Après avoir mis le souk dans mes couvertures, je me suis finalement levé. Un coup d’œil au réveil qui m’affiche, presque fier de lui, un 06:02 rouge pétant. J’ai mal dormit. Dans mon ancien lit j’avais la sensation de dormir par terre avec une planche en carton sur moi et un parpaing pour oreiller. Maintenant j’ai l’impression de me faire avaler par des sables mouvants dès que je me couche. J’ai passé toute la nuit à me réveiller et suffoquer. Même pas besoin de vouloir me tuer suffit de me  laisser aller dormir !


Hier était un jour spécial. Je venais tout juste de découvrir le poteau rose et, par la même occasion,  cette vie de sorcier noir dans laquelle je suis tombé comme un peu comme un cheveu dans la soupe. J’étais pour la première fois OFFICIELLEMENT quelqu’un et qui plus est un sorcier noir, digne fils de mes parents.

La chambre qui m’avait été temporairement attribuée était emplie d’un luxe fascinant. Un lit deux places recouvert d’une grosse couette et d’un couvre lit d’une matière douce qui m’était inconnue. Un bureau en bois sous lequel on ne trouvait pas de vieux chewing-gum ou de morve séchée. Même pas une petite gravure dessus ! Pas de tags !
Autant j’adorais les préparatifs qui s’étaient déroulé en bas la veille, et l'excitation, la « bonne humeur » communes qui s'en dégageait, autant je détestais, MOI, être préparé pour de telles occasions, comme… à peu près tous les garçons de mon âge. Capable d’une autonomie à toute épreuve.


Mais aujourd’hui était un autre jour et je me trainai donc vers la douche. Je sais bien que je ne peux plus me rendormir maintenant que je suis réveillé. Je me décrasse le museau, démêle mes cheveux avant de m’observer dans le grand miroir. Qui aurait pu dire que j’étais de ceux-là ? Surement pas moi. Je me fais d’affreuses grimaces avant de rire tout seul. Je ne me sens pas différent… Pourtant je SUIS différent. Je n’ai même plus rien à voir avec avant.

Une fois décrassé j’enfile une chemise bleue pale, une veste grise par-dessus et un pantalon de la même couleur.  Pas de cravate pour moi merci !

Je ne connais encore que peu de choses sur moi finalement. Je ne sais qu’une seule chose : Je veux me venger. Et après avoir mené mes petites affaires j’étais parvenu en Angleterre, à Dover pour être plus précis. Au premier coup d’œil cela m’avait semblé stupide. Une Organisation qui lutte pour les humains, au milieu des humains.
Mais finalement peut être pas : Quoi de mieux pour un loup que d’être caché au milieu des moutons lorsque le chasseur sort pour le tuer ? De toute façon je n’avais pas prévu de mourir ce jour : 03 décembre 13 ! Et puis ça ne pouvait que me faire du bien de sortir un peu.


Dover, qu’est-ce que c’est moche.
C’est gris. Pollué. Trop de bruit, trop de monde. J’ai l’impression d’être balloté par le courant d’une rivière d’eau sale. Les odeurs ne me plaisent pas non plus. Les lumières m’éblouissent.

Ah bah ouais, le chauffeur vient de klaxonner et de traiter un piéton de "méduse paraplégique" - ce qui veut dire que… Oui ! Nous sommes arrivés !
Me voilà qui parle de moi a la troisième personne. Ça monte vite au cerveau ça ! Je sors donc avec mon sac et le paie une misère avant de partir

- Hey Monsieur ! Mon pourboire !

Je le dévisage un bref instant. Je vais l’étrangler je crois. Non zen… Zenn… Zennn… Il se répète, je tourne les talons, l’attrape à la gorge

-t’as dit quelque chose ?

J’vais pas me faire emmerder par de la sous race !

