« L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine »

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 « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine »

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Bleuann W. Soul
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MessageSujet: « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine »   « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine » EmptyMar 8 Mai 2018 - 23:35

1 mars

Tes cheveux se dressent presque sur ta tête sous l’effet de la furie alors que tes yeux fous parcourent le document.
Ange Hannelore Rejes. Fils de Viola Schmitt. Membre d’Orpheo. A réussi à vaincre Anja von Duisbourg au corps à corps.
Les informations te frappent une à une. Autant de coup répétés dans ton cœur et dans ton cerveau.
Fils de Viola Schmitt. Bien que l’affaire « Schmitt » se soit déroulée bien avant ta naissance, elle marque de sa noirceur les livres de Rosenrot, comme autant du sang qui a coulé jusqu’à ce que l’organisation, alors bien moins puissante qu’en ce moment, ne parvienne à décimer une bonne partie des Schmitt et à interdire le territoire allemand les rares qui avaient échappé au massacre.
Membre d’Orpheo. Comme si cela ne suffisait pas qu’Ange soit le descendant d’une famille haïe par Rosenrot, voilà qu’il était également de l’autre côté du champ de bataille. Était-il d’ailleurs présent lors de l’attaque du Mystery Orphanage ? Vous êtes-vous croisés, avez-vous tué à seulement quelques mètres l’un de l’autre, séparé par à peine un mur ?
A réussi à vaincre Anja von Duisbourg au corps à corps. Depuis quelques temps ta cheffe – et future belle-sœur, tu ne t’en remets toujours pas – est d’une humeur exécrable. Au moins ceci explique cela. Mais le fait que ce soit précisément l’homme avec qui tu sors et pour qui tu commences à avoir des sentiments qui l’ait mis au tapis... Non, décidément non.
Que dirait Allen s’il savait ?

Bien que tu n’aies pas revu Ange depuis plus d’un mois à cause de ta mission avec Olive en Antarctique, tu n’hésites pas lorsque tes doigts effleurent le digicode de l’immeuble de ton amant. Sans t’attarder sur l’ascenseur, tu montes quatre à quatre les escaliers portée par la fureur. Tu ignores même si le jeune homme sera chez lui ou si son colocataire sera présent, mais tu t’en fiches. Tu es bien décidé à régler cette plaisanterie.
Mon Dieu si ton père savait...
Peut-être qu’il te mettrait une claque à te dévisser la tête avant de t’enfermer des heures durant dans la moiteur d’une cave. Les punitions d’Allen ont toujours été violentes, y compris pour toi, petite dernière de la famille. Ou peut-être qu’il te dévisagerait, froidement, les bras croisés avant de lâcher négligemment « Ça ne m’étonne pas. Tu n’as jamais rien su faire d’autre que de nous décevoir ».
Et dire que tu pensais enfin avoir trouvé quelqu’un. Quelqu’un pour toi, quelqu’un capable de t’aimer, de te supporter, de te comprendre. Quelqu’un avec qui partager le poids de ton pouvoir. Un sorcier à aimer.

Petite sorcière finira toujours seule.

Arrivée devant la porte, tu te attrapes la clé que tu sais cachée sous le paillasson et tu ne toques même pas avant d’entrer dans l’appartement, toujours envahie par la colère. Tu aperçois la veste d’Ange accroché au porte-manteau et un soulagement t’envahit. Il est chez lui. Tu n’aurais pas à patienter comme une idiote, mais tu vas pouvoir le confronter directement, sans laisser à ta colère le temps de reposer.
Sans plus attendre, tu traverses le hall d’entrée et le salon, jusqu’à arriver dans sa chambre. Tu ne toques pas et rentre d’un coup ; tant pis s’il était en train de faire quelque chose de privé. Tu n’en as que faire de tout ça, il y a déjà eu trop de secrets et de non-dits entre vous. Quelque part, ta lame te démange.

Cependant, en entrant, tu te stoppes d’un coup. Tu tombes nez à nez avec un Ange tout juste vêtu d’une serviette autour de la taille. Surprise - tu ne t’attendais pas à tomber face à lui dans une telle tenue -, tu t’arrêtes un instant, ton regard tombant sur le dessin de ses muscles trahissant les heures d’entraînement. Tu ne peux t’empêcher de repenser à vos heures sous les draps et à la force qu’il est capable de déployer. Tu repenses à son corps, ce corps félin qui reflète si bien son pouvoir et tu frissonnes. C’est un fait ; vos corps vibrent à l’unisson durant le sexe, comme s’ils avaient toujours été faits pour être ensemble. Ce corps puissant, si puissant...
... d’un coup les images se substituent et tu imagines ce même corps contre celui de ta cheffe, à la frapper. Anja von Duisbourg, pourtant si prudente et puissante. Comment a-t-il pu ? Comment a-t-il réussi ?
Les mots t’échappent.

- Je sais pas. Je sais pas ce que j’avais imaginé, mais sans doute pas tout ça. Je veux dire... C’était possible que tu sois à Orpheo, bien sûr que j’y avais pensé, mais je m’étais prise à espérer que tu sois un solitaire... Et voilà que j’apprends qu’en plus tu es un descendant des Schmitt !

D’un geste tu balances sur le lit devant toi le dossier que tu as pris à Rosenrot. Tu ignores même ce qui t’a poussé à ouvrir ce dossier alors que tu étais simplement dans la salle des missions à tenter de remplir ton propre rapport, Olive ayant balancé quelque chose comme « Il me font chier avec leur rapport, normalement c’est toujours Cyan qui gère ça alors démerde toi ». Super grand frère.
Mais toi non plus tu n’aimes pas tellement remplir les rapports et ta concentration s’était égarée jusqu’à la pile de dossiers en cours. Tu avais alors commencé à en parcourir certain, ignorant si le règlement t’autorisait ce genre d’intrusion. Et c’est ainsi que tu étais tombée sur celui d’Anja. Un instant tu t’étais dit que ça serait rigolo de voir ta cheffe autrement que comme la froide femme qui te toisait parfois aux hasard des couloirs.
Effectivement. Ça avait été tordant.
Et maintenant tu étais là, ce dossier que tu n’avais probablement même pas le droit de lire et certainement pas le droit de sortir du QG de Rosenrot, étalé sur le lit de ton amant. Sur les mêmes draps qui avaient portés vos ébats.

- Et Anja... Qu’est-ce qui t’a pris de t’en prendre à ma cheffe ? Tu es candidat au suicide ?

Tu bouillones, sans bien savoir pourquoi. Est-ce parce que vous êtes dans des camps opposés ? Ou parce que tu te rends compte qu’il prend des risques inconsidérés et que tu aurais pu le perdre.
Romeo et Juliette c’est joli sur le papier. Mais dans la vie, rien n’est si facile.


Dernière édition par Bleuann W. Soul le Jeu 28 Mar 2019 - 16:28, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine »   « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine » EmptyMar 21 Aoû 2018 - 0:17

Stars are magic, life is tragic

Il y a des blessures sur le corps d'Ange qui ne quittent pas son esprit. Il y a des combats qui ne s'oublient pas, et même si l'été fleurit et assèche à Londres, il y a toujours le frais de l'hiver berlinois dans ses muscles. Ange a fermé les yeux et laisse couler de l'eau chaude sur sa nuque. Nu, dénué de tout, même de pensées, il se contente de laisser flotter son esprit, dans le vague, un vide d'un autre monde qu'il ne peut nommer. Il est bien. Il a de la douleur dans les membres, la difficulté de l'existence, mais il a surtout l'envie d'exister, l'espérance que tout aille mieux. Lui va bien. L'agonie du reste du monde le torture. Il pense aux yeux de Bleuann. Ce vert-bleu si spécial, qu'il adore dévorer, après le sexe, pendant, lorsqu'il peut les voir. Le matin, au réveil. Les rares fois après qu'elle ait lâché un éclat de rire.

Ange sourit sous les gouttes d'eau. Un claquement de porte, qu'il ressent aussi profond qu'un coup de tonnerre, en fait tomber quelques unes. D'un geste sec, il coupe l'eau. Une peur sourde, irrationnelle gronde dans son ventre. Maintenant, il a froid. Plus de béatitude, tout ce qui ornait son courage a disparu. Il entend des pas légers, mais forts. Glaciaux.
Interloqué, il se réveille tout à coup et sort de la cabine, empoigne une serviette et la noue autour de la taille. Il est presque sûr que c'est Bleu, ou peut-être qu'il a juste envie que ce soit elle. Il se demande ce qui pourrait ne pas aller.

