Elle court, elle court, la maladie d'amour...

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 Elle court, elle court, la maladie d'amour...

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Sylvester A. Aonghus
Sylvester A. Aonghus
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MessageSujet: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyJeu 22 Avr 2021 - 12:35

La première chose que fit Sylvester en arrivant à l’aéroport fut de passer par une pharmacie pour acheter un sirop contre la crève. Un truc infecte au goût très chimique de banane, mais qui était d’une efficacité sans limite. Son sac sur le dos, il attrapa ensuite le premier bus pour le centre-ville puis décida de marcher, se dirigeant sans peine dans cette ville qu’il avait appris à connaître.

Le matin-même, il était tranquillement en train de passer une matinée dans les bras d’une ancienne collègue à Amsterdam, suite à une mission compliquée avec des humains noirs. Lorsque son téléphone avait vibré sur la table de nuit, il avait bien senti la femme qui avait partagé sa nuit se tendre à côté de lui, mais il l’avait ignoré, un pressentiment qui lui broyait les côtes. Et en découvrant l’expéditrice, cette idée s’était renforcée dans son cerveau. Oubliant déjà le corps nu à ses côtés, il s’était redressé, déverrouillant d’une main son portable et attrapant son pantalon de l’autre.

– Tu t’en vas déjà ?

La mine boudeuse sur la mine de la jeune femme marchait à tous les coups pour rattraper les hommes. Pourtant, l’exorciste de la regarda même pas, ses doigts affairés à acheter un billet d’avion en bénissant la technologie moderne qui permettait de tout régler en quelques clics.

– Désolé, une urgence.

Il se pencha pour l’embrasser sur le front, mais elle le sentit déjà ailleurs dans sa tête. L’homme termina d’enfiler ses habits puis fila, le téléphone vissé à l’oreille pour commander un taxi.
Restée seule, elle soupira et attrapa le paquet de cigarette qui traînait sur sa table de nuit. Décidément, Amy avait raison ; il fallait qu’elle arrête de traîner avec des exorcistes d’Orpheo, ça ne donnait jamais rien de sérieux. Et si ce n’était que pour du sexe… autant coucher avec un sorcier noir, ils étaient souvent bien plus doué pour l’exercice.

Loin de se douter des pensées de la hollandaise qu’il avait déjà oublié, Sylvester poussa la porte de l’immeuble de Louis et monta les quelques escaliers qui le séparait de l’appartement de son ancien apprenti, sans même être essoufflé. Malgré ses 50 ans – presque 51 –, il était plus en forme que jamais. Il savait qu’il pouvait compter sur ses muscles, son endurance et sa force brute. Si Jilano avait pu le voir, il aurait été fier. Mais Jilano n’était plus là et c’était désormais Louis qui avait besoin de lui.
Avant même de toquer, il essaya d’actionner la poignée et la porte s’ouvrit sans opposer de résistance. Il devina alors que Carla avait sûrement dû partir sans la fermer et que Louis n’était pas parvenu jusqu’à la serrure pour la refermer. Il se remémora brièvement son message :

Les choses ne vont pas très bien avec Louis. Je suis partie de la maison. Je pense qu’il aurait besoin de te voir. Il est malade aussi… un rhume je pense.

La bouteille de sirop dans une main, il n’y avait pas de rhume qui allait tenir. En pénétrant dans l’appartement, le maître trouva Louis affalé sur le canapé, comme vidé de toute son énergie. Avec un geste autoritaire, il posa la bouteille sur la table.

– Tu vas avaler trois cuillères de ça et me débarrasser la montagne de mouchoirs qui traînent sur la table.

Il s’assit sur ladite table basse et regarda le malade.

– Les seules raisons qui justifient que tu ne sois pas allé t’entraîner aujourd’hui – et n’essaie même pas de me mentir en prétendant le contraire –, c’est d’être mort ou d’avoir perdu tes jambes. Or tu m’as l’air bien en vie et je vois ton pied dépasser du plaid.

Encore une chose qu’il avait hérité de son propre maître et essayé de transmettre à son apprenti. Aucune excuse ne pouvait faire manquer le footing matinal, même la pire des grippes. S’il fallait qu’il vomisse, il vomissait. Pas de discussion, pas d’hésitation.

Même pas la maladie de l’amour ?
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyLun 26 Avr 2021 - 8:47



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«Boire, c'est se faire un devoir d'avouer, c'est faire la lumière sur l'obscur. » - Virginie Despentes
Le monde s'était dorénavant résumé au canapé, à cet englobement du corps par le plaid, la tyrannie de la douleur sur le bonheur. Louis ne bougeait plus et ne s'abîmait plus à tenter de trouver quelconque nourriture terrestre ou une bouteille d'alcool qui empirerait l'était dans lequel il s'était avachi pour ne plus se relever. L'alcool, il en avait assez bu, la nourriture, il n'y avait pas touché. Et dans ce mélange peu ragoûtant de bière tiède, de rhum de cuisine et de bile, le jeune homme sentait son corps chavirer comme un navire en pleine tempête. L'envie de vomir était présente, sans la volonté de se lever pour l'accomplir. Le goût amer et piquant du rhume et d'une légère ivrognerie poussait Louis à désirer de l'eau et à ne pas aller en chercher. Sa tête, sans dessus-dessous, tournait à n'en plus finir jusqu'à ce qu'il perde le sens du temps et des choses.

Declan était passé, peut-être une ou deux fois. Ou bien même trois. Il ne savait plus. Cependant, la promesse comme une sentence de torture de repasser encore hantait l'esprit embrumé de Louis. Quand ? Pas la moindre idée. C'était à peine s'il pensait à quelque chose. Son nez encombré reniflait par réflexe, demandant des mouchoirs pour se soulager de l'obstruction de morve, mais allier le geste à l'instinct de survie semblait plus impossible qu'allier le geste à la pensée et les pensées le désertaient. C'est pourquoi l'absence de réaction fût sa réaction quand la porte s'ouvrit soudainement et que ce ne fût pas Declan qui entra, mais Sylvester. Louis ne leva qu'à peine le regard, de peur de devoir à nouveau ressentir quelque chose, préférant de loin cet abrutissement dans lequel les miasmes alcoolisés l'engluaient. Il fronça néanmoins les sourcils : le mouvement de l'homme lui faisait mal à la tête.

– Tu vas avaler trois cuillères de ça et me débarrasser la montagne de mouchoirs qui traînent sur la table.

L'apprenti avait regardé sans mot dire son maître sortir une bouteille et la posé de manière autoritaire et absolue sur la table. Il n'esquissa pas plus de geste ou de mot pour répondre au stimuli auditif et à l'injonction.

– Les seules raisons qui justifient que tu ne sois pas allé t’entraîner aujourd’hui – et n’essaie même pas de me mentir en prétendant le contraire –, c’est d’être mort ou d’avoir perdu tes jambes. Or tu m’as l’air bien en vie et je vois ton pied dépasser du plaid.

Son pied. Louis regardait à présent son pied avec une insistance proche de la folie. C'était le mot qui était ressorti du discours de Sylvester, sans qu'aucun autre ne s'accroche réellement à sa conscience. Son pied, caché par une chaussette troué sur le petit orteil, était complètement inutile. C'était la conclusion que Louis en faisait. Son pied était inutile. Voilà. Il ne lui avait servit à rien. Peut-être ne lui servirait-il plus à rien d'ailleurs. Quelle drôle d'idée d'avoir un pied.

- Quelle drôle d'idée d'avoir un pied.

La formulation à voix haute brisa quelque chose dans le rêve presque hallucinatoire qui remplaçait la réalité. Louis sentit le monde tanguer plus que jamais et la bière tiède, le rhum de cuisine et la bile se retrouvèrent sur le parquet sur lequel il avait basculé de manière spasmodique, douloureuse et aléatoire. L'odeur atroce se répandit et le jeune homme retrouva un peu de clarté. Si peu...

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Sylvester A. Aonghus
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyJeu 29 Avr 2021 - 13:06

Après son premier apprenti qui avait été, pour Sylvester, une énorme déception, Louis avait été l’enfant prodige, celui qui ne rechignait jamais à apprendre, à la suivre à 5h tous les matins pour courir 20 km, à faire des croix sur les loisirs pour partir en mission en Sibérie pendant trois mois. Pandora avait vu juste en le lui confiant et il avait retrouvé dans l’enthousiasme et la détermination du jeune homme, un reflet de lui-même, comme une juste passation de tout ce que Jilano lui avait transmis…
… mais à le voir ainsi avachi sur son canapé dans les relents de l’alcool, il commençait sérieusement à regretter.

