"Le numéro que vous désirez joindre est absent pour le moment. Veuillez rappeler ultérieurement ou laisser un message après le bip sonore."

Evidemment. Les gens ont une compétance diabolique pour ne pas répondre au téléphone quand on a besoin de leur parler. Bon, pas que j'aie vraiment besoin, à la seconde près de parler à celui que j'appelle, mais... j'ai pas envie d'attendre. Même si j'ai tout mon temps.
Sauf que... ce que je dois dire à cette personne n'est pas facile. Alors autant faire ça comme pour un pansement. Arraché d'un bon coup sec. Mon père faisait ça sur mes blessures quand j'étais petite. Evidemment, après, j'avais quand même mal. Ce sont les conséquences de nos actes qui nous blessent plus que nos actes en eux même. Et ce que je m'apprête à faire risque de provoquer un tourbillon. Pas forcément très joyeux. Mais... bon.

Biiiiiiiiiiip

- Allo Takeji ? Hum... C'est Shy. Ecoute, je dois te parler là alors si tu pouvais passer me voir après tes cours, ça serait chouette !

Et je raccroche. Hum. Même pas de "bisous" à la fin. J'ai oublié, je suis trop stressée. Si j'avais eu une clope sous la main, sans doute que je l'aurais fumée. D'ailleurs, j'en ai une. Mais ça serait bête de la fumer maintenant, j'ai peur de devenir accro et de plus pouvoir arrêter. Surtout que vu le prix du tabac en ce moment, c'est vraiment pas le moment de devenir dépendant ! En plus, le tabac c'est mal. C'est l'arme fatal des escargots, faites attention ils vont tous vous avoir avec ça ! Vous allez même pas le voir venir ! Et *pouf* d'un coup, toute la planète sera décédée d'un cancer du poumon. Faut pas que je fume.
Mais j'ai le droit de boire. Vodka mon amie, vient voir maman.

Je vais quitter Taki. Je dois le faire je n'ai pas le choix. J'entends déjà les huées de la foule. Mais que voulez-vous les mecs, j'ai pas le choix je vous dis ! Si c'est pas moi qui le fais... Je sens que c'est lui qui ne va pas tarder à le faire. Et je crois que ça fera encore plus mal. Au moins là, j'aurais peut-être un peu moins mal... Peut-être.
Une gorgée d'alcool.
En fait je ne pense pas que j'aurais moins mal. Mais au moins je pourrais garder la tête un peu plus droite. Foutu orgueil. En fait, j'en ai rien à foutre de me prendre un vent ou pas, j'ai juste envie de rester avec l'homme que... l'homme que j'aime.
Une autre gorgée.
Le problème c'est que pour lui ce n'est pas réciproque. Combien de fois m'a-t-il dit "je t'aime" ? Pas beaucoup je crois bien. Pas assez peut-être. Et puis... j'ai l'impression que sa voix sonnait faut, qu'il n'était pas convaincu par ses dires... Notez, c'est vrai que moi non plus je ne l'ai pas répété un milliard de fois cette phrase. Mais je le pensais. Sincérement.
Encore une.
Et puis il y a cette nuit là. Dont on ne se souvient plus vraiment. Mais en fin de compte lui n'avait pas vraiment bu beaucoup. Et si c'est ce soir là qu'on s'était dit "je t'aime" pour la première fois ? Et si il faisait semblant de ne pas s'en souvenir parce qu'il n'assumait pas ? Et si... depuis tout ce temps, il me mentait ?
Une de plus.
Il y a aussi toute l'histoire avec mon père. Il a vu les marques sur mon dos, il a entendu mon histoire. Peut-être qu'il ne veut plus de moi à cause de ça ? Ces marques sont moches et mon géniteurs n'est pas vraiment le meilleur beau-père de la galaxie. Taki ne veut sûrement pas être mêlé au affaires compliquées de ma famille ce qui, en définitif, est compréhensible.
Une pour la route.
J'arrive pas à croire ce que je pense. Vraiment. Ce que j'ai vécu avec lui était si... intense. Des souvenirs merveilleux. Mais il faut croire qu'ils sont destinés à ne rester que des souvenirs figés dans ma mémoire... C'est triste.
Où est passée ma vodka ?

Je n'ai pas le choix, je vais le quitter.
Quel heure est-il ? 18h13. Nous sommes vendredi et Taki finis à 19h. Avec la téléportation, il pourra venir directement jusque ici. Ce qui fait que jedois encore attendre 47 minutes. Et j'ai une bouteille de vodka à finir. En attendant, je vais vous parler des escargots. Pour vous occuper. Loin de mon malheur.

Vous connaissez l'expression "marcher comme un escargot" ? Ca veut dire être lent. Parce que les escargots sont lents. C'est pour ça que personne ne les soupçonne. C'est comme la tortue dans la fable de Jean De la Fontaine. Dans l'histoire du "lièvre et de la tortue" ou elle court contre le lièvre et le bat. Car comme le dit le proverbe : "rien ne sert de courir vite, il faut partir à temps." Bah les escargots ça part toujours à temps. Pourquoi croyez-vous qu'ils se lèvent à l'aube et que...

Ouais, on en a rien à faire des escargots. D'habitude ça me fait rire, pas aujourd'hui. Je suis trop malheureuse. Alors... blanc mental jusqu'à 18h55. Ca vaut mieux.

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Voilà. 18h55. Ma bouteille n'est pas vide, mais bien entamée. Et je n'ai pas pu résister à l'envie d'allumer une petite cigarette qui brûle au bout de ma main à présent. J'ai mal au ventre, j'ai envie de vomir. Je pourrais peut-être vomir mon coeur et tous l'amour que j'ai pour Taki. Peut-être alors que ce serait plus facile de le quitter ?
Pas réaliste.
Je crois que je vais mourir. Il est 18h59. La cloche va sonner, Taki va arriver. Donner moi une corde. A ma mort léguer mon corps aux escargots pour qu'ils puissent faire des expériences dessus.
Moi je vous dis adieu.

Demain c'est samedi! Ce qui veut dire qu'après demain c'est dimanche. Et le dimanche, je dors. Donc le dimanche est un jour bien.
Le dimanche je dors, sauf quand il y a une mission. Et en ce moment, ça pleut. Parce qu'il y a la guerre, et parce que les fantômes n'en ont rien à faire. Et quand on peut aider, c'est un peu comme un crime de ne pas le faire, non? Dans ce genre de cas. Parce que tout le monde n'en est pas forcément capable, même si on a pas choisi de naitre avec des pouvoirs. On choisit de devenir exorciste après tout.
Mais bon, ce dimanche là, je dors. Le premier depuis un moment. En même temps à raison d'un dimanche par semaine, on a vite fait de les voir défiler.
Bref. On est vendredi, je donne cours jusqu'à 19h, et je trouve le temps long. Allez savoir pourquoi. D'habitude je ne vois pas passer les heures, sauf quand je passe en mode chronomètre. C'est ça aussi de s'agiter tout le temps. Comment vous voulez que je prenne le temps de regarder une horloge dans ces moments là? Voilà. Donc là j'ai regardé une horloge. Et ça passe lentement. Très lentement. Et pourtant je donne cours.
Conclusion, y'a un truc qui cloche quelque part aujourd'hui. Mais je sais pas quoi. Et j'aimerais bien savoir.

- Monsieur... Monsieur! Vous êtes dans la Lune aujourd'hui.
- C'est parce qu'il pense à Melle Artissa!

Punaise, pour une fois que c'est pas vrai!

- Donovan, vingt pompes. J'ajoute en le voyant ouvrir la bouche: Protestes, et tu chantes l'hymne écossais en même temps.

Je crois que c'est impossible à chanter en faisant des pompes. En même temps j'ai jamais essayé. Mais Donovan se met à les faire sans ouvrir la bouche. Même si il se plaindra une fois qu'il aura fini. Je l'aime bien ce petit. Il est prometteur en téléportation. Et on aime bien s'envoyer des piques mutuellement. Mais comme je suis le prof, c'est toujours moi qui gagne. Nah.
Injustice? Nan. C'était écrit en petit en bas dans le contrat pour devenir prof et celui pour devenir élève. A la différence près que celui pour devenir élève, on ne choisit pas de le signer. Parce qu'on entre à l'école en étant mineur, donc on n'a pas le droit de signer. Ils ont pensé à tout.
Mais alors Donovan, je t'ai déjà vu plus rapide à faire des pompes. Vu que t'arrives à en décrocher à presque tous les cours, en plus. Plus tard il aura de la force dans les bras, et il viendra me remercier, vous verrez. Allez, dix-sept, dix-huit, dix-neuf, vingt. Bravo.

- Comment c'est trop injuste. Si je vous dis "Monsieur, vingt pompes!" vous ne les ferez pas.
- Ça serait tellement rapide que t'aurais l'impression que je ne les ai pas faites.
- J'veux voir ça! Monsieur, vingt pompes!

C'est qu'il essaie de me défier en plus, avec son sourire là.

- On joue à chat, Donovan accepte gentiment d'être le mangeur de souris! Deux tours de l'orphelinat à cloche pied à ceux qui se feront attraper. Quatre pour Donovan si il n'en attrape aucun. Le prof compte pas, range ta main.

Et hop, des téléportations dans tous les sens pour s'éloigner en rigolant. Sauf un. Je souris à Donovan. Il me rend mon sourire, qu'est-ce qu'il a encore en tête?

- Je suis persécuté. Elle vous manque c'est ça?
- Quinze tours.
- Ça doit être dur, je comprends que vous soyez ailleurs.
- Trente.
- En plus elle est dans l'orphelinat.
- Soixante.
- A quelques mètres seulement. Justes quelques petits mètres. Alors que vous savez vous téléporter.
- Cent vingt? Je crois qu'ils manquent de bras dans les cuisines aussi.
- Hey Tim! Tu m'en dois une, tu te laisses attraper?
- Tim, je fais lever ta punition de demain si tu ne te fais pas attraper!

Je tire la langue à Donovan en voyant Tim disparaitre aussi sec. Bien sûr que non il n'aura pas cent vingt tours. Il en aura cent vingt divisé par deux, divisé par dix, fois deux, divisé par trois. Mais pour le moment il ne le sait pas. Et le voir courir et se démener en téléportation pour échapper à son sort, c'est marrant. C'est bien, chat. Surtout avec une classe de téléporteurs. Parce que ça part dans tous les sens, et ça les fait quand même travailler.
Shybaï... Ah c'est malin, je vais penser à elle maintenant. Bien sûr qu'elle me manque. Toujours, de toute façon. C'est dingue ça. Faudrait qu'on soit collés toute la journée pour que ça aille. Parce que dès qu'on se sépare, pouf, M.Manque arrive, et il est collant lui. Et quand on est ensemble avec Shy, je ne me sens jamais aussi bien que quand je l'ai dans les bras. Riez, mais c'est vrai. De toute façon il est bientôt 19h, j'ai le droit de dire ce que je veux. Nah. Enfin, je crois qu'il est bientôt 19h... Attendez que je vérifie. Où? Bah sur mon portable, tenez. 18h45. Et j'ai un message. Et je suis le prof donc j'ai le droit de consulter mes messages pendant un cours. De toute façon, ils jouent tous à chat là. Alors voyons...

- Allo Takeji ? Hum... C'est Shy. Écoute, je dois te parler là alors si tu pouvais passer me voir après tes cours, ça serait chouette !

Pile quand je pensais à elle! Même si elle avait l'air un peu étrange, sa voix. Mais juste un peu. Donc je me fais des idées et je fatigue. Encore un quart d'heure, allez. Je crois que je vais aller jouer à chat pendant quinze minutes avec eux...


- On arrête là, c'est la fin de l'heure!

Oui je vous ai passé la séance de chat. Parce que réfléchir et jouer à chat en même temps, c'est dur. Et Donovan a réussi à en attraper un. Donc il fanfaronne et évite son gage, ce petit chanceux.
Mais sa téléportation était trop belle à voir.

- J'ai gagné, j'ai gagné!
- File donc avant que je ne change d'avis. Revanche au prochain cours!

Héhé, il progresse vite. Il me tire la langue, et je lui rends la politesse.

- Profitez bien de votre soirée monsieur!

Et il file en courant vers l'orphelinat, accompagné des autres. J'me vengerai la prochaine fois. Mais en attendant... J'ai un rendez-vous nan? Oui j'essaie de me retenir pour ne pas m'y précipiter. Petit paris stupide avec moi même, tenter de prouver que je ne suis pas complètement accro. Autant vous dire que c'est complètement faux. Accro et j'aime ça.
Et donc, j'ai tenu une minute planté au milieu de l'herbe avant de laisser Téléportation aller voir Shy. Parce que Téléportation est tout aussi accro que moi, évidemment. Mais ça va, ce n'est pas un petit écureuil gris, on peut trouver un terrain d'entente.
J'arrive avec un grand sourire chez Shy. Sourire qui disparait presque aussitôt que je remarque son état.
Pourquoi y'a une atmosphère étrange ici?
Une bouteille. Je sais qu'elle aime bien boire, là n'est pas le problème. Le truc c'est qu'elle est en train de boire maintenant. Après m'avoir dit de venir. Et il manque facile la moitié de la bouteille.
Bon soit, admettons qu'elle s'ennuyait. Ouais j'essaie de me rassurer.
Maintenant la cigarette. Alors qu'elle ne fume pas, ou très rarement. Et juste son allure générale, on dirait qu'elle... Qu'elle va mal. Peut être que son ton étrange n'était pas qu'une illusion tout à l'heure?

- Shybaï... Ça va?

Je m'approche d'elle et pose une main sur son bras. C'est bizarre tout ça. Je sais pas... La dernière fois que je l'ai vue triste, elle avait plus de vie que ça. Pas qu'elle ait l'air morte mais juste... Rah je sais pas comment vous l'expliquer. Moins distante! C'est le mot que je cherchais. Et je crois l'avoir déjà dit, mais je n'aime pas la distance entre nous.
Je lui pose un bisou sur la joue avant de compléter mon interrogation:

- Il y a un problème? T'as pas l'air bien.

Bon après, je me fais peut être des idées.

Lorsque Taki arrive, il y a un grand sourire sur ses lèvres. Sourire qui disparaît aussitôt quand il voit mon allure... misérable. Rien que ça, ça pourrait lui donner une raison de plus de me quitter. Toujours est-il que... j'ai envie de me jeter dans ses bras, de l'embrasser, d'oublier tout le reste et juste d'être avec lui. J'ai envie de parler de bêtises, d'aller saluer Blow et Blanche-Neige, d'aller nous promener main dans la main et tant pis si les enfants de l'orphelinat devinent notre relation. Relation qui va bientôt explosé, implosé, détruire le cosmos. Si ce n'est pas moi qui le quitte, lui le fera bientôt. Alors je dois le faire en premier, je dois me faire à cette idée que Takeji et moi... c'est fini.

- Shybaï... Ça va?

Non, ça ne va pas. J'ai besoin de tes bras, besoin de tes baiser, besoin de ton sourire. J'ai besoin que tu me dises "je t'aime" et que tu me serres contre toi. J'ai besoin qu'on aille visiter le Monde, toi et moi. Besoin qu'on mange des glaces, fasse de la balançoire, se tienne main dans la main. Besoin de toi.
Voilà ce que je veux lui répondre. Mais je ne peux pas. Je ne peux définitivement pas dire ça au mec que j'aime juste avant de le quitter. Alors je me tais. De toute façon, si j'ouvre la bouche, je vais commencer à pleurer. Je me tais et je ne bouge pas.
Je frissone quand sa main effleure mon bras. Je détourne le regard quand il m'embrasse sur la joue. Sur la joue. J'ai envie de me tourner face à lui et de poser mes lèvres sur les siennes. Ce que je ne fais pas, évidemment. Evidemment.
Pourquoi j'ai si mal ?

- Il y a un problème? T'as pas l'air bien.

Oui. Il y a effectivement un problème. Immense. Tellement grand, imposant. Je t'aime. C'est ça le problème. Tout serait tellement plus facile si je ne t'aimais pas autant. Mais là j'en peux plus de t'aimer. Je t'aime tellement que ça me fait mal. Je t'aime et je me déteste. Je n'ose pas te quitter, je n'arrive pas à te larguer.
Je me détourne de lui pour me diriger vers la fenêtre. Je jette ma cigarette au loin et j'observe les arbres. Peut-être me donneront-ils le courage de faire ce que j'ai à faire. Au moins c'est plus facile de les regarder eux plutôt que lui pour pronnoncer les trois mots fatidiques.
Je te quitte
Vous avez remarqué ? Trois mots. Comme pour je t'aime. Coïncidence ? Je ne pense pas.

- Takeji...

Takeji... Habituellement je ne l'appelle pas comme ça. Je préfère Taki. Mais Taki c'est le surnom qu'une femme peut donner à son copain. Pas à son ex. Pas à un homme qui risque de la haïr alors qu'elle l'aime.
Takeji... Je me retourne pour l'observer. Je veux voir son visage une dernière fois avant... avant que mon coeur ne meurt. Grave erreur. Le voir lui, si beau, si parfait... je ne peux pas.

- Non je... c'est impossible. Je n'y arrive pas.

J'ouvre ma main et la bouteille de vodka vient se fracasser sur le sol. Lentement le liquide s'éparpille, dégageant l'odeur forte de l'alcool. Rien à foutre. Ca s'évaporera, au mieux les fumées me rendront saoul et j'oublierais que lui et moi, ça sera bientôt fini.
La bouteille explosée sur le sol... C'est moi qui vais la rejoindre. Je glisse par terre, comme un vieux chiffon. Je glisse et je sens les larmes monter, je sens mes émotions exploser. Mais je ne veux pas que Taki me voit dans cet état. J'ai envie de disparaître. C'est ce que je fais d'ailleurs; disparaître. Mes pouvoirs peuvent être bien pratique à certains moments.

Vous voyez les dessins animés où l'héros se fait conseiller par un petit ange et un petit diable ? Et bien c'est un peu cette impression là que j'ai. D'un côté j'en ai un qui me répètre pourquoi je dois quitter Taki. Et de l'autre, il y en a un qui trouve toutes les raisons de rester avec lui. Et il y en a tellement ! A commencer par le fait que je l'aime. Vraiment, je l'aime.

Vous savez quoi ? J'ai mal à la jambe. Je crois que je me suis assise sur un bout de verre de ce qu'il reste de ma vodka. Tant pis. Ca fera une de plus. Une bien jolie collection avec toutes celles que j'ai dans mon petit coeur...

- Je suis incapable de faire ça.