Avec un cri digne d’un hamster coincé dans une porte, le chauffeur  fait un bond en arrière pour se débattre mais je le tiens, à me regarder avec des yeux de merlan frit. Il fait finalement un ridicule non de la tete et, heureux comme un roi, je lui serre encore un peu la gorge. Tellement de pouvoir, juste pour moi. Je finis par le lacher et reprendre ma route avec un soupir d’aise.
.
Suite à plusieurs heures de marches, porté par toute cette polution je ne sais pas trop ou je traine mais les maisons en briques toutes rouges me donnent une sensation de copier/ coller à l’ infini. Le souci c’est que je ne sais pas exactement par ou je devrais commencer a le chercher.

Et donc je tourne en rond. Je n’étais pas si pressé. J’aurais du attendre d’avoir un peu plus de précisions… J’avais tout mon temps, vu que je ne suis pour les autres sorciers qu’un maigre parasite temporaire.

Mais je n’aime pas être un parasite temporaire et donc je compte bien me venger. D’autant plus que ça ne peut faire qu’une bonne impression et me faire monter dans l’échelle des sorciers noirs. J’ai entendu dire que ceux-ci détestaient une association : Orphéo et que justement, l’assassin de mes parents en est -n’en sera plus bien longtemps-. Je ferais d’une pierre deux coups…
Je m’arrête dans un fastfood. Je mangerais seul.

- un Big Mac avec un coca.

Quand j’aurais fini je retournerais à la pêche aux indices. Orphéo  est peut être juste sous mon nez. Comme il n’est pas impossible que l’information ai été fausse. J’avale une autre bouchée, perdu dans mes pensées. Comment les américains peuvent il ne manger que ça ? C’est comme les chinois et le riz… lassant.

Le seul bon côté c’est qu’il est midi moins le quart et que donc, il n’y a presque personne. Je n’aurais pas eu trop à attendre. Je sais qu’il est là, pas loin. Qu’il attend que je lui torde le cou !

En fin de journée je ne trouva finalement pas de moyen de rentrer. A croire que mon ami le chauffeur avait fait passer le mot et que comme des suricates tous les taxi-mens s’étaient fait la malle.

- Bon… Des graviers qui crissent sous mes semelles… Ce sera donc une maison avec jardin.

Il fait nuit noire maintenant et je n’ai toujours pas trouvé ou je passerais la nuit…

Au début je n’avais prévu que de me reposer et comme je n’avais rien trouvé j’avancais face a la mer. Je ne la connaissais pas mais je savais ce qu’elle n’était pas humaine. C’est mon petit doigt qui me l’a dit.

Et si clore la journée pouvait se faire sur une note plus positive ?
Ll faisait bien trop sombre pour que Christian distingue clairement la personne qu’il s’apprêtait a attaquer. Pas qu’il manque de volonté, de courage ou quelque chose de ce genre mais la journée avait été longue et penible. Il n’avait qu’une envie : retrouver son lit douillet.

- Hey toi !

Il n’était pas venu draguer cette femme. Juste voir si elle pouvait faire quelque chose pour lui. Sinon il la tuerait probablement comme une trace de son passage ici. Visiblement elle était venue regarder la mer avec une musique dans les oreilles si forte qu’il ne tarda pas a l’entendre. Elle parcontre ne l’entendais pas ou ca n’en avait pas l’air.

Christian, bon enfant finit par lui retirer un de ses ecouteurs.

- Mademoiselle ?

Les cagues heurtaient violement la cote comme si elles se pensaient qu’elles pourraient gravir la cote et venir les rejoindre dans la grotte. Il lui semblait qu’ill l’avait déjà vue quelque part mais il ne savait pas exactement ou. Peut etre dans un livre ou alors dans le journal ? Mais non ! Surement dans un de ces temoignages stupides qui passent aux infos a la télé !

- Voila, j’aimerais retourner chez moi mais je n’ai plus de voiture et je ne trouve pas de taxi…

Il attendait qu’elle lui dise un truc du genre « il faut aller a la gare » ou encore « je peux vous emmener ? » mais il lui semblait qu’il etaitplus vraissemblable qu’elle utilise la premiere solution. Ou alors il allait se manger un blanc et une giffle.

Mais comme il le pensait c’était peu probable que la journée soit pire que ce qu’elle était déjà.
Cette femme avait des cheveux foncés selon ce qu’il vit dans les faibles lueurs du jour… et des yeux clairs… mais il n’en savait pas plus sur elle et ca ne l’interessait pas de faire plus emple connaissance.