Et pourtant, Louis l’ignorait, mais les deux hommes étaient encore une fois de plus similaire dans leur désespoir. Le maître avait connu les mêmes déboires amoureux, la même douleur du cœur une vingtaine d’année auparavant. Des maux qui avaient été créé par la mère de Carla en personne.
Lily…
Il sentit son cœur se tordre dans sa poitrine, mais refusa de l’écouter. Lily était un pan de son passé, une terrible douleur qui avait créé une rage incendiaire en lui. Il ne souhaitait pas y revenir. Avec le temps, il avait appris à connaître sa fille et à la détacher de la mère, à oublier que leurs rires résonnaient de la même manière, les haussements d’épaules qui sonnaient comme des échos avec son passé. Il avait oublié les points communs et vu les différences, ce qui faisait de Carla la jeune femme forte et indépendante qu’elle était devenue sous sa coque de fragilité. Lily était retournée dans les limbes des souvenirs et il n’avait pas cherché à savoir ce qu’elle était devenue, ni elle ni son mari, ou leur fils, celui qui était né huit mois après leur rupture…

Si la douleur de son ancien apprenti avait fait remonter ce qui était enfoui en lui, Sylvester n’en montra rien, se contentant de regarder avec dégoût le tas de mouchoirs à côté de lui et la larve sur le canapé qui ne semblait pas décidé à bouger.

– Quelle drôle d’idée d’avoir un pied.

Il n’eut pas le temps de commenter la folie de Louis, que déjà celui-ci était en train de répandre ses tripes dans une odeur âcre et acide qui s’installa dans l’atmosphère de désespoir. Regardant le malade à genou dans son propre vomi, puis ses chaussures éclaboussées par la bile, l’australien soupira avant de se lever pour aller à la cuisine, attrapant une casserole qu’il remplit d’eau glacée. Il y trempa ensuite un linge avec lequel il vint essuyer ses chaussures, puis attrapa la casserole et retourna vers Louis afin de la lui renverser sur la tête, l’eau gelée giclant contre ses cheveux et sur le parquet.

– Tu as de la chance de ne pas être chez les sorciers noirs ; ils t’auraient fait nettoyer tout ça avec la langue.

Puis il lui lança le linge qui avait servi à essuyer ses chaussures.

– Allez, j’ai pas toute la journée !

Mais c’était un mensonge. Puis Louis, Sylvester avait toute la semaine, le mois, la vie s’il le fallait. Il y avait entre le maître et l’apprenti un de ses liens si fort, ceux qui n’avaient pas été créé par le sang et qui pourtant pouvait déplacer des montagnes. Comme le fils qu’il n’avait jamais eu.
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Louis M. Jørgensen
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyDim 16 Mai 2021 - 8:43



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Les balbutiements de mes pensées se firent bruyants, éclectiques, douloureux. Il me semblait revenir lentement à la surface, traversant une mer presque solide de désordre et de délire. J'allais aspirer de nouveau une gorgée d'air, un semblant de lucidité foireuse quand une cascade gelée coupa ma respiration. Le hoquet qui en résultat n'était rien d'autre que pitoyable. Mes cheveux collés le long de mes joues, sales, dégouttant l'eau et la crasse installée, me donnaient l'air d'un chiot perdu. Mon cerveau bloquait encore, peinant à comprendre que le blizzard était passé. J'étais encore à contempler le passé, je ne parvenais pas au présent.

– Tu as de la chance de ne pas être chez les sorciers noirs ; ils t’auraient fait nettoyer tout ça avec la langue.

La langue ? Ma langue était réduite à l'état d'une limace molle et pâteuse à la fois. Une sorte d'étourdissement amer l'enveloppait et lui donnait la pesanteur du plomb. Curieux de ces sensations qui me revenaient, je tentais de la tâter avec mes dents, tout en tâtonnant de ma langue le relief tartreux de mes dents. Dans cet étrange ballet de deux choses contradictoires, il y eut morsure.

- Aie !

La douleur et le goût sang se propagent dans ma bouche, causant une violente rupture. La réalité me devient de nouveau tangible et non plus hallucinatoire. Cependant, mes cheveux gouttent toujours sur le sol et l'odeur du vomi empli mes narines. Il n'est pas très agréable de contempler sa déchéance, quelle qu'elle soit. J'entends à peine Sylvester m'enjoindre de me dépêcher tant la douleur que je voulais taire est en train de revenir en force aux portes de ma conscience. Carla est f*cking partie.

Je me relève péniblement. Mes muscles brûlent de l'absence de mouvement. Je me rassois sur le canapé en attrapant le linge humide lancé par Sylvester, déjà imprégné de ce qui n'aurait jamais dû sortir. Avec une attention toute particulière, j'essuie des coins propres les coins de ma bouche puis, sans plus grande précaution, ramasse mes conneries sur le sol. Je me relève, titubant un peu, et rejoins mon mentor dans la cuisine pour rincer le tissus imbibé de bile. Le geste automatique de mes mains sous l'eau et l'odeur s'atténuant me rassérènent peu à peu. Mécaniquement, j'éteins le robinet, pose le torchon sur l'égouttoir et pousse un long soupir qui se termine en toux.

- On a inversé la Sibérie.

Qui peut avoir autant de beaux souvenirs du lac Baïkal, cette étendue immense et gelée, et en même temps ressasser avec rancœur ces quelques heures à peine où le voyage s'était transformé en un enfer ? Je crois que c'est au lac Baïkal que j'ai compris dans quoi je m'étais embarqué, non pas tant par rapport à ce mentorat qu'à notre relation personnelle. A vie.


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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyLun 17 Mai 2021 - 14:45

Les gémissements de douleur de Louis se perdirent dans les éclaboussures. Des lamentations dont Sylvester s’éloigna de quelques pas pour rejoindre la cuisine, ouvrant les placards comme s’il était chez lui afin d’en sortir une casserole et un paquet de pâtes. Il n’osait pas imaginer ce qui pouvait bien nager dans l’estomac de son ancien apprenti, mais se doutait que ça devait être liquide et alcoolisé. Il ne le voyait pas se lever pour se concocter un bon petit plat.
Il était en train de couper un oignon pendant que l’eau bouillait à côté de lui lorsque le jeune homme refit surface, encore vacillant sur ses deux jambes, passant le torchon sale sous le robinet.

– On a inversé la Sibérie.

Les souvenirs vinrent gifler l’australien comme une vague de vent froid contre sa joue. Les plaines glacées à perte de vue, le lac Baïkal qui crevait toujours l’horizon et la buée qui s’échappait de leur gorge brûlante. La Sibérie c’était les blessures, c’était le froid qui dévorait tout, les cicatrices qui s’ancraient pour ne jamais mourir sur la peau. Il en avait pourtant accumulé, des marques sur sa peau, au fil des ans, des blessures qu’il refusait de voir disparaître sous la magie des guérisseurs, pour ne jamais oublier les lames plantées dans la chair, comme une forme de coquetterie belliqueuse, des tatouages à l’encre de sang.
Pourtant, celle-là il avait tout fait pour la voir disparaître. La longue balafre qui tigrait ses côtes, s’achevant juste au-dessus de son nombril, déchirant son torse. Aussitôt de retour à Moscou, il s’était précipité à l’IBMM pour effacer cette trace, effacer son corps. Ils n’avaient rien pu faire. Alors il avait été rendre une petite visite à Alec qui était certainement le meilleur guérisseur qu’il connaissait, un gars dont la magie était une extension de sa réalité, dont la chaleur se déversait aussi facilement que sa respiration. Mais il n’avait rien pu faire non plus, et il avait fallu apprendre à vivre avec une marque de plus, plus gigantesque encore que toutes les autres, plus sale aussi, plus douloureuse.

Inconsciemment, il effleura du bout des doigts son flanc, devinant sans la toucher, la boursoufflure sous le tissu. La Sibérie qui devait être une mission de routine – jamais sinon il n’aurait amené Louis avec lui – jusqu’à cette sorcière noire, la sorcière de trop. Celle qui connaissait son âme et qui déchirait la peau, qui l’avait griffé de ses pouvoirs, agrippé jusqu’à ce que les marques ne se détachent plus, ce visage figé par une haine incommensurable, inconcevable. La magie et les runes avaient pénétré dans le sang, empoisonnant la cicatrice pour qu’elle reste gravé à tout jamais, plaquée jusqu’à l’os. Une magie qu’il avait vomi pendant des jours et des jours, Louis à son chevet, l’acidité sur la blancheur gelée du sol, alors que le cadavre de la sorcière se faisait dévorer par les charognards.
Il avait fini par la tuer, mais à quel prix ?
La sorcière dont il connaissait les traits, la faiblesse d’un autre, à croire qu’il y avait dans le cœur des gens, qu’ils soient humains ou sorciers, toujours une faille. Un regard brûlant et qui l’avait déjà brûlé, alors qu’il était bien plus jeune, au côté de Jilano. Celle pour qui son maître aurait tout passé, celle pour qui il avait tout passé. Pire que Dorian Cross, pire qu’Anja von Duisbourg, une manipulatrice et tortionnaire que l’homme pour qui il avait éprouvé le plus de respect dans sa vie, avait aimé à s’en rendre malade. Salomé.
L’amour venait toujours s’infiltrer dans les veines.
Jilano n’était plus là, mais tuer celle qui l’avait tant aimé avait été un peu comme le voir mourir une seconde fois. Et, lorsqu’il était enfin parvenu à écraser le cœur de son adversaire et que le masque de la mort s’était déversé sur ses traits, la blessure qu’elle lui avait infligée limant déjà ses côtes, il avait senti le poids du monde se déverser sur son estomac. Avait-il vomi à cause de la magie éteinte de Salomé ? Du sang qui coulait comme de la sève hors d’un arbre abattu ? Ou avait-il vomi sa mort comme l’on pleurait ceux qu’on aimait ?