Ma voix m'a l'air tellement faible, tellement triste. Un peu comme moi en ce moment. Mais ça n'enlève pas moins la véridité de ma phrase : je suis incapable de le quitter. Je l'aime trop. Mais lui, est-ce qu'il m'aime ?
Je me force à redevenir visible, avec mes larmes et mes yeux rougis. Sur ma jambe, je peux sentir du sang couler. Je crois bien que j'eusse eu raison; je m'étais effectivement coupée. Aucune importance.
Lentement, je tourne mon regard vers Taki. Il est tellement beau. J'ai envie de me réfugier dans mes bras, de l'embrasser, de pouvoir l'aimer. Mais je ne peux pas.
Alors d'une voix hésitante, de lui demande :

- Est-ce que tu m'aimes ?

Et l'hésitation qui trouble ma voix n'est pas seulement dûe aux larmes dans mes yeux...

Pourquoi j'ai un poids au niveau du cœur là? Pourquoi elle ne réagit pas? Pourquoi nos regards ne se croisent pas? Pourquoi ... J'en sais rien. Mais là, j'ai peur et je commence à me sentir mal. Sans savoir pourquoi d'ailleurs. Sans vouloir reconnaitre pourquoi. Parce que ça serait admettre qu'il y a un problème, non?
Je la regarde se diriger vers la fenêtre. C'est étrange... Tout allait bien, alors pourquoi? Ce n'est pas habituel que je me pose autant de questions sur nous. Surtout d'un coup. J'ai peut être raté un truc? Mais alors, c'est rattrapable, hein?
C'est trop soudain. J'ai forcément fait un truc qu'il ne fallait pas faire, quelque part. Sinon, elle ne m'éviterait pas ainsi.
Enfin... J'espère que depuis le temps, elle sait qu'elle peut pleurer dans mes bras sans explications.

- Takeji...

J'ai envie de m'avancer pour la prendre dans mes bras. Parce que je suis incapable d'ouvrir la bouche, là. Il y a comme un poids invisible qui m'en empêche. Et je ne supporte pas de la voir dans cet état. Mais je ne bouge pas. J'ai l'impression qu'elle m'évite. Me repousse...
Merde. J'aime pas ça.
Elle se retourne finalement. Je cherche son regard, nos yeux se croisent mais n'accrochent pas comme d'habitude.
Et quelque part, ça fait mal.

- Non je... c'est impossible. Je n'y arrive pas.

Quoi, qu'est-ce qui est impossible? Je veux ouvrir la bouche, mais le bruit de la bouteille qui se brise me fige sur place. Je ne comprends rien. Elle glisse vers le sol et disparait. Et au cliquetis du verre sur le sol, je devine qu'elle vient juste de finir de glisser. Assise sur des bouts de verre, elle va juste réussir à se blesser.
Mais pourquoi disparaitre? Rah, stop plus de questions! De toute façon je ne pige rien et ne trouve pas de réponse. Vous savez, la chose qui fait le plus peur, c'est bien l'incompréhension.

- Shybaï... Qu'est-ce qui est impossible?

En même temps que la parole se débloque, je me décide enfin à bouger. J'avance pour m'acroupir en face de la place où je la suppose être. Et là, je ne risque pas de réussir à retenir son regard. Même pas moyen de lire ses réactions. Même pas moyen de pouvoir la toucher. Même pas moyen de comprendre. Vous avez déjà tenté de vous démêler d'un truc invisble?

- Je suis incapable de faire ça.

Au son de sa voix, je peux au moins dire qu'elle est en face de moi. Ce qui ne m'avance pas à grand chose. J'ai de plus en plus l'impression d'avoir fait quelque chose que je n'aurais pas dû faire. Quelque chose de vraiment mal, pour qu'elle refuse d'expliquer ce qui ne va pas.
Pourtant, son message disait qu'elle voulait qu'on se voit, non? Attendez... Qu'elle voulait qu'on se parle, plus exactement.
La conversation me fait peur. La tournure qu'elle prend sans même avoir réellement débuté. L'état dans lequel était Shybaï avant même que je n'arrive. Je commence à me faire des idées qui ne me plaisent pas du tout. Pour ne pas dire que je les refuse complètement. J'arrive même pas à les concevoir. Ou plutôt, je ne veux pas.
Imaginez qu'elle... Qu'elle... Qu'elle pense qu'il faille s'arrêter là. Dans notre relation. Je ne sais pas pourquoi. Alors que tout allait bien. Et je refuse. Très égoïstement, parce que je l'aime.
Elle redevient visible, je peux enfin la regarder, tendre une main et toucher son visage pour essuyer les larmes qui ont coulé. Je sais qu'elle a essayé de m'éviter tout à l'heure. Alors j'appuie la seconde main contre le mur derrière elle. C'est moche de couper toute retraite, je sais.

- Est-ce que tu m'aimes ?

Pourquoi as-tu l'air de douter de moi? De nous?

- Bien sûr!

Mince. Pas doué avec les mots. C'était pas la réponse attendue. A compléter, et tout de suite.

- Tu n'as même pas idée... D'à quel point je t'aime. En fait, ça pourrait même te faire peur, comme ça me fait peur à chaque fois que je m'en rends compte. Mais j'aime ça aussi. Je t'aime et j'aime t'aimer.

Je continue à essuyer doucement ses larmes, sans oser l'embrasser. C'était peut être pas le moment pour une tirade pareille, alors qu'elle pense potentiellement à... Tout arrêter. J'aimerais bien savoir. Alors je demande à nouveau, tout doucement:

- Dis moi ce qui ne va pas.

J'aimerais bien être télépathe.

- Shybaï... Qu'est-ce qui est impossible?

Il est impossible que je puisse cesser de t'aimer. C'est ça que je devrais répondre. Je devrais répondre ça et l'embrasser. Je devrais lui faire confiance. Mais, quelque part, quelque chose m'en empêche. Comme un poids sur mon coeur. Tout ça parce que j'ai peur qu'il me quitte. Tout ça parce que je sais qu'il va me quitter. Parce que je sais que je n'ai pas le choix et qu'à un moment ou à un autre je vais devoir lui dire "On arrête. Tout. Comme si ces sentiments entre nous n'avaient jamais existé. Comme si ce bonheur entre nous ne s'était pas manifesté. On arrête". Mais je n'en ai pas la force. Je ne peux pas simplement oublié tousces moments là. Quand je croise Taki, j'ai envie de me glisser dans ses bras et de l'embrasser. Habituellement, je ne peux pas parce que nous sommes dans les couloirs et que devant les enfants... c'est pas prudent. Mais là. Je ne pourrais plus me blottir contre lui car tout sera fini. Je ne sais pas si j'aurais la force d'affronter les épreuves à venir.
Alors je me tais et je me contente de l'observer s'approcher. Son regard me chercher, cherche l'invisble. Mais ses yeux ne rencontre que du vide... Je suis là, sans être là. Mon esprit veut tellement être ailleurs, par exemple dans un lit, avec Taki.
Je me répète, mais je l'aime.

Lorsque je réapparais, la main de Taki s'approche de moi pour effacer mes larmes. Des larmes collantes, sans doute dégoûtante. Comment fait-il pour ne pas être totalement dégoûté de moi ? Comment fait-il pour ne pas me fuir ?
L'autre main de Taki s'appuie sur le mur à côté de moi. A présent, je ne peux plus bouger. Je suis là, cloîtrée. Entourée par l'homme que j'aime et un mur. Les murs... on a fait tellement plus de trucs intéressants avec ces murs. Y penser me donne le tournis. Surtout quand je sais que ça ne se reproduira plus.
Il faut que je le quitte.

- Bien sûr!

Sa réponse est spontanée, mais ce ne sont que deux mots. Hors il est tellement facile de mentir sur deux mots. J'ai peur. J'ai mal.

- Tu n'as même pas idée... D'à quel point je t'aime. En fait, ça pourrait même te faire peur, comme ça me fait peur à chaque fois que je m'en rends compte. Mais j'aime ça aussi. Je t'aime et j'aime t'aimer.

... et là, ça devient encore plus dur de devoir le quitter. Alors que je n'ai qu'une envie, c'est de croire à ces paroles, que ce soit mensonge ou vérité, et de me blottir dans ses bras. D'oublier tout le reste.
Mais je ne peux pas.

- Dis moi ce qui ne va pas.

Il parle tout doucement, comme si il parlait à une gamine. Notez, c'est un peu l'état d'esprit dans lequel je suis là. Si faible... Mais si j'étais une enfant, au moins je n'aurais pas de problème.
Et puis tout à coup, ça se passe. C'est une sorte de réflexe, impossible à arrêté comme l'attraction de deux aimants. Je me pousse du mur pour me glisser contre Taki, mon visage contre son torse, mes genoux par terre sur les morceaux de verre. Mais j'en ai rien à faire de cette douleur physique là. Moi, je pleure, Toutes les larmes de mon corps. J'ai l'impression qu'on pourrait remplir une mer avec ces larmes... Et pendant un long moment, je ne dis rien, je me contente de pleurer. Jusqu'au point de rupture. Vous savez, quand vous n'avez même plus la force de pleurer ?
Alors je n'ai plus d'autre choix que de parler. Taki m'a posé une question. Deux en fait. Et j'y ai pas répondu. A aucune des deux. Alors je me recule un peu, pour pouvoir le regarder. Pour pouvoir le regarder et penser une dernière fois "il est beau mon copain".
Car à partir de demain je devrais tout penser au passé : "il était beau mon ex".

- Je ne veux pas que tu me quittes.

Et comme je ne veux pas non plus qu'il me mente, qu'il me dise que jamais il ne me quitterait, je place une main sur sa bouche afin de l'empêcher de pouvoir parler. Je n'ai pas fini ce que je voulais lui dire. De loin pas.

- Alors je n'ai pas le choix, c'est moi qui doit le dire. Tout est fini entre nous.

Cette phrase... "tout est fini". On l'a tous déjà entendu 1000 fois au cinéma ou à la télé. Et pourtant... on ne peut pas s'imaginer à quel point c'est difficile de la dire nous même tant qu'on en a pas fait l'expérience. Mais moi jel'ai dite. Je l'ai dite et j'en ai souffert. J'en souffre.
Et comme je ne veux pas voir le regard pleins de question de Taki, comme je ne veux pas voir sa souffrance à lui, j'évite son regard.
J'évite le regard de mon ex.

J'ai mal de la voir dans cet état. J'ai mal de cette espèce de tension dans la pièce qui dit clairement que ça va mal tourner. J'ai mal de ne pas comprendre pourquoi elle est dans cet état, alors que j'ai de plus en plus la certitude que c'est de ma faute. Et j'ai mal de ne servir à rien. Je dis l'aimer, et je suis incapable de la consoler ou de savoir ce qu'il lui arrive. Nul hein?
Mes bras se referment d'eux même sur elle lorsqu'elle vient contre moi. Dieu que je voudrais faire quelque chose de plus utile pour elle. Je ne l'aie jamais vue pleurer comme ça. Mais rien, tout ce qui peut être fait pour le moment, c'est la laisser pleurer dans mes bras. Ce que je fais sans un mot, juste en caressant doucement ses cheveux d'une main.
Ils sont tout doux, ses cheveux. Et je peux même sentir leur parfum derrière celui de l'alcool répandu par la bouteille. Et ça me rappelle toutes les fois où je l'ai eue dans les bras, juste pour un câlin. Je veux que ça continue, qu'elle aille mieux, et qu'on règle le problème. Parce que je ne comprends toujours pas.
Ses pleurs finissent par cesser. Mes bras glissent le long de son dos pour la laisser bouger. Elle relève le regard, j'ai peur de ce que j'y lis. Mais bon sang, est-ce que quelqu'un va m'expliquer ce qu'il se passe à la fin? Pourquoi on en est là du jour au lendemain? Pourquoi elle a l'air détruite alors que tout allait au mieux entre nous?

- Je ne veux pas que tu me quittes.

Parfait, parce que je ne le ferai pas! Aucune, je n'ai absolument aucune raison de le faire. Et même si j'en avais, je serais incapable de le faire. Vous seriez capable de vous priver d'eau, de Soleil ou de bouger à vie et volontairement, vous? Moi pas.
Je veux ouvrir la bouche pour lui dire ça. Protester contre une pensée complètement fausse. Mais elle m'empêche de parler d'une main. Je respecte et ne retire pas sa main. Mais ça aussi, ça blesse. D'où tient elle des idées pareilles? Elles ne sont pas tombées du ciel. Pas vu l'état dans lequel elle est.
Hors de question de la quitter. Et je pourrais passer la soirée à citer des raisons pour lesquelles je ne la quitterai pas. Jamais, je n'en sais rien. Il ne faut jamais dire jamais, n'est-ce pas? Surtout avec notre métier. Pour autant, je veux aller loin avec elle. Très loin. Et actuellement, on en est qu'au début. Juste au commencement. Si il y a bien une personne avec qui je veux passer des années de ma vie, c'est elle.

- Alors je n'ai pas le choix, c'est moi qui doit le dire. Tout est fini entre nous.

Pardon?! Sa main sur ma bouche a beau s'être déplacée, je suis incapable de formuler un mot. De penser correctement pendant un moment. J'ai mal alors qu'elle ne m'a pas frappé. N'a même pas eu un geste brusque. Pourtant, ça brûle. Et la... Facilité avec laquelle ces mots ont filé entre ses lèvres. Comme le vent dans les arbres. Alors qu'elle est abattue depuis tout à l'heure. Pourquoi dire que je serai celui qui la quitterai si elle est celle qui le fait? Je suis ... Dégoûté. Et je refuse complètement cette décision qui nous concerne tous les deux.
Elle a détourné le regard. Et pourquoi? Pour ne pas voir quelque chose qui te ferait revenir sur ta décision?
Si il y en a un autre pour toi, tu pouvais me le dire. Si la faute vient de moi, tu pouvais me le dire. Si tu ne m'aimes plus, tu pouvais me le dire. Si notre relation t'effraies, tu pouvais me le dire aussi. Bon sang, je suis prêt à entendre toutes les raisons possibles mais pas celle qu'elle a énoncé. Surtout pas celle qu'elle a énoncé et qui est complètement fausse.
... En fait je mens. Elle pourrait citer toutes les raisons du monde que je resterais sur la même position.

- Je refuse. Je refuse que tu me quitte et je refuse de te quitter.

J'essaie de ne pas laisser ma voix flancher maintenant. Parce que ce n'est pas le moment, même si c'est dur, et que mes yeux disent tout.
Avec le déblocage de la parole vient celui des gestes. Je la fais basculer contre le mur, une main de chaque côté, et plaque mes lèvres contre les siennes sans lui demander son avis. Qu'elle me repousse, il faudra bien plus que ça pour que je parte. Et pas question qu'elle redevienne invisible. C'est à mon tour d'avoir les genoux dans le verre. Mais honnêtement, ça me passe complètement au dessus de la tête. C'est rien, je ne les sens même pas tellement ça fait mal ailleurs. Et qu'est-ce qu'on fait quand on souffre? On cherche à ce que ça s'arrête.
Je cesse de l'embrasser après un instant bien trop court. Mais il faut bien tirer ça au clair avec des mots. Je veux chercher son regard alors que j'ai envie de m'écrouler dans un coin hors de sa vue. Que des réactions contradictoires. Première fois que je suis dans cet état, et j'espère bien que c'est la dernière.
Je veux parler, mais quand je recule la tête et la vois, mes bras flanchent, me faisant glisser en avant. Tête dans le creux de son cou et contre le mur. Dingue, je sais même pas pourquoi j'ai glissé là. Mais j'y reste quelques secondes avant de dire:

- T'as pas le droit... Shybaï, pas avec une justification pareille.

On dirait une loque, je ne suis même pas capable de m'expliquer. J'aurais dû m'en aller. Mais je ne sens même pas ma téléportation. C'est elle qui s'est tirée. Lâcheuse. Toutes des lâcheuses.
Et même là je trouve encore le moyen d'être attiré par son odeur, mais faut le faire quand même! C'est possible d'être aussi stupide? Je recule presque brusquement la tête, pas du tout satisfait de mon comportement, et ancre mon regard dans celui de Shybaï.

- Répète moi en me regardant dans les yeux que tu veux tout arrêter. Essaie de montrer à quel point tu es honnête avec toi même, et avec moi. Et dis moi pourquoi.

Allez, dis moi que ce n'est pas vrai... Dis moi que tu m'aimes. J'ai besoin de l'entendre.


[Hrp: Mon Diiiiieeeeu D=. J'ai l'impression de faire du hors-Take là xD. M'apprendra à jamais décrire ses émotions v_v]

Sentir les bras des Taki se refermer sur moi, ça me fait encore plus mal. Parce que je sais que ce refuge n'est pas ma place. Je ne devrais pas être là. Malgré tout, égoïstement, j'ai envie de passer ma vie ici, de ne pas le quitter. Si seulement je pouvais stopper le temps...
Vous savez quoi ? J'avais espéré qu'une fois que j'eusse eu dit ce que j'avais à dire, qu'une fois que je lui ait dit que tout était fini, j'avais espéré être libérée. Que tout se finisse comme ça. J'avais déjà pensé au moment où je devrais lui annoncer ma décision, mais j'avais pas pensé à l'après. J'ai peur de sa réaction. Peur de flancher, de me laisser convaincre qu'il faille que je change d'avis. J'ai l'impression que si Taki ouvre la bouche, je lâcherais tout. Et j'ai peur que si on se remet ensemble, la chute ne soit que plus dure après.
Mais comment pourrait-elle l'être ?
J'ai déjà si mal. On vous a déjà arraché le coeur avec une fourchette ? Non, bien sûr, sinon vous ne seriez pas là. Moi non plus d'ailleurs. Mais je suis persuadée que c'est à peu près la même chose que je ressens en ce moment. Et après... c'est la mort.

- Je refuse. Je refuse que tu me quitte et je refuse de te quitter.

Et moi je refuse que tu refuses. Tu ne peux pas faire ça ! Comme si ce n'étais déjà pas assez dur comme ça...
Je me sens soudain basculé contre le mur et le goût de ses lèvres se glisse sur les miennes. Ce baiser comme tout le reste me fait mal. Parce qu'il a ce goût affreux du dernier baiser. J'ai envie de le repousser, alors je pose mes mains sur ses épaules, mais... je n'ai pas la force. Je n'ai pas la force de me séparer de lui. Je ne suis qu'un déchet échoué après des heures de flottaison. J'en tremble presque et il en faut peu pour que je m'écroule. Je suis vidée de toute énergie. Alors je me laisse m'embrasser, tentant presque de m'accrocher à ses lèvres.
Ses lèvres qui me manquent déjà.
Alors quand on se sépare, quand il recule puis glisse contre moi, c'est encore plus dur. Je sens sa tête dans le creux de mon épaule. J'ai envie de l'envelopper de mes bras, de le rassurer. Je ne bouge pas, comme glacée.

