros paquet, et retourne en léopard. J’inspire profondément, et sort de la maison par la baie vitrée à l’arrière, qui donne sur un minuscule bois. Je m’envole brutalement, passant du léopard au busard, tenant mes affaires dans mon bec.
 
Survolant les champs avec une infinie liberté, mais ressentant brutalement le poids de mes habits, je suis forcé de redescendre. Peut-être aurais-je dû ne pas emporter mes vêtements ? Mais je n’aime pas me savoir sans défense si jamais une quelconque chose m’arrive. C’est vrai que d’un point de vue, on pourrait penser que s’encombrer d’affaires ne serait pas le meilleur moyen pour s’enfuir, mais je préfère être sous forme humaine si jamais il s’agit de s’exprimer face à un humain. Le problème avec mes formes, c’est qu’aucune ne vit en milieu naturel au sein même de l’Ecosse.
 
Posant mes pattes sur le sol, je passe en ocelot, puis dépose mes habits contre un arbre. J’ignore où je suis arrivé, mais certainement pas loin d’une route quelconque. Je détourne l’arbre, tâchant de repérer l’endroit par un moyen visuel quelconque. Je repère donc un arbre ressemblant à un bonhomme qui tend ses mains vers un champ. Bon, on va se débrouiller avec ce qu’on a. Au pire, je repèrerais à l’odeur. Je baisse le regard et commence à trottiner joyeusement. Jusqu’au moment où mon regard félin croise celui d’un canidé. Un canidé. Que fout un canidé ici ? Sérieusement, c’est un métamorphe aussi ? Quelle idée de se balader ici ! Bon, je n’ai rien à dire, mais tout de même, moi qui voulait être tranquille ! Je feule brutalement, mon instinct félin reprenant le dessus sur ma conscience. Aussitôt, je m’écarte légèrement, jaugeant du regard l’animal. Il est blanc, et je n’ai pas de souvenir d’un chien blanc parmi mes élèves. Donc j’en déduis que c’est un vrai animal, ou un sorcier noir, à voir. Mieux vaut avoir l’air d’un vrai animal. Voir d’un chat. Je continue de feuler, mais m’éloigne un peu du chien. Je n’ai pas envie de me battre aujourd’hui.
 
Soudainement, une femme apparait derrière l’animal. C’est une asiatique que je n’ai jamais vu. Elle est vêtue d’une étrange manière, assez aristocratique. Un peu comme moi, quand je n’ai rien d’autre à faire que de changer de tenue, pour revêtir mes habits d’un style un peu ancien. Elle est mignonne, à retenir son chien. Dommage que je ne puisse pas la voir sous ma forme humaine. Pour le coup, je vois noir et blanc. Pas de couleur, c’est le problème. Je suis sûr qu’elle est encore plus mignonne en couleur. Mais si je m’enfuis d’un seul coup et que je reviens sous forme humaine, elle risque de se poser des questions. Beaucoup de questions. Beaucoup trop pour une simple humaine. Je dois rester silencieux. Ne pas parler, même par télépathie, car sait-on jamais, la jeune femme pourrait interpréter le recul de son chien comme étrange. En fait, je crois que la meilleure chose à faire est encore de fuir. Mais je n’ai pas envie de m’en aller. J’aimerai bien profiter de ma situation pour une fois. Eh ! J’ai bien le droit de me faire plaisir, de temps en temps ! Être tenu dans les bras d’une belle jeune fille, le rêve de chaque homme, non ? C’est chose faite avec la métamorphose. Qui peut résister au charme d’un ocelot… qui n’es pas censé être là aujourd’hui. Ni même dans cette région, ou même en Ecosse. Je vais déprimer.

Shiyu! Oust! Tu vois bien que tu lui fais peur! Je sais que tu es un chien mais pour une fois soit un peu plus sérieuse!

La belle dame me prend dans ses bras, tout de blanc habillée. Enfin... je crois. Elle porte une longue robe. Franchement, ce n'est pas bien de se balader habillé comme ça, en cet endroit, dans la prairie. Je fais semblant de me laisser faire, mais si elle essaye quoique ce soit, je déguerpis, jolie fille ou non.

Pour un chien par moment, tu m'exaspères!
Miyaki, je te signale qu'un chien est censé courir après les chats pour leurs faire peur! Ca à toujours était ainsi avec les chats et ca ne va pas être maintenant que ca va changer! Désolé!
Je le sais très bien! Mais simplement tu pourrais te montrer un peu plus sérieuse et l'épargner! Que je sache, il ne t'a rien fais pour que tu lui pourrisses la vie, non?

Qu... quoi? Il a fallu que je tombe sur une télépathe animale? Elle s'appelle Miyuki aussi... Elle n'est certainement pas d'ici. En fait, je ne l'ai jamais vu auparavant. Une nouvelle? Bon, alors si je parle sous forme animal, ça ne va pas la gêner? Du moment que ma gueule ne s'anime pas... c'est compliqué de s'exprimer intérieurement, j'ai beaucoup plus l'habitude de parler à l'oral avec mes élèves. Allons bon, essayons de commencer la discussion. Du moment que je ne me trahis pas.

« Qui êtes-vous? Vous n'êtes pas d'ici? »

Bien sûr, j'omets totalement les remarques du genre : « vous êtes belle », ou « quelle jolie robe », étant donné que je ne suis pas censé m'y connaître au niveau des goûts vestimentaires. Bon, ce qui me fait un peu plus peur, c'est qu'on est pas loin de l'endroit où j'ai posé mes affaires, et que je ne veux pas que cet abruti de chien découvre ce que je trame. D'ailleurs, je ne dois même pas avoir l'odeur d'un chat. J'aimerai bien lui lancer des ondes télépathiques, mais sa maitresse risquerai d'en chopper quelques unes. Et je n'ai pas envie d'avoir des attitudes humaines. Alors, je saute des bras de l'humaine, et feule face au chien, oreilles baissées et dos rond hérissé.

« Ne m'approche même pas, canidé! »

Et je continue, reculant de plus en plus, face au chien, m'approchant de la dame en blanc.

Juste une dernière danse,
le temps d'une nouvelle saison.