Il versa les oignons dans un fond d’huile d’olive frémissant et les pâtes dans l’eau bouillante.

– Je ne t’en ai jamais parlé, mais aussi étonnant que ça puisse paraître, je suis moi aussi tombé amoureux, il y a bien longtemps.

Les tomates vinrent rejoindre les oignons alors qu’une douce odeur de cuisine commençait à recouvrir celle acre du vomi.

– Elle est partie pour un autre. Par peur, sans doute. Par amour également.

Par amour pour ces enfants, pour le petit être à venir et qui grandissait chaque jour dans son ventre.

– Salomé a quitté Jilano pour suivre ses ambitions personnelles.

Comme un fantôme qui avait éclot dans le présent, il sentit la présence de celui qui avait été son maître, mais également son mentor. Et les mots qui sortirent de la bouche de Sylvester lui parurent teinté du timbre de Jilano.

– Carla ne partira pas. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre vous, mais je sais qu’elle t’aime.

Il l’avait lu dans ses yeux, le jour où il avait débarqué chez Louis et qu’il l’avait découverte dévastée après l’attaque du Mystery. Il l’avait senti dans la tension qui planait dans l’avion qui les avait amenés au Canada. Il l’avait entendu dans les cris de détresse des deux jeunes gens lors de leurs retrouvailles. Carla n’était pas Lily, ni Salomé, et elle aurait tout sacrifié par amour pour le malade. Y compris leur couple.
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyMar 15 Juin 2021 - 18:38



Elle court, elle court, la maladie d'amour...
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«Boire, c'est se faire un devoir d'avouer, c'est faire la lumière sur l'obscur. » - Virginie Despentes
– Je ne t’en ai jamais parlé, mais aussi étonnant que ça puisse paraître, je suis moi aussi tombé amoureux, il y a bien longtemps.

L'odeur des oignons et le mélodrame en cours, il ne manquait plus que cela pour ajouter au tableau pitoyable que forme cet appartement. Pas de repos pour les braves, mais du vomi pour les cons. Ma tête brûle et refuse encore de me laisser structurer mes pensées. Je contemple Sylvester d'un œil morne. Le grésillement de l'huile dans la poêle est comme un marteau piqueur dans mes oreilles. Lorsqu'il ajoute les tomates, l'odeur devient plus présente et me brûle l'estomac. Un gargouillis ignoble résonne dans la cuisine et me fait grincer des dents.

– Elle est partie pour un autre. Par peur, sans doute. Par amour également

Mon cœur se serre. Je ne veux pas que Carla parte. Pour un autre, par peur, par amour, je m'en fou. Je devine la triste de l'homme rien qu'à voir ses épaules raidies. Je comprends que je ne serai pas triste si Carla part. Je serai dévasté, anéanti, mort.

– Salomé a quitté Jilano pour suivre ses ambitions personnelles.
- Salomé était une sorcière noire, je grommèle, toujours vaseux.

Carla n'est pas une sorcière noire. Je ne suis pas Jilano.

– Carla ne partira pas. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre vous, mais je sais qu’elle t’aime.

Et il suffit de quelques mots pour voir rouge. Mon cœur s'emballe de toutes ces conneries. J'ai envie de tout balancer, la poêle et les oignons, les tomates et les pâtes. J'ai envie qu'il se la prenne dans la gueule et que l'huile brûle sa connerie à lui, ça en fera moins sur Terre. Mes mains s'agrippent au plan de travail et je contiens mon envie de hurler. A grand peine.

- CARLA EST PARTIE !

Autant pour la retenue et les larmes qui envahissent mes yeux. Je ne pensais pas que l'amour déchirait autant. Je ne pouvais comprendre ce qu'on appelait la douleur. J'ai été trop con et c'est ma connerie à moi qu'il faudrait brûler, effacer, détruire. J'ai envie de frapper cet homme qui ose me dire qu'elle partira pas alors qu'elle n'est déjà plus là. J'ai envie de lui en foutre une et qu'il ravale ces paroles affreuses. Le frapper, jusqu'à ce qu'il tombe sur le sol et que, peut-être, j'ai trop mal aux poings pour sentir encore mon coeur.

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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyMar 15 Juin 2021 - 20:06

Parfois Sylvester se rendait compte qu'il devenait vieux et ça lui tirait un sourire mi-amusé, mi-nostalgique. Il se rappelait de lui plus jeune, à peine plus âgé que Louis, alors que Lily le quittait pour un autre, traçant un trait indélébile sur leurs nuits. Il se rappelait de la douleur, de l'achèvement lors des adieux, de son envie de tout déchirer, exacerbée encore par la mort de Jilano à ce moment-là. Il aimait Lily, d'un amour si terrible qu'il pensait qu'il ne pourrait plus jamais aimer après cela. Il l'aimait tellement qu'il avait été prêt à la laisser le quitter, mais que ça n'avait pour autant pas moins blessé son cœur. La douleur avait mis des années à se refermer, des années de torture, de rêves noir, de corps d'autres qu'il enchaînait et qui ne lui ressemblaient jamais assez.
Puis il avait constaté que l'amour n'était jamais mort et il avait rouvert son cœur. À sa grand-mère qui l'avait élevé. À Louis qui était comme un fils pour lui. Au sourire d'Elizabeth et aux souvenirs que ça faisait remonter. Aux potes du boulot. À lui-même.
Ça ne serait plus jamais pareil, mais la vie ne s'était pas arrêtée. Mais ça, ce n'était pas des leçons que l'on transmettait, mais de celles qu'il fallait attendre que les autres comprennent tout seul. Sylvester pouvait être là pour Louis, l'accompagner sur le chemin, le porter quand il le fallait, mais il ne pouvait pas le faire à sa place.

– Salomé était une sorcière noire.

Le maître se tourna vers son apprenti et vit dans ses traits l'enfant qu'il était resté. N'en finissait-on jamais de grandir ?

– Ça n'en rend pas l'amour de Jilano moins précieux pour autant.

L'amour ne s'attardait pas sur des rangs, des races ou des camps. Il dévorait autant qu'il réunissait et Jilano et Salomé étaient tombés dans le piège, s'aimant d'une force inépuisable. L'ancien exorciste aurait tout fait pour elle, même après sa trahison, tout sacrifié pour apercevoir un regard, un souvenir, une étincelle. Et la sorcière elle-même n'était-elle pas venue à l'enterrement de son ancien amant, malgré le risque qu'Orpheo représentait pour elle ?

– CARLA EST PARTIE !

L'australien ne tressaillit même pas au hurlement de Louis. Il attrapa une casserole pour vider l'eau des pâtes avant de les verser dans deux assiettes avec un peu de la sauce qui avait terminé de cuire. Il aurait préféré des pâtes entières, évidemment, mais il s'en contenterait. Il ouvrit le frigo, râpa un peu de fromage sur les deux assiettes qu'il déposa ensuite sur le comptoir qui séparait la cuisine du salon.

– Je sais mon grand, je sais. Mais elle reviendra.

Il resta debout dans la cuisine, sachant ce qu'il risquait de s'en suivre, sachant que la colère démangerait les poings de Louis comme elle avait démangé ceux de Sylvester et probablement ceux de Jilano avant eux. Il était prêt à encaisser les coups, défoule toi mon bonhomme, à voir l'entraînement qu'il lui avait offert se retourner contre lui.
Il se savait protégé par sa force et par l'ivresse de Louis, et il savait surtout que parfois seule la douleur pouvait trouver le véritable chemin.
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyMer 16 Juin 2021 - 16:10



Elle court, elle court, la maladie d'amour...
Sylvester & Declan & Louis

«Boire, c'est se faire un devoir d'avouer, c'est faire la lumière sur l'obscur. » - Virginie Despentes
Les assiettes de pâtes trônent comme une banalité dans le tourbillon de bordel qu'est devenu ma vie. Sylvester commente ma réplique par une tirade sur l'amour de Jilano. J'ai envie de lui faire bouffer ses mots. Oui, Jilano aimait Salomé et Salomé aimait Jilano. Il n'en reste pas moins que c'était une sorcière noire et qu'ils se sont bouffé l'un l'autre, abîmés par leurs camps respectifs et le besoin de valeurs différentes. Ils se sont aimés jusqu'à ce que l'un meurt, sans jamais être vraiment ensemble.