- T'as pas le droit... Shybaï, pas avec une justification pareille.

Mais que puis-je dire face à ça ? Comment se justifier face à l'homme que j'aime. J'ai trop peur, tellement peur. Je sais qu'il va me haïr, je sais qu'il me hait déjà pour ce que je suis en train de faire. On ne peut pas avoir tant aimé sans haïr en retour. Moi aussi je hais d'ailleurs. Je me hais de faire ce que je fais, je me hais de ne pas être capable d'aller jusqu'au bout, je me hais de tous mes moindres gestes.
Puis soudain sa tête serecule, brusquement, trop vite, ça me fait trop mal. Puis son regard attrape le mien et cette fois ci je ne peux plus l'éviter. Je lis sa douleur, son incompréhension, son horreur. Je ne peux pas éviter ce regard qui me brûle de partout.
Pourquoi est-ce que ça me fait si mal ?

- Répète moi en me regardant dans les yeux que tu veux tout arrêter. Essaie de montrer à quel point tu es honnête avec toi même, et avec moi. Et dis moi pourquoi.

C'est dégueulasse. Takeji sait bien que j'en suis incapable. Que c'est impossible. C'est un jeu dangereux qu'il joue là. Injuste. Je reste face à lui, incapable de dire un mot, incapable d'avancer. Alors je recule, mon dos rencontrant le mur trop proche et trop loin de Takeji. Pourquoi est-ce que j'ai envie de m'éloigner et en même temps de me rapprocher de lui ?
Pourquoi est-ce si dur ?
Je me recroqueville contre le mur, sans pour autant quitter Taki du regard. J'ai la gorge sèche et le coeur en vrac.

- Ne m'oblige pas à répéter ça. Tu sais très bien que je ne pourrais pas.

Cette fois ci j'arrive enfin à déccrocher mes yeux de ceux de Taki. Je pose ma tête contre mes genoux, totalement isolée du reste du Monde.
Qu'est-ce que je suis en train de faire ?! Une connerie. La plus grosse de toute ma vie. Je ne peux pas continuer comme ça. Il faut que j'arrête, c'est trop horrible.
Mais je reste persuadée que lui me quittera.
Que faire ? Qu'est-ce que je peux bien faire à présent ? Continuer. J'en suis totalement incapable. Ca demande plus de force morale que je n'en ai.

- JE T'AIME !

Le cri est sortit tout seul. Je n'arrive pas à croire que ça vienne de moi. Je l'ai crié, le plus fort possible.
Le problème c'est que je l'aime trop.

- Je t'aime et si tu crois que ce n'est pas douloureux pour moi, tu te trompes. C'est inhumain tout ça. Mais on ne peut pas rester ensemble et tu veux que je te dise pourquoi ? Tu veux vraiment savoir la vérité ?

Je ne sais plus très bien si je suis en colère ou triste ou si j'ai juste mal. J'attends juste sa réponse, même si je sens un flot de mot remonter en moi jusqu'à ma gorge. Ca me brûle la bouche. Ce dégueulis de... mot ? Heu... non. Finalement je ne crois pas que ça soit des mots. J'ai besoin de vomir là. Du genre maintenant. Tout de suite.

Je me lève d'un coup, la main plaqué contre la bouche et me précipite dans la salle de bain. Mes mains s'accroche à la cuvette des toilettes et toute la vodka accumulée dans mes veine remonte. Je savais que je n'aurais pas dû boire.
Et je me sens toujours aussi mal.

J'ai bien senti ses mains sur mes épaules. Qu'elle avait voulu me repousser une fois de plus. Et j'ai tout ignoré. Fait semblant d'ignorer plutôt. Parce qu'en réalité, ça m'a juste blessé un peu plus. Je refuse de croire qu'elle veut me quitter. Et pourtant, je commence à douter, ce que je refuse tout autant. Jusqu'à ce qu'elle dise la vérité. Au final, je suis juste complètement perdu.
Je la laisse se recroqueviller contre le mur. Même si nous sommes encore proches physiquement, j'ai l'impression qu'elle creuse un fossé entre nous. Je ne comprends pas. Pourquoi fait-elle tout ça? Pourquoi avoir l'air déchirée quand elle provoque cette douleur elle même? Une chose est sûre, je suis complètement incapable de la laisser partir. C'est égoïste, immature et tout ce qu'on voudra, mais c'est comme ça. Si je l'aimais moins, peut être que... Sauf que ce n'est pas le cas. Je l'aime. Beaucoup trop, vraiment beaucoup trop.
Comment on en est arrivés là...

- Ne m'oblige pas à répéter ça. Tu sais très bien que je ne pourrais pas.

Ah oui? Et pourquoi?
Je ne sais pas quoi faire. Je ne peux... Ni ne veux, la forcer à rien. Parce que je l'aime trop pour la blesser. J'ai envie de la secouer pour qu'elle se réveille. Mais mes bras ne veulent pas se lever, et je refuse de la brusquer.

- Non. Non je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi tu veux qu'on se sépare alors que ça nous fait du mal à tous les deux. Que ni l'un ni l'autre n'en a envie peu importe ce que tu penses là dessus. Si je voulais te quitter, je serais déjà parti.

Son visage disparait dans ses genoux. De quoi se cache-t-elle? De moi? De nous? Si ce nous existe encore, pour commencer. Je n'arrive pas à la suivre. C'est bien la première fois que... Que je nous trouve si étrangers l'un à l'autre. Je n'arrive pas à la comprendre. Pourtant, j'ai besoin de savoir ce qui ne va pas, pour le réparer. Tout de suite.

- JE T'AIME !

Son cri me surprend complètement, autant qu'il me blesse un peu plus. Remue le couteau dans la plaie, c'est pas assez ouvert.
Bon sang Shybaï, si tu m'aimes, pourquoi tu fais ça! Si tu voulais réellement tout finir, tu devrais être en train de me dire que tu me hais, que tu ne veux plus me voir, que je te dégoûte, que tu es malheureuse avec moi, que tu ne m'aimes plus et pas le contraire. Autant de choses horriblement dures à entendre, mais qui me feraient probablement partir. Pour ne pas la faire souffrir.
Et au lieu de ça, elle me dit qu'elle m'aime. Et moi, je ne sais plus quoi croire. J'ai honte, mais je pourrais presque douter de ses mots. Presque, parce que c'est tellement plus simple d'y croire. Même dans cette situation. Je te quitte mais je t'aime. Oui bien sûr.

- Je t'aime et si tu crois que ce n'est pas douloureux pour moi, tu te trompes. C'est inhumain tout ça. Mais on ne peut pas rester ensemble et tu veux que je te dise pourquoi ? Tu veux vraiment savoir la vérité ?

Mais alors arrête! Arrête ça!

- Bien sûr que oui! Il n'y a rien, absolument rien qui puisse nous empêcher d'être ensemble, j'en suis sûr. Tu m'aimes, je t'aime. Et vu ce qu'il se passe depuis tout à l'heure, c'est impossible de le nier. Alors quoi, qu'est-ce qui nous sépare?

Plus ça va, plus j'ai mal, moins je comprends. Alors quand elle se lève d'un coup, j'ai juste le réflexe de retirer mes bras pour qu'elle passe. Mais je ne me lève pas. Je veux que ça s'arrête. Juste que ça s'arrête, et que tout redevienne comme avant.
Les bruits provenant de l'endroit où est parti Shybaï font comme un déclic. Et avant même de penser, je suis debout dans sa salle de bain. A quatre mètres de là où j'étais. Passés en un battement de cil grâce à une téléportation involontaire.
A la voir malade, j'oublie l'espace d'une courte seconde tout ce qu'il vient de se passer, pour m'avancer rapidement vers elle d'un coup.

- Shybaï! Est-ce que ça va aller?

J'espère qu'elle n'a pas réussi à tomber malade. Mais il est plus probable que ce soit juste la demi bouteille d'alcool avalée qui soit à l'origine de ça. Je suis proche d'elle, je ne peux pas m'en empêcher. Poussant même jusqu'à dégager ses cheveux de son visage avant de laisser une main sur son épaule. Oui, j'ai horriblement peur qu'elle continue à me repousser. Parce que ça fait très mal. Et pourtant, j'en remets une couche. Doué hein? Je me dégoûte aussi, tiens. Allez hop, tant qu'à se sentir mal et à toucher le fond, autant continuer à creuser. J'espère trouver du pétrole sous pression. Histoire de remonter.

- Je t'en prie Shy... Si tu m'aimes, explique moi ce qu'il se passe vraiment.

A quoi ça sert de demander, alors qu'elle refuse d'expliquer depuis le début...

- Non. Non je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi tu veux qu'on se sépare alors que ça nous fait du mal à tous les deux. Que ni l'un ni l'autre n'en a envie peu importe ce que tu penses là dessus. Si je voulais te quitter, je serais déjà parti.

Comment des mots peuvent-ils autant blesser ? Je pensais avoir tout vécu. Avec un père comme le mien, je pensais que je connaissais le sens du mot "douleur" et tous ses synonyme.
Je me trompais.
Je redécouvre aujourd'hui ce mot. Et tout ce qui va avec. Pourquoi ne part-il pas ? Pourquoi ne se dirige-t-il pas vers la porte ou se téléporte-t-il ailleurs ? J'ai l'impression qu'ainsi ça sera un peu moins dur. Mais je sais que ce n'est qu'une impression. Qu'il soit là ou pas, ça fait mal.

- Bien sûr que oui! Il n'y a rien, absolument rien qui puisse nous empêcher d'être ensemble, j'en suis sûr. Tu m'aimes, je t'aime. Et vu ce qu'il se passe depuis tout à l'heure, c'est impossible de le nier. Alors quoi, qu'est-ce qui nous sépare?

J'aimerais bien lui dire pourquoi. Lui expliquer ce qui nous sépare. Cette chose entre nous qui ne va plus. Qui est venue poser ses griffes, qui va déchirer notre cocons d'amour. Cette chose qui fera que lui me quittera.
J'aimerais bien lui dire, mais déjà je suis dans la salle de bain à vomir tripes et boyaux.

- Shybaï! Est-ce que ça va aller?

Non. Non ça ne va pas aller et pas seulement à cause de l'alcool et de mes vomissements. J'ai envie de ses bras autour de moi, j'ai envie de sa main dans mes cheveux, j'ai envie de le sentir contre moi. J'ai envie qu'on s'aime comme avant. Sans limites. Comme deux adolescents qui découvrent l'amour. Un amour si grand qu'il devrait contenir plus de lettres. Amour ce n'est que 5 petites lettres qui se courent après. Ce n'est pas assez pour tout exprimer. L'amour est trop court. Et au fond... c'est ce qui va bientôt nous arriver. Nous sommes au "r" de notre relation d'amour. Nous allons devoir couper le tout. C'est comme ça.
Mais "c'est comme ça", ce n'est pas assez. Taki n'acceptera pas une réponse aussi simple. Aussi imprécise.

- Je t'en prie Shy... Si tu m'aimes, explique moi ce qu'il se passe vraiment.

Oui je l'aime. Alors je vais lui expliquer. Ou plutôt lui montrer. Les gestes sont parfois plus fort que des mots. Donc je me relève, m'accrochant au lavabo. Je suis encore un peu instable, ballotée par mes émotions. Puis j'ouvre l'armoire qui se trouve dans ma salle de bain pour y trouver ce que je cherche. Il est au même endroit que tout à l'heure. Dans un soupir je le prends pour le poser dans la main de Taki.

- C'est pour ça. Parce qu'il est positif.

Je regarde le test de grossesse dans la main du futur père et pense à la chose qui nous sépare. Cette chose dans mon ventre qui me donne des nausée en plus de celles causées par la vodka. Cette chose que je hais et que pourtant j'aime déjà un peu. Que j'aime d'ailleurs tellement que je ne pourrais pas me résoudre à avorter. J'ai peur d'ailleurs que Taki m'y force, mais je refuse catogériquement. D'ailleurs autant le lui dire tout de suite.

- Cet enfant, je veux le garder. C'est tout ce que je te demande.

Et maintenant ? Hein, maintenant, que va-t-il se passer ? Taki va-t-il fuir, me laisser comme une vieille chaussette sale au fond du panier à linge ? Toutes les cartes sont dans son jeu, c'est à lui de décider. Il peut faire ce qu'il veut.
Non.
En fait il ne peut pas faire ce qu'il veut. Je ne veux pas. Je veux qu'il me dise qu'il m'aime, que tant pis si cette chose arrive, que le monde est merveilleux. J'ai envie qu'il me dise qu'il ne veut pas me quitter.
Mais d'un autre point de vue, je me rends bien compte de ce que je viens de lui avouer. Un bébé. Ce n'est pas rien. C'est une vie entière, c'est un engagement ad eternum.
"A force de trop s'aimer, on laisse forcément une trace de notre passage."

- Alors ? Est-ce que tu... nous aimes ?

Ma voix tremble à la pronnonciation de ce"nous". Parce que j'ai peur qu'il nous quitte, parce que j'ai peur de ne pas pouvoir assumer, parce que je doute être capable de conjuguer le verbe "aimer" au pluriel.
J'ai juste envie qu'il me dise que ça ne changera rien de lui et moi.

Je l'observe se relever pour aller fouiller dans l'armoire sans un mot. Sans un mot, c'est angoissant. Cet espèce de silence de fond, je le trouve angoissant. J'ai envie qu'elle me dise qu'elle revient sur sa décision. Qu'elle n'a pas l'intention de rompre. Qu'on doit rester ensemble. Et qu'elle m'explique quoi faire pour réparer tout ça. Parce que j'ai beau réfléchir, je ne trouve pas de raison valable à notre séparation. Et même sans raison. C'est trop tard, on est enchainés. Et je n'ai pas envie que ça se brise. Elle non plus, quoi qu'elle puisse se forcer à en dire.
J'ai envie de la prendre dans mes bras, de faire cesser cette douleur, et qu'on continue comme avant. Continuer à vivre sans trop penser à l'avenir. De toute façon on est incapables de le prédire, autant le laisser faire ce qu'il veut. Le présent est plus intéressant.
Elle dépose un objet dans ma main. Un espèce de truc allongé et blanc. Aucune idée de ce que ça peut être, ni d'en quoi ça nous est lié. C'est ça, l'explication? Je suis censé en conclure quelque chose qui nous amènerait à une rupture? Je ne vois rien.

- C'est pour ça. Parce qu'il est positif.

Positif... Mais de quoi positif? Je ne vois même pas en quoi un bâton blanc peut avoir quoi que ce soit de positif. Et pourtant, il a l'air d'être la source de soucis pour elle. Je me sens encore plus inutile que tout à l'heure là. Parce qu'elle m'explique, et que je ne comprends rien. Je relève un regard interrogatif sur elle, qui a les yeux rivés sur ce que j'ai dans les mains. Shybaï, tu ne voudrais pas préciser un peu? Que je puisse à mon tour t'expliquer en quoi ça ne nous sépare pas.

- Cet enfant, je veux le garder. C'est tout ce que je te demande.

... Je suis largué. Sans mauvais jeu de mot. Quel enfant? Un gosse... Elle a un gosse? Pas que je sache. Alors pourquoi vouloir en garder un? Et puis, garder un enfant, elle peut le faire sans me demander mon avis. Après tout on est profs, les enfants on est supposés en avoir l'habitude. Sauf quand ce sont les nôtres. Mais comme on en a pas parce qu'on est trop jeunes, la question ne se pose pas. Alors quoi?

- Je crois que je n'ai pas tout compris...

En fait, je ne crois pas, j'en suis sûr. Qu'est-ce qu'une histoire d'enfant vient faire là au milieu? Et ce truc, j'arrive toujours pas à savoir ce que c'est. Un test? Ouais bon c'est logique que ce soit un test. Maintenant le rapport entre un test, un enfant, et le fait qu'elle veuille rompre soudainement... Aucune idée. Aucune idée, et ça ne fait pas avancer le problème. J'ai envie d'éloigner ce bâton blanc, de dire qu'il n'a jamais existé, pour qu'elle cesse de s'inquiéter. Même si je ne vois pas de quoi elle s'inquiète.

- Alors ? Est-ce que tu... nous aimes ?

Etrange question. C'est qui "nous"? C'est frustrant de ne rien comprendre. Et de continuer à douter.
Pour le moment, officiellement, nous sommes séparés.

- Toi, je t'aime. Et ce n'est pas près de changer. Mais pourquoi "nous"?

Je regarde à nouveau le truc blanc. Rien à faire, je ne vois pas ce que c'est. Pour tout dire, ça ressemble même à un thermomètre. Elle serait malade? Si c'est un test... Positif en plus! Elle voudrait rompre à cause d'une maladie? Shybaï, je refuse qu'on se sépare.
Mais alors, il sort d'où l'enfant? Et le "nous"?
Nous égal elle et l'enfant? Si c'est ça, alors oui, j'aime aussi l'enfant dont elle veut s'occuper. Même si je ne le connais pas. Si elle l'aime bien, c'est qu'il doit être adorable.
Mais j'ai l'impression de faire fausse route. Parce que tout ça, ça ne vaut pas une rupture. Alors ça ne doit pas être ça.

- Ça, c'est un test? De quoi?

Je crois que je dois avoir l'air perdu. Mais vraiment, je ne percute rien. Ça n'a pas de sens. Rien n'a de sens depuis tout à l'heure. Shy en pleurs, la rupture, son malaise, ce test, cette histoire de gosse... Oh putain.

- Attends... Tu es... Tu es en train de dire que tu es enceinte?

Et étrangement, tout prendrait un sens avec cette explication là. Comme par hasard. Et je ne saurais pas quoi en penser. Juste que, quoi qu'il arrive, c'est hors de question de la laisser.

- Je crois que je n'ai pas tout compris...

Hum. C'est sûr que si il ne comprend pas tout, on va pas pouvoir aller loin. Notez, moi aussi j'aimerais ne pas comprendre, faire comme si de rien n'était et continuer ma vie genre normalement.
Sauf qu'après 9 mois, je risque d'avoir une "petite" surprise.
Petite surprise qui va grandir, prendre du volume, voler toute la place. J'ai l'impression que cette chose... enfin cet enfant que je porte va s'interposer entre nous, détruire tout ce qui nous unis. J'ai l'impression que ce gosse va me piquer ma place dans le coeur de Taki. Et ça, ça fait mal. Mal d'être jalouse de quelque chose qui n'est même pas né. Mal d'être jalouse de quelque chose qui est en moi. Mal d'être jalouse de quelque chose qu'au fond... j'aime.
Je ne suis pas prête pour être mère. Non, sérieusement. 22 ans c'est trop jeune, je veux dire que j'ai encore toute la vie devant moi, toute ma jeunesse. Je ne sais pas moi, le bon âge pour avoir des enfants c'est... la trentaine, quand on se sent prêt et qu'on sait qu'on pourra assurer un avenir stable à nos enfants. Pas maintenant donc. Pas aussi jeune.