Christian la trouvait suspecte. Elle avait ce petit quelque chose en plus… Comme une pincée de différence, de magie. Biensur, a dire cela de cette façon on pourrait dire que c’est un fou ou un futur fou. Mais Christian savait bien reconnaitre ces choses la. Elle n’est pas une personne ordinaire. Peut etre même une ennemie. Mais il est tard, il en a plein les pattes et tout ce qu’il voudrait c’est trouver ou passer la nuit.

-Ah je suis désolée... Je suis en vacances ici, je ne connais pas bien l'endroit et je suis venue en taxi. Mais il me semble qu'il y a une gare ! Où habitez-vous ?

Elle sourit poliement, oui, tout cela n’est que politesse.
-Bien loin d’ici. Pourriez vous me dire ou je pourrais trouver un taxi ? Ou encore un hotel ?
Tu ne te sens pas la force de te battre avec quelqu’un ce soir. D’un autre coté tu n’as pas assez de… comment dire ? Pour etre clair, il ne se priverait pas de la mettre dehors pour dormir là. Mais cela lui demanderait de faire un effort considérable. Et puis elle lui semble douteuse comme nana, genre psychopathe en plein apprentissage. Ca se trouve elle va l’enfermer dans sa chambre et lui peter une jambe a la version Misery de Stephan King.
Il aurait gagné sa journée tiens ! La totale.  Mais heureusement tu es un sorcier noir depuis hier. Tu es un homme plein de fièrté et plein d’orgueuil. Ce n’est pas une femme –bien que dans l’obscurité naissante elle lui semble plus vieille que lui- qui va l’intimider.
- Et pourquoi etre venue en vacance dans un tel endroit ? C’est un peu ringard.
Et oui il ose critiquer cet endroit auquel il ne trouve absoluement pas le moindre interet. Il faut se le dire, c’est franchement laid, vieux et d’ailleurs, meme les gens sont majoritairement vieux ici. Ce trou semble si calme qu’on pourrait le croire désert et déjà mort. Même pas une boite de nuit, même pas un peu d’action.

- Filez moi votre téléphone portable !
Dans sa tête ca sonnait mieux, moins agressif. Tant pis c’est fait, c’est dit. Et puis peut etre que de la stresser un peu va la faire obéir. C’est qu’une femme. Elle ne peut pas être dangereuse… Et ceci même si elle était comme toi. D’ailleurs c’est peut etre bien ca, ce qui te dérange chez elle.
Il commence a perdre patience, c’est vrai qu’il n’en a déjà pas beaucoup. Utiliserait il ses quelques talents sur une femme a priori innocente et ne lui ayant rien fait ? Rien n’est certain mais ce n’est pas un enfant de cœur. Et il n’est qu’un tout jeune sorcier noir, il faut qu’il se face rapidement un nom. Que les gens le craignent pour eviter que ce soit lui qui se face manger.
Tout dépend de ce qu’elle va faire. Lui donner ou non son téléphone portable. Et de la façon dont elle le fera.

T’approchant de cette jeune femme, tu la trouve décidément de plus en plus étrange et suspecte. Quelque chose te fait conclure qu’elle doit être effectivement une ennemie. Tu n’as pas envie de te battre ce soir. Encore deux pas vers elle et tu décrètes qu’elle peut être une jolie femme. Des cheveux châtains qui tombent sur ses épaules, des yeux clairs…

Dommage que tu ne sois pas en quête d’une vie de couple ou même de fonder ta propre famille. Tu n’as jamais trop penser à tout cela et en même temps tu es déjà bien assez préoccupé par tes propres racines. Mais oui, si tu cherchais une épouse pour pondre deux gamins, tu chercherais surement une femme dans ce genre là…

Depuis combien de temps cherches tu d’où tu viens ? Un frisson parcours ton dos. Ca se rafraichi on dirait. Tu fais un nouveau pas vers elle en tendant le bras en ayant remarqué son portable. Elle peut bien te le prêter. Ne serait-ce que pour appeler un taxi et rentrer chez toi. Décidément, les gens ne sont plus du tout agréables et courtois de nos jours. Mais il te suffit de regarder au fond de ses yeux pour comprendre que tu lui fais surement peur. Il faut dire qu’il est tard, tu es un homme, c’est une femme. Si ça s’trouve elle te croit un pauvre violeur abrutit ! Franchement !Tu es bien plus dangereux que ce genre de mecs en général.