- P't'être qu'il serait pas mort alors.

Je m'entends prononcer ces mots avec une violence inaccoutumée, l'air de dire que c'est de leur faute et qu'ils ont été cons. Mais n'ont-ils pas été autre chose que cons ? Je sais que Sylvester respectait beaucoup son maître et respecte peut-être bien plus le souvenir qu'il lui en reste. J'ai appris ce que je sais grâce à l'ombre majestueuse de Jilano et de ses préceptes. J'ai appris parce qu'il a appris à Sylvester et que les deux hommes sont de bons maîtres. Mais ce que j'ai appris ne m'a servie à rien. Mon entraînement n'a pas évité la Norvège et ma famille. Mes connaissances ne m'ont pas permis de dire non et de rester le Louis que Carla aimait, parce qu'elle est partie.

– Je sais mon grand, je sais. Mais elle reviendra.

Virer les banalités.
Foutre en l'air de travail de l'homme.
Lui faire ravaler sa sagesse à deux balles.

Je le regarde, furieux, prêt à balancer ma colère à sa grande gueule. J'ai perdu les pédales, je ne sais plus faire de vélo et guider ma vie. Je crois que j'en veux au monde entier, parce que c'est plus facile. Je veux que tout le monde souffre parce que je souffre et que surtout, je ne veux plus songer que je suis seul.

Abandonner.

Je ferme doucement les yeux sur ma colère qui s'éteint avec la lumière. Tout seul dans le noir, ne reste qu'un paysage dévasté et informe, une lande de tristesse qui semble s'étaler sans fin. Comment peut-on supporter ça ?

Deux larmes coulent lentement sur mes joues et j'inspire l'air dont je ne croyais pourtant pas manquer. Mon estomac vacille sous l'odeur des pâtes, entre envie de vomir ce qu'il n'y a pas et engloutir afin de remplir ce vide insondable. Pour revomir ensuite. Se révolter contre cette douleur qui n'a pas de sens et la honte qui l'accompagne.

- J'ai merdé, dis-je en m'asseyant sur une chaise du bar. J'ai grave merdé et elle aussi. Ca nous a foutu en l'air.

J'attrape une fourchette de pâtes comme mu d'un instinct fébrile. Le goût n'est pas terrible au milieu de l'amertume de l'alcool et des remords. La bouchée est difficile à avaler. Je murmure d'une voix brisée :

- Sylvester ? Je suis pas sûr qu'elle revienne...

Dis moi encore que oui.
Protège-moi.
On est tous des enfants quand on a le cœur en miettes.

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Dernière édition par Louis M. Jørgensen le Mer 7 Juil 2021 - 20:08, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyLun 21 Juin 2021 - 20:24

Jilano, si fort et droit, toujours fier dans l'adversité, le Jilano qui avait fait de lui qui il était, qui l'avait formé, celui qu'il avait appris à aimer comme un père. Le modèle sur Terre de Sylvester, à jamais même dans le caractère si figé de la mort.

- P't'être qu'il serait pas mort alors.

Si ça avait été n'importe qui d'autre à la place de Louis, dans n'importe quelle autre situation, Sylvester n'aurait pas toléré ces mots. Il aurait envoyé son poing dans les mots, dénonçant un crane jusqu'à ce que la tête de l'abruti soit enfoncée dans un mur.
Heureusement pour lui, Louis était protégé par l'amour inconditionnel que lui portait l'australien.
Les gamins. Ils croient être les seuls à vivre la douleur, que personne n'a jamais rien connu de tel avant eux, que leur histoire de cœur est la plus belle que la Terre ait connu. Alors qu'elle s'inscrit juste dans l'azur de l'humanité comme un fragment de ciel supplémentaire.

Louis ne frappa pas. Il ferma les yeux et laissa sa colère se contenir. Le quinquagénaire aurait pourtant préféré l'inverse ; les combats de boxe il savait mener, alors que les mots étaient moins son domaine. Mais il crispa la mâchoire et attendit la suite, les veines prêtes à déborder des ses bras sous la tension accumulée.

- J'ai merdé. J'ai grave merdé et elle aussi. Ça nous a foutu en l'air.

C'était de ces histoires qui trouaient le cœur. Celle qui restaient gravées à jamais parce que, quoi qu'il puisse se passer après, c'était la première. Tout le monde souhaitait également que ce soit la dernière. Et pourtant ça se délitait, ça crevait la tête et ça laissait les amoureux déchus ivre sur le bord de la route. Il n'y avait que le moment présent qui brillait vraiment.
Louis glissa une fourchette dans les pâtes et l'avala avec difficulté, déglutissant les larmes avec la nourriture.

- Sylvester ? Je suis pas sûr qu'elle revienne...

Il aimerait être celui qui dit oui, celui qui protège, qui enveloppe. Mais il avait trop peur d'être celui qui mentait, alors Sylvester serra Louis contre lui, étreinte maladroite de cet homme si grand aux mains si puissantes face à cet enfant effondré. Les mots étaient compliqués dans sa bouche, mais se voulaient honnêtes et présents.

- Il y a plus que cette histoire qui vous relie l'un à l'autre. Je suis certain que, d'une manière ou d'une autre, elle sera toujours là pour toi. Elle n'aurait pas pris la peine de m'écrire autrement.

Contre son cœur, Louis était encore un gosse, un gosse avec la vie devant lui. Que lui réservait l'avenir ? Une vie avec Carla, une vie avec une autre, des autres ? Une vie avec personne ? Mais non, mais non, il y aurait toujours l'amour autrement, et dans ces amours différentes, il y aurait l'amitié qui le liait à Carla, quoi qu'il se passe sous la rage et les blessures, une part de leur enfance accrochée pour toujours dans le petit village de Little Angleton.
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyJeu 24 Juin 2021 - 16:02



Elle court, elle court, la maladie d'amour...
Sylvester & Declan & Louis

Il ne faut aider que ceux qui sont à même de le supporter sans vous le reprocher par la suite et il ne sont pas nombreux.
Louis mettait trop de temps à répondre à mes messages pour que cela ne commence pas à m'agacer. Il n'y avait pas deux jours que je lui avais arraché la promesse de me tenir au courant et de m'avertir de son état. Rangeant mon bureau déjà dévasté, croûlant sous des piles de papier alors que la journée n'avait qu'à peine commencée, je me résolu à laisser en plan mes dossiers ouverts ce matin et non clôturés. Tom, mon assistant, mettrait de l'ordre dans tout cela, mais j'étais énervé de ne pouvoir le faire moi-même.

Je quittai le siège d'Edimbourg, accueilli par une pluie fine, presque douce. Princes Street était tout de même bondée, imperturbable sous le ciel gris d'Ecosse. Il y avait toujours des touristes pour prendre des photos du Scott Monument et la queue devant le café du Milkman. L'odeur enivrante du breuvage torréfié accompagnée de celle des pâtisseries sucrées me rappela férocement que je n'avais pas pris le temps de déjeuner. Luka me taperait sur les doigts si elle le savait, mais, pris par d'autres soucis que les miens, je n'avais pas le temps de me pencher sur mes éternels démons.

Remontant la Royal Mile en claudiquant toujours avec ma canne et me faufilant derrière la cathédrale Saint Giles, je me demandais d'ailleurs s'il ne faudrait pas que je prévienne Luka de l'état de Louis. Après tout, les deux se connaissaient et c'est elle qui l'avait introduit dans mon bureau pour qu'il intègre le siège. Je me disputai une énième fois avec moi même : je n'avais pas le temps, ni le courage, pour dire la vérité, de me battre avec elle. Je n'avais pas de doute quant à qui hébergeait Carla après tout ça.

De son côté, Louis n'avait pas été très bavard, de toutes façons et je n'avais pas compris l'entièreté du bordel qui s'était déroulé quelques jours auparavant. Je n'avais eu la force que de l'engueuler sommairement, me réfugiant sous ma casquette de chef et constatant avec impuissance le désespoir dans lequel il se trouvait. J'étais passé le voir deux fois. Il n'avait pas semblé bouger du canapé, toujours engoncé dans les mêmes vêtements et une aura d'alcool, de même que les cadavres des bouteilles toujours plus nombreux jonchaient le sol. Cela n'avait que trop duré. Je ne me serais pas permis de juger la douleur qu'il éprouvait, mais le manque de professionnalisme dont il faisait preuve avait tendance à titiller le bureaucrate qu'on me reprochait parfois d'être. Bureaucrate ou pas, je n'en étais pas moins rendu à me déplacer pour bouger le cul de ce garçon pour qui j'éprouvais à présent une grande affection.