Quand je pense qu'il y a des filles qui ont leurs enfants avant même d'avoir 16 ans... Honnêtement, je n'aimerais pas être à leur place. J'ai déjà de la peine à concevoir être mère à 22 ans, alors aussi jeunes... Au moins on peut presque dire que moi je suis adulte. Dans le sens je suis majeur, je travaille, j'ai un logement. Mais elles se sont encore des enfants !
Toujours est-il que moi, même si je suis plus âgée qu'elles, je ne me sens pas prête pour autant. Vraiment pas prête.

- Toi, je t'aime. Et ce n'est pas près de changer. Mais pourquoi "nous"?¨

Mouais, là il a vraiment pas compris. Ou peut-être c'est son inconscient qui est dans le dénis ou je sais pas trop quelle théorie en rapport avec Freud... De toute façon on s'en fout. Faut juste qu'il comprenne. Alors je dois lui expliquer.
Le truc c'est que... j'aimerais vraiment pouvoir lui expliquer. Mais je en saurais pas quoi lui dire. "Super nouvelle, tu seras bientôt papa !" ou "Devine quoi, haha, je suis enceinte !". Je ne suis pas très convaincue... Comment lui expliquer.

- Ça, c'est un test? De quoi?

C'est sûr qu'il faudrait peut-être commencer par là. Mais franchement, à part un test de grossesse, ça peut être quoi d'autre ? Les hommes, les hommes... on voit que c'est pas eux qui tombe enceinte. Bon, d'accord, j'avoue; avant de me pointer l'autre jour à la pharmacie en stressant à fond, je ne savais pas vraiment non plus. J'avoue que c'était assez horrible quand j'ai dû l'acheter. J'avais l'impression que tout le monde me regardait et après allait aller tout raconter dans le village de Little Angleton. Alors j'ai fait genre c'était pour une amie. Mais je crois que la pharmacienne ne m'a pas cru. Personne n'a dû me croire en fait.
Et dire que j'ai 22 ans...

- Attends... Tu es... Tu es en train de dire que tu es enceinte?

Ah bah là au moins... c'est dit quoi. Le mot est pronnoncé. Et je ne sais toujours pas quoi dire. Je regarde mes pieds, parce que j'ai peur de lire les sentiments que je pourrais trouver dans le regard de Taki. Je ne veux même pas les imaginer. Moi je veux juste qu'il me prenne dans ses bras, qu'il me dise que tout ira bien et qu'on sera heureux. Avec cet enfant. Car comme je l'ai déjà dit, il est hors de question que j'avorte. Ou pire que je l'abandonne. Je connais trop d'orphelins pour laisser mon enfant seul. Et moi même je sais ce que ça fait de grandir sans mère et je n'ai aucune envie de le faire souffrir ainsi.
Oui, parce que je l'aime un peu ce bébé.
C'est assez étranges tous ces sentiments en moi. Je ferais tout pour revenir en arrière, mieux gérer certaines protéctions et éviter qu'un truc pareil se produise. Et d'un autre côté, à présent que je sais être enceinte, je ne peux plus imaginer ma vie sans cet enfant. Bêtement, je me suis soudain mise à penser à sa scolarité, à comment l'élever, comment lui apprendre à vivre. C'est un peu stupide, mais je me suis laissé emporter dans la boucle infernale du rôle de maman.
Le truc c'est que je ne sais pas si Taki aurait envie de me suivre sur ce chemin là. Parce que ça signifie de nombreux sacrifices. Hors, si c'est bien lui le père, je ne peux pas lui demander d'assumer complètement son rôle de papa. Et c'est pour ça que j'ai aussi peur. Parce que je suis complètement terrifiée à l'idée qu'il parte, qu'il me laisse seule avec un marmot sur les bras et, surtout, de ne plus sentir sa présence à mes côtés.
Oui, je suis enceinte.

- C'est exactement ça.

Vraiment, je n'ose pas relever la tête. Je ne veux pas le voir, j'ai trop peur d'être blessée. Je me sens un peu comme un enfant ayant commis la pire des bêtises possible et attendant son châtiment. Sauf que les enfants, c'est facile pour eux d'être pardonné, on les aime trop. Mais moi ? Je ne suis pas une petite fille avec deux tresses et des yeux assez grand pour embobiner toute la Terre. Moi on m'aime pas forcément. Et on me pardonne encore moins.

- Je suis complètement perdue. Je ne sais même plus quoi penser. J'ai vraiment besoin d'aide là.

Et j'ai surtout besoin que tu me prennes dans tes bras et que tu me dises encore une fois "je t'aime".

Je... Je crois que j'ai envie qu'elle me dise que non, elle n'est pas enceinte. Un gamin, c'est petit, ridiculement petit par rapport à la montagne que ça traine derrière lui. Et moi, je ne suis pas sûr d'être capable de monter en haut de la montagne. Je n'ai jamais eu le vertige, mais on dirait que ça commence. On est beaucoup trop jeunes. Je pense qu'on a encore besoin de grandir, quelque part.
Ouais en fait je suis juste complètement effrayé. Et je n'imagine même pas pour Shybaï.
J'aimerais bien savoir remonter dans le temps.

- C'est exactement ça.

...
Je n'en reviens pas. Où est-ce qu'on a loupé? Oh et puis, je me fiche de savoir où et quand. C'est fait. Shy a les yeux rivés sur le sol. Et temps mieux, elle ne peut pas voir ma tête d'imbécile ahuri pendant ce temps. Un gamin. Un petit truc qui bouge, pleure, a tout le temps faim, demande un temps énorme, est fragile, demande une maturité que pour ma part je n'ai pas -et j'assume, ouais-, va grandir... Pourquoi j'ai peur alors que je vis entouré d'enfant constamment? Pire que ça. Je suis prof.
Quand j'étais petit, je me disais toujours qu'avoir un parent prof, ça devait être l'horreur. Imaginez deux parents profs. Imaginez avoir seulement 21 ans d'écart avec votre enfant. Je pourrais avoir un petit frère avec cet écart d'âge.
Maman, papa, surtout ne faites PAS de gamin maintenant. Sinon je ne m'en remettrai pas.
Et cet écart d'âge, ça ne soulève qu'une partie du problème. Et si je n'arrivais pas à le considérer comme mon enfant? Et si il s'interposait comme un obstacle entre Shy et moi? Parce qu'actuellement, tout ce qu'on demande, c'est de vivre l'un avec l'autre sans penser au reste. Parce qu'il y a la guerre, parce qu'on a un métier où beaucoup laissent la vie. Y'a qu'à voir où on est. Un orphelinat. Je ne sais combien des adultes d'ici ont eux même été orphelins. Jonathan, Nérys, par exemple.
Et j'ai pas envie de faire un orphelin de plus. Je n'ai pas envie que Shy arrête de m'aimer pour un enfant.
Je me disais bien, aussi, que notre relation était trop belle. Jamais un problème. Enfin, à part ces histoires de messieurs Destin et Hasard qui ne nous laissaient jamais en paix.
Ah tenez, parlons en de ces deux là. J'ai cru qu'ils nous avaient laissé tranquilles. C'était trop beau pour être vrai. En fait ils sont partis. Et ils sont revenus avec un plan ultime. Des mois d'abstinence. Avec un truc qui bouge à la clé. Et je vous parie tout ce que vous voulez que pendant ces mois là, Shy sera toujours à portée, et la situation propice. Y'aura juste un gosse au milieu.
J'ai même pas envie de les traiter.
Je n'arrive pas à émettre un son. Allez, c'est une illusion depuis tout à l'heure, c'est ça? Déjà Shybaï qui veut rompre, puis un gamin qui tombe du ciel alors qu'on a veillé à se protéger à chaque fois... Elle est où la caméra cachée? Parce que c'est pas drôle du tout.

- Je suis complètement perdue. Je ne sais même plus quoi penser. J'ai vraiment besoin d'aide là.

On est deux comme ça. Mais c'est bien elle qui a un truc dans le ventre, et pas l'inverse. J'ai un instant d'hésitation avant de m'avancer pour la prendre dans mes bras. Parce que j'ai peur qu'elle me repousse à nouveau. Mais que je ne supporte pas de la voir comme ça.

- Je t'aime Shybaï. Je ne sais pas quoi penser non plus mais je suis sûr de ça. Et je refuse toujours de te quitter.

Quoi penser... J'en sais rien. Cet enfant, je ne suis pas prêt à dire "mon enfant". Sûrement que c'est trop soudain, j'ai encore plusieurs mois pour m'y faire, non? Ouais, notez qu'à aucun moment je n'ai parlé de l'abandonner. Parce que Shybaï veut le garder et que je respecte son choix. Puis je ne suis pas innocent à l'affaire. Du moins j'espère bien que c'est moi le père. Sinon ce serait assez inquiétant. Je lui fais confiance. Et je ne sais pas quoi dire.

- Si tu veux le garder, je ne m'y opposerai pas.

Dis... Puisque c'est maintenant établi que non, je ne te quitterai pas. Même si on a un invité surprise. Tu veux bien me promettre de ne plus jamais refaire ce coup là? J'ai peur de ce qui nous attend dans quelques mois. Et si on n'arrivait pas à s'en occuper? Et puis, j'ai peur de ne pas réussir à le considérer comme le notre. Vraiment. C'est possible d'avoir un enfant sans le considérer comme le sien? J'espère que non.
Je recule un peu en posant une main sur sa joue pour la regarder dans les yeux. C'est fou ce qu'elle est magnifique. Même dans son état. Traitez moi de stupide, j'en ai rien à faire.

- Et... Tu te sens prête à assumer un enfant et à m'avoir sur le dos pendant les années à venir?

Parce qu'en fait, Shy, t'as gagné deux pots de colle pour le prix d'un aujourd'hui.

Quand j'étais petite, vraiment toute petite, je rêvais d'avoir des enfants. Comme toutes les petites filles d'ailleurs. Du coup, j'habillais mes poupées dans de belles robes, je leur donnais le thé, je me fâchais quand elle n'étais pas sage. Je les amenais aussi en vacances chez leur grands-parents, mon papa et ma maman. Ca les faisait beaucoup rire mon petit jeu.
Puis ma mère est morte.
J'ai pas vraiment compris. Au début on me disait juste, "elle est partie". Alors je demandais quand est-ce qu'elle allait revenir et on me répondait "jamais". Mais "jamais" pour moi, c'était si abstrait. Alors je passais ma vie à attendre à la fenêtre que ma mère revienne. Pendant ce temps, mon père buvait. On s'isolait du Monde, un peu plus chaque jour, chacun selon notre façon. On ne se parlait plus. C'est assez horrible de me souvenir qu'à 5 ans mon père et moi pouvions passer un mois côte à côte sans nous adresser la parole. Dans mon petit coeur, je ne comprenais vraiment rien. Je voulais tellement que mon père voie que j'existe... J'avais déjà perdu ma mère, je refusais de le perdre lui aussi.
Et puis d'un coup, il s'est souvenu de mon existence. Mais pas de la manière dont j'escomptais. Et ça, ça faisait encore plus mal. J'aurais préféré qu'il m'oublie, carrément. Mes poupées quand à elle, ont fini à la poubelle. Le mot famille ne rimait plus qu'avec désastre. Je ne voulais pas d'enfant, si c'était pour qu'ils souffrent comme j'ai souffert. Je ne voulais pas non plus me marier, j'avais bien vu à quel point l'autre pouvait être détruit sans son âme soeur. Je ne voulais pas tomber amoureuse, je ne voulais pas de famille. Toutes les relations que j'ai eu c'était des relations d'un soir. Un mois maximum.
Et puis j'ai rencontré Taki. C'est vrai, ça m'a changé. Je suis carrément tombée amoureuse. Je venais de briser la première règle que je m'étais fixée quand j'étais gamine. Mais j'étais très heureuse alors je m'en fichais.
Et puis il y avait les enfants de l'orphelinat. C'est impossible de ne pas s'attacher à eux, surtout aux plus jeunes avec leurs frimousses toute ronde et leurs babillages sans queue ni tête. Les adolescents aussi sont sympa, d'un côté je suis même plus proche d'eux étant donné qu'on a pas tant d'année de différences que ça. Ca attendrie tous ces orphelins qui, malgré leurs malheurs, ont le coeur gros comme le Monde.
D'un côté, ça donne presque envie d'en avoir un aussi. Plus tard, évidemment. Et puis de toute façon, d'un autre côté, ça me donne vraiment pas envie d'en avoir. Parce que ce sont tous des orphelins. Et que je fais le même métier que leurs parents. Et j'ai vraiment peur que, mon enfant, finisse dans cet orphelinat. Pour une autre raison que parce que ses parents y travaillent...
De toute façon, je me suis jamais vraiment trop interrogé sur cette question. A la base je ne voulais pas d'enfant. Evidemment, j'aurais été prête à reconsidérer la question. Mais pas maintenant. Maintenant j'ai juste envie que mes souvenirs et mes poupées restent dans la poubelle. Pour pouvoir vivre l'instant présent avec mon Taki. Sans penser à l'avenir.
Parce que mine de rien, avoir un gosse ça veut quand même dire vachement penser au futur. Au bout de neuf mois il naît. Faut penser au prénom, à décorer sa chambre, acheter une poussette,... Puis après, quand il est né ce n'est pas fini ! Faut s'en occuper. Tout le temps. Le nourrir, le changer, se lever la nuit. Et puis après il faut penser à son avenir à lui, ses études, son boulot, qu'il soit heureux...
Ca me donne la migraine.
Quelque part, j'ai peur de faire une erreur. Je veux dire... moi les bébés je ne connaît pas vraiment. Je sais juste que c'est fragile, très fragile. Pis après ça devient enfant, ça court dans tous les sens et moi j'aurais peur de le perdre. Et à l'adolescence, c'est encore pire. Je crois qu'on a tous en nous un mode "auto-destruction" qui s'active au moment de la voix qui mue et des premiers soutien-gorges. Genre c'est automatique.
Je ne me sens pas prête d'assumer tout ça. Et je n'ai que neuf mois pour m'y faire. Ce n'est définitivement pas assez.

Et puis surtout, je me sens pas capable d'assumer ça toute seule. Je fais semblant d'être grande et de pouvoir tout gérer depuis tout à l'heure. Enfin... je fais semblant d'être capable de quitter Taki et d'assumer. Mais en fait, que dalle. D'ailleurs ça se voit, un peu, non ? Mes pleurs, la vodka... Oui, d'ailleurs faudra que j'arrête l'alcool, mauvais pour le bébé. Enfin, tout ça pour dire que si Taki me laisse... ouais, ça me ferais mal. Et je haïrais ce bébé tellement que... je ne sais pas. Mais peut-être bien que ça aurait des répercussion sur notre relation mère-enfant.
Ca serait horrible d'ailleurs. Je veux dire... ce gosse il a rien fait. C'est notre bêtise à nous, ses parents. Lui il a pas demandé de naître. Je ne dois pas lui en vouloir. Sauf que... j'ai peur que cela soit impossible. J'ai peur d'être une mauvaise mère.
Et si Taki part... ça serait encore pire. Là, tout de suite, j'ai envie de me jeter contre lui, de lui dire de ne surtout pas partir, d'oublier tout ce que j'ai dit avant. Mais ça serait dégueulasse de faire ça. Je n'ai pas envie qu'il reste avec moi par obligation, mais parce qu'il m'aime. Je ne peux pas le forcer à rester. Ce serait trop égoïste de ma part.
Je crois que si il disparaît de ma vie, la Terre arrêtera de tourner. Mais le pire... je crois bien que le pire serait de le voir avec une autre pendant que j'élèverais l'enfant. Là, je haïrais définitivement tout le monde. Sauf Taki, que j'aime trop.
Et à nouveau, l'enfant souffrirait. Par ma faute.
Je serais une mauvaise mère. Vraiment. J'ai définitivement besoin d'un père. Je veux que Taki me dise qu'il reste. Qu'il m'aime. Juste trois mots.

Et puis soudain, il s'approche et me prend dans ses bras. Alors je m'accroche à lui. Il a fait un pas vers moi, non ? Ca veut dire qu'il veut rester. Ou c'est peut-être juste sa façon à lui de me dire adieu ? Non, je ne veux pas penser à ça. Pour l'instant, laissez moi juste profiter de l'instant présent. Dans les bras de Taki. Le futur, j'y penserais plus tard. Dans environ neuf mois par exemple.
Ou pas.

- Je t'aime Shybaï. Je ne sais pas quoi penser non plus mais je suis sûr de ça. Et je refuse toujours de te quitter.

A entendre ces mots, j'ai l'impression que mon coeur revit. "Je t'aime". Ca suffit à mon bonheur. "Je t'aime" et "je refuse toujours de te quitter". C'est tout ce dont j'ai besoin.
Certe, ça ne résout pas le problème. Je veux dire, je suis toujours enceinte. Certe, certe, mais... quand même. Ca fait du bien de se sentir aimer par quelqu'un qu'on aime. Malgré le truc entre nos coeurs. Truc qui pour l'instant doit même pas mesurer dix centimètre. Même si ça va grandir. Très vite, trop vite. Mon ventre aussi va grandir, je suis sûre que ça va être magnifique à voir. Je vais être horrible. En plus avec les hormones, je serais sûrement insupportable. Et puis à présent, ça va être dur de cacher notre relation aux autres personnes de l'orphelinat...
Je sais pas comment Taki va me supporter. Mais bon, il a dit qu'il m'aimait c'est tout ce qui compte. Faut pas que je me pose plus de question, sinon je vais exploser.
Cerveau, tais-toi.

- Si tu veux le garder, je ne m'y opposerai pas.

Il est adorable, non ? Comment ai-je pu penser un instant qu'il pourrait me quitter ? Il est trop parfait pour ça. Et maintenant je culpabilise. D'avoir pu penser qu'il ne m'aime plus. Je culpabilise de douter de lui.
J'ai l'impression de devenir dingue.

Taki recule et sa main vient caresser ma jouer. Nos regards se croisent et je souris. Malgré tout, je suis contente d'être là avec lui. Parce que j'aime toujours autant sentir sa présence à mes côtés.