Il s'est à peine séché et ses gouttelettes le suivent lorsqu'il arrive dans sa chambre, adjacente à la salle de bain. Elle est là.

Droite, vibrante d'une colère qu'il entend sans le moindre son que celui du papier jeté sur un lit. Un morceau de carton l'entourait, peut-être. Il y jette un œil. Il ne sait pas ce que c'est. Il ne regarde pas, parce qu'il sent que les yeux cruels, le menton volontaire et le visage émacié de la sorcière vont le lui dire.

Il a raison parce que les mots tombent, tranchent dans le vif du tissu du déni. Ils sont lourds, ils révèlent. La vérité, c'était ça. Depuis le début. Pourtant, aucun des deux n'a jamais vraiment cherché à mentir. Si ?
Il ne saurait répondre, le sujet n'est jamais venu sur le tapis. Ok, en étant tout à fait honnête, ils l'ont évité. Ange ne s'est jamais vraiment demandé si Bleu était d'Orpheo, de Croix, de Santiago. Il s'en foutait. Bien qu'elle possède des pouvoirs et puisse comprendre les siens, elle a toujours été son échappatoire, elle qui n'est pas de l'orphelinat, pas dans les missions, dans les combats. Elle est juste dans sa chair et dans son cœur, ça lui suffit.

Sauf que tout éclate, là, ça se brise. Il n'était pas prêt. Pas qu'il eut pu l'être, dans tous les cas. Il entend très distinctement un violent brouillard de mots rouges, parmi lesquels Orpheo, et Schmitt. Ce nom qu'il ne porte plus depuis qu'il a retrouvé Luka vient heurter son cerveau et ses souvenirs, plutôt récents. Janvier, Berlin. C'était là la dernière fois qu'on avait utilisé ce patronyme en pensant à lui. Anja. Von Duisbourg. Elle aussi sorcière froide, superbe, blessante.

Il entend très clairement son prénom d'ailleurs, dans la bouche de sa copine. Anja. Anja. Anja. "Ma cheffe". Et donc il n'est pas abruti, la connexion se fait très rapidement. La serviette tombe, d'ailleurs. Il la rattrape tant bien que mal, la renoue autour de sa taille, et fait un pas vers Bleu, la bouche entrouverte. Il ne sent pas de colère. Juste des larmes, qui piquent le coin des paupières, et il s'avance encore. Il entoure de ses bras la sorcière glaciale, et ne dit rien, il met juste son nez dans ses cheveux, une larme tombe sur son épaule, il est encore humide de toute façon. Il ne sait pas quoi répondre. Les mots ne sortent pas, même s'il veut aller au plus simple, ça ne vient pas. Il prend une grande inspiration, il attend.


- Elle m'a attaqué.

Ça part d'un coup, c'est douloureux, comme enlever une grosse écharde, ou enfoncer une aiguille pour une prise de sang. D'ailleurs, ses mots aspirent toute son énergie. Ange déglutis. Il serre Bleuann un peu plus fort et dit doucement, comme un enfant :

- Elle voulait me tuer.

Puis il ferme les yeux, attendant l'orage. Il ne sait plus ce qu'il se passe. Bleuann, Rosenrot. Il n'arrive pas à lui en vouloir. Il voudrait juste oublier la guerre. Il pense à Myaw. Esclave. Peut-être qu'elle sait, elle. Peut-être que s'ils s'aiment assez, elle l'aidera. Oh Ange rêve, rêve toujours.
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MessageSujet: Re: « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine »   « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine » EmptyMar 21 Aoû 2018 - 22:56

Le sang te brûle les veines et tu as envie de t’arracher la peau. Ou de créer une cabane avec les draps du lit d’Ange sous laquelle vous pourriez vous réfugier en mangeant des petits beurres et en vous racontant des histoires d’horreur.
Les mêmes draps sur lesquels gisent à présent les feuilles d’un dossier qui sont autant de flèches dans ton cœur. Des flèches qui vibrent et qui bourdonnent dans ta tête ; mais pourquoi rien ne peut jamais être simple ? Tu repenses à ton frère, Green, et à sa conquête de jeunesse, Chloé. Tu n’ignores pas le meurtre de cette dernière, sans doute commandité par ton père. Alors qu’elle était humaine, juste humaine... Que pourrait-il faire à un exorciste d’Orpheo ? Pire que la mort, sans doute pire que la mort.
Tu ne peux pas non plus t’empêcher d’avoir une pensée pour Myaw, l’enfant de Chloé, qui aurait pu être celui de ton frère, et qui désormais est l’esclave de Redwan. Ça pourrait t’arriver à toi : tomber enceinte d’Ange et avoir une gosse abandonner à elle-même car ses parents auraient été tués par Allen. Nul doute que ton père n’hésiterait pas à te trancher la gorge lui-même. Et cet enfant que tu n’as pas, mais que tu imagines pouvoir avoir, qui se retrouve seule au monde, peut-être esclave.
Tu boues, tu as envie de pleurer, Tu es fâchée, contre Ange pour être du mauvais côté, contre toi pour tous ces sentiments, contre ton père pour être ce qu’il est. Ça tombe toujours sur toi.
Ne pourras-tu jamais trouver l’amour ?

Tu regardes Ange et tu vois la serviette glisser, avant qu’il ne la rattrape. Ça a duré le temps d’un éclair, pendant lequel tu as néanmoins eu le temps d’apercevoir sa virilité, si souvent effleurée, léchée, cajolée. En temps normal en voyant ton amant ainsi, tu lui aurais déjà sauté dessus. Mais aujourd’hui tu lui trouves quelque chose de presque naïf, vulnérable à peine vêtu de cette serviette. Et ça te rend triste.
Ange s’approche, les cheveux encore mouillés et t’enveloppe entre ses bras. Tu sens des gouttes qui tombe de sa peau et viennent s’écraser sur la tienne, comme les larmes de cette histoire maudite. Tu as envie de te réfugier dans ses bras, de t’y abandonner et de tout oublier. Redevenir une petite fille le temps d’un après-midi à jouer avec un ami. Puis lionne le soir, à faire l’amour jusque dans les étoiles.
Trop tard.

- Elle m’a attaqué.

Tu tressailles alors que les bras de ton amoureux se resserrent un peu plus fortement autour de toi. Tu imagines Anja, sa splendeur, sa froideur, qui s’abat comme un oiseau de proie sur cet homme qui est devenu si important à tes yeux.

- Elle voulait me tuer.

Les mots tombent comme une sentence. Aussi tranchant qu’une guillotine, ils te coupent un peu plus profondément dans le cœur et la chair. Sans que tu n’aies vraiment conscience de tes gestes, tes mains se crispent, s’accrochant à la peau de ton amant.
Qu’il ne te laisse pas partir.
Oh Bleuann, tu es si naïve. Si ce n’est pas toi qui part, c’est lui qui partira. Forcément, à un moment ou un autre. L’histoire s’est déjà écrite, sans vous. Même Roméo et Juliette ont fini six pieds sous terre.

- Et maintenant ? Tu vas essayer de m’arrêter ?

Tu n’as pas été prudente, tu le sais. Tu aurais dû prévenir quelqu’un, au moins l’un de tes frères. Peut-être que Green aurait compris ? Lui aussi a aimé quelqu’un qu’il n’aurait pas dû. Chloé est morte, mais que serait-il prêt à faire pour te sauver ? Pour sauver sa princesse ?
Mais ton frère est désormais à la solde d’Anja. La bague au doigt, enfermé dans une prison dorée sous le regard glacial de votre cheffe. Il n’aurait pas voulu que tu viennes, peut-être même qu’il y serait allé par lui-même. L’aurait-il tué ? Malgré ses dires, ne s’est-il pas transformé en Allen Soul ?
Il a bien accepté d’épouser Anja, après tout.

- Ou... me tuer ?

Tu devrais sans doute fuir. Au moins te préparer, te redresser et préparer ton pouvoir, tes runes, ta force. Te mettre en garde contre cet homme capable de t’empaler sur une de ses griffes de lion en un clin d’œil. Tu sais que tu n’as aucune chance au corps à corps. Il a presque mis à terre Anja von Duisbourg et tu n’es pas assez folle ni sotte pour te prétendre à son niveau.
Pourtant tes pieds n’esquissent pas un mouvement et tu te contentes de te serrer un peu plus fort contre ton destin - ton bourreau ? Tu ne ressens pas de colère dans les sentiments dégagés par Ange. Juste une infinie tristesse.

- Parce que si tu ne m’arrêtes pas, si tu ne me tues pas, il faudra me laisser partir.