- Ce qu'il ne faut pas faire, grommelais-je en montant les escaliers de son appartement, mon corps toujours affaibli grinçant et la canne tapant contre les marches.

Je pris le temps avant de toquer à la porte de bien constituer mon image, effaçant la fatigue de mes yeux, remplumant un corps toujours marqué par la faim, dissimulant les faiblesses qui me faisaient honte. On ne se sépare pas si facilement du passé.

- Louis ?

La porte était ouverte et je m'étais faufilé à l'intérieur, tombant nez à nez avec Sylvester Aonghus. Et Louis. Devant une assiette de pâtes.

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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyMer 7 Juil 2021 - 10:49

Les bras enroulés autour de Louis, Sylvester songeait à la cruauté de l'amour. À sa difficulté, également. Pour quelques moments d'égarement, de plaisir entre les draps, de mots doux échangés, de regards complices, combien de déchirures ? Qui prenaient le pas sur tout, détruisant les choses, s'infiltrant jusqu'à attiser la haine pour mieux survivre. Louis avait-il, à un instant, choisi de haïr Carla ? Pour trouver le courage de se relever, de boire un verre d'eau, trouver la force de tenir debout. Avait-il essayé cet antidote si terrible à l'amour, celui de la haine qui ne durait pourtant qu'un temps avant que les sentiments reviennent et détruisent un peu plus ?

Quelques coups fragiles à la porte et l'ancien maître, pudique, relâcha Louis pour le laisser à son assiette de pâtes. Une seconde, il se surprit à penser que ça pouvait être Carla, toquant timidement à la porte de leur amour. Il pourrait alors s'éclipser en douce, les abandonnant à leurs retrouvailles, des pâtes refroidissant sur un comptoire.
Mais la voix masculine qui perça soudain lui ôta tous doutes.

– Louis ?

Ce ne fut par Carla, mais Declan Mystery qui apparut dans le salon. La jeune femme reviendrait-elle ? Repasserait-elle le seuil de cet appartement dans lesquels ils avaient essayé de se reconstruire après tous les drames qui avaient entachés leur vie ? Sylvester n'avait pas la réponse à ces questions. Malgré le temps, malgré la sagesse, malgré les années, l'amour restait toujours aussi incertain et compliqué.
Mais on finissait pas s'en remettre, quelle que soit la réponse.

– Bonjour Declan.

Les deux hommes avaient déjà eu l'occasion de se croiser sur diverses missions, alors que Declan n'avait pas encore repris la direction d'Orpheo Ecosse, Irlande du nord et Pays de Galles, et que Sylvester avait moins de rides aux coins des yeux. Les occasions de se voir s'était cependant amoindrie avec le temps, alors que l'un gradait pendant que l'autre faisait tout pour fuire la bureaucratie et tout ce qui s'en suivait. L'australien aimait le terrain, frapper fort et détruire les jolies – ou laides, pas de discrimination – gueules des sorciers et humains noirs. Ça l'avait toujours un peu fasciné de voir ses anciennes connaissances avoir ce désir de monter dans la hiérarchie alors que lui, ça lui paraissait terriblement ennuyeux. Mais il en fallait bien, des Kurt et des Edwin pour l'engueuler quand il ne faisait pas bien ses missions. Pour le couvrir aussi, de temps en temps.
Il se demanda si Louis suivrait ses pas ou ceux de Declan. Son ancien apprenti aimait le combat, l'entraînement, la rigueur de l'extérieur. Parviendrait-il à s'enfermer dans des bureaux ? À reprendre une direction, un poste plus élevé ? L'avenir le leur dirait, mais pour cela il fallait déjà qu'il sorte de cet état de léthargie qui était le sien.
Sylvester allait devoir reprendre les choses en main.

– Tu as envie d'un peu de pâtes ?

Il n'attendit pas vraiment la réponse de Declan pour attraper une nouvelle assiette et commencer à la remplir. L'autre avait l'air d'en avoir bien besoin ; il le trouva maigrit et vieilli depuis la dernière fois, puis se fit la réflexion que lui également était devenu plus vieux avec le temps. Mais tout de même, ses souvenirs de l'homme étaient différents. Était-ce le stress de sa fonction ? Il n'en savait rien, mais avait gardé de l'éducation de sa grand-mère que tout, absolument tout pouvait se régler devant une bonne assiette.
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyMer 7 Juil 2021 - 20:27



Elle court, elle court, la maladie d'amour...
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J'le pousse à bout. J'le pousse à bout comme pas permis et lui me prend dans ses bras jusqu'à ce que son cœur tambourine dans mes oreilles et que je ne sache pas quoi faire de ma fourchette pleine de pâte. Je sens l'odeur de son parfum, celui qui accompagnait nos vadrouilles. C'est comme une madeleine de Proust, le déclenchement de tant de souvenirs. Ca me rappelle qu'il a toujours été là et qu'il est toujours là. Ses bras contre les miens, un geste paternel. Ce que je n'avais jamais connu avant. J'ai envie de chialer, d'avoir cinq ans à nouveau.

- Il y a plus que cette histoire qui vous relie l'un à l'autre. Je suis certain que, d'une manière ou d'une autre, elle sera toujours là pour toi. Elle n'aurait pas pris la peine de m'écrire autrement.

Je renifle contre sa chemise, la tête toujours écrasée dans ses gros bras et son amour gauche. C'est sa voix qui m'a fait couler quelques larmes de plus. Une voix rauque, un peu émotive. Je suis fatigué.

- Louis ?

La porte s'ouvre, Sylvester me lâche et Declan entre.

– Bonjour Declan.
- Oh, bonjour Sylvester. Désolé, je ne savais pas que tu étais avec Louis.

Je regarde la scène avec un air d'autoroute. Il n'y a rien de plus absurde que de contempler les voitures passer à une vitesse folle ou d'avoir dans un moment tragique la présence de deux mentors prêts à vous remonter les bretelles. Je me réfugie dans l'ombre de Sylvester, concentrant faussement mon attention sur l'assiette de pâtes. Je veux devenir invisible, revenir à l'alcool qui abrutie la douleur. C'est trop de responsabilités, de poursuivre tranquillement sa vie.

– Tu as envie d'un peu de pâtes ?

Et vient ce moment encore plus ubuesque où Sylvester sert une assiette à Declan. J'avale une bouchée. Les pâtes se bloquent dans ma bouche pendant que je les mastique indéfiniment. Ce n'est plus qu'une bouillie infame quand elles se glissent dans ma gorge. Declan ne touche pas à son assiette, il semble ailleurs, plus concentré sur moi et sur Sylvester que sur l'assiette fumante et odorante. N'importe qui fond pour les pâtes de Sylvester... S'il te plait, détourne ton attention de moi...

- C'est bon.

Je reprend une bouchée, puis une autre. Mon ventre crie de joie. Mais Declan ne me lâche pas du regard.

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Dernière édition par Louis M. Jørgensen le Dim 11 Juil 2021 - 21:41, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyMer 7 Juil 2021 - 20:46



Elle court, elle court, la maladie d'amour...
Sylvester & Declan & Louis

Il ne faut aider que ceux qui sont à même de le supporter sans vous le reprocher par la suite et il ne sont pas nombreux.
– Bonjour Declan.
- Oh, bonjour Sylvester. Désolé, je ne savais pas que tu étais avec Louis.
– Tu as envie d'un peu de pâtes ?

Je n'eu pas le temps de répondre qu'une assiette atterri à côté de celle de Louis, juste devant moi, sur le bar. Ignorant l'assiette, mais n'ignorant pas l'invitation, je m'assis sur la chaise haute, posant ma canne contre le mur. C'était peut-être une bonne chose, finalement, que de tomber sur le maître et l'apprenti en même temps. Je n'aurais peut-être pas trouvé les mots pour remettre Louis au travail et surtout faire qu'il aille mieux. Avec l'aide de Sylvester, cependant, c'était peut-être une autre histoire qui allait s'écrire. Je ne serais plus seulement le donneur de leçon et le boss en colère, et je pourrai moduler mon discours, plus ou moins ferme, selon les réactions de Louis. Louis qui d'ailleurs évitait soigneusement mon regard.

- C'est bon.