- Et... Tu te sens prête à assumer un enfant et à m'avoir sur le dos pendant les années à venir?

Cette fois, je ris presque. Ca fait du bien de rire après toutes ces larmes. J'attrape sa deuxième main et entrecroise nos doigts. Je ne suis pas sûre de pouvoir assumer d'avoir un enfant, par contre je suis plus qu'heureuse que Taki soit là. Lui je le supporte sans problème. En fait, la seule chose que j'aime pas, c'est quand il n'est pas là.
Vous savez quoi, malgré tout, j'ai de la chance dans mon malheur. Parce que oui, je suis enceinte. Mais pas de n'importe qui. D'un homme merveilleux. Et si je doute de ma capacité à être mère, je suis prête à parier que lui fera un père fantastique.

- Je suis sûre que cet enfant t'adorera. Et surtout, je suis sûre que moi je t'aime.

Oui, ça c'est encore la seule vérité à laquelle je peux m'accrocher. Quand au gosse... En fait, j'ai peur de me comporter comme sa grande soeur envers lui. Pour dire vrai, je n'ai aucune idée de quel comportement ont les mères pour leurs enfants. Je suis prof, mais ça veut pas dire que je saurais m'occuper d'enfant 24h/24...

Oh... je viens de penser à autre chose là. Déjà, où va-t-on vivre ? Et surtout, qu'est-ce que va dire Mrs. Mystery ? Elle va nous trucider, non ? Ahum... là je flippe un peu rien qu'à penser à sa réaction...

- Heu, dis... Tu crois que Mrs. Mystery va nous défoncer ?

Bon, en fait elle n'aurait aucune vraie raison de le faire. Dans le sens que Taki et moi sommes sensés être responsable. Sensé. Mais bon, moi j'avoue qu'elle me fait un petit peu peur alors... on verra bien.

Finalement, y'a bien des gens qui s'acharnent sur nos tête. Non mais regardez, y'a des couples qui essaient pendant des années d'avoir un enfant. Et y'en a d'autres qui prennent des précautions, n'en veulent pas, et en ont. La cigogne, elle fait très mal son boulot. C'est à cause de l'âge? Ça marche mieux à vingt ans qu'à trente?
Aucun commentaire.
Et puis bon, enfant non désiré ne rime avec avec enfant mal aim... En fait si. Mince.
Bon. Je vais aller dormir et arrêter de parler de bébé, ça ne me réussit pas. J'ai neuf mois pour m'y faire, ça devrait aller. Qui a dit que j'étais capable d'oublier en neuf mois qu'on va être parents? Hey, arrêtez. Peut être les premiers mois. Mais croyez moi, passé le quatrième mois, je vais m'en souvenir tous les jours. Je vous retiens, Destin et Hasard. On va vous envoyer Blow et Blanche-Neige, vous verrez.
Ça se voit que je ne sais pas par quel bout prendre cette histoire, hein?
Ouais... En fait, c'est un peu trop soudain. Je me demande ce qu'auraient fait mes parents. Ils m'ont eu jeune eux aussi. Comme ça, ils peuvent toujours tenter des reproches, ils valent pas mieux. Enfin... Je ne suis pas sûr que ça ait été un accident. En parlant de parents, Shy n'a plus les siens. Je ne suis pas une fille -un commentaire?-, je ne tomberai jamais enceint... Enceinte... Encein? Comment on accorde ça pour un homme, hein? Bref, vous avez saisi l'idée. Donc, je ne tomber... Bref, et j'ai absolument aucune idée de comment tout ça marche. Traduction-résumé, je vais être bien inutile pour Shybaï.
En vrai, dans ce genre de situation, la fille va voir la mère, non? Et on fait comment quand y'a pas de mère? Enfin, y'a la mienne bien entendu. Mais le problème est là, c'est la mienne. Elle ne remplacera jamais celle de Shybaï.
Faudra faire avec je crois.
Tiens, elle rit. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me détend et me fait sourire. Si elle rit, c'est qu'elle va un peu mieux, non? Elle attrape ma main. Cette fois, quelque chose me dit que je ne serai plus repoussé.

- Je suis sûre que cet enfant t'adorera. Et surtout, je suis sûre que moi je t'aime.

Elle m'aime! Et on aimera tout autant cet enfant à sa naissance. Parce qu'après tout, y'a aucune raison que ce ne soit pas le cas. Même si ça me fait toujours peur. J'ai peur de ne pas être un bon père. Et de mal aider Shybaï. D'ailleurs, je suis en train de penser à quelque chose... On va le mettre où le bébé? Et puis... Et puis... Et puis...
Ouais bon ok. Ça fait un moment que je songe à... A... Hrm. Vivre, enfin, habiter, sous le même toit. Même si c'est techniquement déjà le cas. Entre les mêmes murs. Enfin, vous m'avez compris! Cessez de demander des précisions, c'est gênant. J'aimerais bien lui proposer maintenant. Maintenant qu'on a une raison de plus de le faire. J'ai un peu peur de le faire, j'avoue. Mais oui, traitez moi de poule mouillée, c'est la journée de toute façon. Et puis je suis en droit d'avoir la trouille après ce qu'il vient de se passer.
Oh et puis mince! C'est pas une demande en mariage non plus. Et elle m'a bien annoncé qu'elle est enceinte. Alors ça, ça devrait être une formalité. Ça devrait.
Ça ne l'est pas.

- Shy en fait, je me disais que...

J'ai tellement murmuré ce début de phrase que je doute qu'elle l'ai entendue. Même avec notre proximité. Mince, mais quel... Nan en fait j'ai pas envie de m'insulter. Ça suffit. Faut être gentil avec les autres et avec soit même. Et aujourd'hui, j'aime tout le monde. Surtout Shy. Parce que j'ai décidé.
Parce dans neuf mois, je manquerai tellement de sommeil, que même toute la meilleure volonté du monde, je risque d'être méchant avec beaucoup de gens. Sauf Shy. Elle est immunisée à vie. C'est irréversible.

- Heu, dis... Tu crois que Mrs. Mystery va nous défoncer ?

Ah tiens je n'y avais absolument pas pensé. Mrs Mystery. Est-ce qu'elle va approuver notre irresponsabilité. Bonne question.
Changeons de pays.
Très sérieusement. Je n'arrive pas à nous trouver irresponsables, parce que je suis persuadé qu'on a fait très, très, TRÈS attention -mais pas assez à priori-, sauf qu'elle ne l'entendra pas de cette oreille. Et elle aura raison. On a aucune excuse, et je n'en chercherai pas. Mince alors. Puis y'a pas qu'elle. C'est tout l'orphelinat. En plus c'est la guerre et... Rien à faire. On a fait une bêtise, on assume, point.

- Elle risque peut être, juste peut être de nous trouver très irresponsables... Mais euh... Elle nous aime bien donc elle ne dira rien?

J'y crois absolument pas. Et sinon, plus sérieusement, je sais que la différence d'âge entre Mrs Mystery et nous me contredit mais... On est plus des gosses. Si on assume, c'est notre problème.
J'dis ça, mais j'espère sincèrement qu'on aura pas la moitié de l'orphelinat sur le dos. Le stresse, c'est pas bon pour ce qu'a Shybaï.

- Les décisions nous reviennent au final. Même si je pense effectivement qu'on va se faire un peu tirer les oreilles.

Juste un peu.
Nan j'ai pas oublié le sujet de tout à l'heure. Loin de là. Ça fait trop de choses qui tombent en même temps. Je vais avoir besoin de trois jours de sommeil pour tasser tout ça. Mais on ne me les laissera pas. Donc je serai dans la Lune pendant mes cours. Et après, Donovan va encore en réchapper indemne. Mais il finira par l'avoir son gage!
Changement de sujet? Pas du tout.

- Shy, est-ce que...

Je me mords la lèvre inférieure. Mince alors, mais pourquoi ça ne veut pas sortir? Parle bouche, parle. Je ne te mangerai pas. Promis. En même temps j'aurais du mal. Est-ce que quelqu'un a déjà promis à sa bouche de ne pas la manger? Je dévie encore le sujet? Même pas vrai! Arrête de me provoquer toi au fond. Tu ne sais pas ce que je risque à être titillé maintenant. Oui, c'est moi qui risque. Arrête de ricaner. T'es un vrai méchant. Un vrai de vrai. Tout ce qui va arriver ensuite, c'est de ta faute. Sache le.

- Je t'aime. Est-ce que tu voudrais vivre avec moi?

Ah bah voilà. Bravo. Cash. Tact zéro. Délicatesse zéro. Préparation du terrain zéro. Tournure de la phrase zéro. Recalé, à l'année prochaine.
Qui a pensé "pauvre gamin avec un père pareil?".

Je crois que Taki a murmuré quelque chose comme "Shy en fait, je me disais que...", mais je ne suis pas sûre, parce qu'il a vraiment dit ça doucement et que moi je suis un peu obnibulée par le problème Mrs Mystery... Cette vieille femme est adorable, vraiment gentille et tout. Mais penser qu'elle à une centaine d'année de plus que nous... Ahum, ça fait bizarre quand même. Enfin j'ai un peu grandit dans un Monde ou l'espérance de vie est de 80 ans. Et encore, dans la rue elle dépasse rarement 40. Alors penser à tout ces vieux sorciers qui atteignent leur premier siècle avec encore assez d'air dans les poumons pour pouvoir souffler leur bougie... Ce qui est sûr, c'est que moi j'aimerais bien être aussi en forme que Mrs. Mystery quand j'aurais son âge ! Enfin à supposé que je l'atteigne, ce qui, avec la guerre en ce moment n'est vraiment pas sûr.
De toute façon, je crois que je n'ai plus tellement le choix maintenant. Je dois survivre. Je n'ai pas envie de laisser un orphelin derrière moi.

Vous savez, présentement, je suis en train de penser à mon père. D'habitude, j'évite parce que ça fait trop mal. Je me considère comme une rebelle de la société, sans famille et totalement libre. Evidemment, ça vient de changer un peu beaucoup là. Etant donné qu'une famille, je vais bientôt en créer une. Quand à ma liberté... j'aime trop Taki pour pouvoir vouloir faire ce que je veux. De toute façon, ce que je veux c'est rester avec lui. Donc je suis libre de m'enchaîner à lui.
Toujours est-il que là je pense à mon père. Je me demande si il a changé. Comment il va. Est-ce qu'il est mort ? Ou peut-être qu'il a refait sa vie. Je l'espère pour lui en tout cas. Parce que malgré tout, c'est mon papa. Alors je l'aime. Bêtement, je l'aime.
C'est sûr que le voir dans les bras d'une autre femme m'énerverait un petit peu. Mais au moins je saurais qu'il va bien, qu'il a retrouvé le sourire... Papa, comment vas-tu ?
Je souhaiterais que lui et maman soit là pour m'accompagner dans ma grossesse. Malheureusement, ce n'est pas possible. Parce que maman est morte. Parce que papa doit même plus se souvenir de moi.
Heureusement que j'ai encore Taki. Je ne sais pas ce que je ferais sans lui. Je serais sûrement très triste. Mais il ne faudrait pas que je tombe dans la boucle infernale de l'alcool. Je veux dire, un petit peu, de temps en temps, ça va. Mais tous les jours trop... je sais ce que ça fait de voir son enfance détruite par la vodka. Que de vider les bouteilles dans l'évier. Que de devoir aider son père, totalement saoul, à sortir de la baignoire pour ne pas qu'il se noit.
De toute façon, Taki a dit qu'il ne me quitterait pas.

Ah. Et puis moi je viens aussi de décider de totalement arrêté l'alcool. La bouteille de vodka d'avant ? C'était la dernière. Je m'impose un nouveau régime sans la moindre goutte d'alcool. J'ai pas envie que l'enfant que je porte naisse avec une malformation. De toute façon, je me vengerais sur les fraises on en mangeant plus que de raison. C'est ça l'unique avantage de la grossesse : on peut manger tout ce qu'on veut, prendre autant de kilo qu'on veut, les gens nous diront "ooooh, comme il est mignon ce gros ventre".

- Elle risque peut être, juste peut être de nous trouver très irresponsables... Mais euh... Elle nous aime bien donc elle ne dira rien?

Oui alors. Concentration sur le problème "Mrs. Mystery". Le "elle ne dira rien", je ne suis pas très sûre en fait. Je propose d'ailleurs qu'on lui envoie une lettre. Genre anonyme, mais pas anonyme. Heu... c'est pas très clair. Dans ma tête non plus ! Je dis vraiment n'importe quoi moi, c'est désespérant. Les escargots et leur histoires vont bientôt faire leur retour triomphale. Enfin, vous aimez bien ça vous. Dites pas non où je vous tape. De toute façon, personnellement, je préfère ça plutôt que la déprime.

- Les décisions nous reviennent au final. Même si je pense effectivement qu'on va se faire un peu tirer les oreilles.

C'est vrai, c'est nos décisions et c'est nous qui assumons. Heu... ou pas en fait. Parce que là, tout de suite, assumer, je suis pas sûre. Donc je propose qu'on parte en Sibérie pendant genre... 9 mois et on se repointe après genre "on a trouvé ce malheureux gosse au fin fond de la Russie et nous le ramenons triomphalement de notre voyage en adulte resonsable que nous sommes. D'ailleurs on va même l'adopter tellement on est gentil. Et si il nous ressemble c'est juste un hasard". D'ailleurs... il ou elle nous ressemble ? Garçon ou fille. Je sais pas si j'ai vraiment envie de savoir... de toute façon faudra aller faire une échographie. Je me réjouis déjà. Evidemment, je suis ironique. Parce que le médecin, j'aime pas. Et les gynéco encore moins. Et en plus celui là va me foutre ce fichu machin sur le ventre qu'à l'air collant et dégueu' dans les films...
Motivation zéro.
Bon. Je suppose que je vais pas non plus y aller tout de suite. Pour l'instant j'ai même pas pris 1 gramme. Alors je peux bien faire encore illusion pendant 3-4 mois peut-être ? Genre je suis pas enceinte. Tout est normal. Le petit ventre là ? Excès de chocolat. Bon... comme après ça fera quand même un gros excès de chocolat, faudra bien le dire que je suis enceinte... En attendant vaut mieux faire comme si tout était normal.

- Shy, est-ce que...

Ow. Je sens venir une demande importante là. Aaaah, j'espère qu'il va pas m'annoncer qu'il est enceint(e?). Bon d'accord, elle était nulle celle là. Mes blagues sont pourries. Mais bon, ça prouve que mon moral a remonté. Donc c'est une bonne nouvelle au fond.
Par contre on remarquera que je suis toujours aussi peu sérieuse. Concentration Shy, je te rappelle que dans 9 mois tu seras sensée être plus responsable que jamais auparavant.

- Je t'aime. Est-ce que tu voudrais vivre avec moi?

Alors là. Je ne sais plus quoi penser. Plus quoi dire. Plus quoi faire. Evidemment que j'ai envie de vivre avec Taki. Quand je ne le vois pas durant toute une journée, je suis malheureuse. Alors là, ça voudrait dire que je pourrais le voir tous les jours. Enfin sauf qu'on l'un d'entre nous part en mission.
Mais c'est quand même un sacré engagement. Notez, un bébé aussi. Haha. Ce que je veux dire, c'est que pour moi, tout ça c'est nouveau. C'est la première fois que j'ai une relation aussi sérieuse avec un homme. C'est la première fois aussi que je suis enceinte. Mais bon, la deuxième partie c'était vraiment pas volontaire.
Tout ça pour dire que, même si j'ai un peu peur de me lancer dans cette grande aventure, une autre partie que moi en a vraiment envie.

- Tu te rends compte que tu vas devoir me supporter 7 jours sur 7 ? 52 semaines par an ?

Je pose un baiser sur sa joue.

- Mise à part ça, j'accepte avec plaisir.

On m'aurait dit il y a un an que je me mettrais en couple et que j'irais vivre avec cette personne là, je vous aurais rit au nez. Pour moi vivre avec quelqu'un ça représente la monotonie de la vie. C'est toujours un peu fade la monotonie, non ? Sauf qu'avec Taki, je suis sûre que notre vie ne rimera jamais avec monotonie. Heu... enfin si ça rime. Mais dans un autre sens. Bref. En gros, notre vie ne sera pas monotone -là ça rime pas, et paf dans votre tête !-. Comment je sais ça ? S'il vous plaît, on parle quand même du mec qui tombe des arbres !

- J'accepte parce que je t'aime. Et que ça, c'est une raison largement suffisante.

Pis il y a un gosse dans mon ventre qui aimerait bien pouvoir avoir sa propre chambre plus tard. Ca c'est juste au cas où la première raison ne suffirait pas. Sauf qu'elle suffit. De toute façon, je vois pas en quoi je devrais me justifier devant vous.
Après tout, ça ne vous concerne pas. Comme tout le reste.

En fait je propose, mais je ne sais pas où aller. Oui je sais, ouvre un journal, Takeji, et regarde les annonces. Parce vivre à deux dans l'orphelinat, c'est possible. A trois, c'est déjà plus délicat. Personnellement, que j'habite sur place ou à trente minutes ne changera absolument pas mon temps de trajet, héhé.
D'ailleurs, pour en revenir au journal. Au risque de me faire fouetter par les plus ruraux d'entre vous, ça m'étonne toujours de trouver plus de deux annonces immobilières dans le journal pour Little Angleton. Avant de pousser des cris d'indignation, est-ce que vous savez seulement où on est? Au nord du nord de l'Écosse. Dans un coin encore plus paumé que le centre du Pôle Nord. Je suis sûr que si vous regardiez sur une carte, ce serait un endroit que vous n'auriez jamais remarqué.
Alors ouais. C'est toujours très étonnant de trouver un truc de libre. Pourquoi faire plus d'habitations que d'habitant dans un coin pareil? Bon, on pourrait au contraire penser que personne ne vient prendre les habitations aussi. Remarquez, avec le nombre d'habitants-exorcistes qui doivent disparaitre du jour au lendemain...
Mince, faut pas s'attacher à ses voisins ici. C'est glauque, Little Angleton, en vrai.
Ok. en plus d'ouvrir le journal, j'aurai une pensée pour les ex-propriétaires des habitations libres.
Mais pour ça faut déjà que Shy soit d'accord. Ce qui n'est pas forcément gagné d'avance. Faut en vouloir pour me supporter tous les jours. Ou alors être mes parents. Et encore, je suis sûr qu'ils étaient contents que je parte. Contents pour moi, mais contents quand même.
J'arrête de râler. En plus, je suis heureux d'être venu en Écosse.