La bile au ventre, tu fermes les yeux en refusant aux larmes le droit de couler. Tu n’as pas envie de cette rupture, tu n’as pas envie que ton amant te conduisent dans les prisons d’Orpheo. Tu aimerais tout oublier et recommencer au début, encore et encore. Alors que vous n’étiez que deux inconnus, ignorant tous des pouvoirs de l’autre.
Au fond, les sorciers noirs méprisent les humains, mais ne serait-ce pas par jalousie ? Sans ces satanés pouvoir, sans toute cette haine dans le monde magique, vous n’en seriez pas. Vous iriez manger des glaces au goût de schtroumpf dans un parc en imaginant les pensées des gens que vous croisez. Vous tomberiez amoureux, dans les bras l’un de l’autre et vous profiteriez de votre jeunesse pour passer la journée entière sous les draps. À faire des cabanes et l’amour. À construire des jeux et votre histoire.

- Si on ne se sépare pas, mon père apprendra forcément que nous sommes ensemble. Et il te tuera. Je suis trop dangereuse pour toi.

Et quand bien même ton père ne l’apprendrait pas, vous ne pouvez pas rester cacher toute votre vie. Jamais de repas étrange avec la présentation d’Ange à beau papa. Jamais de double date avec Anja et Green. Jamais de sortie au cinéma sans vérifier par-dessus son épaule qu’un regard brun, déçu et haineux ne soit prêt à vous assassiner.
Une histoire dans le noir.
Alors à quoi bon ? 

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MessageSujet: Re: « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine »   « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine » EmptySam 29 Sep 2018 - 17:17

Crime of passion, I'm just asking

Bleuann frissonnait légèrement par moments, entre ses bras. Comme un petit oiseau chétif. Bleuann était bien plus qu'un petit oiseau chétif. Elle était prudente, froide, elle aussi savait l'importance de tout ça. Elle savait ce qu'ils risquaient, ce que leurs devoirs respectifs les appelaient à faire. Elle aussi a mal. Tout au fond. Ange le sait grâce à ses mots. A ses gestes. Elle ne le repousse pas. Elle ne lui hurle pas dessus, ne lui lâche pas sa magie au visage.

Elle tressaille juste à ses mots, bien sûr. Elle ne veut probablement pas l'entendre, tout ça, qu'il sont ennemis. Cette vérité qui la brûle de l'intérieur, qui désespère son amant autant qu'elle. Lui ne sait plus quoi dire, il attend que sa réaction se développe, qu'elle le transperce, qu'elle le tue elle, peut-être, ou qu'elle lui dise qu'elle abandonne tout, Rosenrot, sa famille, ses croyances... Il est trop douloureux à Ange de penser que Bleuann a pu tuer des enfants, ses frères et sœurs, attaquer des gens qu'il aime, estime, côtoie... Il est trop douloureux de penser à prendre une décision, à contrarier ses sentiments. Son confort, son petit bonheur de couple lui est refusé, il tente de s'y accrocher tant bien que mal. Il a peur, peur de devoir en vouloir à Bleuann, d'avoir au fond de ses entrailles cet immonde élixir, mélange de haine meurtrière et d'amour. Il se trouvait qu'il était prêt à lui pardonner, tout, tout, si elle voulait bien rester avec lui, si elle abandonnait ces croyances stupides. Ange aurait aimé qu'on puisse changer les gens aussi facilement.

Paralysé entre ce qu'il veut et ce qui est, Ange se raidit dans l'acidité des mots de la jeune femme qu'il tient dans ses bras. Elle le provoque, mais elle a peur, elle aussi, c'est sur. Ils tremblent comme des feuilles l'un dans l'autre, oppressés par ce qui les entoure, par ce qu'on leur a inculqué. Par leurs croyances, leurs convictions. Totalement vulnérables. Mais il sait bien qu'il doit répondre. Quoi que la réponse soit évidente. Il n'arrêtera pas Bleuann, pas juste pour être membre d'une organisation. Il veut lui parler, il veut la comprendre, Ange est loin d'être un conservateur. La tuer donc pas question. Elle le sait, sûrement, car il sent sa petite joue, sa mâchoire fine s'appuyer contre son torse nu, et lui serre les dents. Il serre ses bras aussi, il ne veut pas la laisser partir, ni elle, ni la quiétude de sa présence. C'est trop bête, comment on peut commencer à aimer une personne sans vraiment la connaitre ? Son cerveau lui semble parfaitement vide, il a froid. Et Bleu continue d'asséner la vérité, et il sait qu'il ne peut plus rester ainsi bien longtemps, il faut qu'il parle lui aussi.

Alors il se détache doucement de la sorcière, la repousse de ses bras tendus devant lui, et lui dit :


- Je ne te tuerai pas si je ne suis pas en situation de légitime défense. Je ne fais pas la guerre pour la guerre Bleu. Est-ce que toi, tu veux me tuer ? Pour Anja ?

Il fait une pause, se mordant la lèvre inférieure, regardant le plafond. Il devrait l'arrêter. Il ne peut pas. Il sait qu'Orpheo pourrait obtenir des informations de Bleuann. Il ne peut pas. Peut-être que Bleuann a tué des gens qu'il connaissait. Il ne peut pas.

Finalement, il arrive à sortir du brouillard de ses pensées, parce qu'il a froid, toujours froid, les gouttes sur sa peau son glacée. Et il bredouille, comme un enfant, penaud :


- Est-ce que tu y crois vraiment, à tout ça ? Ces histoires de race inférieures, supérieures ? Est-ce que ça t'apporte vraiment quelque chose ?

Il n'y a ni condescendance ni mépris dans sa voix, juste une innocente curiosité, un besoin de savoir, de comprendre. Quelle était la vraie Bleuann, celle de tout au fond, qu'il ne connaissait pas ? La jeune femme qu'il aime, peut-être, est-ce que c'est elle ? Qu'est-ce qu'il sait ? Il ne le sait pas.

Et puis Bleu parle de nouveau, parle de son père. Et le cœur d'Ange se réchauffe un peu parce qu'il comprend qu'elle a peur pour lui. Alors il la reprend doucement par les épaules et la fait asseoir sur le lit, poussant avec dégoût la paperasse, l'écriture d'Anja ou de ses esclaves, peu importe.

Il regarde longtemps le visage de Bleuann, l'air triste, au bord des larmes. Il va presque pleurer. Il ne sait pas exactement dans quel état il est. Second, ailleurs. Il caresse les mains blanches, fines et froides. Du regard il dessine le visage un peu osseux, si beau. Plein de rancœur et d'amertume.

- Parle-moi de ton père.

Le jeune homme a dit ça doucement, car cela lui semble à présent la chose la plus importante à dire, à savoir. L'information qui pourra l'aider à démêler tout ça, à dégivrer ses cellules grises, ses capacités cognitives. Parle moi. C'est qui ton père, il a fait quoi, Bleu, pour que tu sois comme ça ? Si fragile et si coupante ? Est-ce que c'est à cause de lui que tu tues, que tu hais ?

Ange essaie toujours de comprendre.
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Tu as envie de te fondre dans sa peau. Tout comme les gouttes qui roulent encore sur le corps de ton amant, tu aimerais devenir cette eau et te coller jusqu’à le pénétrer, entrer sous la chaire et glisser dans les veines, boursouffler le bout des doigts et t’incruster, à tout jamais, à l’intérieur. Te rapprocher du cœur, encore, physiquement, jusqu’à pouvoir l’entendre, pouvoir battre avec lui, devenir le sang qui bat au rythme des tambours. Ainsi tu pourrais rester avec Ange, pour toujours, à l’intérieur de lui. Jamais ton père ne pourrait te trouver ou t’atteindre et tu serais là, présente malgré les tempêtes, sous la peau de cet homme.
De ton homme ?
Tu te l’appropries un peu, mais c’est bien ça n’est-ce pas ? C’est ton copain, ton amant, ton ami. Tu ne te vois pas embrasser d’autres lèvres ou caresser d’autres corps, même si vous n’avez jamais vraiment parler d’exclusivité au sein de votre couple.
Vous n’avez apparemment pas parlé de grand-chose.

Tu as envie de te fondre dans la peau de cet inconnu. Tu réalises que tu sais si peu de chose sur lui. Peut-être est-il mêlé ? Peut-être qu’il était présent lors de la bataille à l’orphelinat, que vous vous êtes croisés auprès des cadavres alors que tu assassinais ses amis et qu’il tentait de survivre. Peut-être que lui-même a tué des connaissances, des collègues, des amis.
Et toi alors ? Tu n’es pas blanche non plus. Tu as sans doute dû déchiqueter, dévorer, annihiler des gens qu’il connaissait, qu’il aimait. Tu sais si peu de choses sur lui...
Pourtant tu ne peux pas le lâcher. Tu ne peux pas utiliser tes pouvoirs pour le plaquer contre un mur et utiliser la surprise pour lui balancer un objet contendant à la figure, l’assommant pour le ramener à Anja. Quelque chose t’en empêche, te retient. Jamais tu ne pourras faire de mal à Ange.