Je le vis manger avec un semblant d'appétit et cela me fit sourire. Le jeune homme était toujours de ceux qui avaient un appétit monstrueux et sacralisaient le moment du déjeuner. J'avais eu quelques rencontres autour d'une table où il avait critiqué mes assiettes jamais finies et mes doggybag à répétition. Je l'avais vu joyeusement engloutir ce que deux personnes auraient pu manger. L'appétit était parti avec la joie et je l'avais vu s'étioler dans l'alcool et le désespoir. Pour un homme de terrain prêt se lancer dans le vide, loyal comme pas deux, il s'était lui-même abandonné. .

- Louis ?

Le jeune homme ne répondit pas, bataillant avec les dernières pâtes qui fuyaient sa fourchette. Je fronçai les sourcils. C'était bien la première fois qu'il était aussi immature. Je n'avais jamais eu de problème, bien au contraire et, via Luka, j'avais réussi à sympathiser rapidement avec cette boule d'énergie. Je lançais un regard à Sylvester, non pas étonné, mais attristé. J'inspirai longuement avant de me lancer :

- Cela fait plus d'une semaine que tu ne t'es pas pointé au siège alors que tu as des missions en cours. Dans ce genre de situation, je suis obligé d'en référer à la Police Magique car il peut s'agir de disparition. Londres garderait cet incident dans ses dossiers.

La menace planait. J'avais bataillé au téléphone avec Kurt pour lui demander conseil. Nous étions tombé tous les deux d'accord pour nous taire, espérant que cela passe au plus vite. Une mention dans un dossier n'était jamais souhaitable. Je ne prenais pas grand risque à le couvrir, mais si un conservateur ou une conservatrice foutait son nez dans mes dossiers, ça pouvait partir en polémique.
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyDim 11 Juil 2021 - 21:32

Declan posa sa canne contre le mur et s'assit devant l'assiette que Sylvester, sans pour autant toucher à sa fourchette. Il se dégageait du nouveau venu une forme de magie étrange que l'australien ne retrouvait pas dans ses souvenirs, sans cependant être capable de dire si c'était parce qu'à l'époque il n'était pas capable de détecter une puissance aussi sombre ou si c'était apparu depuis toutes ces années. Peut-être était-ce cette rune d'une noirceur si grave qu'on en murmurait toujours lorsqu'on en parlait, et qui s'était gravée dans une des cicatrices du directeur. Écho à celle sur le coeur de Louis. Écho à cette part sombre qu'ils avaient tous en eux.

- C'est bon.

L'ancien maître sourit en voyant Louis avaler ses pâtes avec appétit. Durant les années qu'ils avaient passées ensemble, il était rare qu'il lui prépare un tel plat, préférant des salades protéinées. Mais parfois, il lui arrivait de faire un écart au régime qu'il s'imposait et de préparer pour lui et le jeune homme un souper avec une certaine adresse qui aurait rendu fière sa grand-mère.

- Louis ?

Sylvester reporta son attention sur Declan alors que Louis ne semblait soudainement plus savoir utiliser sa fourchette. Triste silence dans cette cuisine alors que l'exorciste attend, les bras croisés sur sa poitrine, comme légèrement en retrait de cette discussion entre le boss et son employé. Il n'avait pas sa place dans cette relation, mais ne désirait pas non plus que le jeune homme soit trop brusqué alors qu'il venait à peine de parvenir à sortir de son canapé et à éponger l'odeur de vomi qui le suivait partout. La situation lui semblait bien pire que ce qu'il avait pu imaginer et, s'il savait pour connaître Louis sur le bout des doigts, qu'il devait se relancer dans son entraînement le plus rapidement possible, il avait aussi peur que le jeune homme parte en mission et fasse une erreur, trop entêté à panser ses plaies.

- Cela fait plus d'une semaine que tu ne t'es pas pointé au siège alors que tu as des missions en cours. Dans ce genre de situation, je suis obligé d'en référer à la Police Magique car il peut s'agir de disparition. Londres garderait cet incident dans ses dossiers.

Sylvester serra un peu la mâchoire. Encore de la paperasse, encore des vieux dossiers, des papiers qui volaient partout et Edwin qui lui courait pour lui demander de signer encore ce truc-là et ce truc-ci. La définition même de l'ennui, le pire des enfers pour lui. Pas étonnant que la guerre contre les sorciers noirs traînent depuis autant d'année s'il fallait créer cinquante dossiers avant chaque mission - et il exagérait à peine.
Encore une raison de préférer le terrain.

- Declan, je devais partir en mission avec Joey dans deux jours, mais il vient d'être papa. Je peux prendre Louis à la place. Ne t'inquiète pas pour Kurt, je m'arrangerait avec lui.

Kurt l'engueulerait encore très probablement, le menaçant de le suspendre - mais il n'oserait pas, Orpheo avait perdu trop d'agents au fil des ans - et ronchonnant pour tous les papiers supplémentaires qu'il devrait faire ça - alors que Sylvester savait bien que ça lui ferait plaisir, à lui, toute cette paperasse. De toute façon, Kurt ronchonnait beaucoup, mais finissait toujours par dire oui. Et sinon il passerait par Edwin, dans le QG londonnien, il y avait toujours moyen de magouiller.
Et si Coco de Berlin décidait de venir fourrer son nez là-dedans, Sylvester lui fourrerait son poing dans le nez. Il avait de toute manière besoin de quelqu'un pour l'accompagner sur cette mission et cela lui permettrait en même temps de remettre Louis dans les bons rails.
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Louis M. Jørgensen
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyDim 11 Juil 2021 - 22:32



Elle court, elle court, la maladie d'amour...
Sylvester & Declan & Louis

«Boire, c'est se faire un devoir d'avouer, c'est faire la lumière sur l'obscur. » - Virginie Despentes
- Cela fait plus d'une semaine que tu ne t'es pas pointé au siège alors que tu as des missions en cours. Dans ce genre de situation, je suis obligé d'en référer à la Police Magique car il peut s'agir de disparition. Londres garderait cet incident dans ses dossiers.

Je regarde Sylvester, l'air de dire : sauve-moi. J'ai l'esprit trop embrumé et la bouche pleine de la dernière fourchette de pâtes. J'ose même pas avaler les dites pâtes : ça me permettrait de parler, c'est pas l'idée. Je ne suis pas prêt. Pas maintenant.

Y'a jamais de bons moments, hein ?

Je comprends l'angoisse de Declan. Le type a une propension a vouloir sauver le monde selon une éthique et un code qui ne l'inclue pas. Tout le monde, sauf lui. Je n'ai pas envie qu'il me sauve. J'ai envie d'être juste moi, une loque, dans les bras de Sylvester. J'ai envie de me plaindre parce que j'ai mal et que ça n'ai pas de sens. Qu'on me refasse des pâtes et pas des salades avec des blancs d'œufs. Je veux du fromage dans ma vie quand y'a plus d'alcool pour éponger la douleur. Une crise cardiaque de gras et de sel. Des carbs le soir parce qu'on s'en fou. Je veux devenir une patate sur un canapé. J'avais plutôt bien commencé. Parce qu'elle est plus là et que j'ai pas envie de dire à mon chef que j'ai le cœur en miettes.

- Declan, je devais partir en mission avec Joey dans deux jours, mais il vient d'être papa. Je peux prendre Louis à la place. Ne t'inquiète pas pour Kurt, je m'arrangerait avec lui.

J'ai un mouvement de recul. Je me lève, l'assiette s'éclate sur le sol dans un grand fracas.

- Non !

Mon corps se met à trembler. Mes mains tremblent.

- Je... Je peux pas partir.

Et si elle revient ? Et si je pars, là, de l'appartement et qu'elle le trouve désert ? Elle penserait que je suis parti, moi aussi. Que j'ai déserté. Que je me suis dis que c'était pas la peine de l'attendre parce qu'en vrai, je m'en fiche. Que c'est peine perdue d'être avec elle. Elle se repasserait encore les derniers mots que j'ai balancé, avant qu'elle quitte la pièce. Elle se rappellerait que j'ai merdé et se dirait aussi que c'est pas la peine.

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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyDim 11 Juil 2021 - 23:07



Elle court, elle court, la maladie d'amour...
Sylvester & Declan & Louis

Il ne faut aider que ceux qui sont à même de le supporter sans vous le reprocher par la suite et il ne sont pas nombreux.
Louis sembla n'écouter qu'à moitié ce que je disais. Je ne voulais pas le menacer ou le faire chanter, mais la position dans laquelle je me retrouvais à mentir pour lui, certes, par omission, n'était pas du tout confortable. Il eut fallut qu'il passe chez le médecin et m'envoie un certificat. De la paperasse pour justifier son mal être. Ce n'était pas juste, mais c'était comme ça. Et je ne pouvais décemment pas falsifier un document.