La jeune femme prénommée Miyaki s'incline brutalement devant moi. Étant un fils de riche, c'est presque inconsciemment que je passe ma patte antérieure en arrière. Je me retiens au dernier moment d'exécuter une révérence face à la jeune demoiselle, qui m'a l'air éduquée dans les mêmes bonnes manières que moi. Fille de riche. De grands dirigeants. Ce doit être embêtant. La voilà qui se présente, m'offrant davantage de précisions.

Je me présente Princesse Miyaki Yuuji. Non effectivement je ne suis pas d'ici. Je viens de deux pays. Je suis né au Japon mais demeure près de Versailles, donc en France!

Princesse? C'est étrange. On n'utilise plus vraiment ces termes-là aujourd'hui, sauf dans certains pays anglophones. Une fille de gens très influents, en somme. En effet, je pense bien qu'elle est née au Japon, vu son métissage typique. Et en France. C'est beau la France. Mais Paris c'est pollué. Mais il y a tellement de choses à voir qu'en un mois, on a toujours pas fait le tour. Tout y est concentré en masse. C'est étouffant, mais ça ne me change pas de Tokyo. Au moins ici, c'est tranquille. C'est vert et à l'écart. Je ne dis pas que je suis écolo, même loin de là, quand on voit l'argent que je dépense pour des nouvelles technologies pas forcément faible en énergie, mais je préfère largement le silence au bruits irritants des voitures et des moteurs de moto. Sautant des bras de la demoiselle, je reçus un message du chien. Le chien là-bas. Je n'aime pas les canidés. Surtout quand je sais qu'ils ne sont rien d'autres que des animaux, et pas des métamorphes.

Qui tu traites de canidé, chat de gouttière!

Je m'apprête à répliquer, mais retiens un cri vainqueur lorsque sa maitresse la retient par la laisse. Espèce de toutou! Chien chien à sa mémère! Soumis! Mes ondes télépathiques fusent en masse en direction du chien. Je ne comprends même plus ce que je dis. Et ça énerve le toutou. Alors, je manque de sursauter brutalement. En fait, je sursaute réellement lorsqu'un mur de glace me sépare brutalement du canidé. Je tourne des yeux énormes vers la dame. Une élémentaliste de la glace? Je vais finir par croire que tous les expédiés à Little Angleton sont magiciens. C'en devient déprimant. Pour un peu, j'en deviendrais blasé. Ce que je suis après tout, même si ça a tendance à disparaître par moment, mais ne cherchons pas pourquoi. J'inspire profondément, mais n'ajoute aucune parole. Mieux vaut éviter qu'un chat se pose trop de questions. Et en pose par la même occasion.

Stop! Je ne veux pas de mort! On dirait deux gamins qui se chamaille pour une sucrerie!

Je lance un regard presque meurtrier à Miyaki. Ça part d'un bon sentiment, et puis la pauvre ne sait pas qu'elle s'adresse à un humain, mais possédant une fierté et un égo légèrement élevé, j'ai dû mal à accepter le surnom de « gamin ». C'est plus fort que moi. Je retire brutalement le regard que je possède, pour revenir sur une attitude neutre. Enfin, si l'on peut dire. J'ai un peu les dents qui crissent, afin de m'éviter de débiter une série d'absurdités trop humaines à mon goût. Je suis le regard de Miyaki, observe malgré moi qu'elle a remarqué mes habits. Qu'elle n'aille pas se faire des idées. Je n'ai pas de maitre. Il faudrait peut-être que j'aille faire semblant d'aller chercher mon soi-disant « maitre », afin de lui faire croire que je ne suis pas l'humain en question. Mais j'aimerai attendre encore un peu. Pour voir où va aller cette situation. Soudainement, Miyaki s'adressa à son chien.

Tu ne bouges pas Shiyu! C'est un ordre! Sinon je te ré-envoie au Château!

Château? Un château? Eh ben, elle n'est pas né de la dernière pluie. Disons qu'elle est d'un ancien temps. Si je m'intéresse au modernisme, elle s'intéresse plutôt aux anciennes choses. Une aristocrate, pour ne pas parler de bourgeoisie ou de noblesse. Amusant, j'ai envie de rester en ocelot encore un temps. J'observe Miyaki s'avancer vers moi d'un pas lent, puis déchirer une partie de sa robe, pour m'en entourer la patte. Je n'étais même pas au courant d'avoir été blessé. Il faut dire qu'entre les sorts, les runes, les attaques physiques comme psychiques, je suis servi. Alors ce n'est pas un écorchure qui va me faire mal. Je tiens cependant compte des gestes de la princesse, hime, pour m'exprimer dans ma langue natale. Ce n'était vraiment pas la peine de déchirer sa robe pour un truc de ce genre, mais pour autant, je ne peux m'empêcher de lâcher un :

« Arigato hime. »

En direction de la princesse. Même si je ne suis pas certain que les ondes l'atteignent réellement, étant donné que mon don s'arrête aux humains... Je ne sais pas comment ça marche dans ce cas-là. Bref, quoiqu'il en soit, je vous apprends quelque chose. Eh ouais, un ocelot c'est américain. Et cet ocelot-là parle japonais. C'est fou ce que c'est intelligent. Oui, je suis bête d'avoir parlé en japonais. C'était plus fort que moi. Au pire, je n'ai qu'à inventer pour me défendre. Hm, pour le coup, je n'ai pas vraiment d'idée, alors je vais attendre la suite des évènements. La voilà qui approche dangereusement son visage du mien. Pour un peu, je m'enfuirai. Mais c'est amusant, alors, j'exécute simplement un mouvement de recul, afin de lui faire comprendre que je reste méfiant quand à ses actes et agissements. Une simple petite bise. Elle est mignonne, comme petite. Bon, j'en déduis qu'elle est plus jeune que moi. À son visage. À moins que le maquillage ne masque la totalité de son âge. Hm, j'ai beau observer brièvement, je doute qu'on puisse cacher un quelconque âge derrière un visage angélique comme le sien. Elle retire le flot de ses cheveux, et m'en entoure le cou. Ah non. Là, ça va poser problème. Je vais me pendre si je reviens sous forme humaine avec ça. Je veux dire, entre le tour de cou d'un ocelot et d'un humain, il y a une différence. Une grande différence. Énorme. Je ne suis pas encore suicidaire. Et si elle refuse de me l'enlever, il va falloir que moi, un professeur, je trouve un télépathe animal dans l'orphelinat pour lui faire comprendre qu'il m'enlève ce truc. Ah non. Bonjour la honte. Je n'ai le temps de réagir que lorsque le flot est terminé. Aussitôt, je me roule en boule, me débattant avec le flot et mes pattes, toutes griffes sorties. Je supporte pas les flots, ni les rubans. Je suis un mec. Pas une fille. Hm, lui faire comprendre. C'est la première chose à faire.