- Je ne te tuerai pas si je ne suis pas en situation de légitime défense. Je ne fais pas la guerre pour la guerre Bleu. Est-ce que toi, tu veux me tuer ? Pour Anja ?

Tu lèves alors les yeux vers lui, surprenant son regard brouillé, sa lèvre mordue. Tu n’es pas un monstre. Tu aimerais le lui dire, ça. Tu ne tues pas pour tuer, tu ne fais que suivre des ordres. Tu n’aimes pas le sang sur tes mains, tu n’es pas comme Redwan, les jumeaux, Bianco ou même Silver et Green. Toi tu es la petite princesse cachée dans le jardin. Tu es l’enfant qui veut unir.
Tout ce que tu désires, c’est être aimée.

Mais comment lui expliquer ? Comment expliquer à cet homme qui a sans doute grandi entouré de personnes bienveillantes et aimantes, que tu ne cherches qu’à faire plaisir à tes parents, que tout ce que tu aimerais c’est que, ne serait-ce qu’une fois, une flamme de fierté brille dans les yeux de ton paternel. Comment lui affirmer que tu n’es pas un monstre alors que le sang d’orphelins brûlent encore tes mains ?
Tu es noire jusqu’à la moelle, Bleuann.
Alors tu ne dis rien et tu attends la suite. L’estocade finale. Il ne te tuera pas, mais il va te quitter. Bien sûr qu’il va te quitter. Tu n’es pas la sorcière d’Emilie Jolie et tu ne peux pas te transformer en fée à l’arrivée du prince charmant. Ça n’arrive que dans les contes.

-Est-ce que tu y crois vraiment, à tout ça ? Ces histoires de race inférieures, supérieures ? Est-ce que ça t’apporte vraiment quelque chose ?

Tu hésites à répondre, tu ne sais pas vraiment. On t’a toujours élevée ainsi. Depuis que tu sais parler, on ne cesse de te répéter que les sorciers sont supérieurs et que les humains devraient les servir. Toi-même, tu as toujours été entourée par des esclaves humains, prêts à se plier à toutes tes volontés pour ne pas se faire tuer. Et, malgré tout, tu voyais tes aînés jouer avec leurs vies comme si ces esclaves n’étaient rien d’autres que des jouets en papier.
Alors tu ne sais pas quoi répondre, parce que tu n’as jamais eu d’autres perspectives. On t’a martelé cette histoire dans la tête ; les humains sont inférieurs, les mêlés sont impurs. Et le départ de Green, puis de Silver avec des humaines n’a rien arrangé. Tu as commencé à croire encore plus sincèrement à ses histoires. Tu as commencé à leur en vouloir personnellement.
Des humaines ont volé tes frères.
Des humains ont tué tes semblables.
Comment encore leur faire confiance ?
Et puis il y a ton père dans l’équation. Il y a toujours ton père, qui flotte, ombre sévère au-dessus de ta tête, comme pour s’assurer que tu files droit. Incapable de te regarder quand tu fais des efforts, quand tu t’améliores, mais prêt à s’infiltrer dans la moindre brèche pour te critiquer, te descendre, manifester sa déception.

À côté de toi, tu sens les larmes d’Ange. Elles ne coulent pas sur son visage, mais tu les ressens dans son cœur, dans ton cœur. Et ça fait mal. Tu réalises que, en dehors de Green, tu n’as jamais été aussi proche d’une autre personne que de ton amant. Que de cet inconnu. Que de ce soldat d’Orpheo. Ton pouvoir en est décuplé et tu sens, mais tu ressens également. Lentement, la tristesse s’infiltre dans ton être.
Et puis Ange repousse le papier pour que vous puissiez vous asseoir. Il repousse les traces de sang fantomatiques et les cadavres sortis de leur placard et effleure tes mains de ses longs doigts musclés.
Un goût doux-amer dans votre bouche.

- Parle-moi de ton père.

Évidemment. Père. Allen Soul. L’homme qui t’a donné la vie, mais pas grand-chose de plus. Il serait facile de tout lui mettre sur le dos, n’est-ce pas ?
Mais tu es grande maintenant. Tu sais faire tes propres choix. Ne fuis pas.

- Il ne m’a jamais aimée. Avant je pensais que si je m’accrochais, que si je lui montrais que j’étais comme lui, aussi froide et forte, il pourrait ressentir quelque chose pour moi. Ne serait-ce qu’un peu de fierté. Mais je me mentais à-moi même. Il n’y a que le dégoût entre nous. Et maintenant... maintenant il m’effraie.

Ne fuis pas.

- Je ne suis pas responsable des actes ou de l’éducation de mon père, mais je suis responsable de mes choix. J’ai jamais osé partir, je suis lâche.

Tu hésites, ces mots coupant profondément tes lèvres. Tu sais que tu vas les regretter, tu sais que Ange va te haïr, mais tu ne veux pas mentir.
Même si tu dois le perdre.
Qu’importe quand on a toujours tout perdu ?
Alors tu saisis ses mains, tu attrapes ses doigts qui paraissent tellement grands en comparaison des tiens et tu murmures :

- Peut-être bien que je suis un monstre.

Un sentiment de honte émerge de tes entrailles. Tu sais ce qui va suivre, le jugement, la déception, le dégoût. Ange va te haïr, comme tous les autres. Comme ton père, comme ta mère, comme Green. Tu ne sais que décevoir les autres de toute façon. Tu as tout perdu désormais.
Alors tu fermes les yeux en attendant la gifle émotionnelle dans le cœur de ton amant. Tu fermes les yeux et tu serres un peu plus les doigts, pour t’accrocher à quelque chose, pour ne pas balancer dans l’ailleurs.
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MessageSujet: Re: « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine »   « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine » EmptyMar 23 Oct 2018 - 22:44

L'Homme est-il un monstre ou le monstre un Homme ?

Bleuann est assise devant Ange, le regard et le menton droit, si droits, si fins qu'ils cachent l'enfant qui y a existé. Elle retient probablement les tremblements, la rage, les mots qui seraient prononcés trop vite, mais qu'importe, elle est là. Elle n'a pas fui par lâcheté, tué par devoir. Elle est bien là, avec lui, même si ça lui coûte probablement, même si c'est certainement douloureux. Tellement irréelle. Il ne sait même pas qui elle est. Il ne sait qu'une partie, aime cette partie, et c'est ça qu'il veut sauver. Il veut toujours croire, ce gamin éreinté par la vie, cabossé d'histoires et de combats. Il a eu ce corps doux et froid comme de la porcelaine irradier de chaleur avec le sien. Les mains qui font couler le sang étaient mêlées aux siennes. Il a eu ces yeux qui ont regardé la mort au plus profond de l'âme.

L'âme. Bleue. Comme c'est joli. Comme c'est ironique. Était-ce intentionnel, de la part des parents ? Ce prénom ? Il sait qu'il y a un Bianco dans la fratrie. Un Green aussi. Oui, probablement. Certainement. Les sorciers noirs sont des êtres humains comme les autres. Sensibles. Cruauté créative. Qu'y a-t-il dans l'esprit du père Soul ?

Lorsque les mots éclatent des lèvres de Bleuann, ils lui disent le malaise, le froid. Glacial. Ses yeux aussi. Les yeux de Bleuann. Aussi changeants que le vent qu'elle peut faire souffler. Aussi polyphoniques qu'une âme. Il se trouve souvent noyé dans cette immensité improbable, trop complexe pour le gosse qu'il est. Un gosse, un animal sauvage, il ne sait plus. C'est pareil, pense-t-il. Il n'a jamais été si conscient que sous forme de lion, rempli de l'univers autant qu'un gamin sans fers aux chevilles, sans fardeaux à l'imagination.