- Tu te rends compte que tu vas devoir me supporter 7 jours sur 7 ? 52 semaines par an ?

Tu devrais plus t'en faire pour toi que pour moi. En plus, c'est toi qui a un truc dans le ventre. Moi, j'aurai le droit de la voir tous les jours, de dormir avec elle, de lui faire un câlin quand je veux, que des avantages! Alors qu'elle devra en plus surveiller ce qu'il se passe dans son ventre. Puis être enceinte, ça a pas l'air d'être si bien que la plupart des femmes le disent. J'aimerais pas avoir un truc qui vit à mes dépends dans le ventre. C'est un peu flippant, vous trouvez pas?
Mais oui, c'est bien connu, les hommes sont tous des petites natures de ce côté là. Continuez à vous moquer, de toute façon mon côté macho est largement sous développé. Vous ne risquez pas de le froisser. Ça ne me dérange pas plus que ça.
J'ai le droit à une bise sur la joue. Et vous savez, d'habitude quand on se voit avec Shy, j'ai neuf fois sur dix envie de lui sauter dessus -sans commentaire, c'est la faute des mois à ne rien avoir pu faire. Stop aussi les allusions à sa grossesse, ça suffit comme ça-. Et donc, aujourd'hui c'est la huitième fois.
Dur. On va mettre ça sur le compte de l'âge.

- Mise à part ça, j'accepte avec plaisir.

Je la coince contre l'armoire et embrasse son cou. C'est les montagnes russes aujourd'hui. J'ai percé le sol et creusé bien profond tout à l'heure. Et maintenant, c'est parti comme une fusée en sens inverse. Percé le plafond, direction les nuages. J'ai jamais rien eu contre les attractions à sensations fortes. Mais j'ai toujours préféré la montée à la descente.

- Ça prend application à partir de maintenant. T'es à moi pour la nuit.

C'est une affirmation mais... Elle peut refuser. Comme toujours.
Avec tout ça on ne pourra plus y échapper. A la discussion avec Mrs Mystery. Va bien falloir lui expliquer pourquoi on part tous les deux au lieu de prendre un des appartement pour deux du Mystery. Parce qu'on sera trois. Et il est où le troisième? Devinez. Qui a dit qu'il pourrait très bien y en avoir plus qu'un? Ah non. Merci bien. Un déjà, c'est suffisant. Sinon, je croirai vraiment que quelqu'un ou quelque chose s'acharne sur nous. Vous êtes gentils, je ne me sens déjà pas prêt à m'occuper d'un gosse. Alors deux ou plus... Allons y doucement. Je pense qu'un seul enfant, ça augmente ses chances d'arriver à l'âge adulte sans trop de traumatismes. Je plains tous les parents de jumeaux pour leurs premiers enfants. Nan mais c'est vrai. Apprendre pour deux bébés. Si on fait des erreurs sur l'un, on les fait sur l'autre. Si on doit s'absenter, déjà que pour en faire garder un c'est la galère. Alors deux... Pauvres parents. Je me demande si avec la téléportation, on pourra se passer de nounou. Très sérieusement. Si je dis au fantôme d'attendre deux minutes le temps que j'aille donner le biberon à mon gamin, il devrait être d'accord non? Un fantôme, c'est pas à deux minutes près. Ça a l'éternité pour lui.
Enfin, avant de se faire exorciser.
Mais du coup il devrait être content d'avoir deux minutes de plus à errer.
Bon ok, c'est pas une bonne idée.
Pour en revenir à Mrs Mystery... Je sens d'ici son regard désapprobateur. Elle aura raison. Mais quand même. C'est assez piteux comme excuse mais... On a pas fait exprès. Oui je sais, ça fait partie de la liste des conneries à ne pas faire. Même sans le faire exprès. Mais euh... On a tué personne? On va même en faire naitre.
Tiens, je me demande ce qu'en penserait le maitre...
Ouais nan. Je ne veux PAS le savoir. Surtout pas. Je le vois arriver de loin lui. Avec sa canne. Il ne s'approchera pas de mon enfant. Ni de ma fem... Copine. J'ai pensé deux trucs bizarres à la suite là. Voyez, ce vieux me perturbe même quand il n'est pas là.
Bref. Il saura pas. Et si il me voit avec une poussette un jour, je lui dirai que c'est pour un concours. Un concours de quoi? Bah... De poussée de poussette. Je suis sûr qu'il y a des fous qui organisent ça quelque part sur Terre. Bébé bolide, qui a le meilleur moteur? On les fumera tous, avec la téléportation.
Tout ça, c'est la faute du maître. De toute façon j'aime pas les poussettes. Voilà.

- J'accepte parce que je t'aime. Et que ça, c'est une raison largement suffisante.

Elle est trop mignonne. Adorable. Géniale. Elle, quoi. Je ne sais pas où on ira, mais on ira. Et on sera tous les deux.
... Merci bébé? Peut être bien.
Je pose mes lèvres sur celles de Shybaï un instant.

- Sinon je t'aurais kidnappée. Et la rançon, t'aurais été la seule à pouvoir la payer.

Sauf que comme ça, j'aurais pas pu échanger la victime contre la rançon, puisqu'elles auraient été confondues. Du coup j'aurais gardé les deux. Bien comme plan, non?
Je ne sais pas du tout vers quoi on s'engage là. Et c'est contre mes principes de songer à l'avenir mais... Quand même. Finalement, je prendrai bien un verre. Juste histoire de m'assommer.
Mince, c'est pas bien. Vilain. Puis de toute façon, le thé, c'est bien mieux. C'est moins mauvais pour la santé. Ça détruit pas les neurones. Ça ne rend pas malade. Ça ne fait pas... Vomir. Elle n'avait pas vomi que pour l'alcool hein?

- Dis... Ça fait combien de temps? Que tu es enceinte, je veux dire.

La grossesse, c'est un gros compte à rebours qu'on ne peut pas désamorcer. Une bombe qui finira par vous exploser à la figure sans que vous y puissiez rien. Et après, faut tout construire.
C'est fou tout ça en fait. Maman, papa, mais comment vous avez pu décider de me faire naitre, hein? Vous avez vu où vous en êtes? Ouais nan en fait on peut pas dire que vous êtes mal lotis. Faut être dingue pour vouloir faire des gosses.
Notez, chez nous c'est involontaire. Conclusion, nous sommes saints d'esprit, nous. Et toc.

Vous vous rendez compte qu'il y a à peine quelques minutes, je pensais qu'on allait se séparer et que maintenant on pense à vivre ensemble ? C'est pas magique ? Ce qui est sûr, c'est que moi je préfère dix mille fois plus l'option vivre ensemble !
Je nous imagine déjà... On aurait pas besoin d'un truc trop grand. De toute façon, on n'est pas millionnaires non plus. Donc un appartement avec une cuisine, un salon, une salle de bain et deux chambre suffirait. Deux chambres... Une pour nous et une pour le bébé. Et comme on prévoit pas d'avoir d'autres enfants, du moins pas tout de suite, bah pas besoin d'une troisième chambre. Qui dans la salle a dit que je pouvais en avoir deux en même temps, hein ?! Et puis quoi encore, des triplés pendant qu'on y est !
Bon, je continue à imaginer. Pour aller au Mystery, Taki aura aucun problème. Et il m'emmenera quand on donnera cours au même moment. Sinon, j'aurais une bicyclette. Rose. Comme ça je ferais du sport. Et puis ça m'aidera surtout pour perdre les kilos en trop qu'aura ammené la grossesse.
Quoi d'autre... ? Il y aura, évidemment, pleins de trucs pour dessiner. Taki va être envahi. Surtout que je vais tout apprendre à notre enfant ! Et que ça sera un véritable artiste. Genre Picasso en mieux. Et puis Taki lui apprendra à faire de la musique. Et moi à monter à cheval. En fait, cherchez pas, notre enfant il sera parfait.
Oh, et puis Taki il lui apprendra le japonais pour qu'il puisse le parler avec son papy. Quoique... après va falloir se méfier, parce que ces deux là, je les sens déjà près un monter une association Grand-père/Petit(e)-fils(fille) pour faire pleins de sale coup aux parents. Donc Taki et moi.

D'habitude, j'aime pas penser au futur. Surtout que, quand on fait un travail comme le mien, c'est pas super malin. Je veux dire, il suffit d'un fantôme méchant et un tant soi peu doué pour que... il n'y ait plus personne au bataillon. Mais disons qu'aujourd'hui, ne plus penser au futur me semble assez impossible. Il faut bien me laisser rêver parfois...

Je sens l'armoire venir s'appuyer contre mon dos -ou le contraire- et Taki m'embrasse dans le cou. Vous vous rendez compte que j'ai failli rennoncer à ça ? Je suis folle.

- Ça prend application à partir de maintenant. T'es à moi pour la nuit.

Moi, ça me va parfaitement. Surtout qu'il va falloir qu'on profite des quelques semaines qu'il nous reste avant que je devienne une montgolfière. Pis de toute façon, maintenant que je suis enceinte, je ne peux pas retomber enceinte une deuxième fois. Donc voilà. De toute façon, j'ai pas à trouver de raison pour pouvoir rester avec Taki, je suis majeur et responsable.
C'est qui qu'à tousser quand j'ai dit "responsable". Tu peux sortir là. On ne contredis pas une femme enceinte.

Je souris et Taki m'embrasse. Je préfère quand même ce baiser à celui de tout à l'heure. Où on était désespéré. Où j'avais peur que ça soit le dernier.
Je l'aime.

- Sinon je t'aurais kidnappée. Et la rançon, t'aurais été la seule à pouvoir la payer.

Je souris. Je me demande si Taki se rend bien compte de ce qu'il est en train de faire là. C'est dangereux, je peux être vachement insupportable des fois. Oui, vachement. Meuh. En plus, si je suis enceinte, ça sera encore pire. Je l'obligerais à aller me chercher des fraises quand ça ne sera plus la saison.

- Dis... Ça fait combien de temps? Que tu es enceinte, je veux dire.

Bonne question. D'après le test de grossesse là, environ trois semaines. Ce qui veut dire, environ depuis le 18 mars. Tiens, donc 18 mars plus neuf mois, ça fait... 18 décembre. Juste avant Noël en fait. Hum... Joyeux Noël et Bonne année ? Si ça se trouve, le bébé sera comme sa maman et aimera beaucoup être très en retard alors du coup il pointera son nez le 25 décembre et pendant que tous seront en train de fêter Noël, moi je serais à l'agonie entre les mains de méchants médecins.
Parce que les médecins sont tous méchants.

- Environ trois semaines.

Ce qui veut quand même dire presque un mois. Et donc plus que 8 mois pour nous habituer à tout ça. Ca va pas être facile je sens. En plus le temps va encore nous jouer des tours genre "je passe trop vite, vous avez même pas le temps de terminer la chambre de bébé" et "je passe trop lentement histoire de bien faire souffrir Shy le plus longtemps possible".
Pis va aussi falloir penser à l'annoncer à un peu tout le monde. Parce que vaut mieux que ça soit nous qui prévoyons les gens plutôt que ça soit eux qui se rendent compte de la chose tout seul.
Hum... les élèves on va peut-être pas les prévenir tout de suite. Par contre Mrs. Mystery on aura pas le choix très longtemps. Faudrait aussi trouver un parrain et une marraine pour ce bébé.
En fait, ça oblige à beaucoup penser d'être enceinte.

- Tu voudrais qu'on demande à Ren d'être le parrain ?

Et puis il faudra aussi aller prévenir les futur grands-parents du Japon. Je les aime bien eux, mais comme j'ai un peu peur de leur réaction, je propose que ça soit Taki qui aille tout leur dire. En plus c'est leur fils. Mais j'ai comme l'impression qu'on va encore se faire traiter d'irresponsable !

- Comment veux-tu prévenir tes parents ?

Il y en a un autre que j'aurais bien prévenu. Si ça ne faisait pas aussi longtemps qu'on ne s'était plus parlé. Si je savais au moins si il était en vie, ou pas.
Enfin bref. Faut vraiment que j'arrête de penser moi. Ca me donne mal à la tête.

Neuf mois. En supposant que ça fait un mois grand maximum ça donne... Novembre, Décembre. Joyeux Noël! Devinez ce qu'on va trouver sous le sapin. Devinez qui va passer son réveillon à l'hôpital. Remarquez, c'est pas moi qui vais accoucher. Pauvre Shybaï.
Bon. On est qu'en Avril. Y'a le temps.
Je dis ça, mais dans ce moments là, quand y'a une échéance, le temps passe toujours beaucoup trop vite. Et après on sera trois alors qu'on à peine profité à deux. Je ne sais pas trop ce que ça va donner, mais ça va être étrange. Puis faudra l'éduquer. Quelle chance tu as, petit, d'avoir deux profs pour parents! Petit ou petite. Aucune idée de si ce sera une fille ou un garçon. Mais ça ne change rien. Quoi que si... Une fille, les pères veulent jamais que les garçons la touchent. Enfin je crois. J'ai pas de sœur, mais c'est ce que disaient toujours mes amies. Toujours à se plaindre de leurs pères qui ne les laissaient pas faire ce qu'elles voulaient.
Bon en même temps, si ce qu'elles voulaient, c'était faire des bêtises sans songer à l'avenir et risquer de se retrouver dans notre situation... Bref.
On arrête de penser à dans neufs mois. Là tout de suite, j'ai juste envie de me retrouver avec Shybaï et personne d'autre. Le petit bout à peine formé ne compte pas. Il a pas encore ni d'oreilles, ni d'œil. On est tranquilles pendant un moment.

- Environ trois semaines.

Et c'est le petit machin blanc qui a dit tout ça? Dire que je le traitais de thermomètre tout à l'heure. Pardon test. Mais la prochaine fois, tu seras gentil d'expliquer à Shy que je ne la quitterai pas, même si t'es positif.
De toute façon t'auras plus l'occasion d'être positif. Ça ne se reproduira plus. Un seul enfant. Pas deux. Enfin, pas avant un moment en tout cas. Parce qu'à l'origine, je ne comptais pas en avoir avant plusieurs années.
Mais... Ouais. J'avoue que même dans plusieurs années, j'aurais bien vu Shy dans le rôle de la mère.

- Trois semaines... Ça fera un cadeau de Noël.

Reste à voir si ce sera vraiment un cadeau. Mais j'espère que oui.
Allez. Fin des discussions sur les bébés. Vous en mangerez plein dans quelques mois, vous verrez. Mais pour le moment... Et si je vous parlais de mur? Vous savez tout ce qu'on peut faire avec un mur? Vous n'avez pas idée. On peut se cogner dessus. En plus ça fait mal. On peut lui parler. Si, si, quand vous vous cognez dedans, vous enchaînez avec un "aie, andouille!" ou quelque chose qui en approche. Et ça s'adresse au mur. On peut aussi le décorer. Bon, le défaut du mur c'est qu'il est vertical. Alors faut défier la gravité pour le décorer. Mais y'a des gens très gentils qui ont inventé la patafix et les punaises. Le scotch aussi. Puis y'a la peinture, le papier peint, on peut même mettre du carrelage.
Un mur, on peut le bâtir avec plein de trucs. Des briques, du ciment, du coton, du carton, des poulets... Bon avec ce matériaux là, je ne vous garantis pas que ça tienne en place. Avec des vaches, peut être...
Et puis, au mur, on peut mettre des lampes. On peut coller des trucs. Les araignées arrivent à y grimper. Et vous pouvez toujours essayer, même avec des ventouses vous n'y arriverez pas. Des fois y'a des chats qui grimpent aux murs avec leurs griffes. Parce qu'il y a une tapisserie ou un truc du genre sur le mur en question. C'est marrant à regarder.
Les chats, en vrai, c'est tous des araignées. Voilà.
Et les murs, on peut aussi s'appuyer dessus. Pour se relever après s'être cogné -parce que oui, vous seriez tombés par terre, dans l'histoire c'est vous qui avez mal et pas le mur-. Pour éviter de tomber. On peut aussi y plaquer des gens. Pour leur éviter de tomber, évidemment. Ou pour embrasser, faire un câlin, faire l'a... Bref je dérive.
De toute façon Shy est contre une armoire, pas un mur. Otez vous ces idées tordues de la tête. C'est pas ce que vous coyez.

- Tu voudrais qu'on demande à Ren d'être le parrain ?

Retour du pays des murs -et pas d'autre chose-. Ren, parrain? Grosminet? Le chat? Le chaton. Celui qui a un peu de mal avec les enfants. Ça lui fera les griffes tenez. Il va être parrain/nounou. Il va adorer. De toute façon, y'a de la place dans sa maison. Puis comme ça, j'apprendrai au petit ou à la petite qu'il faut se méfier de certains animaux. Et il/elle pourra mettre en application tous les conseils sur Ren. Qui se fera un plaisir d'être un cobaye à l'apprentissage d'un(e) gentil(le) petit câliniste. Parce que ce sera forcément un(e) câliniste. On le/la présentera à Blow et Blanche-Neige. Parce que c'est aussi de leur faute mine de rien. D'ailleurs, ils en sont où, eux? Faudrait aller leur rendre une petite visite de courtoisie.
Pour en revenir plus sérieusement à l'animal -le chat-, si y'a bien une personne à qui on pourrait confier notre enfant, c'est lui. J'en suis sûr. Lui et puis... Le maître aussi. Je crois que malgré tout ce que je pourrais bien dire à son sujet, je lui fait confiance.
Mais ça reste un vieux timbré avec une canne plus suspecte que mon placard! C'est peu dire.

- Pourquoi pas. Je lui fais suffisamment confiance pour ça, mais et toi?

Mes mains glisses sur les hanches de Shybaï. Mince alors, on a une discussion sérieuse et je ne peux pas me tenir. C'est le contre coup. Ouais, je me cherche des excuses. Vous savez que la douche n'est pas loin? Ni le lit. Ni... Les murs.
Je rigole.
A moitié.

- Comment veux-tu prévenir tes parents ?

Euuh... Par téléphone?
Ok j'arrête. Et les prévenir de quoi? Des idées louches que j'ai en tête? Mais pourquoi...? Ah nan! Le bébé. Mince, je pensais pas que j'arriverais à me déconcentrer aussi vite. Fini de jouer.
Prévenir les deux au Japon. Par téléphone, c'est peut être pas une si mauvaise idée que ça. Mais alors je leur dis de rappeler. Parce que ça va durer, et que j'ai pas envie de payer. Fils indigne? Nan. Je suis juste atteint de radinerie chronique avec mes parents. Ils ont l'habitude. Quand c'est pas moi, c'est eux. Ça doit être génétique.
Mais euuh... Comment j'annonce ça, hein? Je leur dis qu'ils vont être grands parents? Comme ça, direct. Ils vont me traiter d'irresponsable. Enfin ça, à la limite, on va tellement l'entendre qu'une fois de plus, une fois de moins, rien à faire. Mais, y'a pas une façon particulière d'annoncer ça? Sans prendre la méthode de Shy et leur dire que je ne veux plus les revoir.
C'était de l'humour douteux. Pas de la rancune. Ne confondez pas. Le jour où j'arriverai à lui en vouloir de quoi que ce soit n'est pas encore arrivé. Et j'ai pas envie qu'il arrive.
Donc, les parents. Bah je sais pas.