« Je suis un mâle. Pas de rubans. Pas de tour de cou. Mon maitre refuse. Il me veut naturel. »

Tant qu'à mentir, autant exagérer. Elle a vu les habits, elle a dû se poser des questions. Si elle veut le voir, je vais devoir inventer. Y'a pas un étang dans le coin? Brr, j'en frémis à l'avance. Il y a bien le lac, mais là, j'ai vraiment... trop donné. Habillé, en plus de ça. Et il fait encore froid, même si je vous jure qu'en hiver, c'est très froid. Bref, là je me débats sur ce truc qui veut me tuer. Enlevez-moi ça. Je supporte pas. Je vais faire des rougeurs, si ça continue. Allergie chronique, je vous jure. C'est juste insupportable de porter ce genre de choses avec une grande fierté. Je veux bien croire que je suis mignon et que ça donne envie de me mettre un ruban, mais ne poussons pas les actes trop loin.

J'inspire profondément et cesse de me débattre. Je me dirige vers Miyaki et insiste fortement sur le fait que je ne tiens pas à ça. Que si elle ne l'enlève pas, mon maitre va se poser des questions, et que je ne veux pas l'embêter avec ça. Avec un débit de parole hors du commun, je pense que je débite plus d'idioties qu'autre choses. En vérité, il n'y a pas une seule chose exacte. Vive la mise en scène. J'aime la télépathie.

Changements d'humeurs,
changements d'apparence.

Elle a l'air de comprendre ce que je veux lui dire. Hum, tant mieux. Ça m'évite d'avoir à faire des gestes trop animales pour moi. Shiyu à l'air de sérieusement s'énerver contre moi. Je sens que je ne vais pas l'aimer lui. Surtout lorsque je reviendrais à ma forme originel. Et il verra qui de nous deux est le plus intelligent et le plus grand. Une chose est sûre, ce ne sera pas lui. Je continue à feuler. Je ne l'aime pas, à non, je n'aime pas les chiens. Peut-être en raison de ma forme fusionnelle, ou bien une allergie quelconque, mais je ne peux même pas les voir en peinture. Je peux passer à côté sans faire une mine dégoûtée, mais lorsque je suis sous forme féline, mes sens et mes ressentiments sont accentués par mille. Alors, je laisse éclater ma haine au grand jour. Car j'appellerai ça de la haine pure et dure. Seulement sous forme animale. Les métamorphes sont humains, donc peu m'importe leur forme, je sais qu'ils sont avant tout intelligents. Les chiens, c'est soumis. Ça n'a pas de liberté. C'est idiot. Tiendrais-je des propos pareils dans quelques minutes, lorsque je redeviendrais humain? Je n'en sais rien. Mais si je continue sur ma lancée, je finirais par lâcher des mots abominables, reflétant un peu trop, voir exagérément ce que je ressens en réalité.

Répète ce que tu as dis! Sac à poil!

J'eus envie de répliquer. Mais je me tais. Car je risquerais de prendre des attitudes humaines. Alors, je continue de feuler, fixant furieusement le chien, battant la queue d'un air agacé. Oh non, il ne faut pas que ça dur, sinon je vais vraiment lui sauter à la gorge. Je commence à comprendre ce qu'éprouvent les sorciers noirs, je crois. Et je pense que ce n'est pas forcément une bonne chose. Voir même une très mauvaise. Je reste concentré sur les mouvements du canidé, lorsqu'un animal plongea droit sur nous. Je l'ai repéré de loin, c'est un faucon. C'est pas vraiment l'endroit approprié pour en rencontrer. Le voilà qui se pose sur le bras de la princesse. Un rapide coup d'œil pour repérer qu'il ne s'agit pas d'un de mes élèves. Je vous jure qu'on acquiert un sens de l'observation incroyable lorsqu'on est prof, surtout quand il s'agit d'apprendre chaque forme de chaque élève. C'est à dire cinq par élève. C'est à dire quelques classes. C'est à dire environ, faites le calcul, je ne suis pas prof de maths en plus. Revenons-en au sujet.

Ta mère m'a dis de te dire. Que Mia a disparu et qu'elle a dû surement te rejoindre
Hyoriko! S'il te plait, passe au peigne fin toute l'écosse, voir si tu ne l'as vois pas! Ensuite je me transformerais en aigle blanc pour la récupéré!

Je plonge dans l'incompréhension. Je veux bien être métamorphe, entouré de personnes pour le moins doués en pouvoirs et dons, mais là, je commence vraiment à me poser des questions. Aigle blanc? C'est une métamorphe, elle aussi? Je préfère me méfier. Ce pourrait être une sorcière noire... Oui, mais non, elle aurait dû faire une mise en scène bizarre pour me mettre en confiance, et je ne connais pas de sorciers noirs gentils avec les animaux. Ni avec les humains d'ailleurs. Bon, je n'en ai pas vraiment dans mon carnet d'adresses, mais j'en connais au moins une qui est certainement de mon avis. Je tairais mes propos à son sujet. Je dirais juste qu'elle est rousse. Vous avez deviné? Haha. Je me tais. Je protège actuellement mon cerveau de toute attaque étrangère, en sombrant dans la débilité. Ce n'est pas très intéressant. On s'en fiche.