Et avec Bleuann, c'est pareil. Dans un lit, dans un parc, au milieu de Londres alors qu'il n'existe plus qu'eux, il n'est plus retenu par rien. Il vit. Et là, cette vie fait mal. La vie, cette sale race qui a blessé sa jolie sorcière. L'amour d'un père, dont même Ange a reçu un petit morceau, un jour, ça lui a été refusé. Le cœur trop doux de l'exorciste a envie de répliquer que, peut-être, il cache simplement son affection. Mais malgré lui, il voit les blessures, les mots et les coups se fondent dans son corps et il sait. Sa copine a l'air lucide, elle connait le vrai malheur. Même élevée par deux parents, dans une grande maison, entourée de tant de frères, elle n'a pas été assez aimée. Ange ne sait même pas s'il peut réparer ça. Il sait juste qu'il aimerait bien, même s'il se sent totalement submergé.

Il n'est peut-être pas en mesure de guérir ce genre de blessure. Il se souvient qu'il n'est même pas guérisseur.

Ange ose glisser une main le long du bras de la sorcière. Elle dit qu'elle n'est pas responsable de son éducation. Uniquement de ses choix. Il a envie de l'embrasser. Lui dire que tout ira bien. Il ne peut pas en vrai. Il peut juste essayer.

Ses yeux sont partis au loin chercher un monde imaginaire et salvateur, quand elle prend ses doigts dans les siens. Il se sent rugueux face à elle, usé. Comme si la cruauté rendait beau et lisse. Il se morigène de penser ainsi. Bleuann n'est pas nécessairement cruelle. Ou peut-être se voile-t-il la face. Juste. Juste ça.

Entre les lèvres de Bleu, il y a quelques mots qui sortent, et qu'il ne veut toujours pas croire. Il ne croit pas que quiconque soit un monstre. Même Dorian Cross. Oui lui aussi a été un gosse, entraîné à la dure, frappé peut-être. Toujours est-il qu'il a été innocent. Et ça, c'est important. Pour Ange, c'est important.

Il n'y a pas si longtemps qu'il l'a vue, Anja, qu'il a senti son souffle sur sa nuque, mortel. Il a vu la belle jeune femme qu'elle est, l'enfant, surtout. Elle a juste son âge, et il pouvait voir tout ce qu'elle aurait pu être, entre deux effusions de sang, parce qu'il est comme ça, Ange Rejes, sensible, un peu con, oui, assez con pour offrir son cœur en pâture à une sorcière noire. L'arracher de sa poitrine, lui présenter sur un plateau d'argent. Méthodiquement con. Les mains pleines de son propre sang. Bête à pleurer, petit Loki, Angeouille.

Putain.

Ange se lève tout à coup, et va ouvrir la fenêtre.


- AAAAAAAAAAAAAAAH !

Il hurle parce qu'il ne sait pas quoi dire. Il sait qu'elle n'est pas un monstre. Il ne sait pas non plus s'il pourra lui pardonner. Qui sait si elle n'a pas tué des gens qu'il aime ? Pour le moment, il n'a rien à reprocher, si ce n'est une idée abstraite. Alors il a juste envie d'avancer aveuglément dans son amour, faire comme si de rien n'était. Mais Ange est trop droit pour ça.

Le souffle court, un goût de sang dans la gorge, il retourne vers elle. La prend de nouveau dans ses bras.


- Personne n'est un monstre, halète-t-il.

Il a peur de pleurer, il ne sait pas.


- Surtout pas toi... Murmure-t-il.

Il reste comme ça un moment, assis, à la garder contre lui, car il ne peut pas faire autrement. Il ne sait pas faire autrement.
Un sanglot lui brise la gorge. Il en sort :


- Tu veux pas...

Idée stupide. Pourtant Ange prend courage. Deux mains. Deux mains avec lesquelles il attrape celles de sa copine, sa copine la sorcière noire. En face, il ose dire :

- Tu veux pas recommencer ? Avec moi. On part loin s'il faut, on va dans le pays où Orpheo est le moins conservateur. On l'emmerde ton père, t'es pas lui, hein, surtout pas lui. S'il est pas capable de t'aimer, alors pourquoi se donner la peine ?

Viens on part tous les deux. Ouais. Même pas besoin de devenir exorciste, Bleuann. Juste, ne tue plus. Le sorcier sait que lui doit se battre. Il ne la forcera pas à embrasser son combat. Il ne veut que sa présence sur ses lèvres et la caresse de sa brise dans son esprit. L'âme bleue. Aha. C'est ironique. Qui aurait cru que les sorciers noirs étaient des poètes, lorsqu'ils ont tué nos enfants, méprisé nos valeurs et violé nos amis ?
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MessageSujet: Re: « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine »   « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine » EmptyMar 30 Oct 2018 - 16:42

Tu aimerais pouvoir t’enfuir. Tu aimerais avoir cette volonté et ce courage, de suivre un amour pour ne pas être déchirée comme l’est ton cœur désormais. Tu aimerais rentrer chez toi en coup de vent et, au beau milieu de la nuit, enfoncer deux trois fringues dans une valise et disparaître à tout jamais. Combien de temps les gens mettront-ils avant de le remarquer ?
Tes frères ne vivent plus à la maison, tu les vois rarement. Tes parents, même s’ils vivent sous le même toit que toi, ne font pas attention à ta vie. Peut-être s’étonneront-ils de ne plus te croiser à la salle d’entraînement chaque matin à suer. Mais après combien de semaines ?
Les premiers à le remarquer seront sans doute les esclaves. C’est eux qui te connaissent le mieux. Certains t’ont vue grandir, ils t’ont bercée quand tu étais bébé, habillée quand tu étais enfant, coiffée adolescente. Tu as pleuré devant eux alors que tu n’as jamais réussi à t’ouvrir ainsi face à tes parents qui t’auraient, sans aucun doute, engueulée ; une sorcière ne pleure jamais. Pas le droit.

Ange se lève, va vers la fenêtre, hurle contre la nuit et la vie. Le cri s’échappe de ses poumons alors que les émotions viennent te frapper en plein cœur. La douleur résonne dans tes entrailles comme des éclats de verre profondément infectés. Tu as mal alors que tu écoutes le cri de ton amant.

- AAAAAAAAAAAAAAAH !

Tu le regardes et tu te dis qu’il pourrait se transformer, là, s’enfuir sous la forme de chouette et ne plus jamais revenir. Tu le vois dans ton esprit s’envoler et t’abandonner à ton sort et à ta solitude.
Pourquoi la vie ne veut-elle jamais te faire de cadeau ?
Est-ce qu’un jour tu pourras être avec la personne que tu aimes ? Certainement pas. Tu connais les sorciers noirs, tu les fréquentes depuis ta naissance ; tu as grandi avec eux, dans leur odeur putride et leurs manières dévergondées. Tu sais leur envie du sang, de violence, la tension qui coule dans leurs veines. Même tes propres frères, surtout tes propres frères. Green par exemple... Green ne sait pas parler. Green ne sait que frapper ; avec Anja ils s’aiment à travers les coups. Tu le sais, parce que tu ressens toute cette haine mêlée de désir quand tu les croises, parfois, dans les couloirs de Rosenrot. Jamais ensemble, mais toujours proche, dans leur fuite perpétuelle, ils se recherchent sans cesse. Et quand vont-ils exploser ?
Il n’existe pas d’autre forme d’amour que la haine chez les sorciers noirs.

Sans doute qu’un jour ton père débarquera avec un prétendant au bras et te l’assénera. Il t’obligera à te marier pour une vague histoire de pouvoir ou d’argent. Tu seras vendue, prostituées, pas beaucoup mieux traitée qu’une esclave. Et tu courberas l’échine, parce que tu n’es rien d’autre qu’un sale monstre, un tout petit monstre, le genre d’acolyte stupide que possède les sorcières dans les Disney.

Le cri cesse de heurter la gorge d’Ange et il revient vers toi, délaissant la chouette pour te prendre dans ses bras, te bercer, comme si tu étais un objet fragile et non pas l’être ignoble qui grouille dans les fonds de l’enfer.

- Personne n’est un monstre.

Tu mords ta lèvre et le goût du sang gonfle sur tes papilles. S’il savait... S’il savait que tu étais au Mystery Orphanage, que tu as assassiné ses amis, démoli sa famille. S’il savait que tu es celle qui a emporté Myaw, l’enfant qui a le rire de Chloé et le cœur du prince pégasien. Que penserait-il à ce moment-là ?
Et toi, que penserais-tu si tu savais que tu avais emporté l’enfant la plus chère aux yeux de Ange ? Tu te haïrais encore plus.

- Surtout pas toi...

Tu ne dis rien et le silence vient vous cueillir. Tu n’as pas envie de briser ce moment, peut-être le dernier de ton existence contre le cœur de cet homme.
Il partira, bien sûr qu’il partira.
Tu sens des larmes qui montent, mais ce ne sont pas les tiennes. Et le sanglot déchire la gorge de ton amant alors qu’une idée folle germe dans son cœur :

- Tu veux pas...