- Declan, je devais partir en mission avec Joey dans deux jours, mais il vient d'être papa. Je peux prendre Louis à la place. Ne t'inquiète pas pour Kurt, je m'arrangerai avec lui.

Je lançai un regard plein de gratitude à Sylvester. Je trouvais cette solution parfaite. Je n'étais pas à même de sortir Louis de son canapé. Le jeune n'homme n'avait pas été très responsif à mes tentatives et j'avais même commencé à m'énerver dans le vent.

- Merci Sylvester. Je pourrai appuyer l'ordre de mission et...
- Non !

Le bruit de l'assiette sur le sol résonna fortement dans mes oreilles. Peur. Je regardai Louis et laissai mon don me donner le plus d'information possible. C'est comme une histoire qui se déroulait dans ma tête, des mots pèles-mêles qui n'ont pas de syntaxe, mais un sens commun. Je senti également que la magie de Louis était affectée, diminuée par l'angoisse et la peine.

- Je... Je peux pas partir.

Je me levai et me penchai maladroitement pour ramasser les débris de l'assiette dont résonnait encore dans ma tête l'impact sur le sol et le fracassement qui a suivit. Ma cheville me fit mal, mais moins que les informations sur l'état de Louis. Il n'était jamais bon de découvrir la profondeur du malheur d'autrui. Je ne savais toujours pas pourquoi, ni comment l'aider. J'étais seulement devant le fait accompli. Les débris dans la poubelle et miraculeusement sans une égratignure, je me relevais à côté du jeune homme toujours tétanisé et répétant qu'il ne partirait pas. Je posai une main douce sur son épaule tremblante.

- Louis, c'est vraiment très important que tu reviennes sur le terrain, sinon tu risques d'être mis aux arrêts pour une durée indéterminée et pour incapacité. Je suis là pour toi, pour t'aider et, je me tourne vers Sylvester, ton mentor aussi.

J'inspirai.

- Je ne peux pas te couvrir éternellement. C'est un ordre.

Mon cœur se crispa. C'était le genre de choses que je détestai faire. Mon siège, c'est ma famille. Je refusais de perdre un membre de mon siège. L'état de Louis ne me laissait que peu de choix. S'il ne retournait pas rapidement au siège ou en mission et sous la supervision de Sylvester, je le déclarerai moi même inapte jusqu'à ce qu'il se remette. Faire cela revenait à priver le jeune homme d'au moins six mois de possibilités de partir en mission et l'obligerait à avoir des rendez-vous fréquent avec des thérapeutes pour réévaluer son état.

J'espérais fortement que Sylvester ne me haïsse pas, mais je marchais sur des œufs pour Louis.

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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyLun 12 Juil 2021 - 23:06

Ca faisait un moment que les deux hommes n'avaient pas eu l'occasion de repartir en mission ensemble - depuis la fin de l'apprentissage de Louis pour être précis - et l'exorciste sentit que ça leur ferait du bien à tous les deux. Se retrouver un peu dans cette tension si particulière de ce boulot étrange qui était le leur. Celui où on risquait sa vie dans des guerres sans fin et sans merci. Celui où on protégeait des innocents qui ne se douteraient jamais de ce face à quoi ils avaient survécu.

- Merci Sylvester. Je pourrai appuyer l'ordre de mission et...
- Non !

Le cri de Louis avait surgit en même temps que le bruit d'une assiette se brisant sur le sol. Sylvester regarda, désolé, les traces de sauce tomate sur le carrelage blanc. Au moins, le jeune homme semblait s'être enfin tiré de sa léthargie, même si ça avait été pour le faire dans une certaine violence qui n'arrangerait probablement rien à ses affaires avec son supérieur.

- Je... Je peux pas partir.

Mais, clairement, il ne pouvait pas rester non plus. Pas ainsi à végéter sur son canapé sur une vieille odeur d'alcool, incapable de bouger. Et si Carla ne revenait plus jamais ? Allait-il se laisser crever dans cet appartement ? Ce n'était certainement pas ce que sa copine - Sylvester refusait de penser son ex - pensait quand elle avait écrit à l'australien pour le prévenir de la dispute.
L'exorciste soupira. Il se rappela ce moment où il était arrivé chez Louis après l'attaque du Mystery, la douleur dans le regard de la femme redevenue enfant, sa peur, la perte immense de celui qu'elle aimait, toutes ces années de galère à l'attendre. Définitivement, ces deux-là étaient faits pour s'entendre ; le même désespoir à aimer l'autre.

- Louis, c'est vraiment très important que tu reviennes sur le terrain, sinon tu risques d'être mis aux arrêts pour une durée indéterminée et pour incapacité. Je suis là pour toi, pour t'aider et ton mentor aussi.

La voix de Declan manquait presque d'assurance ; Sylvester le sentait mal à l'aise de faire ça ainsi, mais il savait également que le directeur n'avait pas le choix. Si Berlin lui tombait sur le dos, c'était toute la structure qui pouvait s'écrouler et Londres n'aimerait pas tellement que Coco place un de ses conservateurs au pouvoir. La guerre au sein même de la guerre... c'était presque à espérer que la bataille contre les sorciers noirs durent le plus longtemps possible pour retarder tout cela.

- Je ne peux pas te couvrir éternellement. C'est un ordre.

Sylvester se planta devant le jeune homme.

- Ce n'est pas en te comportant ainsi qu'elle aura envie de revenir. Que penses-tu que Carla dirait si elle franchissait cette porte aujourd'hui avec l'odeur de vomi dans l'appartement, les taches de tomate partout, ta gueule de bois allongée sur le canapé ?

C'était cruel, mais nécessaire. Sylvester soupira, adoucit un peu ses propos.

- Je placerai des runes pour qu'on soit prévenus si elle revient. Quelques téléporteurs me doivent encore des services alors tu seras de retour avant même qu'elle ait le temps de déverouiller la porte.

Il fallait bien réapprendre à vivre, à trouver du sens quelque part...
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyMer 14 Juil 2021 - 9:57



Elle court, elle court, la maladie d'amour...
Sylvester & Declan & Louis

«Boire, c'est se faire un devoir d'avouer, c'est faire la lumière sur l'obscur. » - Virginie Despentes
Les mots de Declan sont des injonctions à la révolte. C'est l'enfant blessé qui veut hurler qu'il n'ira pas, qu'il n'en fera rien. Je me tais.

- Je ne peux pas te couvrir éternellement. C'est un ordre.

Un ordre ? Et depuis quand Declan s'impose ? Ca ne marche pas vraiment, il hésite, il est mal. Je songe amèrement que je pourrai faire ma crise d'adolescent qu'il ne broncherait pas et qu'il m'ouvrirait toujours les bras. J'ai tellement de rage que je pourrais le blesser. Il n'est pas Sylvester, il ne répliquerait même pas. Et ça me fou en rogne. Ca me fout en rogne parce qu'il est prêt à beaucoup trop pour moi alors que j'ai laissé partir Carla.

Sylvester me fait face. Il s'impose.

- Ce n'est pas en te comportant ainsi qu'elle aura envie de revenir. Que penses-tu que Carla dirait si elle franchissait cette porte aujourd'hui avec l'odeur de vomi dans l'appartement, les taches de tomate partout, ta gueule de bois allongée sur le canapé

Je fui son regard. J'aurai pu affronter Declan sans respect pour la hiérarchie. Je ne peux pas affronter Sylvester. Il a les mots. Les mots qui blessent.

Je jette un œil par dessus le bar et contemple le désordre dans son absolue tristesse. L'odeur de vomi, je ne la sens plus. Le reste, je m'y suis aussi habitué. On s'habitue rapidement au malheur. Non, ça n'a pas de sens. Oui, c'est horrible. Je ne sais pas comment sortir de là.

- Je placerai des runes pour qu'on soit prévenus si elle revient. Quelques téléporteurs me doivent encore des services alors tu seras de retour avant même qu'elle ait le temps de déverrouiller la porte.

Les mots qui soulagent. Je sens mes épaules se relâcher lentement. Sylvester a compris.

- Je sais pas qui je suis sans elle, dis-je dans un souffle.

La vérité, dans une coquille de noix. Simple et si fragile vérité.
Je ne sais pas qui je suis sans Carla et je n'ai jamais eu hâte de le découvrir. Elle était toujours à l'horizon de mes pensées, jamais disparue vraiment. Même l'hiver norvégien n'avait pas eu raison de ça. Ni les horreurs de Little Angleton. Elle a toujours été là, quelque part. J'ai éprouvé son absence, sa réelle absence. L'alcool n'y a rien fait, ce n'était qu'un désert insatiable où l'on marche aveuglement, les pieds sur le sable brûlant et le cœur asséché. Je ne sais pas si on s'en sort, de cette traversée aride.

