Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]

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 Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]

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Sorcier Noir ~ Membre de Rosenrot
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Evan Adams
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Sorcier Noir ~ Membre de Rosenrot
MessageSujet: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyVen 2 Sep 2011 - 15:06

Anja & Evan ♠
« - Si je sautes tu fais quoi ? - Sautes. »


    Emma – à moins que ce ne soit Elena – me regarde avec des yeux exorbités par la colère. Je me demande ce qu’elle pense à cet instant précis. Non, en fait, ce n’est pas très compliqué à deviner. Elle doit se dire qu’elle me planterait bien un couteau dans le cœur. Ah, les femmes… Vous savez de quoi je parle, je suppose. Je ne sais pas trop si elle va me sauter au visage ou bien fondre en larmes. En général, c’est un peu des deux, ce qui donne un résultat assez étrange voire effrayant. Elle me regarde, donc, et je lui envoie ce sourire compatissant dont j’ai la spécialité. Quoique cette fois-ci, j’ai peut-être un peu empiété sur le rictus tu-n’en-vallais-pas-la-peine-de-toute-façon. Grosse erreur de ma part. On ne peut pas être champion à tous les coups ! C’est le moment où elle est sensée me frapper au visage. Elle y mettra toute sa force d’escargot et je ferais semblant d’avoir mal, pour ne pas déclencher une troisième guerre mondiale. Sauf que j’ai dit sensée. Je ne vais pas lui laisser ce plaisir-là. Emma – je crois bien que c’est ça – est bien gentille mais j’ai passé l’âge de ce genre de caprices.

    Ah, elle se décide. Elle lève une main tremblante d’émotion – ou de peur – et la plaque avec détermination sur ma joue. Stop. Arrêt sur image. Vous imaginez très bien la scène, j’en suis persuadé, pour l’avoir déjà vécu ou tout simplement pour l’avoir maintes fois vu à la télévision. Et, qu’il n’en déplaise à ce bon vieux Jack Sparrow, soyez certains que je l’ai méritée celle-ci. Mais trêve de bavardages. Remontons quelques secondes en arrière. Voilà, nous y sommes. La scène au ralentie s’il te plait, Michel. Le visage d’Emma est déformé par la haine et, avec une flopé de jurons peu recommandable que je passerais sous silence, lève son poing au-dessus de sa tête. C’est-là que j’entre en action. Je n’ai qu’à tendre le bras pour intercepter son poignet au vol, la stoppant dans son élan. Elle ouvre la bouche, stupéfaite, puis son teint vire au cramoisi. C’est le moment que je préfère. Cet infime moment de supériorité où je sens son pouls palpiter follement entre mes doigts. C’est son cœur, sa vie qui bat sous ma paume. Je n’ai qu’à remonter un tout petit peu plus haut, presser mes mains autour de sa gorge et son pauvre cœur se taira à jamais. Triste comme l’être humain est faible, finalement.

    La situation n’a cependant plus aucun intérêt pour moi et elle risque de devenir embarrassante – pour elle, j’entends – si je m’attarde trop. Sans plus de cérémonie, je tourne les talons, abandonnant une jeune femme partagée entre colère et déception. Ça lui passera de toute façon. Ou bien elle se jettera du pont le plus proche… Je plaisante ! J’attends d’être tout à fait hors de son angle de vision, ou de sa ligne de mire, plutôt. Là, je m’adosse contre le mur et allume une de mes cigarettes préférées. Je ne fume pas vraiment, mais j’en ai quelques unes en réserve, juste au cas ou. En fait, je trouve que cela a un goût infecte. Mais ça calme les nerfs. Je prends conscience à cet instant précis de l’endroit où je me trouve. Un vieux hangar désaffecté qui empeste la mort. C’est bien ma veine ! Je ne sais plus ce que je fichais ici avec cette fille mais ce qui est certain, c’est que je n’ai plus rien à y faire. Et, comme je doute qu’un autobus passe à cette heure-ci, je décide d’utiliser mon joker. La téléportation. Très utile.

    Je ferme les yeux, inspire une grande goulée d’air pure et entreprends de faire le vide dans ma tête. Plusieurs lieux me viennent à l’esprit. La gare. Le parc. Le Mystery Orphanage, quelle blague ! Le QG de Rosenrot. Et… celui-là m’est vaguement familier. Comme un souvenir trop longtemps ignoré. C’est une ruine. Une ruine où se tenait autrefois une maison, j’en ai la certitude, réduite en cendre par un violent incendie. Un incendie, vraiment ? Non, évidemment. Je manque ouvrir les yeux tant la vague de souvenirs qui m’assaille est puissante. Je la refoule aussitôt, aussi loin que possible. J’ai besoin de reprendre mes esprits. Inspiration. Expiration. Je chasse également de mon esprit les autres endroits, trop fréquentés. Une ruelle sur la droite attire mon attention. La nuit, les rues de Little Angleton ne sont pas très sûres, autant dire carrément dangereuses. En l’occurrence, il ne semble pas y avoir âme qui vive. Parfait. Un peu de solitude ne fait de mal à personne ! Je n’ai jamais très bien compris comment mon don fonctionnait, toujours est-il que je n’ai qu’à focaliser mon attention sur ma destination, et ses contours se précisent, s’opacifient. En une fraction de seconde, je quitte l’entrepôt pour me retrouver dans une ruelle mal éclairée.

    Je plisse les yeux, pour m’habituer à la pénombre. La téléportation est un peu déstabilisante au début mais on s’y fait vite. Je m’assieds alors sur un muret de pierres marquées par le temps et l’usage, et j’attends. Je ne sais pas vraiment ce que j’attends. Mais ça ne vient pas. J’hésite un instant puis extirpe de mon sac un petit carnet à la couverture sombre. Il n’y a rien écrit dessus. Pas plus que dedans. Je l’ai acheté il y a plusieurs mois déjà, dans le but d’y coucher mes pensées mais je n’ai jamais réussi à m’y résoudre. C’est trop personnel. Je déteste ce qui est personnel. Car la connaissance de l’autre est le premier pas vers sa destruction. J’essaye tout de même, une nouvelle fois. Mais rien ne vient. Je viens de casser sans le moindre état d’âme avec ma énième petite copine et rien ne vient. C’est désolant. Je me promets toutefois mentalement de mettre un terme à ces relations à courte durée, comme je les appelle. Un mouvement dans l’ombre d’un réverbère coupe court à mes divagations. Je relève doucement la tête, sans afficher la moindre trace d’inquiétude. Il y a bien quelqu’un. Je ne sais pas depuis combien de temps, il est là, il m’observe. Mais cela a le don de m’agacer. Je serre la mâchoire. S’il me demande ce que j’écris, je jure que je le décapite. Ah, tiens, il sort de son trou. Non. Pas il. Elle. L’inconnu est une inconnue. C’est une femme.

    Elle esquisse un vague sourire qui n’a rien d’amical. Je fronce les sourcils, perplexe. J’ai l’impression de l’avoir déjà vue quelque part. Je me mords la lèvre : une ancienne conquête, peut-être ? Si c’est le cas, ce n’est vraiment pas mon jour. J’en suis presque convaincue lorsqu’elle fait voler ses boucles blondes. Mon cœur ratte un battement. Non, ce n’est pas ça. C’est un souvenir qui remonte à bien plus loin. Elle lui ressemble un peu, c’est vrai. Je suis sûr qu’Allie aurait été magnifique. Elle l’était déjà. Je serre les poings et me concentre sur l’inconnue. Pourquoi diable le passé me poursuit-il indéfiniment ?
    Je n’ai pas encore décidé ce que j’allais faire d’elle. De plus, quelque chose me souffle qu’elle n’est pas du genre à sa laisser berner facilement.

    - Salut. Tu peux venir, je ne vais pas te manger.


    Pas terrible, je vous l’accorde mais c’est une certaine façon de la tester. Je prends le temps de la détailler, avec un sourire amusé. Ailleurs, en d’autres circonstances, je l’aurais presque trouvée jolie.


_________________

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Anja L. von Duisbourg
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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptySam 3 Sep 2011 - 10:34

C'est une araignée. Huit pattes, torse velu, bien dodue et qui semble presque voler si le fil translucide qui la retient de la chute n'émettait pas de légers reflets dû à la lumière. Une araignée je vous dis. Insignifiante dans un monde qui connaît les éléphants, les baobabs et les montagnes. Et pourtant tellement grande face à la mouche, la toute petite mouche agonisante, engluée jusqu'aux ailes dans une toile qu'elle n'aura pas su voir. Erreur fatal puisque l'araignée à faim et se rapproche à présent de sa proie, un air presque gourmand sur sa face informe. La loi de la nature est respectée, les plus forts mangent les moins faibles. Et dans la chaîne alimentaire, la mouche est bien en dessous de l'araignée.
Oui mais voilà. Voilà que les lois physiques sont remises en cause. L'araignée, le monste colossale qui effrayait tant son repas, se met à voler. Et à présent c'est la proie qui se rit de la prédatrice.
L'arachnide ne comprend plus rien, panique, tente de se raccrocher à un fil, de tisser une toile dans le vide. N'importe quoi, n'importe quoi. Qui puisse la sauver avant que...
L'araignée est décédée. Conte un mur qui à la base devait être blanc, mais que le temps à délavé. Et sur le gris s'étale une trace rouge qui deviendra brunâtre, dernier souvenir du cadavre de la bête féroce. Réduite en bouillie. Sans raison.
Le réconfort de la mouche lui n'est que de courte durée. Bien vite elle se rend compte qu'elle aura beau se débattre, la toile ne cèdera pas, jamais. Elle est tombée dans une prison translucide dont seule la mort est la clé. Une mort dûe à la fin. Bien plus longue et douloureuse que de se laisser manger.

Anja sourit, regardant la mouche tenté de s'échapper. Elle souffrira la petite. Comme c'est bien fait. Et l'araignée est morte, complètement morte. Tant mieux, la sorcière ne tient pas à cohabiter avec une amie à huit pattes. Ni qui que ce soit d'autre d'ailleurs. Puis elle prend sa plume afin de coucher ses mots et pensée sur papier. L'encre rouge ressemble un peu au sang de l'araignée...

L'araignée a voulue tuer la mouche. Les forts n'aiment pas les faibles. L'humaine a tué l'araignée. Les forts n'aiment pas les faibles.

Little Angleton, 3 septembre 2011
Liebe Mutti,

Je ne sais pas. Honnêtement je ne sais pas ce que les gens ont à se balader dans des rues désertes et sombres durant la nuit. C'est stupide. Et impoli pour ceux qui les honte.
Cet homme je l'ai tout de suite détesté.
Déjà c'était un homme. En plus il était beau. Evidemment, les plus beaux sont toujours les plus dangereux. Mais moi je m'en fiche, je n'éprouve rien d'autre que de la haine pour lui, pour eux, pour tous les gens sur cette Terre. Sauf toi maman. Même si toi tu es plutôt sous la terre.
Il était sur un mur, dans un endroit dans lequel il n'aurait pas dû être. Sauf s'il savait se battre. Et d'un simple regard, j'ai su que c'était le cas. Finalement il n'était pas si déplacé dans cet endroit sombre. Mais je ne l'ai pas aimé pour autant.
Assis sur ce mur il attendait. Peut-être quelqu'un, peut-être quelque chose, peut-être personne, peut-être rien. Il se contentait d'attendre. Et moi de l'observer.

On attend tout le temps.
La vie, la mort, on ne sait pas vers quoi on tend.
Mais on attend.
Jusqu'à ce qu'on ait plus le temps.

Il a sortit un cahier, mais n'y a rien écrit dedans. Comme s'il attendait toujours. Comme s'il ne savait pas quoi poser. Qu'extirper de son esprit. Moi j'aurais pu en remplir des pages et des pages de son carnet. Les remplir pour toi maman, juste pour toi. De poèmes de lettres, de dessins. Comme les dessins que je t'offrais quand j'étais petite. Un jour je t'en offert un et, quelques temps plus tard, en jetant mes épluchures de pomme à la poubelle, je l'ai retrouvé entre les mouchoirs usagés et les bouts de verres cassés.
Depuis, je n'ai plus jamais dessiné. Juste écris. Des pages et des pages. Des lettres et des lettres. Presque des romans. Tous conservé. Pour une personne qui balayait les dessins de sa fille et oubliait ses anniversaires. Une femme qui est morte. Morte pour moi. Tu as donné ta vie pour ta fille. Est-ce que je la méritais ?

On aurait dit un gamin. Un gamin qui a relevé la tête sans la moindre trace d'inquiétude. Comme si le fait de n'avoir rien à écrire, rien dans la tête ne l'effrayait pas. Il a relevé la tête et forcément m'a vue.
Et là j'ai vu que je m'étais trompée. Ce n'est pas un gamin. C'est un homme qui ne s'exprime juste pas de la même manière que moi. Je ne sais pas comment il fait sortir sa rage sa frustration, mais je savais qu'il le faisait. Sorcier noir. Magie noir. À plein nez. Ca puait tellement que ça sentait bon.
Je me suis rapprochée, intriguée. Intriguée, mais méfiante.
Il faut se méfier des hommes.
Encore plus quand ils sont beaux.
Un rictus de dégoût s'est peint sur mes lèvres. Peut-être bien que c'était un sorcier. Noir. Et alors ? Ca reste un homme, un chromosome xy sans le moindre intérêt pour moi.
Une vermine.