Bon, c'est qui Mia? Et que fout un aigle par ici. Et pourquoi il dialogue avec elle comme s'il la connaissait? Moi je dis que c'est louche tout ça. Je réfléchis trop pour un animal? Oui. Totalement. Mais là, je réfléchis comme un humain, car je fais attention à moi. On n'est jamais trop méfiant. Mieux faudrait-il que je commence à revenir sous forme humaine, je serai déjà moins suspect qu'un ocelot en Écosse. L'aigle soi-disant nommé Hyoriko s'en va comme il est venu. Je rêve ou les portables n'existent pas dans son langage? On se demande qui est le plus polluant des deux. Le portable avec ses ondes, ou bien le dioxyde de carbone relâché par l'animal durant son long vol de je sais pas où jusqu'ici. Vous n'y aviez pas pensé? C'est bête, révisez votre physique, je vous jure que ça sert. Même que ça vous permet de savoir que quand on met du sel dans des frites, si on a le goût de sel et qu'il n'y en a plus, c'est parce qu'il fond avec la température des frites. Vérité générale? Mais saviez-vous que y'avait des chercheurs qui ont étudiés ça? Vous me direz, on s'en fiche pas mal.

Gomenasai! Un coup de faiblesse! C'est par moment difficile de tenir dans ce monde!

Pourquoi s'excuse-t-elle? Parce qu'elle a rit? Dans quelle monde vit-elle... c'est plutôt ça la question que je me pose. Je dois franchement lui parler en face à face de tout ça. Sous ma vraie forme. Je commence à faire marcher mes méninges à cent à l'heure. Ah! Ça y est! Plus qu'à attendre la bonne opportunité pour s'en aller furtivement. Bon, la voilà qui m'enlève mon flot. Je préfère ça. Je lèche ma patte libre, puis nettoie ma bouille. Ça me détend. Ben oui, ça vous pose un problème? Je suis un chat, j'ai des habitudes de chat. C'est normal. On remarque mes vêtements, je crois que c'est le moment ou jamais de m'éclipser. Mais avant, je plonge mes yeux dans ceux de la princesse, loi envoyant une série de paroles :

" Je vais chercher mon maitre. Restez ici en attendant, il aime être seul, je vais essayer de lui parler de vous. Si jamais il s'en fiche, je reviendrais vous voir, mais pour très peu de temps, étant donné que j'ai quelques petites choses à accomplir."

Allez, opération bouclée, l'ocelot est destiné à disparaître, et le Ren humain peut faire son apparition, dans son attitude blasée habituelle. Haha, je gère vraiment. Étant donné que le Ren animal va parler au Ren humain de sa rencontre, le Ren humain va être au courant de ce qu'à vécu l'animal. Je m'aime. Hrm. Sans demander mon reste, je me dirige vers mes habits... ou devrais-je dire les habits de mon maitre. Je saisis le tout dans ma gueule, et inspire profondément. Je m'éloigne légèrement, observe mon entourage. J'aperçois Miyaki qui demande quelque chose à son chien. Elle n'a pas l'air de vouloir me suivre. Tant mieux, mais je dois rester sur mes gardes. Je reste encore un peu en chien d'arrêt (je hais cette expression), puis, d'un clin d'œil, je me mets à courir aussi vite que je le peux, rasant le sol. Une fois hors de portée de vue des deux personnages, je me métamorphose en léopard pour gagner en endurance et en vitesse. Je fais mine de me diriger vers le lac, mais dévie pour m'éviter d'avoir un long trajet à faire en humain.

Me voilà alors, à quelques centaines de mètres, caché derrière un arbre. Je passe en humain, puis me rhabille rapidement. Je passe un petit coup dans mes cheveux, histoire d'éviter d'avoir des herbes sur la tête. Ça serai bête, devant une aussi jolie fille. Alors, j'apparais clairement devant les personnes. Elle me semblait vraiment grande, mais en vérité Miyaki est plus petite que moi. C'est amusant de voir à quelle point mon point de vue a changé. Je me dirige alors d'un pas un peu lent vers la princesse. Je ne manque pas de jeter un regard pour le moins amusé au chien. S'il ne comprend pas, moi j'ai de bonnes raisons de rire. Il est ridiculement petit. Il ne pourrait pas tenir cinq minutes avec ma forme fusionnelle en face. Je tais mes sentiments, et, arrivant enfin à hauteur de Miyaki, j'exécute une courte révérence, lui prenant la main d'un geste très solennel. Légèrement amusé, je déclare :

-Ohayo hime.

Me relevant, j'accompagne un sourire des plus charmants. Ajoutant d'un air tout à coup plus direct et rapide :

-Mon ocelot m'a dit que vous n'étiez pas d'ici. Vous avez une maison dans les environs, j'espère?

Lorsque deux personnes,
rencontrent le destin.

Après avoir salué la jeune demoiselle avec un de mes plus beaux sourires. Quoi? On a bien le droit de draguer de temps en temps. Oui, je t'aime Ichi, ne t'en fais pas. Pff. Tout le monde drague. Même que je suis sûr que la majorité des hommes le font, même s'ils sont mariés. C'est comme ça, moi je ne résiste pas. Surtout qu'elle est mignonne, habillée à l'ancienne, tout en blanc, avec des attitudes aristocratiques. Éduquée de la même façon que moi, peut-être un peu moins moderne, cela dit. Je me relève, et ne manque pas de la fixer dans les yeux. Oui, c'est déstabilisant, surtout pour le plus petit. Et pour le coup, c'est elle la plus petite. Je suis macho? Un peu oui. J'aimerai bien régler mes comptes avec le chien, mais je pense que ça risque de rapidement dérailler. Donc je me retiendrais. Et puis Miyaki a l'air de tenir à son toutou. Ce serai mauvais de ma part de vouloir l'égorger. Surtout qu'après tout, le chien ne doit pas vraiment comprendre mes marques d'amusement à son égard. Je continue de fixer la princesse sans ciller, attendant sa réponse.

Ohayo gozaimasu!