Ce n’est que lorsqu’elle te dit la raison de sa venue dans un endroit aussi pommé que tu te dis que non, ce n’est pas ce genre de femme qu’il te faudrait. Une généalogiste ? Pff. Un ennui mortel. Mais c’est aussi et bizarrement ce que tu fais aussi, même si ce n’est pas une passion.
Une bourrasque de vent, sortie de nulle part et qui n’avait aucune raison de se trouver là te frappe au visage. Mais ayant vécu longtemps parmi de pauvres humains il a attrapé leurs réflexes idiots comme de se contenter de fermer les yeux, agressés et de couper sa respiration.
Ce n’est que lorsqu’il ouvre à nouveau les yeux qu’il la voit, toute essoufflée et conclu rapidement qu’elle doit être une élémentariste.

N’ayant toujours pas l’envie de se battre pour l’instant il se contente de venir la soutenir. Il ne faudrait pas qu’elle nous fasse un malaise en plus !
Son ton est devenu plus calme, plus posé.
- Vous vous sentez bien?

Calmement tu la fais se rassoir pour la regarder de plus pret. Vraiment elle est très belle. Si ce n'était pas une femme ennuyeuse et une potentielle ennemie tu pourrais presque lui proposer d'aller boire un verre.

-Vous êtes orpheline vous aussi ?

Difficile de penser que des parents viendraient pondre une mioche ici mais il y a toute sorte de personne dans ce monde. Mais si c’est pour cela qu’elle est venue ici tu conçois comme c’est difficile de ne pas savoir d’où l’on vient, de vivre une enfance en orphelinat sans parents pour vous aimer. Un peu plus et tu serais nostalgique de cette époque ! Tu en as fait du chemin.

Something's getting in the way

Alicia n'était toujours pas bien rassurée de la situation présente, mais le fait d'avoir utilisé son pouvoir, et que cela n'ait pas eu pour effet de rendre cet homme plus agressif la calma légèrement. Il fallait prendre un peu plus de recul. La bourrasque qu'elle lui avait envoyé au visage semblait même l'avoir quelque peu calmé. Il venait même de lui demander si ça allait. L'exorciste prit donc une bonne inspiration, et se sentit tout à coup emplie de courage, telle la membre importante d'Orpheo qu'elle était. C'était plutôt sympa, de pouvoir se sentir badass comme ça une fois de temps en temps.

Peut-être que ce type s'inquiétait vraiment pour elle. Elle en doutait tout de même. Il n'avait fait strictement aucun commentaire sur ce vent sorti de nulle part. C'était peut-être potentiellement suspect. Cela faisait beaucoup de modalisateurs. Hum. Autant continuer à parler pour savoir ce qu'il en était réellement.
Alicia se composa un petit sourire gentil et répondit :

- Oui oui, tout va bien, je vous assure, juste un peu fatiguée.

Elle avait également un peu froid, mais ce n'était ni le lieu ni le moment de se plaindre, il ne fallait pas qu'il croie qu'elle était en train de demander de l'aide non plus.
Toutefois, il fallait croire qu'elle avait l'air plutôt mal en point, ou que ce type tenait vraiment à engager une conversation avec elle, puisqu'il la fit asseoir de nouveau sur son rocher. Ok. Al se sentait étrangement calme, elle regardait les yeux bleus de cet homme vaguement inquiétant. En fait, il avait totalement une tronche d'acteur américain beau gosse. Il aurait pu jouer Captain America, genre. Elle se demanda subitement ce que ce genre de gars venait faire à Dover alors qu'il aurait du être strip teaser dans une boîte de nuit londonienne ou en train de défiler sur un catwalk à New York. Ou encore de bosser chez Abercrombie and Fitch. Tant de possibilités de carrière pour cet homme.