- Salut. Tu peux venir, je ne vais pas te manger.

Il a dit ça avec un sourire amusé sur les lèvres. Un sourire qui m'a étrangement fait pensé à celui de Jack. Et donc de mon père. Mon père que je méprise tant. Jack ce... fichu frère. Fils d'un homme que je hais. Mais frère de mon sang. Presque. Demi frère.
Est ce que mon père t'a-t-il un jour aimé maman ?
Ou batifoliait-il avec toutes les femmes, comme Jack semble le faire. Tel père, tel fils dit-on. Qui sait si je n'ai pas d'autre frère et soeur.
Tellement ridicule.

Moi, je n'ai pas bougé, me contenant de le contempler de mon regard bleu, froid. Je n'ai pas fait l'esquisse d'un geste dans sa direction. Pas envie de parler, pas envie de me battre, pas une journée de plus. En fait, j'aurais préféré le silence. J'aurais dû partir en le voyant sur ce banc, ne pas le regarder bêtement jusqu'à ce qu'il m'aperçoive. C'était une erreur. Et je ne m'en rend compte que maintenant.

- Je n'ai pas peur de toi.

De toute façon je n'ai jamais peur. Même si j'aurais préféré le silence de la nuit a un conversation des plus inutile avec cet inconnu.

[...]


La mouche ne se résout pas à son sort. Elle tente de laisser ses ailes glisser hors de la toile, hors de la glue dans laquelle elle s'est empêtrée. Mais chacun de ses gestes l'emprisonne un peu plus. La piège un peu plus.

Anja sourit en la voyant souffrir, relevant quelques secondes sa plume avant de la reposer, pour continuer à poser ses mots sur papier.

_________________

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« Oiseau moribond, elle est plus proche de l'envol que je ne l'ai jamais été et j'ai mal.
Déchirure.  »



« Pis donner à bouffer à des pigeons idiots
Leur filer des coups d’ pieds pour de faux
Et entendre ton rire qui lézarde les murs
Qui sait surtout guérir mes blessures »


- Do you know how to fight ?
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Sorcier Noir ~ Membre de Rosenrot
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Evan Adams
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Sorcier Noir ~ Membre de Rosenrot
MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyDim 4 Sep 2011 - 15:22

    « A simple thing where have you gone
    I'm getting old and I need something to rely on
    So tell me when you're gonna let me in
    I'm getting tired and I need somewhere to begin. »

    - Je n’ai pas peur de toi.


    Je laisse échapper un léger rire. C’est drôle, j’étais prêt à parier qu’elle allait dire ça. Je suppose que ça arrive à tout le monde. L’impression de revivre une étape de sa vie, un moment pourtant si anodin, semblable à tant d’autres, comme un simple spectateur, avec l’étrange sensation de pouvoir prédire ce que l’autre va dire ou faire. Sauf qu’on ne peut jamais prédire ce qui va se produire. Ce serait trop facile. La nature est bien faite, finalement. Les forts dominent et les faibles obéissent. Je sais, cela n’a aucun rapport avec ce qui précède. Pourtant, c’est ainsi que je vois les choses. Qu’elle les voyait aussi. J’ignore qui de la fille ou de moi est faible. Probablement un peu des deux.
    Un tourbillon de pensées se déchaîne dans mon esprit, manquant à chaque instant de m’emporter. Pour l’instant je résiste. Mais je sais que je n’en ai plus pour longtemps. Je ne peux pas toujours résister. Et puis finalement, c’est agréable. Je n’ai plus besoin de penser à rien. Ça y est, je ne sais plus très bien qui du petit garçon insouciant ou du jeune homme assis sur un muret de pierre fait partie du présent. Peut-être ai-je oublié. Comme j’oublie la fille qui se tient devant moi. Elle est très jolie, vue comme ça. Elle n’a plus l’air bien dangereuse.
    Elle lui ressemble beaucoup, en fait.

    Flash Back.


    C’est l’été. Je suis assis à même le sol, sur le sable chaud qui borde la maison. Face à moi s’étend l’immense. Papa et maman se sont encore disputés. Alors Allie et moi, on est venu ici. On y vient souvent ces derniers temps. Elle ne dit rien, elle rumine ses pensées en silence. Un peu comme moi, en fait. Sauf que moi, je me contre-fiche des disputes de papa et maman, des voix qui grondent, des portes qui claquent et des assiettes qui cassent. Je me contre fiche de papa et maman.
    Allie est assise devant moi, un peu en retrait. Je sais qu’elle n’aime pas quand papa et maman se disputent. Elle ne le dit pas, mais je le sens. Sauf que j’aurais aimé qu’elle m’en parle et ne pas devoir tout deviner, tout seul. J’aurais pu lui dire que ce n’est pas grave, que je suis là pour elle, moi aussi. Mais peut-être qu’elle ne me fait pas confiance. J’y ai déjà pensé. Chaque fois ça me fait un peu plus mal, et le doute s’insinue en moi comme un poison vicieux.
    À peine ai-je ouvert la bouche qu’Allie me devance. Elle sait toujours ce que je vais dire. C’est presque frustrant.
    - Tu peux venir, Evan. Je ne vais pas te manger.
    C’est drôle ce que de simples mots peuvent avoir un effet monstrueux sur les enfants. Oui, monstrueux c’est le mot. Allie n’est pas bien repoussante pourtant, elle est même très jolie. C’est loin d’être un monstre. Il n’empêche de sa flèche a trouvé sa cible.
    Et s’est fichée en plein dans mon cœur.
    - Je n’ai pas peur de toi, je m’empresse de rétorquer.
    Mais elle sait aussi bien que moi que c’est faux. D’ailleurs, elle rit avec amusement. Je m’approche quand même d’elle et tourne la tête vers l’horizon. Je décide de changer de sujet.
    - Tu crois que si on ferme les yeux, on peut entendre le bruit des vagues ?
    Elle me regarde avec étonnement, partagée entre curiosité et rire. Ce dernier finit cependant par l’emporter.
    - Tu es bien trop naïf, Evan !
    Ah, bon ? Je suis naïf ? Je passe ma main dans le sable chaud. N’est-ce pas un peu d’eau salée que je sens filer entre mes doigts et me chatouiller les pieds ?
    Mais Allie s’est déjà détournée et remonte le sentier en direction de la maison. La journée touche à sa fin et le soleil darde ses derniers rayons dans mes cheveux, réchauffant un peu mon cœur.
    « And if you have a minute why don't we go
    Talk about it somewhere only we know ? »
    Je sifflotte cet air, pensif. Nous l’écoutons souvent, ensemble, Allie et moi.

    J’ai attendu un moment avant de rentrer à mon tour.
    Je crois qu’à ce moment-là, j’avais peur.


    Fin du Flash Back.


    Allie secoue ses cheveux d’or devant moi, m’enivrant de son parfum sucré… J’entends encore le bruit des vagues… Allie. Allie ? Non. Ce n’est pas Allie. J’ai l’impression d’émerger d’un rêve. Un rêve éveillé. La fille me regarde toujours. Bon sang, je l’avais oubliée ! Il n’a pas dû s’écouler plus de quelques secondes pourtant j’ai l’impression qu’elles ont duré une éternité.
    Je la regarde à mon tour et je comprends une chose essentielle. Existentielle. Nous ne sommes pas des faibles. Nous sommes forts. C'est notre force et notre faiblesse. Les deux allant finalement très bien ensemble, je la trouve plus belle et plus dangereuse que jamais. Je sais aussi que je la hais.
    Comme tous les autres.
    Elle encore plus. Parce qu’elle ressemble à Alicia.
    Qu’à-t-elle dit déjà ? Ah oui c’est vrai.

    - Je n'ai pas peur de toi.

    Un sourire carnassier déforme mon visage. Je ne ressens plus de peine. Plus de curiosité. Je ne ressens plus rien. Je suis vide. Tout comme le carnet relié de cuir qui gît entre mes mains. Je me demande bien ce que j’aurais pu y écrire. Que peut-on dire quand on est vide ?
    Je n’ai qu’une seule chose en tête : en savoir un peu plus sur cette fille qui empeste la magie noire à plein nez, et, si nécessaire, la liquider. Je n’avais pas prévu de me battre aujourd’hui. Mais comme je l’ai dit plus haut, on ne peut jamais prévoir ce qui va se produire.
    Je plante mes yeux bleus, durs et froids, dans ceux de l’inconnue. Elle ne bronche pas. Puis je lui murmure, avec une douceur effrayante :

    - Tu devrais.

    Le petit garçon de la plage est mort. Ne reste plus que celui-ci, assit sur un muret de pierre, dans une ruelle malfamée avec une fille étrange.


_________________

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Anja L. von Duisbourg
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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyDim 11 Sep 2011 - 21:26

Le bourdonnement de la mouche s'intensifie, se fait plus pressant, autoritaire. Elle semble crier avec ses ailes, déchirant le silence sans parvenir à errafler la toile qui la retient. "Libérez moi, libérez moi !". La douleur la fusille, réduisant en charpie ces maigres espoirs. Mais l'insecte ne veut pas perdre, elle se bat, de toute sa force elle se bat. Elle se croit forte alors qu'elle est faible, elle se pense digne de vivre alors qu'elle ne l'est pas.
Tellement trop faible.
Du haut de sa feuille, Anja sourit. Elle sait que, si elle le désirait, elle pourrait extérminer la mouche en une seconde. Oui, mais voilà, elle n'a pas envie. Préférant la voir souffrir, préférnant penser à tout le pouvoir qu'elle dispose sur l'animal.

Anja est la plus forte. Et rien ne lui fait peur.

[...]

Un léger rire s'est échappé de ses lèvres. Je ne me souviens pourtant pas avoir été drôle. Bizarrement ce rire s'est inscrit en moi, s'identifiant à un souvenir. D'abord j'ai cru que c'était un de ces rire stupides que Jack utilisait contre moi, puis je me suis rendue compte que c'était plus vieux. Plus ancien.
Tu n'étais pas là, j'avais peut-être 8 ans. Ou 9. Je ne sais plus vraiment en fait. J'étais allée au marché avec Diego et, sur le chemin du retour, j'avais croisé des enfants de ma classe. Dont un garçon qui me plaisait beaucoup. J'avais voulu agiter la main pour les saluer, mais toutes mes courses s'étaient alors déversées sur la route. Bananes, pommes, patates et autres étalées par terre. Certaines écrasées par le choc, comme les tomates qui ressemblaient à des tâches de sang sur le bitume. Mais le sang s'était surtout étalé sur mes joues. J'avais honte, terriblement honte. Sous le regard brûlant de mon grand-père qui n'avait rien dit, me laissant me mettre à genoux pour ramasser les fruits et légumes éparpillés. Mais si aucun bruit ne s'échappait de ses lèvres, ce n'était pas le cas des gens de ma classe qui riaient... ce même rire qu'a eu l'inconnu dans cette ruelle.
Un rire moqueur, un rire emplis de pitié. Ils se fichaient de moi. Il se fichait de moi. Tous, toujours, tout le temps. Je ne voulais plus ça.
Cet inconnu se moquait-il de moi ?

Puis soudain son rire a laissé place à un sourire carnassier. Comme un lion face à une gazelle blessée. Qu'allait-il imaginé ? Qu'il pouvait gagner face à moi ? Quel imbécile... Et pourtant l'illusion semblait être bien précise dans son esprit. Il a planté ses yeux froid, bleu, glaciaux dans les miens. Je n'ai même pas tressaillis. Je n'allait quand même pas lui faire ce plaisir là. Et puis ce regard je le connaissais.
Je le connaissais parce que je le croisais chaque fois que je me tenais face à un miroir. Un regard plein de mépris, de haine, de supériorité. Et je me suis rendu compte que cet homme ne me rappelait pas Jack, ni mon père. Et encore moins le gamin dont j'avais été amoureuse il y a tellement longtemps. Il me ressemblait. A moi.

- Tu devrais.

Un sourire a échancré mes lèvres. Je devrais ?

- Tu es naïf.

Je laissais mon regard se détacher du sien pour s'étaler sur le cahier vide gisant sur ses genoux... Ce cahier dans lequel il semble n'avoir rien écrit... D'un geste de la main je manifestais mon pouvoir en le retournant, puis en m'amusant à faire tourner toutes les pages, comme un coup de vent. Et même si je n'étais pas très près de l'inconnu, je voyais bien comme il était blanc. Désespéremment blanc. Vide. Incomplet. Seul.
Je ne sais plus trop si je suis en train de parler de l'homme ou du cahier...
Doucement, pour ne pas l'effrayer, pour ne pas qu'il pense à mal, j'ai sortit un stylo rouge de ma plume. Je me balade toujours avec de quoi écrire sur moi. Au cas où l'envie me prendrait de t'adresser un message maman...
J'ai conduit le stylo jusqu'au livre si vierge grâce à mon pouvoir, puis j'ai apposé son bec sur le papier, utilisant toute ma concentration. Même si j'ai toujours favorisé la précision à la force, cet exercice n'était pas des plus facile. Mais au bout de quelques secondes, des mots ont enfin été visible sur la papier de l'inconnu.