Espoir futile, il attrape tes mains alors que déjà tu fermes les yeux. Tu sais les mots qui vont sortir de sa bouche, tu sais le cœur que tu vas briser.

- Tu veux pas recommencer ? Avec moi. On part loin s’il faut, on va dans le pays où Orpheo est le moins conservateur. On l’emmerde ton père, t’es pas lui, hein, surtout pas lui. S’il est pas capable de t’aimer, alors pourquoi se donner la peine ?

Un maigre sourire vient étouffer tes lèvres alors que tu sens tes yeux picoter. Tu n’as pas envie de réduire ses rêve à néant, d’écraser son espoir. Tu aimerais pouvoir lui mentir, lui faire croire pendant au moins quelques minutes encore, que tout ira bien, que vous pourrez vous enfuir, vous installez dans un meublé et vous aimer dans l’ombre de tous. Avoir un chien, trois enfants, un job avec des humains. Ne plus devoir tuer.
Mais les mots sont trop lourds et transpercent ta poitrine.

- C’est justement parce que je ne suis pas comme lui que je ne peux pas partir. Je les aime, mes frères, ma mère et même lui, aussi terrible soit-il. J’ai vu mes frères s’enfuir avant moi, j’ai vu les blessures atroces qu’ils ont engendré dans ma famille, cicatrices irréparables qui font encore mal aujourd’hui. Je peux pas faire ça à ma famille, je les aime trop.

Alors que tu parles, les larmes se sont mises à couler sur tes joues, roulant lentement le long de l’ossature fine de ton visage avant de sauter dans le vide. Tu ne prends pas la peine de les écraser alors que tes yeux se perdent dans ceux de Ange. Tu aimerais pouvoir t’y perdre pour toujours.

- J’aimerais pouvoir les abandonner et venir avec toi. Pouvoir tout lâcher. Ça fait tellement mal, parce que...

Ta voix se coupe, hésite un instant, reprend avec douceur dans la douleur.

- Parce que je t’aime.

Toujours le même refrain. La petite princesse pas assez aimée, mais qui aime trop. Déchirée entre deux amours : celui pour sa famille et celui pour son amant.
Est-ce qu’un jour les larmes s’arrêteront ?
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MessageSujet: Re: « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine »   « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine » EmptyJeu 1 Nov 2018 - 12:00

Attends le jour, où cet amour, ne s'ra plus un jeu

Etre un frère, en avoir, Ange sait ce que ça représente. Les mots de Bleuann le blessent affreusement. Ils l'aveuglent, il les sait vrais, justes. Il ne peut rien lui demander. Il y a cette famille, un fragment de celle-ci, qui la retient. Même si tuer, peut-être, elle n'en a pas vraiment envie. Peut-être n'a-t-elle aucune envie d'avoir des esclaves humains, de tuer des mêlés. Elle a raison, Bleuann. Pas assez égoïste pour abandonner ceux qu'elle aime, et il l'admire d'autant plus, son cœur se gonfle un peu à ces paroles. Peut-être qu'il est amoureux. Qu'il ne s'en rend compte que maintenant, parce qu'il va la perdre. Il voit en un éclair blanc toutes les qualités, tous les défauts qu'il aime chez cette jeune femme, ce charme froid et secret de la sorcière bleue. La beauté de son rire et de ses yeux quand elle se laissait aller. Son intelligence lorsqu'ils parlaient de l'art et de la nature, des oiseaux volant dans les rues de Londres et des bâtiments anciens. Leurs jeux tissés avec leurs dons. Entremêlés. Il aimait la tapisserie brodée qu'ils représentaient à deux, difficilement, maladroitement. Mais tout de même, c'était là. Et si puissant lorsqu'ils faisaient l'amour...


- Je comprends...

C'est tout ce que dit Ange, parce que c'est vrai, qu'il se sent incroyablement démuni, dans les mots et dans les actes.
Parce qu'il voudrait secouer le monde, lui hurler à la face, le retourner sans dessus dessous. Pour que ces stupides règles et conflits cessent d'exister, et Ange se sentait comme un enfant, impuissant.
Il avait lâché un instant les mains de sa copine et se tournait à présent, assis sur le lit, de nouveau tourné vers la fenêtre. Elle voyait son profil. Respirant fort, ses doigts se pliant et se dépliant sur ses genoux pour évacuer toute la tension qu'il ressentait, le jeune homme tentait de réfléchir. Il hochait la tête, à répétition, tentant de se raisonner. Bien sûr, l'amour, il comprenait. Il savait. Il n'aurait abandonné Luka pour rien au monde, et n'avait pas supporté qu'elle le fasse. Il avait tout jeté pour aller la retrouver, tenter de la ramener à la raison. Il ne pouvait pas blâmer Bleuann, n'avait pas de colère envers elle. Seule cette frustration immense contre le monde battait dans sa poitrine. Il voulait partir, fuir, maintenant, seul si elle ne pouvait le suivre. Pour oublier qu'elle avait existé. C'était la seule chose que laissait à entrevoir le brouillard qui se dissipait dans son esprit.

Et elle aussi, et elle aussi avait un cœur, le monstre, la sorcière. Elle aussi souffrait. Ses mots étaient pleins de douleur, il ne pouvait l'ignorer, il ne pouvait que le savoir. Il lui offrit de nouveau son visage en entier à voir, et posa son front contre le sien, pour sentir, ressentir. Avoir la vibration de ses mots directement dans son crâne. Elle disait la douleur. Elle disait qu'elle avait mal parce que...

Une goutte tombe sur son genou dénudé, entre deux pans de serviette. La tristesse de la jeune femme coule sur lui, mêlé à son amour. Son amour qu'elle lui offre, là, tel un cadeau d'adieu. C'est tellement triste. C'est tellement bête. A n'en pas pleurer. A en avoir les yeux desséchés. Il n'a plus de sanglots, simplement le choc. Une sorcière noire est amoureuse de moi. Je crois bien que je l'aime aussi. Il se rend compte alors qu'il ne faut pas dire ça, il ne veut pas la déchirer, tacher de sang passionnel sa belle sorcière noire. Ou bleue, il ne sait plus. Ce qu'il sait c'est l'injustice, l'absurdité. Le devoir qui l'appel, le danger qui les guette.

Je t'aime, je t'aime. C'est si précieux, il a peur de perdre ces mots en les faisant trop résonner dans son esprit. Trop raisonner. Il veut les sortir, ces mots, de sa propre bouche, les répéter. Il n'y aurait que ça à faire pour la blesser encore plus. Il est perdu, il s'est perdu tout seul le petit ange, et les mots, les raisons de Bleuann sont si fermes, si fortes, qu'il ne trouve plus de porte de sortie. Il tuerait bien ce père, pour qu'elle n'y pense plus, ne sois plus attachée à ses règles, mais ce n'est pas ce qu'il ait. Ca ne résoudrait pas. Il mourrait sûrement avec, ou peu après. Et ça ne sert à rien, de mourir pour ça. Ca ne l'aiderait pas.

Alors Ange voit l'horreur de s'arracher, s'arracher à elle, s'arracher les elles. Ils faut qu'ils se déchirent, qu'ils laissent tout le reste gagner ? Cette pensée le rend fou, et il frappe du poing sur sa cuisse droite.
Il regarde le sol, il ne répond pas. Il attend, remue les mots dans sa tête, s'empoisonne de ne pas pouvoir dire tout ce que lui commande son cœur, déjà dévasté, amputé... Quoi que ce soit, ça fait mal.


- Je comprends. Je ne t'en voudrai jamais pour ça... dit-il doucement... Mais c'est l'impasse, pas vrai ? Faut que je parte, que je m'éloigne pour pas qu'on souffre, stupidement, pour rien... Tes frères, ils veulent pas abandonner non plus hein ? J'suis con hein. Comme si on pouvait effacer une guerre avec de l'amour.

L'amertume s'est glissée dans sa voix, et il crache presque ce qu'il dit. Il balance la serviette et commence à s'habiller, les larmes coulant, maintenant. Les mots ont rempli l'océan derrière ses yeux. Plus de sécheresse. Peut-être a-t-il l'air moins déterminé. Il s'en fout. Il est juste malade, fou-malade et écœuré de la vie, de l'air de cette ville, du destin de merde qui a fait tuer sa mère par son père, fait disparaître Esteban de la surface de la terre, pris Luka pendant des mois, tué des tas de gosses innocents, démis Pandora Mystery de ses fonctions. La gerbe. La gerbe, ce monde.