L'exorciste décida ensuite de faire une petite trêve de blagounettes mentales à visée auto-réconfortante et se concentra réellement sur son interlocuteur. Il lui demanda bizarrement si "elle aussi" était orpheline. Façon de dire qu'il était orphelin, donc. Bon, sérieusement, il devait se sentir seul et mal aimé. C'était l'hypothèse première qui venait à l'esprit de la française en cet instant. Et ce genre d'attitude pouvait potentiellement dégénérer. Mais elle restait calme, l'instant de vraie panique presque irrationnelle était passée. Il semblait que pour le moment, le plus simple était de répondre aux questions de cet homme. A un moment, il se lasserait et elle pourrait probablement se téléporter en toute tranquillité. Elle l'espérait.

Elle sourit poliment :

- Ma mère l'était. Elle est malade à présent et ne peut pas entreprendre les recherches seules, alors je l'aide. Vous avez dit "aussi", vous êtes donc vous-même orphelin ?

La jeune femme doutait sérieusement de la pertinence de son action. Relancer une conversation avec qu'on voudrait se retrouver seule ? Hmhm, mauvaise idée, potentielle mauvaise idée.
Mais elle ne voyait pas comment s'en sortir autrement sans risquer d'être impolie. Au moins, le fait de faire une petite pause causette et de recharger ses batteries lui permettrait peut-être d'être moins crevée après la téléportation ? Quoi que, elle venait d'utiliser sa magie. Elle eut envie de soupirer. Tout était si compliqué. Et il faisait vraiment froid. Mais elle se retint. Elle devait avoir une conversation civilisée avec cet inconnu, alors elle le ferait. Et elle trouverait bien un moyen de finalement rentrer chez elle.

De toute façon, elle pouvait balancer tous les mensonges qu'elle voulait, il y aurait toujours les maquilleurs pour lui sauver la mise.

Là voyant accepter de se rassoir, il dut reconnaître que cela le satisfaisait. Il ressentait un plaisir qu'il eut du mal a dissimuler. Toutes ces émotions lui semblaient si nouvelles... Comme si sa longue vie avant tout cela n'avait été qu'une énorme attente.

Il y avait encore peu, il pensait qu'il était un humain comme tous ces autres qui grouillaient sur cette terre. Il pensait qu'il ferait comme les autres : il trouverait un boulot pourrit pour pouvoir se loger et manger. Il trouverait une femme avec qui ils feraient deux gamins qu'il aimerait... Tout semblait foutrement simple. Pourtant, en vérité, rien n'avait jamais été si compliqué.

Et le voilà, maintenant, qui venait d'avouer sa plus grande peine depuis des jours. Il était orphelin. Il s'en était bien-sur souvent douté. Il avait été laissé dans un orphelinat pourrit alors qu'il n'avait que quelques semaines. Il avait longtemps détesté ses parents en se demandant comment on pouvait faire un enfant et l'abandonner là, comme un chien, sans se retourner. Personne n'avait jamais pu lui dire d'ou il venait... Alors tout ce qu'il avait intégré le retournait pas mal.
Je m'en suis longtemps douté... Mais disons que maintenant j'en ai la certitude.
Ses lèvres se plissèrent pour cacher ses idées sombres. Il ne voulait pas tellement l'ennuyer avec tout ça.

- Je trouve cela généreux de votre part... pour votre mère.

Il ne savait pas vraiment si elle essayait de l'adoucir avec des mensonges ou si elle était réellement a la recherche d'une personne... Qui qu'elle put être et quelque put être son lien avec cette personne.
Son regard de glace se tourna a nouveau vers la jeune femme qui lui tenait compagnie. Elle aurait put être n'importe qui d'une grande ville et s'il ne l'avait pas rencontrée dans un endroit aussi perdu il ne se serait sans doute jamais retourné sur elle.