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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyMer 14 Juil 2021 - 10:26



Elle court, elle court, la maladie d'amour...
Sylvester & Declan & Louis

Il ne faut aider que ceux qui sont à même de le supporter sans vous le reprocher par la suite et il ne sont pas nombreux.
Je sentais la colère de Louis, comme un enfant qui ne veut pas écouter, qui met ses mains sur ses oreilles pour ne pas entendre. Il y avait dans ma position hiérarchique quelque chose d'impossible à résoudre et qui m'empêchait totalement de faire face à son désarroi. J'étais finalement trop loin, je n'avais pas le droit de m'immiscer dedans. Je reculais silencieusement pendant que Sylvester prenait les devants. Louis ne m'écouterait pas, il ne l'aurait jamais fait. Je constatais avec dépit cette impuissance séculaire, celle qui perdait les chevaliers et abattait les sorcières. Ils voulaient sauver le monde, on les avait brûlé pour ça. C'est que j'étais trop haut, trop loin.

- Ce n'est pas en te comportant ainsi qu'elle aura envie de revenir. Que penses-tu que Carla dirait si elle franchissait cette porte aujourd'hui avec l'odeur de vomi dans l'appartement, les taches de tomate partout, ta gueule de bois allongée sur le canapé.

Le regard de Louis se baladait dans la pièce, constatant la misère que j'avais constaté. Je me souvenais parfaitement du premier soir où j'étais passé, ne le voyant pas venir au travail. Il n'y avait pas encore l'odeur rance du vomi ou celle de l'alcool. Il n'y avait pas les cadavres de bouteille et la poussière sur le sol. On trouvait seulement la vue du désespoir et une légère senteur de transpiration pour indiquer l'immobilité. Immobile. C'était ainsi que je l'avais trouvé. Inerte, même. Il ne répondait pas. La pièce n'était pas sans dessus-dessous, mais un ouragan était passé là et avait emporté quelque chose. C'est à ce moment-là que j'aurais dû appeler Sylvester. Je savais.

- Je placerai des runes pour qu'on soit prévenus si elle revient. Quelques téléporteurs me doivent encore des services alors tu seras de retour avant même qu'elle ait le temps de déverrouiller la porte.

Je me mordis la lèvre, songeant que j'avais été bête. Je n'avais pas compris le refus de Louis. Il agissait en enfant parce que sa compagne était partie. J'avais cru à la simple dispute et aux mots qui fâchent. L'amour fait des ravages quand la magie s'en mêle. Sylvester regardait le jeune homme avec une intensité qui me fit me sentir à côté, hors du cercle qu'ils formaient à deux : le mentor et l'élève. J'aurais dû l'appeler.

- Je sais pas qui je suis sans elle.

Sa voix flotta dans les airs, aussi fragile qu'il l'était à ce moment-là. Prêt à se briser encore. Ca me foutu les boules. Il bégaya sans rien dire d'intelligible, revenant à la surface de la conscience. Il n'était pas mauvais, seulement blessé.

- Tu vas partir avec Sylvester et quand tu reviendras, tu passeras me voir à mon bureau. On discutera.
- Je suis désolé, Declan, j'voulais pas...

Je pris ma canne en lui intimant de se taire. Il avait l'air confus, complètement à côté de ses pompes. Dans l'ombre rassurante de son mentor, Louis perdait de sa stature imposante. Je fis quelque pas et jetai un coup d'œil aux deux hommes. Ils étaient un monde à part à présent. Je n'avais pas de place. Je me dirigeai vers la porte.

- Louis ? Je me retournai. Je ne perdrai pas un de mes exorcistes les plus talentueux. Je serai sur ton dos, tu feras des heures sup' pour rattraper ton absence. Je prends des risques à te laisser retourner sur le terrain dans cet état parce que c'est sans doute la seule solution pour te sortir de ton marasme. Je ne veux pas le regretter.

Je regardai Sylvester dans les yeux.

- Je te le confie. Je veux un rapport sur mon bureau d'ici une semaine. Et si la mission doit durer plus longtemps, je veux un rapport toutes les semaines.

De la paperasse. Encore et toujours. Le poids de la hiérarchie. Je sorti, dévalant à moitié les escaliers, la cheville en vrac. La pluie n'aidait pas la blessure, mais la fraîcheur de son accueil me fit du bien. Peut-être devrais-je appeler Maman et aller voir Clyde avec elle.

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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la maladie d'amour...   Elle court, elle court, la maladie d'amour... EmptyMer 14 Juil 2021 - 17:52

Quelque chose se relâcha dans la posture de Louis et Sylvester se décrispa à son tour, ne s'étant même pas rendu compte avant de relâcher ses poings serrés qu'il était autant tendu. Tout n'était pas encore perdu.

– Je sais pas qui je suis sans elle.

Parce qu'il était tout de même un peu pudique, le maître n'osa pas le reprendre dans ses bras et lui expliquer tous les rôles qu'il avait à jouer dans tellement d'autres vies que celle de Carla. La sienne pour commencer ; il n'était pas juste son apprenti, mais tellement plus que cela, un fils, un ami. Dans celle de Declan probablement aussi, malgré cette ridicule frontière hiérarchique. Celles de tous les innocents qu'il avait sauvé et qu'il sauverait encore. Et puis ses potes aussi. Ceux dont il parlait avec tant d'amour dans la voix.
Louis avait une place énorme dans le cœur de tellement de gens, mais tant de peine à voir au-delà. Décidément, les femmes de la famille Lowett était un poison pour bien des êtres…

– Tu vas partir avec Sylvester et quand tu reviendras, tu passeras me voir à mon bureau. On discutera.

L'australien grimaça. Il était heureux de ne pas être impliqué dans cette future discussion.

– Je suis désolé, Declan, j'voulais pas…

Le directeur ne le laissa pas terminer sa phrase, l'interrompant d'un geste de la main en récupérant sa canne, déjà sur le départ. Sylvester regarda ses pâtes, légèrement frustré ; depuis quand quelqu'un pouvait-il résister à un de ses plats ? Et s'il partait avec Louis, qui mangerait les restes ? Il soupira et commença à chercher un tuperware dans les placards, espérant que cette mission ne dure pas des jours pour que le plat ne finisse pas couvert de moisissures.

– Louis ? Je ne perdrai pas un de mes exorcistes les plus talentueux – Sylvester ravala un petit sourire prétentieux, après tout il n'était pas étranger à ce talent, c'était tout de même lui qui l'avait formé. Je serai sur ton dos, tu feras des heures sup' pour rattraper ton absence. Je prends des risques à te laisser retourner sur le terrain dans cet état parce que c'est sans doute la seule solution pour te sortir de ton marasme. Je ne veux pas le regretter.

Declan se tourna ensuite vers le maître qui interrompit son geste alors qu'il allait ouvrir le frigo pour y ranger la boîte.

– Je te le confie. Je veux un rapport sur mon bureau d'ici une semaine. Et si la mission doit durer plus longtemps, je veux un rapport toutes les semaines.

L'exorciste grimaça pour la forme. Sérieusement ? Ça faisait vraiment beaucoup de trucs à rédiger. Il nota mentalement de ne jamais, jamais quitter Londres. Certes ils avaient des rapports à faire aussi, mais les supérieurs étaient tout de même bien plus relax. Jamais on ne lui aurait imposé un rapport par semaine.

– Ça sera rapide – il s'en assurerait, aucune envie de passer sa vie à griffonner du papier. Mais ne t'inquiète pas, je prendrai soin du gamin.

Ça au moins, il savait faire. Et il avait également hâte de voir où en était Louis depuis la fin de son apprentissage ; ce qu'il avait appris de plus, comment il avait maintenu son entraînement… Il était impatient de repartir sur les routes avec lui.
Lorsque Declan eut refermé la porte derrière lui, il se tourna tout de même vers Louis :

– Tu te chargeras de faire la paperasse.

Et, parce que désormais il n'avait hiérarchiquement plus aucun pouvoir sur son ancien apprenti et qu'il avait peur que celui-ci rechigne à la tâche, il attrapa son sac et sortit son téléphone.

– Je dois passer quelques coups de fil et réserver nos billets d'avion pour Amsterdam. Je t'attends devant l'immeuble

Aucune envie que le gamin entende Kurt lui hurler dessus à l'autre bout du fil. Cependant, juste avant de poser sa main sur la poignée, il se retourna une dernière fois sur le désastre de l'appartement, les bouteilles renversées et l'odeur triste qui flottait.

– Louis, oublie pas que je suis là pour toi et… je t'aime, tu sais ?

Puis, parce qu'il n'assumait pas forcément ce soudain élan de sentimentalisme, il se dépêcha de filer à l'extérieur tout en déverrouillant son téléphone.
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