Dit-elle en s'inclinant, soulevant légèrement sa robe. C'est qu'elle est trop choute. Et bien élevée. Hum, je pense qu'on va éviter de parler japonais plus longtemps. Juste comme ça. Alors, je lui demande si elle habite dans le coin. C'est vrai, je ne l'ai jamais vu. Jamais de jamais. Et pourtant en tant que prof je suis on ne peut plus à l'écoute de chaque personne. Étant donné qu'on fait le tour de Little Angleton en quelques minutes, je pense connaître la majorité des arrivants et des locataires de la ville. Mais apparemment, j'ai omis cette personne. Ou bien, c'est qu'elle est arrivée il y a quelques jours. Voir quelques heures. Hum, je ne sais pas. Et puis, elle est plutôt douée niveau pouvoir. Peut-être est-elle d'Orphéo, ou bien, et je n'omet toujours pas ce détail, sorcière noire. Et comme toujours, je ne veux pas commencer à me battre. Quoi? Oui, je sais que j'ai parlé de me battre avec le chien y'a quelques minutes, mais c'était il y a quelques minutes. Pour moi, parler de sorciers noirs me désintéressent instantanément, et je sombre dans la blaséitude. Je devrais pas, je sais. Surtout que je risque d'entendre parler de sorciers noirs encore longtemps, avec ce qui se passe à Londres. Déprimant, franchement déprimant. Je soupire. Doucement, pour que Miyaki évite de prendre cet élan d'agacement à son attention.

Effectivement, je ne suis pas d'ici. Oui! Oui! Ne vous inquiétez pas! J'habite près des champs!

Près... des champs? Y'a des maisons près des champs? La voilà qui sourit chaleureusement. Je sens qu'on va bien s'entendre. Donc, revenons-en au sujet. Donc, elle est bien japonaise. Je le savais déjà, mais je préfère être sûr, et quitte à reposer la même question, elle n'est pas censée savoir que je suis l'ocelot d'il y a quelques minutes. Ça pourrait porter à confusion, voir lui faire peur. Par contre, moi je m'intéresse à ses pouvoirs. Hum, c'est un peu risqué de poser la question, mais je n'ai qu'à dire que c'est ce que m'a rapporté Ren l'animal. À propos... je crois que je ne me suis pas présenté. Quelle impolitesse. Je n'ai plus l'habitude d'avoir affaire à des bourgeois. Je perds mes habitudes.

D'un côté, le fait de penser à ça me rapproche de ma mère. Est-ce que j'ai bien fait de partir comme ça? Moi qui aime la richesse et l'aisance, si un jour mère meure et que je refuse de reprendre le boulot, oserais-je seulement dire « non », au risque de perdre un héritage considérable, au risque de faire tomber l'industrie des Takahata? Ça me déprime rien que d'y penser. Sans compter le nombre de personnes que je laisserai sur la paille, sans boulot. Une chose à ne pas laisser tomber. Et le pire, c'est que quelqu'un reprenne l'industrie pour la mettre à son nom. Je serai maudit par tout le côté maternel de ma famille. Puisque je ne connais pas la partie paternelle. Ou très peu. Espérons que ma situation précaire actuelle dure encore un peu longtemps, et que mère ne se trouve pas d'héritier pendant ce temps. Sinon, je devrais aller faire mes excuses à ma mère, et dans ce cas, je serais automatiquement remis à niveau. Ce qui veut dire un long exil au Japon, avec interdiction de sortir du territoire. Vous en connaissez pas ma mère. C'est un diable quand elle s'y met.

-Excusez mon impolitesse, je m'appelle Ren Takahata. Pour le coup, je vis ici. Enfin, si l'on peut dire. J'ai entendu par Rin, mon ocelot, que vous êtes dotée de magie?

Excuse-moi, Rin, mais j'ai dû emprunter ton nom pour m'éviter une question quelconque sur le nom de l'ocelot. De toute façon, je suis sûr que la Rin en question, cette chatte de gouttière qui me colle journée comme nuit ne prendra pas mal que je l'assimile à mon moi félin. Je devrais lui raconter ça en rentrant. Ça sera marrant. Et hop, j'ai pu parler de plusieurs choses à la fois. J'espère qu'elle ne prendra pas les choses à la défensive. Ça serai logique en vérité. Si elle est d'Orphéo, elle se méfiera de moi, en croyant que je suis un sorcier noir. Si elle ne sait rien du monde la magie, elle me fera douter pour me faire oublier ce que j'ai vu. Ou entendu, pour le coup. Je continue de la fixer, mais finit par détourner mes yeux, pour lui laisser le temps de parler. Déjà qu'elle rougit assez facilement. C'est trop chou.

J'ai l'impression qu'au fond de moi,
un cœur bat.

Miyaki paru méfiante. J'avoue que je ne comprends pas. Ai-je un truc sur le front qui donne l'air d'un meurtrier? Si tel est le cas, je vous le dis : je ne suis pas un meurtrier. La voilà qui fait un geste de recul lorsque je lui donne mon nom. Qu'y a-t-il? Connait-elle quelqu'un dans ma branche? Ça ne m'étonnerai pas. L'industrie de ma mère est plutôt connue au Japon. Surtout auprès de ceux qui doivent l'utiliser une fois par jour. Oui, ma mère gère une industrie de cosmétiques. Voilà pourquoi je n'ai pas de problème d'argent. Elle a un succès fou auprès des filles. On touche à peu près à tout. Des parfums aux accessoires. Et je ne me sens pas de reprendre le tout. Mais ce n'est pas le sujet. Pour le moment, je m'interroge sur les gestes de Miyaki. Son chien aboie après moi. Je lui jette un regard noir. Je n'y peux rien, s'il a des comptes à rendre avec moi, c'est quand il veut. Mais je n'ai pas envie de me métamorphoser maintenant que j'ai retrouvé ma forme humaine. Alors, je n'amorce aucun geste, ignorant royalement l'animal qui continue d'aboyer... S'il continue, je l'égorge. Je veux du silence, mince. Chien de riche ou pas. Pour moi il n'y a pas de différence. Sauf que si je tue le chien maintenant, je risque d'être réellement pris pour un meurtrier. J'ai des envies meurtrières. Souvent même, mais je n'exécute jamais mon geste. C'est comme ça.