« Je n'ai pas peur de souffrir, ni même que tu me tues.
Alors donne moi une seule raison d'avoir peur de toi ou de ce que tu pourrais me faire ? »

Mon regard, si semblable au sien, s'est alors planté dans celui qui aurait presque pu être son clone à la recherche d'une réponse à ma question tracée à l'encre rouge sur papier blanc.

Do you know who you are ? So tell me who I am.

[...]


Vers la toile d'araignée, une seconde mouche s'approche, intriguée par le comportement de sa congénère. Mais sa corpulence lui permet de passer à travers les mailles du filet, à travers la toile si dangereuse. La deuxième mouche se rit alors de la première, trop gande pour s'échapper. Et de son bureau Anja observe leur comportement, presque amusée par ce manège. Se souvenant d'une phrase d'Honoré de Balzac, elle la griffone sur un bout de papier avant de l'accrocher avec un petit trombone au début de sa lettre.

« Les lois sont des toiles d’araignées à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites. »

_________________

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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyDim 2 Oct 2011 - 18:12

" - T'as déjà eu l'impression d'être important,
d'avoir la sensation que t'allais faire quelque chose
de grand dans ta vie, que t'aurais un destin ?
Moi, tout le temps."


    À quoi joue-t-elle ? Mais à quoi joue-t-elle, bon sang ? Et qu’est-ce qu’elle fiche là, d’abord ? Quelle idée j’ai eu de l’inviter gentiment à se joindre à moi… Je suis bien trop aimable. Cela ne me ressemble pas. Pas du tout. Et je déteste ça. Je déteste perdre le contrôle. Mais cela, pour rien au monde, je ne l’aurais avoué devant elle.
    Je me demande ce qu’elle peut bien penser. Est-ce qu’elle a peur ? Peut être. Peut-être pas. Sûrement. Je n’en sais trop rien, je produis parfois des effets quelque peu étranges, sur les gens. En particulier sur les filles. Allez savoir pourquoi.
    Pourtant, quelque chose me souffle qu’elle n’a rien d’une fille comme les autres. Comme celle parmi tant d’autres que j’ai abandonnée au fond d’une impasse il y a quelques heures à peine.

    Un sourire étire mes lèvres une seconde fois, devant l’étrangeté de la situation. Ailleurs, en d’autres circonstances et si je n’étais pas été d’une humeur massacrante, je l’aurais presque trouvée comique. Mais pour l’heure, je n’ai qu’une seule idée en tête : en finir. Et rapidement. Sinon, cela risque de tourner au vinaigre. Pour elle, j’entends.
    Je hais sa façon de me regarder tout comme sa façon de ne pas me regarder. Je hais le son de sa voix, la couleur de ses cheveux, son air arrogant et sa décontraction. Je hais son regard, son regard sombre, triste, et vide, son regard qui ressemble tant au mien. Je la hais pour ce qu’elle est. Tout simplement. Je ne la connais pas, pourtant. Mais cela n’a pas d’importance. A-t-on besoin de connaître les gens pour les haïr ? Peut-être. Mais pas moi. Je la hais avant même de la connaître. Fin de l’histoire. Et comme je ne la connaîtrais sûrement jamais…
    C’est tellement plus simple de détester le monde entier, vous savez. Vous devriez essayer.

    - Tu es naïf.

    Bam. C’est que mademoiselle a de la répartie ! Un éclair passe dans mes yeux tandis que mon sourire disparaît, aussi rapidement qu’il est apparu. Mes joues creuses et pâles n’expriment plus rien que du mépris. Elle veut jouer ? Très bien, nous allons jouer.
    Mais le souvenir, fourbe, m’assaille avant que je n’ai pu ne serait-ce qu’entrouvrir les lèvres.

    Tu es naïf, Evan. Ah je suis naïf, vraiment ? Je serre les dents. Combien de fois ai-je entendu ces mots dans la bouche de ma sœur ? Souvent, bien trop souvent à mon goût. Et chaque fois je me taisais, comme s’il n’y avait rien à répliquer. Non. Pas comme. Il n’y avait rien à répliquer. Si Allie disait que j’étais naïf, c’est que je devais l’être, après tout.
    Comme cette fois où nous jouions à cache-cache dans les bois, Allie et moi. « Attrape-moi, Evan ! » J’entends encore sa voix cristalline résonner dans ma tête, inlassablement. Elle me paraissait chaque fois plus proche et plus lointaine à la fois. Comme un échos, une ombre que l’on ne pourrait jamais saisir. Puis, au bout d’un moment, j’ai fini par me lasser. Le jour n’allait plus tarder à céder la place à la nuit, le ciel commençait déjà à s’obscurcir. Je ne trouvais plus rien de rassurant dans ces bois. Je me suis mis à trembler légèrement et ma respiration s’est accélérée. « Allie… » ai-je appelé. « Allie, je ne joue plus ! »
    Mais son rire continuait de retentir, partout autour de moi. Alors je me suis assis et j’ai attendu. Au bout d’un moment qui m’a parut une éternité, ma sœur a jaillit de derrière un arbre. Elle était lumineuse. J’ai ressenti un pincement au cœur devant sa beauté, sa joie de vivre et son insouciance, mais, encore une fois, je me suis tu.
    Devant mon mutisme, elle a poussé un soupire et m’a attrapé par le bras. « Comme tu es ennuyeux, Evan… Naïf et ennuyeux. »
    Et elle a éclaté de rire. Je me suis retenu de lui dire que de nous, c’était bien elle la plus naïve. Je gardais ces choses-là pour moi. De toute façon, elle ne les aurait pas comprises.
    Pour elle j’étais naïf et ennuyeux.

    Je reviens doucement à la réalité. À la vie…
    Oui, Allie n’était pas tout le temps facile. À vrai dire, elle était d’une prétention sans limites. Mais c’était ma sœur, ma jumelle.
    Cela faisait toute la différence.
    Avec cette fille, cette inconnue.

    - Et toi, tu es un peu trop présomptueuse.

    J’ai mis dans cette phrase tout le mépris et le dégoût dont j’étais capable. Mais étrangement, cela avait presque sonné faux. Je dis bien presque et, à l’évidence, elle n’y verrait que du feu. Mais je me connais trop pour sentir la nuance. Pour savoir quand j’étais sincère. Or, je ne suis pas tout à fait sûr de l’être. Tout comme je ne suis pas sûr de vouloir la haïr.
    Je pourrais la tuer, en une fraction de seconde. Pourtant, je n’y parviens pas. Et pour une fois, ce n’est ni l’envie de jouer, ni la curiosité qui me motive. Non, c’est autre chose. Quelque chose de plus profond, de plus familier.
    Quelque chose que je n’ai pas envie d’analyser pour l’instant.

    - J’ai passé une sale journée. Alors sois gentille et fais-moi gagner du temps. Dis-moi pour qui tu travailles.


    Et voilà que les intérêts reprennent le dessus. Non, mais, il faut tout de même me comprendre. La situation a beau être troublante, cette fille empeste la magie noire à plein nez. Je ne peux pas laisser passer une occasion pareille !

    Je fronce les sourcils. Avec délicatesse, elle extirpe un objet de sa poche. Je comprends, à sa façon d’agir, qui est claire comme de l’eau de source, qu’il ne s’agit pas d’une menace. C’est ce qu’elle cherche à me faire comprendre.
    Pour ne pas que je commette une petite erreur.
    Une petite bêtise de rien du tout.
    Qui pourrait bien lui coûter la vie.

    C’est qu’elle tient à la vie, alors ?

    Intéressant. Jusqu’à maintenant, elle m’avait davantage fait penser à Allie, dans sa façon de se mouvoir, de parler, jusqu’à reprendre ses propres mots… Mais, à présent, je ne vois qu’une seule chose en elle. Mon parfait reflet. Mon clone. Je la regarde et j’ai l’impression qu’elle me fait miroiter tous ces rêves déchus qui ont jadis été les miens, et peut-être même les siens. Il y a une éternité de cela.
    Est-ce que je tiens encore à la vie ? Je n’en sais rien…

    C’est un stylo qu’elle tient entre les mains. Une plume fine et rouge. Et puis les mots se mettent à danser sur le papier, sur mon carnet que je tiens encore entre mes mains, comme un vulgaire chiffon. L’encre, rouge elle aussi, s’imprègne sur ma feuille blanche et vide.
    On dirait du sang.
    Qui roule sur le papier.
    Comme la pluie sur un cadavre.

    Presque malgré moi, je frissonne en découvrant ses mots : « Je n'ai pas peur de souffrir, ni même que tu me tues.
    Alors donne-moi une seule raison d'avoir peur de toi ou de ce que tu pourrais me faire ? »


    Je lève les yeux de mon carnet et les pose tranquillement sur elle. Toute trace d’ironie a déserté mon visage et ma voix sonne étonnamment juste dans le silence de la nuit.

    - Je n’en ai aucune. Si ce n’est que je n’ai rien à perdre.


    C’est la meilleure réponse que je puisse lui donner. Une réponse évidente, que je n’avais encore jamais donnée à personne. Je n’ai plus rien à perdre…
    C’est là que je peux devenir vraiment dangereux.



_________________

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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyDim 2 Oct 2011 - 21:30

En soit, la mouche n'est pas un insect très élégant. Plutôt moche à vrai dire. Avec ses milliers d'yeux et ses bourdonnements incessants, rares sont les gens à les aimer. Leur attirance pour les bouses des vaches ne font pas d'elle des animaux plus intéressant... Et leur noirceur face au joli couleur d'un papillon ou au rouge brillant d'une coccinelle n'a aucune chance pour les yeux d'un enfant.
Peu de gens aiment les mouches.
Et en tout cas pas Anja.

[...]

Tu es naïf.

Trois mots que je dédie à cet inconnu, cet étranger rencontré dans cette ruelle sombre. Trois mots qui lui ont presque sauté au visage. J'ai bien vu la façon dont il les a entendu, interprêté au fond de lui. Monsieur essayait d'être inébranlable ? De ne rien laisser paraître de ses sentiments ? Alors autant le prévenir... c'était fichu. Je savais que ces simples mots pronnoncé à tout hasard l'avait touché. Coulé.
Inconnu : 0. Anja : 1.
Plus petite il m'arrivait de jouer à la bataille navale durant les cours avec mon voisin de table. Je gagnais toujours. Toujours, toujours, toujours. J'avais de la chance et c'est tout. Et je gagnais. Ce qui n'était pas le cas de mon voisin. Et ce qui ne serait pas le cas de l'inconnu de cette ruelle. J'étais la reine des batailles navales.

Tu es naïf.

Lentement il a repris ses esprit, comme s'il avait été plongé dans sa conscience, dans ses souvenirs. Alors ? Ton passé aussi te fait mal ? Qui est-ce qui a peur à présent...
Tant de phrases que je rêvais de lui jeter à la figure. Mais je me suis tut. Préférant attendre sa réponse.

- Et toi, tu es un peu trop présomptueuse.

Et c'est lui qui disait ça. Celui là même qui me demandait d'avoir peur de lui... Qui était le présomptueux dans l'affaire ? Le vaniteux. Cet homme et moi avions à peine échangé quelques mots que déjà il me dégoûtait. Il était comme tous les autres... À cacher ses mensonges et ses vérités derrière des sourires et des insultes.

- J’ai passé une sale journée. Alors sois gentille et fais-moi gagner du temps. Dis-moi pour qui tu travailles.

Et quoi d'autre encore ? Qu'espérait-il ? Obtenir des réponses en claquant des doigts ? J'ai scruté ses yeux un instant... toujours aussi inexpressif. Comme les miens. Tellement comme les miens. Et cette aura de magie noir autour de lui. Comme la mienne.
On puait. On suintait. La même haine contre le monde.
Lui. Moi. Lui. Moi. Lui. Moi. Lui. Moi. Ecarté mon père et Jack à qui je comparais forcément tous les hommes. Cette fois c'était à moi que je le comparais. Il ne me ressemblait que trop. Pourquoi ? Comment ? Je ne le sais même pas, mais j'avais l'impression qu'il était mon portrait craché. Sale portrait craché.

- La Croix. Pour l'instant.

Pour l'instant. Pour l'instant. Pour... pourquoi j'ai dit ça moi ? Sur le moment je m'en suis voulu et je me suis mordu la lèvre. La Croix et moi c'était pour la vie. Pour toujours. Je te l'ai promis maman. Je n'ai pas le droit de changer comme ça.
Et pourtant, j'ai dit ça. Bravo Anja. Maman, j'espère sincèrement que tu ne m'en veux pas trop pour ce lapsus...