- Bah... Un coup de téléphone? En tenant le téléphone bien loin de moi si c'est ma mère qui décroche, pour que je garde mes oreilles entières.

Et toi Shy, tu veux prévenir quelqu'un? Pas sa mère... Son père? Je ne sais pas du tout si elle a gardé contact avec lui. Peut être un oncle? Une tante? Cousin, cousine, que sais-je. Mais le mieux, ça serait que son père l'apprenne et soit heureux pour elle.
Je sais, je crois au Père Noël. Mais n'est pas un Bisounours qui veut! C'est tout une réputation.
Vous me faites dire n'importe quoi.
Je crois que je vais quand même lui demander.

- Il y a quelqu'un que tu voudrais prévenir, toi?

Je suis sûr qu'un oncle ou une tante, on pourrait se débrouiller pour attraper une adresse ou un numéro de téléphone.

Tiens, je me demande quel sera les pouvoir de l'enfant. Parce que oui, il aura des pouvoirs. Son père et sa mère en ont, alors il en aura. Autre que de réussir à nous supporter je veux dire. J'espère que ça sera pas téléportation comme pouvoir. Parce que j'avoue que c'est super pratique d'avoir un copain téléporteur, mais un enfant... comment on fait pour lui courir après et le gronder, hein ? Bon, dans ce cas là, je dirais à Taki de le faire. C'est son pouvoir, devrait pouvoir gérer ça mieux que moi.
Ou peut-être que l'enfant pourra devenir invisible. Encore pire. Là on ne le trouve plus et en plus il peut en profiter pour faire pleins de bêtises sans qu'on le voit. En fait, ça doit être super dur à gérer pour les parents, les enfants qui ont des pouvoirs.
Non, mais si ça se trouve, le petit, aura un tout pouvoir bien plus gentil. Genre télépathe avec les animaux. Et je l'enverrais parler à Blanche Neige et à Blow. Pour les remercier, parce que quand même... sans eux, Taki et moi on ne serait pas heureux. Bon, je ne serais pas enceinte non plus. Et ça, j'avoue que je m'en serais bien passé. Mais bon, on peut pas non plus tout avoir.
En fait, j'y réfléchis et je me dis... c'était peut-être ça le but de nos deux chevaux préférés. Que Taki et moi ayons un bébé. Comme ça après il le kidnappe, l'élève pour qu'il devienne surpuissant et puisse les aider à conquérir le Monde. Mouais... j'ai comme l'impression que le gamin sera télépathe avec les animaux. C'est courru d'avance ça. Et un jour il dirigera le Monde. Et je serais fière de pouvoir dire : c'est mon fils. Ou c'est ma fille. Enfin, mon enfant quoi.

Et en fait... je viens de réaliser un truc. Les escargots et les chevaux sont concurrents dans la conquête du Monde. Et bien vous savez quoi ? Moi je suis carrément pour les chevaux. Parce que me faire diriger par des trucs gluants et hermaphrodite, non merci ! D'ailleurs, c'est pour ça que je suis enceinte. Pour pouvoir aider Blow et Blanche-Neige. Tout était calculé en fait.
Je me demande si cette excuse passerait auprès de Mrs. Mystery. Ou pas en fait.

- Trois semaines... Ça fera un cadeau de Noël.

Conclusion de la journée ? Lui et moi on est doué en maths, on sait compter neuf mois ! A défaut d'être doué pour contrer les plans de Mr Hasard et Mr Destin, au moins nous avons un talent. Les maths. D'ailleurs pour vous prouver ça, je vous propose à tous d'aller me chercher une équation super dure à résoudre et après vous la mettez dans ma boîte au lettre. Ensuite vous me laissez tranquille environ... 9 mois et je les aurais toute résolues. Ou aucune. Peu importe. Par contre j'aurais une excellent excuse qui commence par "en" et finit par "ant". Et il y a un f au milieu.
Je vous donne pas plus d'indice, sinon c'est de la triche.
Ah. Vous voulez pas partir ? Pour de vrai ? Bon bah... restez alors, que voulez-vous que je vous dise. Je sais bien que ma vie est passionnante. Encore plus que les feux de l'amour. Je devrais en faire une série télé d'ailleurs. Je suis sûre que je deviendrais riche.

- Pourquoi pas. Je lui fais suffisamment confiance pour ça, mais et toi?

Ren je ne le connais pas vraiment, mais c'est un ami de Taki, donc forcément que c'est quelqu'un de gentil. En plus il est prof, donc il sait s'occuper d'enfant ce qui sera parfait quand on voudra partir en week-end en amoureux Taki et moi et qu'on laissera le petit chez son parrain. Bon. D'accord, je rigole c'est méchant.
On laissera le petit une semaine entière chez son parrain.

- Si toi tu lui fais confiance, moi ça me suffit comme raison.

Je sens les mains de Taki glisser sur mes hanches. A propos d'équation, vous en voulez une ? La voilà : Taki + Shy = 0 contrôle. Mais bon, de toute façon on a toute la nuit devant nous, non ? Vu que je suis à Taki pour la nuit. Et je ne suis pas du tout contre ce kidnapping.

- Bah... Un coup de téléphone? En tenant le téléphone bien loin de moi si c'est ma mère qui décroche, pour que je garde mes oreilles entières.

De toute façon, ça sera sûrement mieux que ma technique à moi. Qui est pourrie. Comment ai-je pu penser que... non, rien que de vous en parler maintenant, ça me fait froid dans le dos. Donc on va éviter. Mais en attendant, faudrait quand même que je m'excuse. Parce que c'était pas très gentil. Même si je peux justifier ça en disant que c'est de la faute des hormones. Ca reste pas gentil.
Je viens embrasser ses lèvres, puis continue à l'embrasser le long de sa mâchoir, remontant jusqu'à son oreille. Je sais que mes baisers n'effaceront pas tout. Ni mes mots d'ailleurs. Mais faut quand même que je m'excuse. C'est la moindre des choses après... tout ça.

- Tant que tu n'utilises pas ma méthode, ça devrait aller. D'ailleurs, j'en suis désolée. Je n'ai réussis qu'à nous blesser tout les deux.

Enfin bref, si on parlait de quelque chose de plus joyeux ? Les télétubbies par exemple ! Faudra que je trouve les DVD pour les montrer à mon enfant. Et je regarderais avec lui, parce que je trouve ça trop chou. Tinky Winky. Dipsy. Laa-laa. Po. J'avais d'ailleurs toujours trouvé ça bizarre qu'il y en ait un qui s'appelle"Po". Parce que pour moi, ça se dit comme pot, le pot sur lesquels les petits enfants apprenent à faire leurs besoins tout seul comme des grands. De toute façon, moi mon télétubbies préféré, c'était le jaune. Celui avec un ballon orange.
Bon, on va arrêter de déconner je crois et nous reconcentrer.

- Il y a quelqu'un que tu voudrais prévenir, toi?

Je... je ne m'attendais pas vraiment à ça. Il y a bien mon père, même si je ne sais pas vraiment si il est encore en vie ou pas. Toujours est-il que je pourrais avoir l'info en téléphonant à tante Gertrude. Ne rigolez pas, elle s'appelle vraiment comme ça. C'est la tante de papa. Et c'est une vieille harpie. Mais je lui envoie toujours une carte pour lui souhaiter un joyeux Noël. Parce que c'est la seule famille qu'il me reste. Elle et papa.
Le reste, ils sont tous mort. Doit y avoir une malédiction sur ma famille. Mes quatre grands-parents sont morts avant ma naissance. Mes parents n'avaient pas de frère ou de soeur. Quand à ma mère. Voilà. Donc si j'appelle tata Gertrude la vieille harpie... elle pourra peut-être m'aider. Peut-être. Mais je sais pas si j'ai vraiment envie d'en parler à mon père. J'hésite.

- Je n'ai plus parler à mon père depuis si longtemps... si ça se trouve, il est même plus vivant. Et puis après tout ce que je l'ai détesté... est-ce que tu crois que c'est stupide de toujours l'aimer ?

En plus, je doute être capable de pouvoir lui annoncer ça par téléphone. Donc ça imposerais un voyage aux Etat-Unis, vu qu'à mon avis, il n'a pas changé de pays. Et puis moi je n'aurais pas la force d'aller le voir toute seule. Alors j'aimerais bien que Taki vienne avec moi. Mais seulement si il veut. Et si mon père est vivant.

Ren serait ravi d'être parain d'un enfant. J'en suis sûr. Même si il dit avoir du mal avec les enfants, ça l'entrainera. Et puis attendez, c'est aps tout le monde qui peut avoir un léopard des neiges en parrain. Quand même, une énorme peluche. On va rire quand il se fera tirer les moustaches.
Je vérifirai qu'il a toujours les griffes bien limées. Juste par précautions.

- Si toi tu lui fais confiance, moi ça me suffit comme raison.

Elle est pas adorable?

- Tu es trop mignonne. J'irai lui demander.

Oups, la première phrase m'a échapé. Mais de toute façon, c'est vrai qu'elle est trop mignonne. N'est-ce pas?
Faites attention à votre réponse. Je suis jaloux mais vous n'avez pas le droit de dire non. Moralité, vous feriez mieux de partir. Puis faut pas déranger les femmes enceintes. Je devrais partir aussi alors? Hey, j'ai une permition spéciale. Elle ne s'est pas mise enceinte toute seule.
On pourrait écrire un dictionnaire avec tous les prétextes trouvés pour que vous partiez. Mais y'en a pas un qui marche. Alors, c'est quoi votre secret? Allez y, ça ne sortira pas d'ici. Promis. Je ne m'en servirai même pas contre vous. Comment ça vous n'avez pas confiance et vous ne voulez pas? Hey! On se connait on peut se faire confiance maintenant et... Ouais nan. Vous avez raison, ça ne va pas être possible. Ça serait moins drôle, si on était toujours d'accord.
Remarquez, c'est drôle d'être toujours en désacord mais seulement avec vous. Etrange non?

- Tant que tu n'utilises pas ma méthode, ça devrait aller. D'ailleurs, j'en suis désolée. Je n'ai réussis qu'à nous blesser tout les deux.

Mais Shy... Je n'irai pas dire que j'approuve cette méthode, parce que ce serait mentir. Mais par contre, je peux affirmer que t'es pardonnée. Reste à ce que tu te pardonnes toi aussi.
Et que tu promettes de ne jamais refaire ça. Une fois est suffisante. Je crois que vous n'avez pas idée d'à quel point ça a fait mal, à l'un comme à l'autre. Et je refuse d'essayer d'imaginer ce que ça aurait été, si elle avait voulu continuer sur cette voie. Et puis Shy, tu aurais élevé le gamin toute seule, comme ça? J'aurais demandé des comptes dans quelques mois, en te voyant enceinte. Puis en voyant l'enfant. Ah stop, ça fait mal rien que d'y penser. Y'a pas moyen qu'on se sépare. Et puis, pourquoi le faire si on est bien ensemble?

- C'est pardonné.

Je lui caresse la joue d'une main en souriant. Oh mais en parlant de blessure...

- Tes genoux... Tu es tombée sur le verre tout à l'heure, ça va?

Moi aussi d'ailleurs. Mais j'ai rien. Ou alors je ne le sens pas, ce qui revient au même. On ne se laissera pas vaincre par des bouts de verre! C'est quand même pas bien glorieux. Ça serait un peu comme se faire taper dessus par une algue. Ou un morceau de sucre.
Je pense qu'il y plus de chances de rentrer en colision avec une algue que de se faire attaquer par un morceau de sucre vengeur. Quand même. Faut pas croire, c'est méchant une algue. Ça se tortille au fond des mers et des océans. Et des fois ça remonte. Et on est toujours très content de ressortir la tête de l'eau avec une salade vert foncé sur la tête. Faut pas chercher de quoi ils se sont inspirés pour les monstres marins.
Vous croyez qu'il y a des bêtes sous l'eau qui se font des salades avec tout ça? Rigolez pas, ils ont une autre conception que nous de la "salade de fruits de mer". D'ailleurs j'ai jamais compris pourquoi salade et pourquoi fruit. Une crevette ça ressemble à tout sauf à une poire. Et un poulpe, c'est pas jaune comme une banane. A moins qu'il ne soit malade, mais dans ce cas, monsieur au fond, je vous suggère de changer de plat. Je dis ça, je dis rien.
On parlait de quoi déjà? Ah, de salade sous marine. Pour requin végétarien. Ça doit bien exister ces choses. Y'a pas de raison. Imaginez le pauvre requin qui se prend de pitié pour les sardines. Et qui décide de devenir végétarien. Faut bien lui trouver un truc à manger, non? Et c'est comme ça que sont nées les vaches des mers.
Comment ça c'est pas vrai, ce sont des lamentins? C'est la même chose. Un lamentin est un requin végétarien qui a perdu ses dents, voilà. Je suis d'accord que ça fait beaucoup de dents à perdre. Mais comme ils sont vraiment dans leur truc de végétarisme, ils y sont allés jusqu'au bout. Vous croyez qu'elles viennent d'où les dents de requins qu'on trouve parfois sur les plages?
Et toc.
Bon, on revient à la surface. Remarquez, vous pouvez rester avec les requins. Non?
Et un truc de plus dans le dictionnaire de tout à l'heure.

- Je n'ai plus parler à mon père depuis si longtemps... si ça se trouve, il est même plus vivant. Et puis après tout ce que je l'ai détesté... est-ce que tu crois que c'est stupide de toujours l'aimer ?

C'est ton père... Alors non. Est-ce qu'on peut empêcher un enfant d'aimer ses parents? Je ne crois pas. Regardez Luka, si vous voulez un exemple. On ne peut pas faire mieux.

- C'est ton père Shy... C'est loin d'être stupide. Est-ce que tu voudrais qu'on essaie de le retrouver?

Oui parce que c'est hors de question qu'elle y aille toute seule. Vu comment ça a failli se terminer la dernière fois qu'elle l'a vu... Même si elle a grandit et qu'elle sait se défendre, rien à faire. En plus c'est la guerre. Voilà, toutes les raisons du monde de ne pas la laisser chercher seule.
En fait, même sans excuses. Je ne veux plus la laisser seule.

- Tu es trop mignonne. J'irai lui demander.

Je souris. J'adore quand Taki dit des choses comme ça, ça me donne envie de me jeter dans ses bras, de me blottir tout contre lui, de passer le restant de mes jours là.
Personnellement, je n'aime pas au futur. Déjà, parce que le futur dans la rue, il existe pas et que moi, j'ai gardé pas mal de réflexe de cette période là. Il n'existe pas, parce qu'on est jamais sûr de pouvoir se réveiller le matin. Alors le futur... moi je sais mal le conjuguer. Sauf quand Taki est là, tout près de moi. Dans ces instants là, j'ai envie de nous créer un futur, des millions de choses à faire, des milliers d'endroit à visiter. Quand il est avec moi, j'ai envie d'apprendre la définition du mot toujours et d'oser conjuguer le futur à "nous". Je sais que c'est dangereux, que je pourrais tomber de très haut et me casser la gueule vraiment très fort sur le sol, mais l'amour c'est aussi ça; l'espoir.
Et Takeji, je l'aime.

- C'est pardonné.

Il sourit et sa main vient caresser ma joue. Et soudainement, cett situtation me fait monter les larmes aux yeux. Pas des larmes de douleurs, de peur ou de tristesse. C'est autre chose. Mais je ne sais pas vraiment quoi, je ne sais même pas si il existe un mot à ce sentiment.

- Tes genoux... Tu es tombée sur le verre tout à l'heure, ça va?

Le voir s'inquiéter pour moi ainsi fait que les larmes débordent pour venir s'étaler sur mes joues. Je me sens bête à pleurer comme ça, mais je n'arrive plus à retenir le ruisseau qui court sur mes joues. Je pourrais dire que c'est mes hormones, tout simplement mes hormones. Mais si c'est peut-être une partie de la vérité, je sais qu'il y a autre chose qui me fait pleurer. Pleurer de joie ? Pas vraiment... encore autre chose. Peut-être que c'est juste toute l'émotion accumulée qui remonte à mes paupières. Ou alors c'est mon coeur qui a tellement grossit qui l'a besoin de plus de place en moi et pour cela, il évacue l'eau en trop par mes yeux.

- Je ne sais même pas pourquoi je pleure...

Je ne sais pas et je m'en fous. Royalement. Parce que tout ce qui compte, c'est que lui soit là avec moi. Vous pouvez me traitez de fleur bleu, d'ultrasensible ou je ne sais pas quoi d'autre, mais ça n'a aucune importance. Si mes histoires d'escargots vous manquent, et bien tant pis pour vous. Revenez dans dix ans. Je verrais alors ce que je pourrais faire pour vous. En attendant, laissez moi être amoureuse.

Franchement, l'amour c'est vraiment bizarre. Vous devriez essayer une fois pour voir d'ailleurs. En plus comme ça vous débarasserez le plancher. Ca me fera des vacances et j'aurais pas a contamment surveiller ce à quoi je pense. Parce que j'avoue que ça aussi c'est saoulant. Non, mais pour de vrai, vous vous rendez compte à quel point vous violer ma vie privée ?
Vous venez vous installez là dans ma tête, avec vos petit sachets de chips et de pop-corn, vous parlez fort, commentez mes moindres et geste et en plus mettez le foutoir dans mon cerveau. C'est pas très sympa ça ! On est pas au cinéma les gars. En plus, vous n'avez même pas payé d'entrée. Sérieux et bien... c'est pas sérieux. J'espère que vous avez honte.

Et, dites, c'est hors sujet, mais saviez-vous que les éléphants pouvaient être saoul ? Ils aiment carrément ça ! Par exemple, ils adorent les fruit fermenté à un degré d'alcool 7°. Le truc, c'est qu'un éléphant saoul est moins social qu'un éléphant pas saoul. Mais bon, il paraît qu'ils font ça pour oublier les tourments de leur vie. Un peu comme pas mal d'humains en fait. Les éléphants sont quasi des humains. En plus gros. Avec une trompe. Des défenses. Et herbivores. Bon, en fait ils ressemble pas du tout aux humains. Je vais arrêté mes comparaisons débiles et retourner sur le sujet principal : l'Amour. Avec un grand A. Parce que voilà.