La plupart des personnes qui le connaissaient (enfin depuis quelques jours) lui disaient qu'il avait trop pour habitude de se mettre la tête dans le guidon et qu'il passait trop de temps a chercher qui il était et qui avaient été ses parents. Il avait pourtant ce besoin morbide de savoir. Il avait besoin de comprendre : Pourquoi avait il passé les deux dernières décennies dans un orphelinat. Pourquoi n'y avait il eut personne pour le porter dans la vie comme le font les véritables parents.

- De mon coté je suis un peu a la recherche de mes parents. A ce que j'ai pu apprendre ils s'étaient rencontrés dans cette ville... enfin... Tout a changé et j'ai beaucoup de mal a m'y retrouvé.

Il poussa un court soupire de désagrément avant de se pincer l’arrête du nez et se frotter les yeux.

- Je suis franchement déçu. J’espérais trouver les choses comme on me les a raconté...

Devinant finalement que la jeune femme avait froid, et c'était plutôt normal vu le vent terrible qu'il fait toujours dans les endroits découverts, il se redressa. Retirant sa veste lourde et chaude, il la lui posa sur les épaules. Il ne savait pas très bien comment s'y prendre avec les femmes... avec les hommes non plus ceci dit. Mais il était plutôt sur qu'il était plus femmes qu'hommes...

- Vous ne devriez pas vous laisser avoir froid.

Cold never bothered me anyway

Si le jeune homme avait soupçonné un mensonge de sa part, il n'en laissait absolument rien paraître, et afficha un visage qui lui semblait triste, lèvres plissées. Il ne la regardait pas vraiment lorsqu'il dit qu'il trouvait cela généreux de sa part, pour sa mère, d'entreprendre les démarches qu'Alicia venait d'inventer. Un éclat de culpabilité lui tordit légèrement les entrailles. Malheureusement la dissimulation et la préservation étaient des aspects fondamentaux de son métier, et elle n'aurait certainement pas pu atteindre le poste qu'elle avait aujourd'hui si elle n'avait pas su se tirer de situations délicates. Échapper à des sorciers noirs, préserver le secret... Cela faisait partie de son quotidien. Un peu moins depuis qu'elle était juste en dessous de la directrice d'Orpheo Londres-Paris, et que son travail consistait en beaucoup de bureau et de diplomatie. Ce poste n'était toutefois pas sans risques.
Comment aurait-elle pu oublier qu'elle avait été prise en otage par les Cross moins de deux ans auparavant ? Ce qui la surprenait le plus, dans tout ça, c'était la rapidité avec laquelle elle avait su se remettre en selle. Son rétablissement psychologique qui lui avait semblé éternel alors, n'était avec le recul qu'une bagatelle à l'échelle de la vie d'une humaine douée, et en comparaison avec la majorité des autres cas de trauma du genre de celui qu'elle avait subi. C'était une constatation qui la satisfaisait, tout en la dérangeant légèrement. Elle avait peur d'avoir refoulé quelque chose en elle qui lui retomberait dessus lorsqu'elle ne s'y attendrait pas. Alicia était bien contente d'avoir pu se remettre au travail rapidement et de faire avancer sa carrière ainsi que les idées d'Orpheo, mais elle se demandait parfois s'il n'y aurait pas un plus grand prix à payer plus tard.

La jeune femme hocha la donc doucement la tête à la remarque de son interlocuteur, feignant une tristesse d'habitude, résignée.

- C'est gentil, j'espère que cela aura de la valeur pour elle, en tous cas.

Alicia conclut sa phrase par un léger sourire, et écouta ce que l'inconnu avait à dire à ce sujet. Il avait visiblement envie de parler. C'était probablement plus prudent de le laisser faire, car si elle le contrariait, elle s'exposait peut-être à de la violence. Il était peut-être perturbé. Ou peut-être était-il simplement triste et ce n'étaient que le froid et le caractère désert de la ville qui incitaient l'exorciste à se méfier tout particulièrement. Il fallait tout de même garder à l'esprit que ce type avait engagé la conversation de manière relativement agressive.