Je l'ai vu frissoné lorsque ma plume s'est apposée sur le papier pour dessiner la courbe de mes mots. De la peur ? Je ne crois pas. Autre chose, mais alors quoi ? Cet homme était bizarre... Mais moi aussi j'étais loin de rentrer dans le rang de la normalité. Nous étions bizarres. Et savoir que lui et moi pouvions construire un nous ensemble m'a surpris. Je déteste les nous. Je n'aime que les "je". Je suis solitaire, et c'est tout.
Mais nous étions bizarres.

- Je n’en ai aucune. Si ce n’est que je n’ai rien à perdre.

Tant mieux. Dans ce cas nous étions à égalité, n'est-ce pas maman ? Moi non plus je n'avais rien à perdre puisque tout ce à quoi je tiens est déjà mort. Toi, morte. Diego, mort. Mon père, mort et bien enterré. Dire qu'à une époque je l'aimais... mais n'y pensons plus. Parce que je ne pensais pas à mon père quand j'étais face à cet inconnu. Pas une seule seconde mon père ne m'est monté à l'esprit. Il n'y avait que lui. Et moi. Nous.
Encore ce nous...

- Est-ce que tu as peur de perdre ta vie ?

Mon ton neutre se répercuta dans la nuit.
Comme un cri.
Qu'on étouffe.

[...]


De toute façon, Anja n'aime personne.
Personne.
Personne.
Sauf sa mère, évidemment.
Mais elle est morte.
Morte.
Morte.
Et ce n'est pas une mouche qui va la faire changer d'avis...

_________________

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Sorcier Noir ~ Membre de Rosenrot
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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyMar 25 Oct 2011 - 20:41

« I'm gonna break your little heart
Watch you take the fall
Laughing all the way to the hospital
'Cause there's nothing surgery can do
When I break your little heart in two »


    Je réalise à l’instant que je ne connais pas son nom. N’ai même pas songé à lui demander. C’est peut-être mieux comme ça, à vrai dire. Mieux vaut ignorer le nom de sa prochaine victime. Car c’est bien ainsi qu’elle va finir, n’est-ce pas ? Dans une boîte de métal, au beau milieu d’un cimetière. C’est tout ce qu’elle mériterait. Car elle n’est pas une de ces personnes qui œuvre, toute sa vie, pour un seul but, une seule voie : le bien…
    Ah, le Bien et le Mal. Avec de belles majuscules. Encore une notion qui m’est totalement étrangère. Je n’ai pas choisi d’être du mauvais côté. Je fais seulement l’unique chose que je sois encore capable de faire.
    Blesser. Dans les corps et dans les cœurs.

    Et puis un jour, je détourne mon chemin vers un autre cœur à briser ou une autre vie à voler.
    Enfant je rêvais d’être médecin, professeur, aventurier, parfois même Batman en personne. Je rêvais de sauver le monde, avec de simples mots. Foutaises ! Comme si on pouvait sauver le monde ! Voilà avec quoi les adultes nous bourrent le crâne, dans l’espoir de nous voir devenir quelqu’un. Quelqu’un de grand. Quelqu’un de bien.
    Je m’excuse, papa et maman, mais je crains de beaucoup vous décevoir. Car je ne suis rien de tout cela. Regardez-moi, je n’ai pas même pas réussi à sauver ma propre sœur. Non, franchement, c’est ridicule. Je ne sauverais pas plus le monde que moi-même.

    Mais est-ce que vaux vraiment mieux qu’elle ?
    Que cette fille que je ne connais pas, que je n’ai encore jamais vu et qui me ressemble pourtant plus que ma propre sœur.
    À méditer…

    Si cela ne tenait qu’à moi, j’en finirais immédiatement avec cette fille et sa prétention. Mais il y a tout de même des réponses que je me dois d’obtenir.
    Alors je vais patienter.
    Un peu.
    Mais lorsque le compte à rebours sera écoulé, il faudra courir, jeune fille. Courir pour sauver sa vie. Parce que je ne suis pas d’une humeur particulièrement clémente.
    Je n’ai même plus envie de rire. J’ai assez joué pour aujourd’hui. Et j’ai des choses on ne peut plus importantes à régler.

    - La Croix. Pour l'instant.

    Voilà qui devient intéressant. Je ne prend pas la peine de dissimuler le sourire triomphale qui étira soudain mes lèvres. À quoi bon jouer les modestes ?
    Je profite encore un instant de cette petite mais fort confortable victoire avant de me concentrer sur l’essentiel. Elle a dit pour l’instant, détail à ne pas négliger. Je fais toutefois mine de ne pas y prêter davantage d’attention qu’un haussement de sourcil légèrement intrigué. Chaque chose en son temps.

    - Théoriquement nous sommes ennemis, je siffle avec le regard mi-amusé de celui qui maîtrise parfaitement la situation.

    J’ai dis théoriquement parce qu’en général, je me fiche pas mal des théories. J’ai plutôt tendance à aller en sens inverse, au contraire. Mais peut-être est-ce aujourd’hui que je vais mettre un trait sur mes habitudes, qui sait ?
    C’est le moment tant attendu ou la victime se met à trembler de peur, prenant soudain conscience de son statut de proie. Mais j’ai peur qu’elle ne fonctionne pas tout à fait comme les autres.
    Dommage. C’était amusant.

    - Mais tu as dit pour l’instant...

    Ma phrase est volontairement restée en suspens. De toute façon, elle a très bien saisi l’idée. Nous pouvons encore être amis. Au sens très large du terme, j’entends. Bien entendu, tout cela n’est que professionnel.

    - Est-ce que tu as peur de perdre ta vie ?


    Est-ce que vous avez déjà entendu quelqu’un crier ? Je veux dire, vraiment. Hurler de tout son cœur, de toute son âme. Est-ce que vous avez déjà entendu la détresse dans un seul cri, un seul souffle ? Et si c’est le cas, avez-vous eu cette envie, de désir irrépressible de vous terrer dans un trou, les mains sur les oreilles ?
    Parce que c’est exactement ce que j’ai envie de faire à cet instant. C’est ce qu’aurait fait un petit garçon nommé Evan, il y a quelques années de cela. Il y a une éternité.
    Pourtant, elle n’a même pas haussé la voix. C’est comme si on avait dépose un main ou un tissu devant ses lèvres. On ne l’entend plus crier mais c’est tout comme.
    Non. C’est bien pire.

    Une question. Encore une question. Mais que pourrais-je bien y répondre ?

    - Et toi ?
    je murmure en lutant pour soutenir son regard.

    C’est lâche. J’en ai conscience.

    - Je l’ai déjà perdue.

    J’ai senti quelque chose se briser en moi. Comme une porte qu’on aurait ouverte par inadvertance. Je devrais m’empresser de la refermer, à tout jamais.
    Mais j’ai bien peur d’avoir égaré la clef…
    Ma vie, c’était Allie. Et je l’ai bel et bien perdue. J’ai beau m’en être construit une nouvelle de toutes pièces, je crains qu’elle ne remplace jamais la précédente.
    Je me demande si elle est consciente que je devrais la tuer. Elle en sait beaucoup trop maintenant. Ou alors il va falloir me donner une bonne raison de la laisser en vie.
    Autant le lui faire comprendre tout de suite.
    Mon visage retrouve son habituelle expression neutre. Sans expression plutôt. Puis je fais une moue faussement désolée.

    - Tu poses un peu trop de questions.


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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyMar 1 Nov 2011 - 23:12

La vie d'une mouche n'est pas franchement des plus belles. Elle naît avec tous ses petits frères et soeurs et dans la moindre goutte d'affection de ses parents. Petit ver devient mouche adulte en moins de temps qu'il faut pour ne le dire et maman en encore moins de temps. Elle se retrouve avec une ribambelle de larves qui proviennent d'elle et... qu'elle ne va absolument pas aimer, déjà bien trop loin pour ça. Puis un jour la mouche va rencontrer une toile d'araignée et la mort.
Pauvre petite mouche.
Au fond, la mort dans cette toile d'araignée est peut-être bien la meilleure partie de sa courte vie... oui, mais voilà, elle n'est pas assez intelligente pour le comprendre et elle continue donc à se débattre. Inutilement. Comme Anja continue d'écrire. Inutilement.

[...]

- Théoriquement nous sommes ennemis

Il a sifflé ça avec l'air satisfait de celui qui sait avoir gagné une victoire. Une victoire, mais pas la guerre.
Inconnu : 1. Anja : 1.
Égalité, balle au centre. Et ça recommence. Mais je ne perdrai pas la guerre.

- Mais tu as dit pour l’instant...

J'ai hoché la tête. Oui, c'est effectivement ce que j'avais dis. Et si je reprenais sa théorie, ça donnait donc : pour l'instant, nous étions ennemis.
Encore ce "nous" si agaçant...
Mais ça m'était égal. Ça m'était égal parce que je savais qu'il y avait un lieu où ce "nous" ne pourrait pas nous conduire. Notre reflet devant la mort. Notre vie est tellement pâle à côté de l'immortalité que nous offre sa fin... Ce n'est qu'une étape à franchir. Et je savais que l'homme en face de moi avait peur. Je pouvais presque voir la chair de poule lui arracher les poils, son regard fuir se réfugier dans une caverne et les cris qu'ils lançaient, silencieusement, vers l'intérieur de lui-même.
Cet homme avait peur.

- Et toi ?

Un air étonné s'est peint sur les restes de la bouille d'enfant qui s'étaient ancrés en moi. Je ne m'attendais pas à ça. Pas à ce qu'il me renvoie la question à la figure.
Et pourtant, moi je n'ai pas peur de la mort.
La mort c'est magnifique, c'est majestueux. Et surtout, la mort c'est le seul moyen qu'il me reste pour te rejoindre maman. Je pourrais penser au suicide, évidemment. D'ailleurs, j'y ai pensé. Sans jamais franchir le cap. Car tu vois, ça serait trop facile. Et avant, je dois me repentir du mal que je t'ai fait subir. Lorsque l'avion a explosé. Ou lorsque tu as tué mon père.
Oui maman. Je me doute que si tu l'as tué, c'est un peu à cause de moi.

- Je l’ai déjà perdue.

Enfin il m'avait offert une vraie réponse. Honnête. Mais qui avait dû tellement lui coûter...
Toute vérité à un prix...
Et le prix de celle-ci entraînait d'autre questions. Une ribambelle de question dans mon esprit. Qu'avait-il perdu pour qu'il ait l'impression que sa propre vie lui ait été enlevée ? Ou plutôt... qui ? Peut-être sa maman, comme moi je t'ai perdu. Ou alors sa bien-aimée...
Je ne sais pas. Mais ce que je sais par contre, c'est que ses mots lancé comme sur un fil au milieu du brouillards avaient tranché mon Univers. C'était un fil coupant. Très coupant. Qui m'ont touché plus qu'ils n'auraient dû.
Parce que je me suis rendue compte que moi aussi j'avais perdu un bout de ma vie. Explosé dans un attentat. Envolé comme de la fumée. Egaré au beau milieu d'un ballet aérien.
Je t'avais perdue toi maman. Et un bout de ma vie avec. Et tout mon amour avec.

- Tu poses un peu trop de questions.

J'ai délibérément ignorer sa phrase qui sonnait plus comme une menace qu'autre chose. À la place j'ai vrillé mon regard dans le sien, sillonnant les tréfonds de son âme, sillonnant les tréfonds de mon âme.

- Tu pourrais la retrouver ta vie. Y as-tu pensé ?

J'avais le pressentiment de sortir des bêtises. Et pourtant, je n'ai pas regretté une seule seconde mes paroles ni l'impact qu'elles pourraient avoir.

On peut bien retrouver une chaussette égarée, non ? Alors pourquoi pas une vie ?

- Quand à moi je n'ai pas peur de la mort. C'est plutôt la vie qui m'effraie.

Pour te dire la vérité maman, j'aurais aimé qu'il me tue. Que mon sang aille bouillonné à l'extérieur de mon corps, s'échappant sur le bitume par un trou percé dans ma chair par sa lame. Ou par n'importe quoi d'autre. Mais j'aurais souhaiter mourir de sa main à ce moment là.
Mais je ne me suis pas assez repentie.
Alors je tenais ma garde. Prête à me défendre au cas où il esquisserait le moindre geste. Parce que si je ne redoutais pas la mort, je ne me laisserais pas faire pour autant.

Mais bizarrement ce soir, je n'avais aucune envie de voir la Lune se refléter dans le sang. Que ce soit le mien, ou le sien.

[...]


Peut-être bien qu'au fond, Anja est un peu comme cette mouche... Prise dans la toile du repentis elle essaie de se débattre de toutes ses forces, refusant la mort alors qu'au fond celle-ci serait bien plus agréable, bien plus paisible. Sauf que ça, elle est trop bête pour y penser.
Comme une mouche qui se débat.