La voilà qui se prend la tête dans les mains. Qui se pose contre un arbre. Tu vois, Shiyu, tu aboies trop fort, tu fais mal aux tympans de ta maitresse. Alors ferme-là. Sinon je t'envoie une décharge de télépathie en t'ordonnant de te taire. Je finirais par savoir le faire, un de ces jours. Miya ne parle plus. Je l'ai effrayé? Ou bien Shiyu a reçu les afflux de télépathie qui lui sont destinées mais que je tente de stopper, et il a averti sa maitresse que je veux le tuer. Et maintenant, elle ne veut plus me voir? Mh, je pense que je me fais des films. Si c'est le cas, il va falloir que j'apprenne à maitriser mes pensées. J'attends une phrase de Miyaki concernant ce qu'elle pense, et la voilà qui se décide enfin à me demander :

Takahata, vous avez bien dis? La famille qui hérite d'une grande entreprise? Je suis une reine des Glaces mais ainsi qu'une télépathe avec les animaux! C'est d'ailleurs eux qui m'ont sauver de l'enfer!

Ah, on dirait qu'elle connait. Hum, je ferais bien d'attendre une autre phrase de sa part. On ne sait jamais, avec ma mère. Si jamais elle lui a parlé de moi, je suis bien loti. C'est ironique bien sûr. À moins qu'elle ne parle de mon père? Ça va faire longtemps que je le recherche. Je vais finir par découvrir que tous les japonais savent où se trouvent mon père. Sauf moi. Je sais qu'il est encore un haut dirigeant. Par Shiki. Tant mieux pour lui. Mais peut-être qu'ils se connaissent d'encore avant. À l'époque où mon père gérait encore l'entreprise, avant qu'il ne décide de s'éclipser brutalement, alors que je ne suis qu'un enfant encore ignorant. J'aimerai le revoir. Mais j'ignore comment. Pff, c'est lamentable. Je me fais encore des idées. Elle ne le connait pas. Et elle me parle de ses pouvoirs, en toute confiance. Elle est un peu naïve, c'est mignon. Alors, comme ça, elle aussi a subi ses jeunes années. Je me demande si elle est toute seule dans sa maison. Alors, je me décide finalement à répondre à la jeune princesse.

-Oui, ma mère est chef d'entreprise. Je suis son fils. Vous habitez toute seule dans votre seconde maison? Et puis, vous êtes bien jeune, quel âge avez-vous? Sans paraître indiscret.

Je m'intéresse, car j'ai un peu de mal à croire qu'une jeune fille vive toute seule. Ou bien, c'est qu'elle ignore tout du monde autour d'elle. Je lui souhaite d'avoir un mari avec elle, sinon c'est qu'elle est venue... dans des conditions dangereuses. Encore une fois, elle est naïve. Elle ignore tout de ce qu'il se passe. Déjà, je sais qu'elle n'est pas d'Orphéo. Mon instinct me le dis. Je suis un peu rassuré. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est ainsi. Je soupire. Et inspire. Puis la regarde dans les yeux. Impossible qu'elle ne soit pas déjà mariée. Sinon, je me pends. Je jure qu'elle est déjà mariée. D'ailleurs, je ne suis même pas censé m'intéresser à ça. C'est sa vie privée, j'ai la mienne. Ça s'arrête là.

Si votre père vous a envoyé me chercher pour me donner aux griffes de mon père! Je refuse! Il m'a déjà assez fais souffrir! Je ne retournerais jamais aux Japon!

On se calme, princesse. Attends. On parle bien du père, là? De mon père? C'est incroyable. Elle a un passé avec mon père! Ou peut-être un présent! Je veux le revoir! Lui dire à quel point il m'a manqué, oui, je veux le revoir. Mais avant ça, il faut que je me calme, et que je tente de calmer la jeune fille. Alors, nous allons employer le moyen de l'intimidation, sinon la pauvre va certainement s'enfuir devant moi. Pour cela, je hausse légèrement le ton, afin de lui faire comprendre qu'elle n'a pas à s'emballer pour rien :

-Ne vous en faites pas, hime, je ne viens pas de la part de mon père. Je n'ai plus de contact avec mes parents depuis un certain temps. Depuis pas mal de temps. Vous le connaissiez? Ou bien le connaissez-vous encore? Je ne sais plus où il se trouve, mais il gère encore une partie de la boite de ma mère, d'après un de mes cousins.

D'ailleurs, je ne pense pas qu'elle-même le sait. En parlant de ma mère bien sûr. Elle pense l'avoir éradiqué de sa boite, qui n'est autre que l'entreprise de mon père, à la base. Je soupire. Il faut que j'arrive à me calmer. J'ai l'impression que mon cœur bat à cent à l'heure.
Ce qui est... après tout... le cas.

C'est l'histoire d'un fils,
qui veut revoir son père.

Suite à sa brusque défensive, mon ton s'est un peu durci. Pas pour lui faire peur. Pour lui faire comprendre que je ne suis pas là pour la juger. En plus, je n'ai pas pour habitude de venir de la part de quelqu'un, encore moins de la part d'une personne que je ne connais presque pas. Je lui demande si elle est seule, et après une petite hésitation de sa part, al voilà qui me répond, fixant brusquement mes yeux. Brusque changement d'attitude, elle est étonnante.

Non! Je suis accompagnée par mon valet Lestat. Puis y a mes animaux Prunelle et Shiyu. Je ne suis pas folle, à ce point là. Je n'ai que 20 ans et vous?

À vrai dire, je m'en doutais un peu. Vivre tout seul n'est pas facile tous les jours, je le sais par expérience. Et puis, moi-même, je continue à vivre avec des animaux. Même si ce n'est pas toujours facile, ça me permet de ne pas mourir sous le boulot, et ce n'est vraiment pas ce qui manque. Avec toutes ces personnes qui connaissent mon père, je commence à avoir du mal à mêler mes affaires personnelles avec mes affaires officielles. D'autant plus que mes missions deviennent de plus en plus dangereuses. On va dire que c'est un peu ce qui me force à continuer à vivre. Pour revoir mon père. Ce serai un comble de mourir avant son père. Et ça troublerai quelques personnes. Donc je n'ai pas l'intention de mourir. Point à la ligne. Si ça pouvait être aussi facile.