Ange prend sa tête entre ses mains. Debout, habillé, débraillé, la chemise sortant à moitié de sous son pull, par dessus son jean. Il regard Bleuann. Triste. Il n'a pas le droit de prendre ce corps contre le sien, d'écouter son rire et ses mots. Non pas le droit. Mauvaise pioche.

Merde.

Il y a quelque chose, quelque part en lui qui dit "allez, j'me casse". Mais il est chez lui. Et il étouffe. Plus il reste, plus il est amoureux. Stupidement, amoureux.
Et en arrière plan, son cerveau essaie toujours et encore de trouver une solution, un truc, un tour de magie, hein, ce serait marrant, pour arranger tout ça. Effacer les blessures d'Anja, le dossier. C'est beau de rêver. C'est beau mais c'est con.
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Dans les livres tout à l’air beaucoup plus simple. Toujours. Les amants sont prêts à tout pour s’aimer ; à trahir ceux qu’ils aiment, leurs principes, à risquer leur propre vie. Serais-tu prête à être une Juliette, Bleu ? Prête à mourir pour celui que tu aimes ? Car c’est la seule porte de sortie qui semble s’offrir à toi ; l’amour au paradis.
Ou en enfer, puisque tu es un monstre.

- Je comprends...

Les mots d’Ange font figure de barrage dans la tempête. Il comprend, bien sûr qu’il comprend, il est du bon côté lui, il donne toujours raison à l’amour. Et c’est pour ça que tu l’aimes, lui et pas un autre. Un sorcier noir à sa place t’aurait ri au nez. Comment peux-tu aimer un père qui ne te regarde même pas ? Des frères qui t’ont abandonné ? Une mère si peu présente ?
Une douleur sourde envahit ton cœur alors que tu regrettes presque les mots qui t’ont échappé. Oui tu l’aimes. Oui tu veux rester avec lui. Mais ce n’est pas possible alors à quoi bon remuer le couteau dans la plaie ? À quoi bon laisser cet amour échapper à tes lèvres ?
Tu sens la tension dans les épaules d’Ange, dans le brouillon de ses sentiments. Tu essaies pourtant de repousser ton pouvoir, de te fermer à ses émotions ; mais tu n’y parviens pas. Comment ne pas écouter ce cœur qui bat si fort à tes côtés ? Comment abandonner tout ça ?
Horrible déchirure.

- Je comprends. Je ne t’en voudrai jamais pour ça... Mais c’est l’impasse, pas vrai ? Faut que je parte, que je m’éloigne pour pas qu’on souffre, stupidement, pour rien... Tes frères, ils veulent pas abandonner non plus hein ? J’suis con hein. Comme si on pouvait effacer une guerre avec de l’amour.

Un goût amer grimpe dans ta bouche. Tes frères. Bianco ne trahirait jamais Rosenrot. Redwan ne trahirait jamais le sang. Cyan ira où va Olive et Olive où va Cyan. Silver peut-être, mais Silver est... Silver. Et Green. Green c’est différent, Green c’est particulier. Et Green il a Anja.
Foutu arc-en-ciel, foutue armée Soul. Un réconfort, un piège et un bourreau dans un joli paquet cadeau.

Ange est debout à présent. Il a délaissé sa serviette, mais plus aucun désir ne t’émoustille alors que tu observes pour la dernière fois sans doute cette virilité flasque entre ses jambes. Il s’habille en pleurant, sans dire un mot, mais tu n’en es pas non plus capable. Les larmes coulent sur tes joues comme autant de mots que tu ne sais pas dire.
Tu as si mal.
Habillé, Ange te regarde et tu lis dans ses yeux la même tristesse qui anime ton cœur. Tu aimerais le saisir dans tes bras, le bercer, le consoler. Tu aimerais glisser une blague, un jeu, un baiser.
Mais ce n’est plus ton rôle.
Alors tu te relèves, rassembles les papiers désordonnés sur le lit, ceux-là même qui ont déchiré toute votre relation. Tu aimerais les brûler, les oublier. Tu aimerais être assez forte pour passer au-dessus de ça. Mais à quoi bon faire l’autruche ? La réalité finira toujours pas vous rattraper.

Sans un regard pour Ange - tu n’en es juste plus capable - et tu fuis par l’escalier. Une fois dans la rue, tu avales une grande goulée d’air. Tu avances, te forçant à ne pas regarder derrière toi, à ne pas penser à tout ce que tu viens de perdre. Tu laisses tes pieds te diriger, sans faire attention au chemin.
Arrivée devant la statue de Peter Pan, tu exploses et les larmes te dévorent.
Fin de l’histoire.
.
.
.
.
.
Six mois plus tard.

Tes nuits sont faites d’insomnies et de cauchemars. Ton cœur se meurt lentement mais douloureusement dans ta poitrine et pas un espace de ton ennui n’est occupé par l’image d’Ange. Tu n’as plus le goût à rien. Tu ne cherches plus à voir tes frères, tu ne cherches plus à impressionner ton père.
Tu te laisses bouffer par le plus humain des chagrin : le chagrin d’amour.
Alors un soir où tu n’arrives pas à dormir, tu te glisses jusque chez Ange. Tu tends ton pouvoir sous ses fenêtres, juste pour sentir ses sentiments glisser contre ta peau, Juste pour avoir l’impression qu’il te pénètre une fois encore. La nuit suivante et toutes celles d’après tu réitères l’opération ; parfois tu ne restes qu’un instant, mais bien souvent tu fais durer le moment pendant des heures. Tu l’étires à en mourir. Parfois il est absent et la douleur te fustiges aussitôt, le chagrin d’amour retrouvant ton cœur pour t’achever.
Et puis un soir ce contact magique ne te suffit plus. Alors tu grimpes les escaliers, tu passes la porte et tu entres dans sa chambre, sans te préoccuper qu’il soit seul ou non.

- Je veux me battre pour nous.

Tu te refuses à une fin.
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Ange H. Rejes
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Attends ou vas-t-en, mais ne pleure pas

Le vent de la rue lui claqua au corps comme si c'était le pouvoir de sa copine -maintenant ex-copine- qui pleurait avec lui, et heurtait la douleur indicible engouffrée en eux. Ange partait, comme si ce n'était pas chez lui, cet appart londonnien.
Il devrait bien y retourner, un jour, remettre sa serviette sur son portant, dormir dans le lit avec son odeur, peut-être y croiser un reste du dossier qu'elle avait subtilisé... Mais pas là, il fallait laisser au tout le temps de se nettoyer, de se vider et de rester là, béant, attendant la désinfection.

Dehors il y avait la ville, la capitale, mais il ne ressentait que le vent, le bruit était criard et flou, le reste estompé, il traversait.
Des pigeons, des passants, des immeubles et des monuments, tout ça était un décor, un univers auquel il n'appartenait qu'à moitié, parsemé de véhicules et de déchets. La vie des autres lui faisait trop mal pour qu'il se donne la peine de s'y intéresser. Il bouillonnait d'une sécheresse douloureuse et insoutenable, il bloquait les mots et les pensées trop précises. Pour le moment, il fallait juste que le corps se mette en mouvement, que les jambes aient une occupation et qu'elles continuent, s'épuisent. La souffrance donnait trop d'énergie pour être supportable à l'arrêt. Il n'y avait pas de plan, pas de but. Juste un réconfort dans la conscience de n'être, pour l'extérieur, qu'un passant de plus, un type, juste, androgyne, peut-être un touriste, peut-être un étudiant, peut-être un artiste, un serveur dans un café, un type qui galère avec un boulot de merde et qui espère un truc, sans savoir quoi. Personne ne savait qu'il était un type au cœur brisé. C'était bien. C'était la seule chose à laquelle il pouvait se raccrocher.

Ange se laissa engloutir par la cohue du monde.


.
.
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.

Le plan finit par germer dans l'esprit de l'exorciste, quelque chose pour survivre, et avoir beaucoup à penser. Puisque c'était là que sa déchéance avait commencé, il retourna à Berlin pour travailler auprès de son cousin éloigné Cormag Scrimgeour. Il rencontra sa femme Elisabeth, sa protégée Sam. Il parla presque tous les jours la langue de sa mère, crispant la mâchoire à chaque fois qu'il se souvenait que c'était aussi celle de Bleuann. Il se lia d'amitié avec Uwe, qui travaillait au QG allemand. Il remplaça la douleur amoureuse par celle de la frustration, des idées contraires. Un environnement conservateur, il n'avait encore jamais vécu ça. C'était dur, mais beaucoup moins que de penser à sa rupture. Il allait tuer des gens et voilà, c'était la guerre. Il ne suivait pas toujours vraiment les ordre, faisait plus de prisonniers qu'il aurait dû. Il essayait de sélectionner ses missions.
Il était un petit soldat meurtri.