_________________

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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptySam 12 Nov 2011 - 0:20

    - Est-ce que tu as peur de la mort ?
    Allie me dévisage de ses yeux immenses. Bleus à couper le souffle. Beaux à en pleurer. J’aurais envie de m’y noyer pour toujours. Sa voix, elle, est aussi tranchante qu’une lame de rasoir. Et ses mots tout aussi effilés. Allie dit toujours les choses de cette façon là. Comme s’il lui était impossible de ressentir quoi que ce soit. Pourquoi es-tu toujours aussi froide, Allie ? Et pourquoi faut-il toujours que tu me regardes avec ces yeux, comme si tu pouvais lire en moi comme dans un livre ouvert.
    - Est-ce que tu as peur de la mort, Evan ?
    Des questions. Encore des questions. Je ne veux plus aucune question. Tais-toi… tais-toi s’il te plait. Ne me regarde pas comme ça, ne me…
    - Oui.
    Et voilà. Tu as encore gagné. Je t’ai donné la réponse qui me semblait la plus juste mais, maintenant qu’elle a franchi mes lèvres, je la trouve un peu facile. Et un peu lâche. Toi, tu n’as pas peur de la mort. Tu n’as peur de rien.


    Le brouillard qui flottait autour de moi se dissipe peu à peu, tandis que je retourne sur terre. Les pieds fermement ancrés au sol.
    Abandonnant Allie et Evan à leurs inlassables questions.
    Comme tu as changé, Evan. Tant mieux pour toi, mon vieux. Tu n’aurais pas tenu bien longtemps, naïf et comblé comme tu l’étais.
    Mais si tu avais su dire à Allie, ce jour-là, que la seule chose dont tu avais peur était de la perdre, elle, tu n’en serais peut-être pas là.
    Non, stop ! Je me demande si je ne suis pas en train de devenir fou. Je ne suis pas seul au point d’avoir un deuxième moi pour me tenir compagnie à l’intérieur de mon crâne. Je suis déjà assez dérangé comme ça.

    On dirait que je l’étonne à présent. Une série d’émotions contradictoires défilent sur son visage, avant que je puisse les analyser. Peu importe, je m’en fiche.
    Mes mots l’ont touchés et c’est tout ce qui compte pour l’instant. Elle a ignoré ma menace. Tant mieux, je n’avais pas l’intention de la mettre à exécution. Elle m’intrigue, et cela a le don de m’agacer. Tout comme ce « nous » qui revient si souvent. Trop souvent à mon goût. Nous ne sommes pas une équipe, nous ne sommes même pas amis. Je ris intérieurement. Quelle blague ! Bien sûr que non, nous ne sommes pas amis. Je n’ai aucun –véritable- ami. Et je suis prêt à mettre ma main au feu qu’elle peut les compter sur les doigts d’une main. Et encore…

    Je pousse un soupir las. Je m’ennuie. Pas plus que je ne m’ennuyais avant de la rencontrer, certes. Mais je déteste m’ennuyer. C’est une perte de temps. Vous me direz, que représentent quelques minutes pour quelqu’un qui n’a plus rien à perdre ?
    Ou plutôt quelqu’un qui a déjà tout perdu.
    Il suffit d’un rien, pour que tout bascule. Il a suffi d’un rien pour que tu bascules.
    Blanc.
    Allie est là.
    Noir.
    Allie n’est plus là.
    Blanc.
    Allie est là.
    Noir.
    Blanc.
    Rouge.
    Allie est morte.
    La vie est si fragile, si tangible. Savez-vous ce que ressent un funambule sur son fil ? Il ne ressent pas de joie, pas de fierté, pas même de peur. Non. Tout ce qu’il ressent, c’est l’envol. Il est Envol. Harmonie. Equilibre.
    Autant de prouesses que jamais je n’atteindrais.
    Mais le funambule, lui, sait, combien son univers est vulnérable. La mort est là, au-dessus de lui, pour lui rappeler qu’il suffit d’un pas.
    Pour que ce soit le dernier.

    - Tu pourrais la retrouver ta vie. Y as-tu pensé ?

    Ailleurs, en d’autres circonstances, je lui aurais ri au nez. Je me contente de la regarder vaguement, une once de tristesse sincère dans mes iris argentés.
    Je me demande si elle croit un mot de ce qu’elle avance. Quelque chose me souffle que oui. Mais je préfère penser que non. Elle n’est pas si naïve.

    - Je crains que cela ne soit impossible.

    Et encore faudrait-il que je le souhaite réellement…

    - J’ai peut-être perdu ma raison de vivre, mais je ne suis pas encore mort. Et j’en bien l’intention de m’amuser avant de finir dans une boîte au fond d’un trou.

    Quelque chose dans ma tirade a sonné un peu trop fort. Un peu trop faux. Non, franchement Evan. Un aveugle s’en serait aperçu. Tant pis. J’aurais au moins essayé. Et il y a tout de même une part de réalité, là-dedans. Je ne suis pas désespéré au point de passer les années qui me restent à ressasser mes vieux souvenirs. Pitié. Je n’ai pas encore l’âge !
    La vérité c’est que personne ne pourra me ramener ma sœur. Une part de moi est morte et enterrée avec elle. Cela a toujours été ainsi. Nous avions beau être des jumeaux, il était clair qu’Allie était de loin la plus prometteuse. Et cela depuis notre naissance. Elle m’avait volé quelque chose avant même que j’ouvre les yeux sur la vie pour la première fois.
    Ce n’est qu’avec le recul que je m’en aperçois. C’est étrange. C’est étrange que je ne parvienne toujours pas à la haïr.
    Peut-être parce que, en dépit de ce qu’elle m’a enlevé, c’est elle qui m’a apporté ce qu’il y a de plus cher dans ce monde.
    L’amour.
    Chose que j’ai définitivement perdue lorsque son corps est tombé dans mes bras, inerte.
    Souffrance. Insoutenable.
    L’amour n’a rien de naïf. Non, l’amour est fourbe. L’amour est poison.
    Et l’amour s’est transformé en haine. Haine contre tout ce qui vivait alors que Allie était morte.
    Moi y compris. Surtout moi.

    - Quand à moi je n'ai pas peur de la mort. C'est plutôt la vie qui m'effraie.

    Au moins sur ce point nous sommes d’accord. La mort n’est, certes, pas toujours juste mais elle finit tôt ou tard par nous emporter. C’est dans la mort que nous sommes véritablement égaux. Et non dans la vie.
    Il suffit d’ouvrir les yeux pour s’en apercevoir.
    Un sourire naît sur mes lèvres. Je sais à présent que je ne la tuerais pas ce soir. Pas plus que demain ou dans cent ans.
    Cela lui ferait bien trop plaisir.

    Puis une idée me vient à l’esprit. Je feuillette une dernière fois les pages vierges de mon carnet, comme pour vérifier de n’avoir rien oublié. Elle ne contient rien, hormis les mots tracés par l’inconnue, rouge sur blanc. Je lui tends le cahier relié de cuir, sans aucun regret.
    J’ai la certitude qu’il n’aurait jamais rien contenu de plus que cette écriture griffonnée, tel une main tremblante, sur un cœur à vif.

    - Je pense que tu en auras plus besoin que moi.

    J’étends mes jambes et passe mes bras derrière ma nuque, la tête levée vers les étoiles. Je sens sa présence à côté de moi. Comme elle est sombre…
    J’extirpe une bouteille de ma sacoche. Je pousse un grognement en découvrant son contenu transparent. De l’eau ! J’hausse les épaules et en avale une longue gorgée.

    - À la vie. Ou à la mort, comme tu préfères.

    Puis je plante mes yeux dans les siens, un air énigmatique peint sur mon visage pâle. Il y a quelque chose de vrai dans ce que je m’apprête à prononcer. Comme une promesse.

    - Le monde n’est pas si laid, tu sais.

    Je ne regrette rien. La solitude a beau être ma plus fidèle amie –avec ma bouteille- je ne regrette pas de l’avoir troquée contre une compagnie humaine.
    Qui plus est, fort agréable à regarder !


_________________

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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyDim 20 Nov 2011 - 21:45


« Ce que les mouches sont pour des enfants espiègles, nous le sommes pour les dieux: ils nous tuent pour leur plaisir. »
Voilà ce que disait William Shakespeare dans l'un de ses écrits. Est-ce pour ça qu'Anja a laissé la mouche enfermée dans sa toile ? Pour se sentir comme un Dieu sur le pauvre insecte ? Pour avoir l'impression de contrôler quelque chose ? La souffrance d'autrui lui fait donc tant plaisir ?
Peut-être aimerait-elle aussi que l'inconnu rencontré soit enfermé dans une toile.
Et y crève.
Comme une mouche.

[...]

- Je crains que cela ne soit impossible.

Je l'ai regardé, mes yeux planté dans les siens. Se rendait-il compte des mots qu'il avait utilisé ? Pas la fin de sa phrase, maman, mais observe bien le début. Je crains.
Craindre.
Crainte.
Peur.
Voilà, c'était ça que j'entendais. Il ne pensait pas que c'était impossible, non, il avait juste peur de la retrouver. Abandonnant ainsi une partie de son passé. Abandonnant ainsi celui ou celle qu'il avait tant aimé. Et qui était parti. L'abandonnant. Il se sentait coupable du départ de cette personne. Comme moi je culpabilisais de ta mort. Et c'est cela qui l'empêchait de vivre et moi de mourir.
Une nouvelle fois nous étions liés.
Même jusque devant la mort.

- J’ai peut-être perdu ma raison de vivre, mais je ne suis pas encore mort. Et j’en bien l’intention de m’amuser avant de finir dans une boîte au fond d’un trou.

Menteur, menteur, menteur. Toi maman, tu n'as pas entendu le ton sur lequel il l'a dit, mais si ça avait été le cas, tu aurais éclaté de rire tellement ça sonnait faux. À en vomir.
La vérité c'est que quelque chose manquait à sa vie et qu'il avait accroché à sa vie un bout de son être. Un bout qui était mort avec cette personne, enterré avec sa personne et qui le hantait avec cette personne.

Il n'avait qu'à pas s'attacher autant.

J'ai failli lui hurler ça avec un petit sourire satisfait. Lui crier ça. Le lui balancer à la gueule juste pour voir ses traits se défaire et ses yeux refléter la tristesse. Juste parce que j'avais une envie soudaine et insolente de le faire souffrir.
Mais je n'ai rien dit.
Parce qu'il aurait pu me le renvoyer à la tronche. Moi aussi maman je me suis accrochée à toi. Je t'ai confié mon coeur alors que nous n'étions même pas si proche l'une de l'autre. Ce qui est le plus étrange, c'est que j'ai beaucoup plus souffert à ta mort qu'à celle de mon père alors qu'enfant j'étais plus proche de lui que de toi.
Alors que c'est-il passé ?
Peut-être est-ce parce que tu étais la dernière personne sur Terre à avoir de l'importance pour moi ? Ou parce qu'au fond je savais que c'était de ma faute si tu étais morte. Presque comme si j'avais glissé la bombe dans l'avion.

There is a plane.
Somewhere in the Universe.
Who exploded.
And exploded my heart.

Alors je me suis tue. Laissant mes mots retomber dans ma gorge, s'étrangler au fond de ma bouche. Je n'ai rien dit et j'ai juste regarder cet être qui, tout comme moi, n'avait plus de raison de vivre.
Encore une fois ce nous résonne...
Mais je suis décidée à le briser. À casser ce lien qui nous maintiens l'un à l'autre. Pourtant lorsque l'inconnu trop connu a refermé son cahier et me le tends, je me suis contentée de le prendre et le fourrer dans la poche de mon manteau.

- Je pense que tu en auras plus besoin que moi.

Pourquoi ai-je accepté son cadeau ? Pourquoi ne le lui ai-je pas renvoyé à la figure ? Je ne sais pas, mais je l'ai gardé, gardant aussi, quelque part en moi, ce "nous" tant haï. Je me contredisais et j'en avais conscience. Mais c'était comme ça.
Et je m'en fichais.

Puis il a étendu ses jambes en regardant les étoiles scintiller. Et moi je me suis assise à côté de lui, parce que j'avais à présent la certitude qu'il ne tenterait plus de m'attaquer. De me massacrer. De m'écorcher.
Il savait que ça me ferait bien trop plaisir.
Lui de son côté à sortit une bouteille remplie d'un liquide transparent. À entendre son grognement ça ne devait pas être de la vodka, mais très probablement de l'eau plate ce qui m'a fait sourire.

- À la vie. Ou à la mort, comme tu préfères.

Puis il m'a regardé dans les yeux, vrillant son regard au fond du miens comme si ce qu'il allait dire était infiniment profond. Puis d'un ton dramatique il a prononcé ces quelques mots :

- Le monde n’est pas si laid, tu sais.

Et moi, j'ai explosé de rire. Sincèrement. Faisant voler en éclat tout le sérieux de sa phrase. Je n'avais pas pu me retenir.
J'ai secouer la tête tout en saisissant dans mon sac une bouteille remplie d'un liquide tout aussi transparent que le sien à ceci près que chez moi c'était de l'alcool. Du vrai. Puis j'ai saisis la bouteille de l'inconnu pour la vider entièrement et ensuite la remplir à moitié de ma propre boisson.