- C'est ton père Shy... C'est loin d'être stupide. Est-ce que tu voudrais qu'on essaie de le retrouver?

Ah oui. Ca c'était l'autre sujet en cours aussi. Mon père. Une partie de moi aimerait bien et l'autre... un peu moi. J'avoue que j'appréhende cette rencontre. Mais je sais qu'elle est nécessaire. Parce que mon père reste mon père. Quoi qu'il se passe. Et que si il meurt sans qu'auparavant j'aie pu lui reparler... ça me rendrait triste. J'ai besoin de savoir ce qu'il est devenu, besoin de le revoir. Et même si il me repousse, au moins je pourrais tourner la page.

- Je ne pourrais pas y aller toute seule. J'aurais besoin que tu restes avec moi. Jusqu'au bout.

Je pose ma tête contre son torse et me laisse bercer par sa respiration. Je ne sais pas si Taki se rend compte à quel point j'ai besoin de lui pour vivre.

Est-ce que je rêve ou... Non. Shy, pourquoi encore des larmes? J'ai déjà dit que je déteste la voir pleurer? Ça me fait mal à moi aussi. Mais pour autant, je suis heureux qu'elle me laisse la voir dans cet état. Après, c'est à moi de me débrouiller pour qu'elle affiche un sourire tous les jours. C'est ce que je veux non? Etre là tous les jours pour la faire sourire.
Je vais vous dire un truc. L'empathie, c'est un don pourri -rime!-. Suffit de tomber amoureux pour devenir empathe. L'ennui, c'est que ça ne marche que sur une seule personne.
Voilà pour votre culture.
J'essuie doucement les larmes de Shybaï d'une main, et passe l'autre dans ses cheveux pour les caresser doucement.

- Je ne sais même pas pourquoi je pleure...

J'embrasse son front. Moi non plus je ne sais pas, mais ce qu'il y a de sûr, c'est que tu as besoin de tout laisser aller.

- Laisse aller Shy, t'en as besoin.

Un petit sourire vient sur mes lèvres, pour elle.
Un gamin... Pas la peine de faire une fixation dessus, je ne réaliserai pas avant plusieurs jours, de toute façon. Et après, y'a une montagne de choses à faire avant sa naissance. Comme par exemple trouver un appartement, l'annoncer à tout le monde, commencer par réaliser qu'on va être parents... C'est pas gagné. C'est bizarre. Les couples normaux, quand ils savent qu'ils vont avoir un gamin, de une c'est prémédité -très importante la préméditation-, de deux ils sont heureux. Comment je me sens? J'en sais rien. Si je suis heureux là, c'est surtout parce que j'ai Shy près de moi. Pour le reste, je n'en sais strictement rien. Faut toujours un truc qui cloche quand tout va bien, hein? Sûrement que oui.
Comme par exemple le père de Shybaï. Qui pour le moment ne nous a rien fait -enfin...-, mais qui risque de faire. Hors de question qu'il fasse à nouveau du mal à sa fille. J'espère qu'il a profité des dernières années pour réfléchir. Si il est toujours en vie.
Sympa comme pensées. Shy, évite de trop réfléchir là dessus...
Y'a plein d'autres sujets à étudier! Comme euh... Bon j'avoue que je sèche là. A part vous sortir un truc stupide, sur les avions ou un truc du genre. Pourquoi les avions? Et pourquoi pas les avions, d'abord. Machin absoluement énormes qui volent. Je ne serai qu'à demi surpris de voir un jour un bâteau prendre son envol. Après tout, ça doit faire le même poids, il lui faut juste les moteurs qui poussent verticalement au lieu d'horizontalement. Et ça aurait autant de classe qu'un avion, un bâteau volant, c'est à dire aucune. Nan, les avions c'est pas classe du tout. Ils volent, mais ils ne battent pas des ailes. Nul. Un oiseau c'est classe, à part les pigeons. Et les oies. Et les autruches qui ne savent pas voler.
Mais les autruches, on a pas le droit de leur demander à quoi servent leurs ailes puisqu'elles ne font pas voler. Parce qu'après tout, chez l'avion, c'est certainement pas ses ailes qui le font voler. Peu importe où ils ont placé les réacteurs dessus. Voilà, cessez d'importuner les autruches. Elles aussi elles ont des ailes pour faire joli. Puis elles pondent des oeufs plus gros que ma tête. Respect. Les poules, elles devraient avoir honte à côté. Sans parler des cailles.
Et des poissons, y'a même pas de coquille digne de ce nom sur leurs trucs. A quoi ça sert? A ce que les bébés poisosns puissent les percer sans avoir de bec? Bah ils avaient qu'a en avoir un. Nah. Ils n'ont qu'à faire des bébés comme les autres. Les dauphins l'ont bien compris, eux.
C'est moi où j'ai réussi à revenir sur le sujet des bébés, en voulant pourtant m'en éloigner très loin?
Catastrophe.

- Je ne pourrais pas y aller toute seule. J'aurais besoin que tu restes avec moi. Jusqu'au bout.

Je suis tellement à des années lumières de l'idée de la laisser y aller toute seule. Pour autant, cette demande me fait bien plus plaisir que je ne l'avouerai jamais.
Je sais que ça va faire cliché. Très cliché. Bouchez vous les oreilles si vous voulez.

- T'avoir loin de moi, c'est déjà dur. T'abandonner serait invivable. Nous partons quand?

J'ajoute un sourire après la dernière phrase. C'est nous pas elle toute seule. Jamais. Pour le reste, il faut vraiment qu'on prévienne Mrs Mystery. On ne peut pas s'absenter comme ça. Même pas sûr qu'elle nous laisse faire.
Je referme mes bras sur Shybaï quand elle se laisse aller contre moi. Est-ce que je vous ai déjà dit qu'elle est trop mignonne? Plein de fois vous dites? Bah, ça ne fera jamais qu'une de plus. Et y'en aura d'autres, j'y compte bien.
Je la serre en silence contre moi pendant un moment. Plus jamais je ne veux la perdre, j'ai trop besoin de la serrer dans mes bras.
J'étends un bras pour ouvrir l'armoire contre laquelle était appuyée Shy -non je ne lui envoie pas la porte dans la tête- et y récupère de quoi désinfecter. Désinfecter quoi? Bah... Les coupures qu'elle s'est fait avec le verre tenez. Au cas où vous ne le sauriez pas: le verre, ça coupe.
Sur cette phrase hautement philosophique, je dépose ce que j'ai attrapé d'une main sur le bord de l'évier. Et je referme la porte.
J'ai rien cassé! Et mon bras revient entourer Shy. Je penche légèrement ma tête à hauteur de son oreille pour pouvoir y chuchoter:

- Hey, un pot de Nutella pour vos pensées Melle Artissa.

J'aimerais bien savoir lire dans ses pensées des fois. Pas tout le temps, parce que je suis trop nul si je suis incapable de deviner à quoi elle pense, non? J'embrasse sa tempe et j'ajoute:

- Dis, tu veux me faire plaisir? Laisse moi te soigner, j'aime pas te voir blessée.

Pas du tout même.

Je ferme les yeux lorsque Taki m'embrasse le front. J'ai tellement besoin de lui... Je ne sais pas s'il se rend compte à quel point je suis dépendante de lui. J'ai besoin de le sentir avec moi, tout près de moi, contre moi. C'est inexplicable comme sentiment... faut le vivre pour le comprendre. Est-ce-que c'est ça l'amour fusionnel ? Ne plus pouvoir se passer de l'autre à ce point ? Qu'aurais-je bien fait s'il m'avait écouté, hein ? S'il était partit sans essayer de comprendre, sans insister ? Je l'aime tellement fort Taki que je m'y perds moi-même. Ça ne devrait pas être possible de ressentir ça pour quelqu'un. Après tout, l'amour n'est-il pas que chimique ? Alors comment un truc chimique peut-il faire exploser mon cerveau. Je ne comprends plus rien du tout mis à part que je ne veux surtout pas le perdre. Jamais.

- Laisse aller Shy, t'en as besoin.

Et il me sourit.
Mon Dieu ce sourire. Comment aurais-je pu décemment m'en passer ? C'est carrément impossible. Je suis en train de commencer à comprendre le vide qu'à dû ressentir mon père lors de la mort de ma mère. Insoutenable. Certes, ce n'était pas une raison pour faire ce qu'il a fait. Mais quand même. Moi sans Taki, je ne sais pas ce que je ferais. Je m'en rends compte aujourd'hui plus que tout autre jour. Parce qu'aujourd'hui j'ai failli le perdre.

- Je suis trop conne. Comment ai-je pu penser un instant te quitter ? Je ne peux pas vivre sans toi.

J'aurais été comme un avion sans ailes. Ou une poule dans le ciel. Ou un dauphin qui n'aurait jamais appris à nager. Je serais tombée et je me serais fait si mal que je n'aurais plus jamais voulu recommencer. Dans l'hypothèse où j'aurais encore été en vie. Sérieusement, ça me fait peur, très peur de me dire que ma vie et mon bonheur ne sont accrochés qu'à une seule personne. Sans lui c'est la chute. Je pense que je vais l'attacher à moi. Vous imaginez s'il part à Londres et que... Non. Je n'ose même pas y penser.
J'ai trop besoin de lui.

- T'avoir loin de moi, c'est déjà dur. T'abandonner serait invivable. Nous partons quand?

Je m'en fiche. Je m'en fiche de quand on part du moment qu'on part ensemble. Maintenant ou dans dix ans, je veux juste vieillir à tes côtés. Purée ce que ça fait bizarre. Moi penser ça. Penser avenir. Avec quelqu'un à mes côtés qui plus est. Je n'y crois pas moi même. Si j'avais encore un doute là c'est sûre. Je suis mordue, accro, addict, fan absolue, totalement amoureuse. Mince quoi.
Je suis vraiment amoureuse.

Je laisse les bras de Taki m'entourer. Je ne bouge même pas quand je sens un des deux bouger et aller faire je ne sais pas quoi dans l'armoire de la salle de bain. Je respire ses odeurs à lui, le mélange de son shampoing, de son gel douche et de son après-rasage. Les yeux fermés, je suis sûre que je pourrais le reconnaître. De toute façon il me suffirait d'un seul de ses câlins pour savoir que c'est lui.
Son bras reprend sa place autour de moi. C'est sa nouvelle maison ça à son bras. Autour de moi. Parce que j'ai décidé que.

- Hey, un pot de Nutella pour vos pensées Melle Artissa.

Mes pensées ne veulent ce pot de Nutella que si elles peuvent le partager avec un certain Mr Kido. D'habitude elles ne sont pas partageuses, mais aujourd'hui, allez savoir pourquoi, c'est le contraire. Faut croire que mes pensées aussi sont raides dingues de Taki.

- Dis, tu veux me faire plaisir? Laisse moi te soigner, j'aime pas te voir blessée.

Je relève la tête pour pouvoir le regarder. C'est fou ce qu'il est beau. Et c'est fou comme je l'aime. Le monde est fou et moi aussi, mais je m'en fous car je suis heureuse ! Je souris à mon chéri en hochant la tête.
Et là...
... oh non...
... pas ça...
... s'il vous plaît tout, mais pas ça...
... je me glisse hors de ses bras pour retourner la tête dans les toilettes.

Dégueulasse. Pourquoi ça m'arrive à moi, hein ? J'aime pas le vomi. Et surtout pas à ce moment là. Je crois que c'est plus possible là. Je vais pleurer à nouveau. Pour changer Je me sens tellement bête penchée sur la cuvette de ses toilettes. En plus je suis de nouveau à genoux et les bouts de verre me font mal du coup. Tuez moi là, je déprime.
Bon allez. Je me relève, me traîne jusqu'à l'évier pour me rincer la bouche. Pas pleurer. J'en ai marre. Très beaucoup marre. Mais il ne faut pas pleurer.

- C'est pas très drôle...

Oui, parce que je suis sûre que Mr Destin et Mr Hasard se marrent bien tout là-haut, mais faut bien qu'ils comprennent que moi j'ai pas vraiment le même humour qu'eux. Je m'en fiche d'abord, je sors de la salle de bain et j'emporte Taki avec moi par la main en prenant au passage les machins qu'il a laissé sur l'évier pour soigner les coupures. La salle de bain c'est trop petit et sur le lit il pourra mieux me soigner d'abord. Oui, sur un LIT Messieurs. Vous voulez envoyer une armée d'écureuil sur nous ? Bah trop tard, je suis déjà enceinte.
Enceinte et nauséeuse. Quelle joie.

Elle hoche la tête. Bien, y'a plus qu'à se tourner vers les trucs que j'ai déposé, les attraper, se retourner vers elle et... Shy?
A gauche. Je repose tout en vitesse pour aller à ses côtés. Et ça ne fait que commencer, y'en a pour neuf mois. Neuf looooongs mois. J'espère honnêtement que ça va en s'arrangeant. Vous dites que c'est le contraire?
Vous êtes justes pessimistes.
J'espère.
Honnêtement, je me demande. C'est quoi le plus fatiguant. La grossesse, ou l'après grossesse? Réponse dans neuf mois, même si j'ai déjà une petite idée. Dingue qu'un gamin puisse déjà embêter ses parents alors qu'il doit faire à tout casser deux millimètres. Remarquez, les virus et compagnie sont encore plus petits, et encore plus énervants.
Est-ce que la conclusion à tirer de tout ça est que la grossesse est une maladie? Mince, ça en a même les symptômes. Maladie non contagieuse qui peut se réattraper. N'affecte que les femmes, mais ça a des répercutions sur les hommes. Le virus grossit pendant neufs mois et finit par sortir, mais il ne s'arrête pas là. Non content de s'être installé là, il demande à ce qu'on s'en occupe.
Première maladie qu'on attrape volontairement.
En général. Y'a toujours des exeptions, j'aurais préféré qu'on reste dans le cas général. Mais il n'a pas voulu de nous, et je suis sûr qu'on lui a payé un pot de vin. M.Hasard et M.Destin, avouez. Si vous avez de l'argent à gaspiller, donnez le à ceux qui en ont besoin. Comme Robin des Bois. Renommé en Hasard & Destin des Bois -marque déposée maintenant tout de suite-. Ça sonne bien, vous pourriez en faire un film vendeur. Et donner encore plus d'argent comme ça.
Mais pas pour graisser la patte au Dieu de la Fécondité.
Oui lui aussi il existe. Y'a des Dieux pour tout, même le grille-pain. Bah quoi, ils ont bien le droit d'avoir quelqu'un à prier pour ne pas partir en fumée avec ce qu'ils crament eux aussi. De toute façon ça doit être chaud d'être un grille-pain. Sans mauvais jeu de mot. Vous vous voyez chauffer pour griller du pain, vous? Et faire ça tous les matins. En plus après il faut de la force pour faire sortir le pain. D'ailleurs des fois ils s'amusent. Le pain s'envole et atterri on ne sait où. Ils lancent leur propres fusées. Dommage que ça soit nos tartines.
Comment on en est arrivés à parler de grille-pain?

- C'est pas très drôle...

Je retiens une grimace peinée. Neuf mois de soutient, ça commence maintenant. Je pose une main sur son épaule, dégage doucement quelques cheveux de sa nuque et embrasse son cou.

- Je t'aime.

Shy tu nous embarques où?
Oh, un lit. Non vous ne saurez pas tout ce que je pense à propos de ce lit. En plus de ça, Shy se balade toujours avec du verre aux genoux.
On va jouer au docteur. Hrm. Pardon pour les références.
Cela dit, je la laisse s'assoir sur le rebord du lit, avant d'attraper les machins inommables sans se mordre trois fois la langue, qui servent juste à "soigner les bobos", comme disent les enfants. Au moins, eux, ils ne se mordent pas la langue en le disant.
Hey, c'est vrai. Allez voir dans votre salle de bain, pour vérifier. Pendant ce temps... Pendant ce temps rien du tout, promis, partez! Je vais juste soigner Shybaï.
Heureusement qu'elle n'a pas de verre dans les genoux. Pour le reste, soigner des blessures, en tant qu'exorcistes, on sait tous le faire. Alors je m'y applique en essayant de ne pas lui faire mal. Ce qui est... Impossible. Le produit que j'ai mis sur un coton là, je ne peux pas l'empêcher de désinfecter et de piquer. Enfin... Honnêtement, je crois que quand je suis blessé, me faire soigner et désinfecter est la meilleure partie de tout le truc. Parce qu'en général, ça fait toujours moins mal que la blessure. Sauf dans certains cas.

- Ça va aller?

Fini! Je me redresse -oui parce que j'étais agenouillé là, pour atteindre ma cible-, repose le matériel et vient m'assoir près d'elle.
Enceinte.
Non rien à faire, le répéter ne me le fera pas mieux entrer dans le cerveau. Il va me falloir une petite aide visuelle. Genre le ventre qui gonfle. La future première échographie. Le test de grossesse de toute façon j'y ai rien compris. Je crois Shy sur parole, c'est tout.
Je ne suis pas prêt à être père. Je ne sais pas si elle est prête à être mère, mais on a pas vraiment le choix. On est deux sur ce coup là, et même si le garder est son choix à elle, c'est aussi elle qui le porte. Alors c'est normal que ce choix lui revienne. En échange elle me laisse celui de partir si je n'en veux pas.
Et je ne peux pas dire là maintenant tout de suite que j'en veux. C'est trop soudain. Je fais confiance au temps pour ça vienne, il y a bien un instinct paternel qui se cache quelque part non? En plus je n'ai rien contre les enfants, je voulais en avoir.
Je voulais juste en avoir plus tard.
Malgré tout ça, je reste. Je crois qu'on va rester enchainés l'un à l'autre encore un moment.
Je glisse une main le long de sa joue jusque dans ses cheveux et l'attire à moi pour une série de baisers. Dire que... Que ça, j'aurais pu ne plus y avoir droit. Ce ne sont pas seulement ses lèvres. C'est sa façon d'embrasser, sa manière d'être et d'agir, comment elle bouge les lèvres, comment je sens son souffle sur ma peau... Son corps contre le mien que j'allonge lentement sur le lit.
Non, j'aurais définitivement pas du vivre sans ça.
Je sépare nos bouches un instant, pour lui sourire en la regardant.

- Fais moi une promesse. Promets moi que peu importe le problème, tu viendras toujours m'en parler avant. Je veux que tu puisse compter sur moi Shy.

Elle est tellemment belle.