Il alla voir d'autres corps, d'autres sexes, il jouit sans penser, réussit à sourire et à rire, parce que le trou dans son ventre ne lui avait pas enlevé son goût pour la vie, par chance. Il savait combien étaient tombés dans leur propre gouffre. Il chercha, dans son temps libre, des orphelins. Il passa du temps avec Luka, et les deux gosses qu'elle avait à charge, son demi-frère et son cousin. Il cherchait Myaw. Elle l'aida. Ca ne donnait rien, ça avait été un massacre, la prise de l'orphelinat, et c'était difficile de remonter les pistes. Beaucoup avaient été perdus, et l'aide de Pandora, qui aurait été précieuse, avait été refusée.
Nérys et Jonathan faisaient de leur mieux pour s'occuper de tout ça, mais malheureusement, beaucoup de hauts exorcistes d'Orpheo ne donnaient pas la priorité à cet aspect-ci de la guerre. L'Ordre était de plus en plus désorganisé et déshumanisé par le conflit, trouvait-il.

Il dépassa le délai de coopération qui avait été convenu avec Berlin-Copenhague. On était content de son travail. Puis il fit une demande de réaffectation : service social, protection de l'enfance. Et un jour, celle-ci fut acceptée. Retour à Londres, reprise de la vie avec Chuck. Beaucoup de travail, parce qu'il aimait s'y perdre. Il sortait, riait, se réveillait de moins en moins avec des inconnus. Son corps était légèrement apaisé, il se faisait un devoir de passer à autre chose. Il riait toujours avec Luka, et d'autres amis, Ian, Hayley. Il se faisait du souci au travail, se couchait sans réfléchir le soir. Il avait, mine de rien, rempli de sa vie d'automatismes qui comblaient les endroits douloureux. La nuit, il ne rêvait jamais, et il trouvait cela apaisant.
Une fois, il s'était dit "ce n'est peut-être pas sain". Il avait chassé l'idée. Il aimait son calme nocturne.

Et un jour elle le troubla.

Ce fut le grincement du parquet qui le réveilla. Il entendit des mots. Il avait l'impression d'un fantôme.


- Quoi ? dit-il d'une petite voix apeurée.

Il ne savait plus vraiment s'il dormait, mais il avait peur, comme on a peur des craquements d'une maison, du monstre sous le lit. Il y avait une présence, il en était presque sur. Il se força à respirer calmement.

D'un coup, il se retourna, sortit des draps.

C'était comme un fantôme.

Elle était là, si belle et si triste, il eut instantanément envie de pleurer. Ses doigts se crispèrent sur les draps. Il secoua la tête, pour vérifier qu'il ne rêvait pas. Cligna des yeux. Il voyait une couleur. Un bleu apeuré, désemparé, à la recherche de quelque chose. Il essaya de décrypter les mots qui lui étaient parvenus alors qu'il dormait encore.

Ange sortit du lit, fit face à Bleuann, les yeux dans les yeux.
Lorsqu'il fut sûr d'avoir compris, il prit ses mains.

- T'es revenue.

Il pleurait déjà lorsqu'il passa une main sur sa joue blanche et l'embrassa.

Il ne voulait pas penser à ce que tout ça signifiait concrètement, il ressentait trop de souffrance en cette femme qu'il n'avait pas réussi à ne plus aimer, pas si rapidement. Et lui était trop engourdi pour refuser, refuser le piège qu'ils se tendaient à tous deux. Fallait réessayer. Ils parleraient plus tard, demain, ils trouveraient, peut-être quand ils auraient l'esprit clair...
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MessageSujet: Re: « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine »   « L'amour, un délicat enfant ! Il est brutal, rude, violent ; il écorche comme l'épine » EmptyMar 26 Mar 2019 - 19:05

Le noir enveloppe tout dans la chambre d’Ange, sauf son âme, ses sentiments, ses rêves. Tu sens sa douceur presque enfantine qui peut se muer en un désir bestial. Il n’est qu’un chérubin en train de dormir, mais sous ses traits se cache un archange capable de te faire jouir rien qu’en jouant du violon sur ton corps. Rien qu’en t’effleurant.
Les quelques pas qui te séparent encore de son lit et de la flamme si lumineuse de ses sentiments te permettent de t’évader dans tes propres doutes. La peur de revivre ces derniers mois : la solitude, la tristesse, le chaos. Tu as enchaîné les meurtres et les missions, te laissant couler dans la vie comme dans du sang. Pour penser à autre chose : tuer. Pour oublier la douleur sourde de ton cœur : tuer. Pour ne pas pleurer : tuer.
Le reste du temps tu le passais chez toi, recluse, ou à l’orphelinat. Tu as passé beaucoup de temps avec Red qui ne pose pas vraiment de question trop personnel ou en tout cas qui ne cherche pas à creuser si tu ne veux pas répondre. Tu as passé du temps avecson esclave personnelle aussi, Myaw. Belle jeune fille, tu t’étonnes qu’un sorcier noir n’ait pas déjà tenté de goûter à son nectar. Tu as décidé de la protéger un peu, mais tu sais que ton influence est faible et qu’un jour ou l’autre, elle passera à la casserole. En attendant tu t’es prise d’affection pour cette petite utopiste qui croit encore en la lumière, qui croit encore qu’on viendra la sauver.
Naïve.
Le monde est ainsi fait que personne ne sauve plus personne.

- Quoi ?

Petite voix qui chuchote dans le noir. Tu t’accroches à ce murmure, ce réveil fragile de l’être aimé. Immobilisée par ce soupir, tes pieds ancrés dans le sol refusent de te laisser aller plus loin. Alors il se tire de ses draps, se redresse, se relève, s’approche de toi. Ses rêves encore accrochés à ses cils.
Face à face, vous vous regardez, prêt à défier le monde et l’amour.

- T’es revenu.

Ses larmes se mêlent aux tiennes alors que vous vous embrassez. Tes mains s’accrochent à lui, à sa peau, à ses cheveux, à son essence. Une seule chose compte dans ton esprit : restez avec lui, celui que tu aimes, celui qui refuse de libérer ton cœur. Tant pis pour ton père, tant pis pour les risques, il en valait la peine. Ange valait toutes les colères du monde.
Vous lèvres s’entrechoquent alors que vos cœur se choquent. Corps à corps et cœur à cœur, tu te laisses emporter contre sa chaleur, contre son souffle. Peu à peu, tu écartes tes lèvres, sans pour autant lâcher sa main. Tu observes celui qui t’a tant fait rêver, fantasmer, désirer. Celui à cause de qui tu as tant souffert, également. Il est nu devant toi, dans sa plus simple beauté, celle qui t’es apparue à votre premier réveil ensemble, lorsque tu n’avais pas voulu de lui avant de lui sauter dessus. S’il est lion, tu es sa lionne, sauvage, bestiale, passionnée.
Ta main s’échappe de la sienne, caresse son torse, effleure son sexe, descend jusqu’à sa cuisse. Tu observes ce corps mince, pâle, ce corps d’homme devant tes yeux, comme si c’était la première fois que tu le voyais. En pleine innocence. Tu n’as pas envie de le dévorer, de le caresser, de le baiser. Tu as juste envie de te blottir contre lui et t’oublier, te déshabiller à ton tour pour oublier la distance, la douleur.

Alors tu t’écartes et tu ôtes tes vêtements. Doucement, patiemment. Ton pull d’abord, tombe à tes pieds, chenille sur le sol. Puis ton tshirt, ta jupe, tes collants. Tu es en sous-vêtement sous les yeux de ton amant. Tu glisses une main dans ton dos, décroches l’agraphe et libères tes seins. Deux balles blanches, pas si grandes, qui viennent s’épanouir dans la lueur nocturne. Puis, enfin, ta culotte que tu fais glisser le long de tes jambes.
Avant de retourner t’accrocher au cou de Ange. Nu contre nu. Peau contre peau. Sexe contre sexe.

Dans la fraîcheur de la nuit, entre la blancheur des draps, tu ne parles pas. Tu te contentes d’aimer, comme tu sais le faire. Ondulation des hanches avec douceur, lionne pieuse, reconvertie, amoureuse. Il n’y a pas de mots à poser, pas maintenant, pas tout de suite. Vous attendrez que le jour éclose pour parler, l’heure est aux retrouvailles, pour l’instant. Alors tu abandonnes ton corps dans le plaisir, la douleur, l’amour.
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