- Et c'est toi qui dis ça ?

Je lui ai rendu sa bouteille avant d'avaler une gorgée de la mienne.

- Tu sais, à la mort de mon père les gens m'ont dit qu'il ne fallait pas que je pleure. Qu'il fallait que je sois heureuse, parce que c'est ce qu'il aurait voulu. Alors c'est ce que j'ai fais. Et à la mort de ma mère, personne ne m'a demandé d'être heureuse. Tant mieux, parce que si quelqu'un l'avait fait, je lui aurais rit au nez.

Une autre gorgée pour mieux délier ma langue.

- Et tu sais pourquoi ? Parce que ma mère n'aurait pas voulu que je sois heureuse. Je pense que, où qu'elle soit, elle s'en fiche totalement de mon bonheur. Alors c'est idiot de faire semblant d'être heureux.

Oui maman, ne tente pas de mentir. Je sais que tu as bien plus important à faire que de te préoccuper des mes petits malheurs. Ça a toujours été comme ça, même avant ta mort. Surtout avant ta mort. La seule fois où tu as vraiment été une mère, tu t'es faite exploser dans les airs.
Alors pourquoi te préoccuperais-tu de moi ?

[...]


Et dans cette grande toile qu'est la vie, qui est vraiment la mouche ?
Anja, sa mère ou l'inconnu ?

_________________

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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyMar 22 Nov 2011 - 20:53

« But in the end
Everyone ends up alone
Losing her
The only one who's ever known
Who I am, Who I'm not, Who I want to be »

    J’ai connu un jour une fille qui avait le don de lire dans les pensées. Littéralement. Une fraction de seconde à peine et nous n’avions plus aucun secret pour elle. Elle lisait en nous comme dans un livre ouvert. Et elle ne s’en privait pas. J’imagine que lorsque l’on possède ce genre de… capacités, dans mon cas en tous cas, on l’exploite au maximum, si vous voyez ce que je veux dire. C’est plutôt pratique.
    Vous n’avez qu’à regarder quelqu’un dans le blanc des yeux pour que ses pensées deviennent les vôtres. Pour qu’un lien invisible et secret se forme entre vos esprits. Saisissant, n’est-ce pas ? Terrifiant aussi.

    C’est cette même jeune fille qui m’a un jour avouée qu’elle n’avait jamais effleuré ne serait-ce qu’une ébauche de mes pensées. Pas parce qu’elle ne le pouvait pas, il n’existe, à ma connaissance, aucune façon d’y échapper. Non, c’était autre chose.
    Elle n’en avait pas envie, voilà tout. Au début je n’ai pas compris. Et je lui ai jeté tout mon mépris à la figure. Parce qu’après tout, cela n’était peut-être que des mensonges pour amuser la galerie !

    Aujourd’hui, lorsque j’y repense, je ressens une vague gratitude à son égard. Si elle a refusé de lire en moi, c’était probablement parce qu’elle savait déjà exactement ce qu’elle allait y trouver. Ou plutôt ce qu’elle n’allait pas y trouver.
    Suis-je si vide que ça ?
    Aux yeux de l’inconnue, on dirait bien que oui.
    J’adresse un remerciement silencieux à cette fille que je n’ai jamais revue. Lorsqu’on a vingt ans et des bricoles, qu’on est orgueilleux et encore plein d’ambitions, on est pas encore prêt à s’entendre dire que notre tête sonne aussi creux qu’un bout de carton…

    Mais toi tu n’es pas comme ça, n’est-ce pas. Toi, tes mots sont des flèches. Bien décidées à trouver leur cible. Et à s’y nicher bien profondément. Pour que ça fasse mal.
    Et ta cible, c’est mon cœur.
    Joker, Sweetie, je n’ai plus de cœur !
    Je ne te comprends plus… Pourquoi est-ce que tu t’acharnes ? Je n’ai rien à perdre, je te l’ai dit. Encore moins mon cœur. Alors vas-y. Achève-moi.
    À moins que ce ne soit pour toi que tu fais cela ? Pour te persuader que je suis comme toi.

    Elle me regarde. Je n’ai jamais lu autre part que dans les livres et pourtant, si son visage reste aussi inexpressif que du marbre, ses yeux en disent long sur le fond de sa pensée.
    Je la regarde à mon tour, je la regarde se débattre.
    Contre moi.
    Contre son passé.
    Ou contre elle.
    Qui sait ?
    On dirait qu’elle cherche à comprendre. À savoir qui se cache derrière mon masque de railleries. Elle te cherche Allie, mais je ne lui laisserais pas le plaisir de te trouver si facilement. Tu es encore trop loin. Il faudrait creuser, encore un peu…

    Elle a accepté mon présent sans rien dire, l’air de rien, mais cela n’était pas innocent. Rien n’est innocent lorsqu’on joue à un jeu aussi dangereux que le nôtre. Un jeu où notre passé, notre présent et peut-être même notre futur est en jeu.
    Esquisse de sourire.
    C’est un point de marqué. Même si j’ignore encore pour qui. Je suis au moins sûr d’une chose à présent : personne ne tuera l’autre ce soir. On ne fait pas de cadeau. C’est beaucoup plus amusant de regarder l’autre souffrir, livrer une bataille aussi vaine que ridicule, tel une mouche dans une toile d’araignée…

    Le silence qui a suivi ma tirade était significatif. Elle a marqué une brève hésitation puis son visage s’est fendu en un rire énorme, irrépressible, creusant ses fossettes. J’ai froncé les sourcils, ne sachant quelle attitude adopter. Curieusement, loin de me blesser, son rire a fait voler en éclats le dernier barrage qui nous séparait, et dont j’ignorais encore l’existence.
    J’ai haussé les épaules, et j’ai mêlé mon rire au sien.
    À nous entendre,
    On aurait presque cru,
    Deux vieux amis,
    Heureux d’être deux.
    Ridicule…

    - Et c'est toi qui dis ça ?

    Je vous avais tout de même prévenu que le rôle de donneur de leçon n’était pas mon terrain de prédilection. Alors quand je me mets à philosopher sur notre triste existence, je ne vous raconte pas ! À vrai dire, je suis presque soulagé qu’elle aie réagi de cette façon. J’aurais eu de grande difficulté à conserver mon sérieux si elle s’était lancée dans une discussion sur la vie et la mort sans verser sans le mélodramatique…

    Puis, sans crier gare, elle a saisi une bouteille au contenu d’apparence innocente, mais dont le liquide transparent m’est intimement lié. J’ai soupiré. Pour deux raisons. Un, nous partageons cette affection surdimensionnée pour l’alcool ; deux, je ne vais pas passer le restant de la soirée avec une misérable bouteille d’eau à moitié vide. Je ne sais pas laquelle des deux me fait le plus plaisir !
    Un point pour l’inconnue. C’est de bonne grâce que je lui accorde !
    Un sourire en coin pour madame et j’avale une longue gorgée du breuvage amer.

    - Tu sais, à la mort de mon père les gens m'ont dit qu'il ne fallait pas que je pleure. Qu'il fallait que je sois heureuse, parce que c'est ce qu'il aurait voulu. Alors c'est ce que j'ai fais. Et à la mort de ma mère, personne ne m'a demandé d'être heureuse. Tant mieux, parce que si quelqu'un l'avait fait, je lui aurais rit au nez.

    Il me faut quelques secondes avant d’assimiler ce qu’elle vient de dire. Dommage, on commençait juste à s’amuser…

    - Et tu sais pourquoi ? Parce que ma mère n'aurait pas voulu que je sois heureuse. Je pense que, où qu'elle soit, elle s'en fiche totalement de mon bonheur. Alors c'est idiot de faire semblant d'être heureux.

    Voilà. Elle vient de me balancer à la figure le triste historique de sa famille et, par la même occasion, cette ombre qui plane au-dessus d’elle, l’empêche d’être heureuse. De vivre sa vie.
    Ce qu’elle aurait du faire depuis longtemps. C’est encore une gamine ! Personne ne devrait avoir à choisir pour elle, si elle doit être heureuse ou non. Encore moins une morte.

    - Lorsque ma sœur est morte, on m’a promis que tout allait s’arranger, que la douleur s’effaçait avec le temps et que la vie continuait… Mais on sait tous les deux que c’est faux. Je ne fais pas semblant d’être heureux, puisque je n’ai jamais prétendu l’être.

    Je m’arrête, le temps d’un regard. Échange fugace.

    - Mes parents sont morts aussi. Je les ai tués.


    Aucune hésitation. Juste une vérité. Limpide. Glaciale.
    Ce n’est pas exactement la vérité, certes. Je n’ai jamais eu la certitude qu’ils étaient dans la maison lorsque celle-ci est partie en fumée. Et je n’ai jamais été vérifié.
    Toujours est-il que, pour moi, ils sont bel et bien morts. Morts et enterrés depuis longtemps.
    Si je n’ai pas cherché à me venger de la mort d’Alicia, c’est parce que, pour moi, ils étaient les seuls responsables. Ils ont payé pour ça.
    Mais cela ne m’a pas rendu la vie…


_________________

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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyDim 27 Nov 2011 - 23:47

Mais qu'est-ce que la mouche ?
Est-ce qu'elle a conscience de ce monde qui l'entoure ?
Qui s'écoule.
Pendant qu'elle s'écroule.

[...]

Je n'ai eu aucune peine à étaler mon passé devant cet inconnu. Aucune facilité non plus. Les mots ont juste coulé comme de l'eau clair. C'était simple, ce n'était que des mots, des syllabes, des sons qui, les uns sans les autres n'auraient eu absolument aucun sens.
Pourtant mis bout à bout, ils formaient une histoire.
Mon histoire.

- Lorsque ma sœur est morte, on m’a promis que tout allait s’arranger, que la douleur s’effaçait avec le temps et que la vie continuait… Mais on sait tous les deux que c’est faux. Je ne fais pas semblant d’être heureux, puisque je n’ai jamais prétendu l’être.

Ainsi donc c'était sa soeur. Une soeur qui avait arraché son coeur, je pouvais le voir dans le regard furtif qu'il venait de m'offrir.
Un regard qu'il aurait peut-être voulu cacher.
Un regard qui dissimulait mal la vérité.
Sa vérité.
Notre vérité.
Au fond, je crois qu'on souffrait plus qu'on a jamais bien voulu nous l'avouer. Tu sais maman, à ta mort j'ai pleuré durant des semaines, des mois. Sans relâche. Puis un jour j'ai relevé la tête, effacé les larmes, décidé que ça en était fini. Je n'ai plus jamais versé de perle aqueuse pour toi. Plus jamais je ne suis allée poser de lys sur la tombe de mon père. J'ai arrêté de regarder en arrière pour me contenter de fixer un horizon vide de sens.
Vide de connaissance.
Et aujourd'hui un inconnu marchait avec moi. À côté de moi. Je ne pouvais pas le voir réellement, mais je pouvais sentir sa présence à côté de moi. Son aura. Nous marchions au même rythme, vers le même espace vide, sans aucune réel sens. Le hasard nous avait-il placé sur le même chemin par caprice ou par envie ?

Le hasard n'existe pas.

À quel point étions-nous stupides pour ne pas nous rendre compte qu'il était peut-être à présent temps de changer de chemin. De prendre un virage. Faisions-nous donc exprès de nous enfoncer à ce point dans notre égoïsme, dans notre bêtise.
Ou alors c'était juste la culpabilité qui nous rongeait de l'intérieur.
Nous aveuglait.
La belle excuse !

- Mes parents sont morts aussi. Je les ai tués.

Pas de détour, pas d'hésitation. Il a dit ça comme de la même façon qu'il m'aurait demander si je voulais une part de tarte au pomme. Simplement. "J'ai tué mes parents", ce n'est pourtant pas anodin comme phrase. Et pour une personne comme moi qui regrette tant ta mort, la mort de sa mère, cela devrait me blesser, m'énerver, me choquer,...
Ça ne m'a rien fait.
Rien d'autre qu'un vide.

- Pourquoi n'es-tu pas mort avec eux ?

Question chuchotée, question cachée, question détournée. Demander à cet inconnu pourquoi il ne s'était pas suicidé après la mort de sa soeur ne m'a pas été possible. Moi la fille sans détour qui crache les mots comme la pieuvre crache son encre, je n'ai réussis qu'à me cacher derrière des mots et des semblants de questions.
Tu trouves ça pathétique maman ?
Je suis d'accord.
Mais je n'ai pas relevé ma question pour autant. Je l'ai laissée là, entre les mains de cet homme qui vivait sur le même temps que moi sous les mêmes étoiles que moi pour une seconde d'éternité. Je l'ai abandonnée dans ses pensées pour qu'elle s'entrechoque avec ses sentiments. Je l'ai délicatement posée sur son coeur, cherchant à perturber ses sentiments, à le déstabiliser.
Oui, c'était tout ce que je voulais.
Voir que lui aussi était faible.
"Aussi" parce que je sentais que quelque chose en moi était en train de se fendiller à l'aube de cette simple connaissance. Cet homme m'avait fait bougé du haut du parfait équilibre de méprise que je cultivais depuis ta mort. Ses simples mots, ses simples mimiques, sa simple simplicité... tout cela me faisait tomber. Mais je refusais de ne pas l'entraîner avec moi dans ma chute.
Si je tombais, lui aussi.