Alors, comme ça elle est plus jeune que moi? Bon d'accord, je m'en doutais, je l'ai déjà dit. Tout de même, je vais quand même lui répondre, sinon je risque de passer pour vulgaire. Ce que je n'ai pas envie de faire, d'autant plus qu'il n'y aucune raison de ne pas donner son âge. Je parle pour en rien dire, je sais. Mais je me méfie sans le montrer. Rencontrer une personne comme elle n'est pas habituel, et la menace des sorciers noirs est partout. Tâchons de rester polis.

-J'ai vingt quatre ans. Bientôt vingt-cinq.

Haha, remarque pertinente, hein? Vous le saviez déjà, mais on pose une question, alors je réponds. Puis, viens alors mes questionnements sur mon père. Oui, ça m'intéresse. Qui pourrait paraître blasé en entendant le nom d'un membre de sa famille qu'il n'a pas revu depuis ses 2 ans maximum? Et c'est grand, encore. Miyaki pose sa main sur mon épaule. Mh?

J'en suis rassurée. Effectivement. Je le connaissais et je le connais toujours. Il est un ami de mon père qui est le dirigeant d'un magasin de jouet. Je suis désolé pour vous. Je sais ou il habite. Mais je ne sais s'il a changer de domicile ou non. Oui il la gère toujours. Il ne parle que travail avec mon père. D'ailleurs s'en est d'un ennuie. Mais bon.

Tâchant de garder mon sang-froid, je sentis cependant une grande joie envahir mon cœur. Enfin, une piste! C'est incroyable de penser qu'une personne que je croise au hasard en sache autant sur mes connaissances. Sur ma famille, même. C'est carrément louche aussi. Un ami de son père? Ah, parce qu'en plus, mon père est ami avec le père de Miyaki? Décidément, je ne sais plus quoi croire. Faire confiance. C'est devenu difficile pour moi, avec les évènements récents. Et quand quelqu'un débarque en face de moi, l'air venu tout droit de la noblesse, connaissant mes parents, tout du moins mon père, il y a de quoi être sceptique. Alors, je suis sceptique, en tout mec bien blasé qui se respecte. Je fais attention aux connaissances. Peut-être faudrait-il rentrer dans les détails? Je l'ignore. Mais j'aimerai tellement en savoir plus. Et puis, je ne veux pas paraître gamin face à elle. C'est encore plus facile en sachant qu'elle vient de l'aristocratie. Il y a des choses à dire, des choses à ne pas faire. Je prends une grande inspiration, et prend le soin de trouver mes mots avant de demander :

-Mon père est ami avec le vôtre? C'est étonnant, les grands astres se rencontrent. Comment est-il à présent? Cela fait si longtemps que je ne l'ai pas vu en face. Il faudrait que je puisse le reconnaître.

L'air de rien, je me mis à espérer. Espérer le revoir, me lier d'amitié comme un père et un fils le devraient. Mais que ferais-je, le jour où il sera devant moi? Que ressentirai-je, ce moment-là? Fuirai-je comme un lâche, tiendrai-je la position, ou bien serai-je tout simplement bouché bée d'observer l'homme qui m'a donné la vie. Je l'ignore. Et ne pas comprendre des choses aussi simples me stupéfie. Je me sens nul. Nul à en crever. Je suis paradoxale, voilà que quelques instants plus haut, je parlais de ne pas mourir. Je ne sais plus quoi penser. Est-ce que mon père souhaite-t-il me revoir, même? Une bouffée d'effroi monta brutalement. Comme ma mère. Je ne sais comment prendre ça. J'ai besoin d'en avoir le cœur net. Et pour ça, il n'y a pas trente six chemins à prendre.

-Vous a-t-il déjà parlé de... moi?

Minable. Elle va me prendre pour un minable.

J'ai l'impression que ça fait une éternité,
que je n'ai pas vu un ciel étoilé.

Je lui pose trop de questions. Si c'est une sorcière noire... oh, et puis j'en ai marre de me torturer la tête de cette manière. Je vais devenir un vieux grincheux qui se méfiera de sa propre voisine qu'il connait depuis qu'il est jeune. Voir de sa propre mère. Vous me direz, pour des raisons personnelles, c'est déjà le cas. Je souris légèrement, alors comme ça je suis déjà vieux et grincheux à vingt quatre ans. C'en est déprimant. Je soupire. J'ai peut-être l'air dans les nuages, croyant à un rêve, ignorant toute source de danger. Oui, c'est ça, un adulte qui redevient un enfant. Un enfant qui sort du train, pour retrouver ses parents, alors qu'il s'est absenté pour les colonies de vacances. Qui plonge dans les bras de maman, fondant en larmes par l'éloignement. Et puis, il sourit comme un idiot. Il sourit comme un ange qui a retrouvé ses deux ailes. La vision est idyllique. Mais je pourrais peut-être l'adapter à moi, un jour. Un jour. Je rêve trop. Personne ne viendra me retrouver à la gare, pas même mon propre père. Il aurait tout fait pour me retrouver, s'il l'avait voulu. Or, aucunes nouvelles. Il m'énerve. Il m'énerve, autant par ma vision d'enfant que par celle que je n'ai pas eu durant mon adolescence.

Mon père l'a rencontré lors d'une conférence de travail. Depuis il collabore ensemble. C'est quelqu'un de très grande taille, qui porte de longs cheveux brun doré. Euh.. Il a une voix assez douce... Il s'habille toujours de façon élégante et distingué.

J'avoue que mes vagues souvenirs d'enfant collent mal avec l'image que Miyaki me fait de mon père. Grand, là, je n'ai aucune objection. J'étais moi-même beaucoup trop petit pour oser dire le contraire. Par contre, je l'imaginai plutôt cheveux courts... un peu comme, cheveux bruns, bruns foncé même. Un peu comme l'écorce. Mais plus de vingt années se sont écoulées. Il a sûrement vieilli. Logiquement tout du moins. Sauf si c'est un immortel. Ça serai marrant, si ça pouvait exister. Mon père est magicien lui aussi. Il doit sûrement être encore une très belle personne. Me voilà encore en train d'enjoliver un visage que je ne repèrerai même pas dans la rue. Il me faudrait des traits, quelque chose sur quoi me faire des souvenirs que je n'ai pas eu. Amusant. Je me rattache à de simples paroles. J'aimerai avoir un corps en face de moi. Pouvoir l'enlacer de tout mon cœur. Comme mon père, lorsque je suis né. Sa douceur. Je me demande s'il l'a encore. Une image. Celui que ma mère garde dans sa grande maison, seule à présent. Je l'ai vu lorsque je vivais encore dans cette demeure. En haut d'une grande armoire. Elle ne l'a pas jeté. Elle l'aime encore. Sinon, voilà plusieurs années que ce portrait n'aurai plus fait partie de ses affaires personnelles. Père, pourquoi es-tu parti? Pourquoi?