- Je ne sais pas pourquoi je ne tente pas de te tuer. Tout serait bien plus simple.

J'ai pris une gorgée au goulot de ma bouteille avant de fixer les étoiles. Sans sortir ma lame. C'est vrai, il aurait été tellement plus facile de tuer cet homme. D'éliminer ses questions et mes doutes en même temps que sa vie. De voir revenir mon assurance aussi sûrement que le sang aurait teinté le bitume.
Peut-être justement que c'était trop facile ?
Que ce n'était pas ce que je voulais.

Parce que tu sais maman, moi j'aime souffrir.

[...]


Pourvu que la mouche ignore tout.
Ignore qu'au bout de ses ailes se trouve tout un monde.
Ignore qu'après la mort c'est le vide.
Car si elle savait, elle souffrirait tant, qu'elle irait probablement se jeter contre un pare-brise.
Se suicider.

_________________

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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyVen 16 Déc 2011 - 22:31

* Avalé par des yeux immenses
En parler comme si c’était les miens
Nager dans tes yeux leur élégance
Voilà que moi, je baisse les miens... *

    Je ne ressens aucune honte à dévoiler ainsi mon histoire. Pas de fierté non plus. Rien qu’une vague lassitude. Et du vide. Du vide à l’infini.
    C’est pire que tout.
    Je tente de me souvenir de ma dernière larme, infime espoir que tout n’est pas perdu. Je n’y parviens pas. Pas de larmes, pas de cœur. Pas de cœur, perdu. Tout est perdu. Je suis perdu. Je regarde la fille. Je la regarde sans rien ressentir, si ce n’est un brin de gratitude. Finalement, le verbe perdre se conjugue mieux au pluriel. Nous sommes perdus. Nous, encore ce nous, toujours ce nous.
    Ce même « nous » qui fait miroiter l’illusion que nous ne sommes pas seul. Foutaises. Tout le monde est seul.
    Surtout nous

    La preuve ? Je n’ai pas été fichu de verser la moindre larme depuis la mort d’Allie. Je voudrais bien croire que mes yeux ont été desséchés s’il n’y avait pas une hypothèse plus plausible. Je n’ai plus jamais pleuré parce que je n’avais plus personne à pleurer. Fin de l’histoire.
    Mais ce que j’ai pu me montrer stupide ! Mes chances de briser cette fille en mille morceaux, comme je le désirais si ardemment, avoisinent le zéro pointé. Et mes tentatives étaient aussi vaines que ridicules.
    C’est comme enfoncer un couteau dans le corps d’un mort. Inutile.
    Mais si je ne peux pas la blesser, je peux encore la tuer. Je sais qu’elle y pense aussi. Elle pense à en finir. Maintenant. D’ailleurs, je ne lui en voudrais même pas.

    Je m’attendais à de la colère. Du dégoût. De l’étonnement. Ou ne serait-ce qu’un léger frémissement. Je m’attendais à une réaction de sa part. Mais pour quelqu’un qui a perdu ses parents trop tôt, elle me paraît bien impassible. Pas insensible non plus, non, juste vide. Je ne m’y attendais pas et je suis déçu.

    - Pourquoi n'es-tu pas mort avec eux ?

    Étrange question.
    Elle m’intrigue, m’attire puis m’agace. Pourquoi ne suis-je pas mort avec mes parents ? La réponse est tellement évidente.

    - Ils n’en valaient pas la peine.

    Ma froide détermination me fait presque sursauter. Mais cette fois je ne m’attends plus à ce qu’elle aie le moindre effet sur elle.
    Sa question en revanche, n’était pas anodine. Je mettrais ma main au feu qu’elle se contre fiche de savoir pourquoi je ne me suis pas donné la mort après avoir assassiné mes parents.
    Je lui souris froidement.

    - Mais la véritable question n’était pas plutôt : pourquoi ne suis-je pas mort avec elle, avec ma sœur ?

    Cette fille a la langue d’une vipère et ses mots sont poison. Le genre de poison qui vous torture jusqu’au dernier souffle. Alors pourquoi cette hésitation ?

    - Quand on est animé par la vengeance, on n’a pas le temps de mourir. Mais lorsque la vengeance a été accomplie, il ne nous reste plus qu’à vivre avec.

    Et attendre que le temps lui aussi finisse par mourir…
    Chaque mot offert à cette fille, c’est une partie de moi qui s’enfuie. Qu’elle me vole. Je suis sur le point de perdre pied. De m’abandonner au souvenir. J’avale une nouvelle gorgée d’alcool. Et pour une fois, je me fiche de la faiblesse dont témoigne ce simple geste.

    - Tu le sais, sinon tu ne serais pas là.


    Je crois. J'espère.

    Finalement, j’aimais mieux l’entendre rire. Allie riait souvent, elle aussi. Et elle avait un peu le même rire. Semblable à des millions de petites clochettes de verre. Le genre de rire qui semble vous insufflez qu’après tout ça n’est pas si grave, puisqu’on peut encore en rire.
    Mais la fille ne rie pas. Ne sourie pas. Ne parle pas.
    Elle n’est pas morte pourtant.
    Elle est même on ne peut plus vivante.

    Autrefois, Alicia et moi avions un chat. Un vieux matou marqué par le temps et la vie. Il ne m’aimait pas et je le lui rendais plutôt bien. En revanche, aussi étrange que cela puisse paraître, il s’était attaché à ma sœur.
    Je crois que, le jour de sa mort, le chat a immédiatement senti que quelque chose ne tournait pas rond. D’ailleurs, aveuglé par la rage, je me suis empressé de le lui jeter au museau. « Allie ne reviendra pas, saleté de chat ! elle ne reviendra jamais ! Elle est morte… »
    Et je me suis effondré en pressant contre mon ventre le coussin destiné à faire fuir l’animal. Il n’a pas bougé, c’est à peine s’il a incliné la tête sur le côté. Mais je crois qu’il avait compris. Il devait deviner que l’impensable s’était produit et que survivre allait nécessiter des mesures inimaginables jusque là.
    Ce jour-là, j’aurais donné très cher pour entendre l’éclat d’un rire, juste un instant.
    Seul le silence m’a répondu.

    La fille est comme le chat. Elle pense dominer l’univers du haut de son arrogance. Mais elle ignore qu’il suffit coup de vent pour qu’elle fasse plouf. Sauf que si elle coule, je coule avec elle. Alors sois gentil, le chat. Veille à atterrir sur tes quatre pattes.

    - Je ne sais pas pourquoi je ne tente pas de te tuer. Tout serait bien plus simple.

    J’hausse un sourcil, mi-amusé, mi-irrité. Nous y sommes. J’ai moi-même retourné la question pendant une éternité avant de parvenir à la conclusion que c’était loin d’être si simple. Ça le serait, probablement, les quelques heures qui suivraient sa triste mort, mais une fois ce délai écoulé, les questions resurgiraient d’elles-mêmes. Car une fois que le doute est bien profondément ancré en vous, il n’y a plus moyen de l’y déloger.
    Non, la tuer ne résoudrait rien.
    Cela me laisserait seul face à des questions, sans plus aucune chance d’obtenir des réponses.

    Le doute, à deux, c’est mieux.

    - Ne te gêne pas, je ricane.

    Essaye toujours, ajoutent mes yeux.

    Je regarde ses cheveux se teinter d’or sous le clair de lune et ses yeux reflètent des millions d’étoiles.
    Puis je disparaîs dans l’ombre, en priant pour qu’elle n’aie pas remarqué le sourire qui, l’espace d’un instant, a éclot sur mes lèvres.

    Et si l'on marchait jusqu'à demain ?


_________________

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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptySam 17 Déc 2011 - 19:08

Que serait une mouche sans aile ?
Que ferait-elle ?
Où irait-elle ?
Au fond, les ailes des mouches sont un peu son échappatoire. Sa liberté. Une mouche sans aile serait une déchéance pour cette espèce. Cela signerait son arrêt de vie. Sa mort.
Adieu les ailes, adieu la mouche.

[...]

- Ils n’en valaient pas la peine.

Vide... C'est tellement vide en moi. Ressens-tu ce vide très cher inconnu ?
Je m'excuse maman, à nouveau je m'adresse à un autre que toi dans une de tes lettres. Ça ne m'était jamais arrivé avant de venir à Little Angleton. Comme il ne m'était jamais arriver de cacher mes questions. De ne pas tuer un ennemi. Peut-être que je devrais repartir. Fuir. M'effacer.
Mais pour l'instant je ressens juste le besoin de m'adresser à cet homme. Cet homme qui a bouleversé mes certitudes, qui a éradiqué mes habitudes. Cet homme qui m'a pratiquement insultée à travers le meurtre de ses parents. Alors pourquoi je le laisse vivre ? Et pourquoi je détourne mes questions, tant de pourquoi, trop peu de réponses.
Maman aide moi.
Pourquoi ce vide ?

- Mais la véritable question n’était pas plutôt : pourquoi ne suis-je pas mort avec elle, avec ma sœur ?

J'ai relevé les yeux, tentant d'accrocher mon regard au sien. D'accrocher le vide au vide. Le rien au rien. Lui et moi on est un peu comme des côtés d'aimant. Tu sais, le côté négatif. Pourtant, deux signes moins se repoussent, n'est-ce pas ? Alors pourquoi m'intrigue-t-il autant ? D'où vient cette fascination ? Cette envie de bousculer les règles de la physique ?

« Et si ce soir, on dansait le dernier slow ? »

- Quand on est animé par la vengeance, on n’a pas le temps de mourir. Mais lorsque la vengeance a été accomplie, il ne nous reste plus qu’à vivre avec.

Je l'ai sentit perdre le pied. Tomber, se noyer au milieu des aveux. Au milieu du passé. Perdu comme moi dans le vide de l'indécision. Un vide ennuyeux, coupable, culpabilisant. Face auquel on ne peut rien faire.
Jusqu'à ce que le temps lui aussi finisse par mourir...

- Tu le sais, sinon tu ne serais pas là.

J'ai fermé les yeux. Les ai rouvert. Ai fouillé dans mon sac. Sorti une cigarette. L'ai allumée. Tirer une bouffée. Inspirer. La rejeter. Expirer. Regarder les volutes. De fumée. Partir. Dans les airs. Voler. Dessus des toits.
Fumer.

- Qu'est-ce qui te fait croire que j'ai accompli ma vengeance ?

En fait, je crois qu'il m'agace. Il croit me connaître, essaie de m'analyser, m'observe. Puis il est déçu quand il voit que je ne réagit pas, que je reste neutre devant ses mots. Il pue. La déception, la supériorité, le rien.
Mais est-il vraiment déçu de moi, ou de lui-même ?
J'aurais dû lui poser la question. Peut-être. Ou peut-être pas en fait. Ce n'est pas parce qu'il ne ressemblait à rien d'autre qu'à une carapace vide, qu'il n'avait pas de cerveau. Et qu'il ne pouvait pas se rendre compte de lui-même, que celui qu'il était en train d'analyser avec tant de véhémence, ce n'était pas moi. Mais lui.

Maman... te souviens-tu de Diego ? C'était ton père, je sais. Celui qui m'a élevé aussi. Mais t'en souviens-tu vraiment ? Est-ce que tu as hésité au moment de le tuer ? Il n'y a eu aucun témoin et comme tu es morte, je ne le saurais jamais...
Enfin si, de témoin il y en a eu un. "Minou", le poisson rouge de Diego au nom si original... Tu te souviens de lui maman ? De Minou. Moi, parfaitement. Parce que j'en étais terriblement jalouse.
Diego n'était pas très tendre avec moi. Je ne cherche pas ici à me plaindre, parce qu'il n'a jamais levé la main sur moi. Jamais. Ni pour une gifle, ni pour un geste tendre. Pas de fessé, mais pas de câlin. Pas de vrai colère, d'éclat de voix. Mais pas non plus de tendresse, d'éclat de gentillesse. Juste des mots d'un ton tellement neutre et qui se répercutaient en moi comme des reproches. Et il y avait aussi ses regards. Les mêmes que les tiens en fait. Et les même que les miens maintenant d'ailleurs. À croire que l'arrogance est un gène qui se transmet.
Mais Diego n'était pas arrogant avec Minou. À croire que ce poisson, ce fichu poisson, était plus important que moi. Il l'aimait, lui. Alors que moi, encore aujourd'hui, je doute qu'il ait éprouvé pour ma personne autre chose que de l'indifférence.
Et quand Diego est mort... quand tu l'as assassiné sur ordre de la Croix... Minou s'est retrouvé tout seul. Plus personne pour le nourrir, pour nettoyer son aquarium, pour l'aimer. Et il est mort. Mort alors que je restais là à le regarder crever, avec trop de haine dans mon coeur pour seulement le nourrir.
Mais moi maman ? Au fond je suis un peu dans le même cas que Minou. Plus personne pour m'aimer, pour être avec moi, pour m'élever. Minou est mort.
Et Anja ?

Anja aussi est morte.

- Ne te gêne pas.

Je l'ai fixé alors que ses yeux semblaient me toucher. Il regardait mes cheveux, mes yeux et moi... Moi je regardais ses cheveux, ses yeux et toi...
Non pas toi maman. Lui. L'inconnu.
Ne pas me gêner. Mais pour quoi ? Pour avoir le droit de l'observer, les contempler, le fixer ? Ou pour pouvoir le tuer, l'occire, l'assassiner ? Un maigre instant, j'ai eu l'impression qu'un sourire se faufilait sur ses lèvres. Mais ce n'était sans doute qu'une illusoire illusion et, plus le temps avance, plus je doute que ses lèvres se soient échancrées pour moi.
Puis l'ombre l'a avalée.
Et si l'on marchait jusqu'à demain ?

Je me suis avancée vers lui, comme hypnotisée par ce je ne sais quoi que me cachait l'ombre de la nuit. Apeurée ? Sans doute pas. Intimidée ? Peut-être. Fascinée ? Pour sûr.
Doucement, je me suis rapprochée, proche, très proche. Et ma main a alors effleurée la sienne une première fois, avant d'y revenir une seconde fois, pour s'y accrocher. Mes doigts s'enlaçant dans les siens, ma paume dans la sienne, sa peau contre la mienne.
Puis, sans cessé de continuer à chercher son regard dans le noir obscur, mon autre main a remonté jusqu'à ma bouche, là où brillait encore le bout incandescent de ma cigarette, presque un mégot à ce moment là. Je l'ai décroché de mes lèvres puis, d'un geste rapide un peu comme pour contraster toute la lenteur dont j'avais fait par auparavant, je l'ai amené dans son cou afin de l'éteindre contre sa peau.
Certaine femme laissent des suçons, il faut croire que moi je préfère les brûlures.

- Ça fait mal ?

Remplir mon vide par le sien.


Les mouches sans ailes ne sont plus des mouches.
Retour à l'enfance.
À la larve.
Et une Anja sans ailes ?
Volerait-elle encore ?

_________________

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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyLun 19 Déc 2011 - 0:30

* Je veux juste une dernière danse,
Avant l’ombre et l’indifférence,
Un vertige puis le silence… *

    Les opposés s’attirent. Comme l’attraction des aimants, comme le centre de gravité de la Terre, comme la loi de la pesanteur. Comme ces deux étrangers, ces deux inconscients qui s’attirent et se repoussent sans vraiment savoir laquelle des deux forces sera la plus puissante.
    Comme nous.

    Mais je vois bien qu’elle ne me croit pas. Elle ne voit en mes paroles que mensonges et trahison. Mes paroles ne sont que mensonges et trahison. Ou plutôt n’étaient. Jusqu’à ce soir. Je crois que j’ai débité plus de vérités en une heure que je ne l’avais jamais fait en un siècle.
    Des vérités qui ressemblent étrangement à des aveux.
    Ces aveux, je les lance dans la nuit, je te les jette à toi, en priant pour que tu les oublies au plus vite tout en espérant secrètement que jamais tu ne le fasses.
    Ces aveux, j’attends que tu me les rendes au centuple tant ils m’ont coûté. Me coûtent encore. Et continueront indéfiniment.

    Nous sommes semblables à deux mouches, incapables de déplier leurs ailes brisées, incapables de s’envoler, prisonnière d’une toile qu’elles ont contribué à tisser. Plus on tente de remonter à la surface, plus on s’enfonce. Alors on se regarde l’un l’autre en espérant être le moins enfoncé des deux.

    Elle ferme les yeux, allume une cigarette, fume et recommence. Encore et encore. C’est un jeu répétitif, un peu lassant.
    Fumer tue. Tu devrais le savoir.

    - Qu'est-ce qui te fait croire que j'ai accompli ma vengeance ?

    Rien. Un million de choses. Un regard volé. Tout. Et pas grand chose.

    - J’ignore si tu as accompli ta vengeance. Mais sans elle, tu serais morte depuis longtemps.

    La vengeance n’est peut-être pas une cause des plus nobles, mais le fait est qu’elle nous maintient en vie.
    On n’est pas mort, mais pas tout à fait vivant.
    Plus vraiment vivant, mais pas encore mort.
    Mort, sans être autorisé à mourir.
    Vivant, mais pour ainsi dire mort.
    Mais tôt ou tard, il faudra bien qu’elle se rendre à l’évidence. Accepter le fait qu’elle n’est qu’une fille meurtrie, blessée. Qui n’a pas d’ailes. Et plus de mère.

    D’ailleurs, elle n’est plus tout à fait là, tout à coup. Oui, elle, cette fille, qui cultive la supériorité et l’arrogance comme un jardinier cultive ses tomates, est presque devenue transparente.
    Je ne sais pas où elle se trouve exactement, mais ça a l’air loin, très loin dans ses souvenirs.
    Un souvenir heureux ou malheureux. Peu importe.
    La douleur qui en découle est la même.
    Sa main a effleuré la mienne. D’abord prudemment, comme pour ne pas se brûler. Je frissonne au contact de sa peau glacée. Puis nos doigts se cherchent, se trouvent, s’enlacent. Ne se lâchent plus.
    Ce geste ne signifie rien. Et pourtant il est tout.
    Sa main libre remonte vivement jusqu’à ses lèvres. La cigarette quitte sa bouche, s’écrase contre ma nuque, s’éteint.
    Je tressaille. Serre les dents. Inspire. Expire. Doucement. Sourie presque.
    Je te reconnais mieux ainsi.

    - Ça fait mal ?

    Je ne sais plus très bien si elle parle de la brûlure ou de ma sœur. Sûrement un peu des deux. Mais la douleur physique n’est rien face à la douleur mentale.
    Je retire sa main de mon cou avec douceur mais fermeté.
    Est-ce que ça fait mal ?
    La douleur infligée par sa cigarette n’est plus qu’un lointain souvenir.
    L’autre, en revanche, est toujours là. Toujours la même. Depuis des années.
    Est-ce que ça fait mal ?
    Les yeux dans les yeux, la main dans la main, j’hoche la tête en silence. Et je sais qu’elle sait. Elle sait que la douleur, ma douleur, notre douleur, ne vient pas d’une quelconque blessure. C’est une petite fêlure dans l’âme, qui, au fil des années, est devenue un gouffre. Insondable. Un gouffre intérieur qui nous consume un peu plus chaque jour.
    Comme une cigarette.
    Le gouffre se nourrit de notre haine, de notre vide mais surtout de nos souvenirs.
    Souvenirs…

    Allie et moi avons huit ans, peut-être neuf. C’est l’hiver. Il fait froid. Nous jouons autours d’un feu, en faisant griller nos brochettes de papier.
    Allie est trop près du feu, bien trop prêt. Je lui crie, mais elle ne veut rien entendre. Elle danse, joue autour des flammes. Elle risque de se brûler. À force de jouer avec le feu, on se brûle, c’est bien connu. Mais je suis trop fasciné pour le lui dire.
    Ses cheveux d’or tournoient dans la lumière vive, si bien qu’on croirait un soleil, sur le point d’exploser de mille feu.
    Puis soudain, elle trébuche, sa petite main heurte les flammes vives. Elle pousse un cris de surprise et en retire ses doigts rougis. Je lui jette un regard où la colère le dispute à l’admiration. Je m’attendais à la voir pleurer mais non. Elle éclate de rire…
    - Même pas mal !
    … et recommence à danser, comme si de rien n’était.


    Ce n’était qu’un accident de rien du tout. Un petit bout de vie parmi tant d’autres. Alors pourquoi celui-ci ?

    Même pas mal. C’est ce qu’Allie aurait dit aujourd’hui.

    Je passe un doigt sur ma brûlure. La peau est à vif. Elle mettra sûrement du temps à cicatriser. Mais il me restera toujours une marque.
    Encore un souvenir.
    Un souvenir d’elle.
    Comme si je pouvais l’oublier…

    Je prends conscience à cet instant précis que sa paume est toujours serrée contre la mienne.

    Elle et moi contre le monde entier ? Pourquoi pas.
    C’est ridicule.
    Mais pas plus ridicule que moi tout seul…


_________________

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MessageSujet: Re: Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]   Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] EmptyVen 23 Déc 2011 - 23:22

C'est comme un avion sans aile.
Qui tombe.
Explose.

Mais c'est juste une mouche qui meurt.
Cesse de voler.
S'éteint.

[...]

- J’ignore si tu as accompli ta vengeance. Mais sans elle, tu serais morte depuis longtemps.

Et qu'est-ce qui lui dit que je ne suis pas morte ? Car moi je ne me trouve pas très vivante comme fille. Biologiquement, peut-être. Je respire, mon coeur bat, mes organes vitales fonctionnent... Mais dans ma tête, dans mon esprit ? J'ai l'impression d'être morte, complètement amorphe. Je survis tout juste... Car à quoi bon vivre sans toi maman ? Plus de sentiment, plus d'amour, plus de larmes. Plus de cri, plus de haine. Au fond l'inconnu avait raison, en moi il ne restait plus que la vengeance.
Une vengeance contre moi-même. D'une telle absurdité que l'on pourrait me croire folle. Mais peut-être tout simplement que je le suis. Complètement folle.

Le bout incandescent de ma cigarette est allée s'éteindre dans le cou de l'homme. Je l'ai fixé, droit dans les yeux. Alors cher inconnu, as-tu mal ? Il a serré les dents, inspiré, expiré, presque sourit. Sourit ?
Pourquoi cette attitude m'a-t-elle plut ?
Alors, as-tu mal ?
Sa main est venue déplacer la mienne, pour libérer la brûlure, la montrer au grand jour.
Une toute petite blessure.
Si petite...
Minable.
Et pourtant dans ses yeux, je sens le brouillon de sentiments. Je sens la douleur qui n'est pas seulement physique. Qui est loin d'être physique. Qui ne l'a jamais été. Yeux dans les yeux, main dans la main, sur la même longueur d'onde. Pathétique. Et d'un hochement de tête, il a confirmé mes pensées. Toutes mes pensées.
Il souffrait. De l'intérieur.
Je souffrais. De l'intérieur.
Nous souffrions.
Nous souffrons.

Souvenir.
Souvenir.

J'avais trois ans. Mes pensées sont floues, mais un visage reste bien présent dans mon esprit. Un visage défiguré, oeil au beurre noir et bleu le long de la mâchoire. C'était le visage de mon père. Un visage détruit par les coups et les blessures.
- Ça fait mal papa ?
Il a alors sourit. De son sourire de père près à battre l'Univers pour son enfant. Prêt à combattre l'Univers pour moi. Seulement moi. Uniquement moi.
- La seule douleur qui puisse m'affecter, ça serait de vous perdre. Toi ou maman.
Tu te souviens de cette époque maman ? L'époque où on formait encore une famille heureuse... Une époque révolue depuis tellement longtemps...

Nos doigts étaient toujours entrelacés. Lui et moi. Moi et lui. Nous, tout simplement.
Nous.
Moi qui déteste ce mot...

Il a effleuré de son doigt la blessure que je venais de lui faire. Petite blessure deviendra cicatrice. Cicatrice à jamais. L'inconnu est marqué. M'est marqué.

- Tu m'appartiens.

Mot murmure, mot secret. Juste entre lui et moi. Personne d'autre. Puis j'ai approché mes lèvres de son cou afin d'effleurer d'un baiser la cicatrice.
Baiser magique, bobo envolé.
Baiser offert, bobo enfoncé.
Baiser empoisonnée, bobo effondré.

- Tu m'appartiens...

Puis j'ai détaché mes doigts des siens. Relâché la tension entre nous, relâché la relation de deux être perdus.
Relâché le nous qui nous lie ?
Pas vraiment.
Vraiment pas.
Le nous est resté là, mais moi je suis partie. Envolée, planant, lévitant. Doucement engloutie dans l'ombre de la nuit. Loin de l'inconnu. Loin du nous. Loin de toute cette douleur.
J'ai fuis.

Et j'en ai honte.

Ich liebe dich Mutti,
Anja


Et quand les avions et les mouches seront écrasés.
Qui pourra encore voler ?

_________________

Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja] 0a90


« Oiseau moribond, elle est plus proche de l'envol que je ne l'ai jamais été et j'ai mal.
Déchirure.  »



« Pis donner à bouffer à des pigeons idiots
Leur filer des coups d’ pieds pour de faux
Et entendre ton rire qui lézarde les murs
Qui sait surtout guérir mes blessures »


- Do you know how to fight ?
- And you, do you know how to die ?
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Attends un peu qu'on se déteste. [PV Anja]

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