Miyaki me permet de me ressaisir, tandis que je dérive lentement dans l'énervement. Elle sort un papier, y inscrit des mots et une heure en japonais. Retour aux sources. La voilà qui me le tend. Je prends le papier, le lit doucement. Une heure, une date, une adresse, rien de plus. Mon visage se transforme en questionnement. Elle le remarque, et ajoute à son mot ces phrases :

Mon père organise un bal. Votre père y sera pour sur. Une fois là bas.. Je vous le montrerais.. Cependant je ne resterais pas longtemps.. Je ne veux pas qu'il me voit, ni lui, ni mon père..

Mon père? Elle me propose de revoir mon père? Non, je ne pense plus à un piège, je fonce tête baissé. Bien sûr que c'est trop beau pour être vrai. Mais j'ai envie d'y croire. Alors, j'acquiesce, sautillant presque de joie. Je reste cependant assez passif, même si mes yeux doivent cependant être illuminées d'un centaines de milliers d'étoiles filantes. C'est un bal? Amusant. Il va falloir que je m'habille en costume. Pas que mes goûts vestimentaires aient brutalement changés depuis que je me suis installé ici, mais j'avoue que retrouver brusquement les sources de mon enfance va me faire drôle. Une phrase pique mon intérêt. Pourquoi ne souhaite-t-elle pas rester?

-Merci beaucoup pour l'aide que vous m'apportez. Vous dites ne pas rester longtemps... il s'agit d'un bal n'est-ce pas? L'espace d'une soirée, ne voudriez-vous pas être ma cavalière? Cela fait si longtemps que je n'ai pas pris part aux festivités aristocratiques. J'ai peur de ne plus savoir me comporter.

Et je n'ai pas tort. Si les adultes ont le droit de parler, les jeunes, en revanche, sont éduqués de tel manière qu'il leur est incorrect de parler en public. Puisque j'ai obtenu une certaine confiance en moi et une certaine attitude face à du public depuis que je suis professeur, c'est certain que je ne serai plus aussi silencieux qu'à l'origine. C'est même obligatoire. J'ai les mots pour parler, à présent. Je n'ai plus peur des hommes, ni des femmes. J'ai le droit d'expression, à ce que je sache. J'inspire, afin de me calmer. Mes attitudes sont assez étranges aujourd'hui. Et ce n'est pas terminé. Voilà que la jeune femme m'embrasse sur la joue. Au moment où je ne m'y attends pas. Pas le moins du monde. Elle qui rougissait il y a à peine quelques minutes lorsque je l'ai salué, la voilà qui est devenu bien familière. Aucun problème. Je suis simplement étonné. Lorsqu'elle se retire doucement, je pose ma main sur ma joue. Eh bien, si une sorcière noire avait pu faire un geste comme ça, ça se saurai. Doutes écartés. Je peux lui faire confiance.

Bien sur. Il m'a dis qu'il avait un fils.. Adorable.. Mais qu'il regrettait de ne pas pouvoir le voir.. Je crois que je comprends pourquoi.. Une aussi longue distance, il avait surement eux peur qu'à son retour, il soit le mal venu.. et que vous le rejetez.. Ah il disait aussi, qu'il aurait aimé qu'à notre rencontre que je lui téléphone pour dire comment vous allez... Ce que je vais faire une fois rentrer chez moi..

Un fils adorable. Que de compliment. Ça fait déjà bizarre de l'entendre de la voix de quelqu'un qui me transmet son message, alors je n'ose imaginer le moment où il me le dira en face. Je serai certainement bouche bée. Ben tiens, je crois que je sais de qui je tiens ma petite timidité. De mon père. Nous étions bloqués. Bloqués, parce que personne n'osait faire le premier pas pour dénouer la situation. Mais un détail important nous séparait. Ne nous séparera certainement plus. L'éloignement. Comme le dit Miyaki. Personne ne sait où se trouve l'autre. Et entre les deux, il y a une fille mignonne qui, en pensant au père, trouve le fils. Qui permet à une famille de se rejoindre. Je suis vraiment pressé de le retrouver, à présent. Dimanche 27 mars, de 16h à 23h. Eh bien, j'y serai. Même si je dois traverser le monde pour y parvenir. Je souris légèrement.

-Décidément, je ne suis pas habitué à autant de commentaires sur mon père. Vous êtes vraiment aimable de m'aider ainsi. Croyez bien que vous en serai redevable. Un jour ou l'autre.

OU une façon de dire que notre amitié naissante ne se terminera pas là. Pas après le bal en tout cas. Ce serai vraiment dommage, sinon. On ne rencontre pas ce genre de personnes tous les jours. Il va falloir que j'avertisse tous mes proches que je serai en voyage du samedi au lundi. Sinon ils risqueraient de s'inquiéter pour rien. Et j'ai pas envie. Autan dire que je vais faillir à mon devoir de professeur pendant une journée. Voir plus si jamais je vois mon père après le bal. Je suis impatient.

-Pouvez-vous me... Ah, vous n'avez pas de portable, je suppose? Dans ce cas -je sors à mon tour un papier et un crayon de ma poche et griffonne mon adresse dessus-, voici mon adresse. Venez-y samedi matin vers 9h avec vos bagages. Je serai prêt. Je nous emmènerai à Édimbourg pour y prendre le premier vol, cela vous convient?

Je lui souris chaleureusement. Je suis heureux. Heureux qu'une rencontre devenue impossible arrive à passer entre mes mains.