Comme elle l'avait deviné, il était orphelin. Et, coup du hasard, lui "aussi" cherchait des informations sur ses origines dans cette ville. Al le regarda d'un air désolé, en essayant de ne pas avoir l'air de le prendre en pitié. La plupart des gens détestaient ça, et elle n'aimait pas ce genre de bon sentiment trop mièvre. Elle était pour la compassion, même si la frontière entre les deux était mince. C'était une question d'alignement des pensées, du corps, de tension du visage, d'éclat dans les yeux. Cela se jouait à des choses minuscules.

Il disait que tout avait changé, que ce n'était pas ce qu'il avait espéré, sans pour autant rentrer dans les détails. Malgré le vent frais, Alicia hochait la tête, essayant de se mettre à sa place. Compréhensive. Elle se doutait que les attentes dans ce genre de cas devaient toujours détonner de la réalité. Qu'on essaie de s'en protéger ou non. Elle avait le sentiment que tous les êtres avaient tendance au rêve et au fantasme, quoi qu'à différents niveaux.

Trop gentille, trop empathique peut-être, Alicia ne put pas s'empêcher de lui demander des précisions.

- Que vous a-t-on raconté ? Vous avez tout de même trouvé des choses ? Même si elles sont contradictoires ?

Après qu'elle eut prononcé ces mots, l'inconnu lui déposa sa veste sur les épaules, déclarant qu'elle ne devait pas se laisser avoir froid. La situation arracha à l'humaine un sourire gêné. Peut-être qu'en fait il essayait juste de la draguer de façon très maladroite. Cela détonait avec son physique. Si on ne devait se fier qu'aux apparences, il avait tout l'air du beau gosse sur de lui qui pouvait avoir toutes les midinettes qu'il voulait dans son lit. Ce n'était peut-être pas le cas. Ou alors il la prenait vraiment pour une grosse dinde.

- Merci, c'est gentil, mais ça va vous savez. Je ne vais pas tarder de toute façon.

C'était vrai. Elle s'habituait rapidement au froid et n'était pas spécialement frileuse : elle était du NORD. Et en tant qu'élémentariste d'air, elle considérait le vent comme son ami. Oui, c'était un peu niais, mais c'était son côté petite fille fan des Disney qui s'exprimait dans ces moments là.

Alicia se releva dans la foulée, et jeta un œil à son portable, qui n'avait qu'une petite barre de réseau qui disparaissait toutes les deux minutes. S'il ne semblait toujours pas disposé à prendre congé, elle lui proposerait de se diriger vers le centre-ville avec elle. Soit il irait dans un hôtel, soit il prendrait un taxi -si toutefois il arrivait à en trouver un, Alicia n'avait pas eu beaucoup de chance de ce côté là-, soit un train, dans tous les cas, il serait plus facile de lui fausser compagnie de façon acceptable et polie pour aller se téléporter. Au pire des cas, elle rentrerait réellement en train. Ou passerait une nuit à l'hôtel. Ce n'était pas si terrible après tout. D'ailleurs, se mit-elle à penser, prendre une chambre d'hôtel juste pour lui permettre d'avoir la paix pour se téléporter était aussi une option, même si cela demanderait l'envoi d'une équipe de maquilleurs sur place le lendemain. Que de soucis pour pas grand chose.

- Que vous a-t-on raconté ? Vous avez tout de même trouvé des choses ? Même si elles sont contradictoires ?

Christian haussa les épaules. De tout ce qu’il avait découvert, il n’était pas certain qu’il y ait quelque chose de véritablement utile ou important dans sa quête de réponses et de racines. Ses parents s’étaient rencontrés ici au cours d’une mission. Son père envoyé par Croix. Sa mère par Rosenrot. Ils s’étaient disputé le même adversaire jusqu’à se battre. Mais il ignorait aussi bien les origines de son père que celles de sa mère.

De même, il avait appris d’une source en Ecosse, à Edimbourg, que leur meurtrier vivait ici. Mais cette information n’était plus vraie depuis déjà presque un an aux dires du concierge du seul petit immeuble. Il l’avait fichu a la porte pour tapage nocturne régulier et l’homme –ou plutôt le sorcier- avait pris ses affaires avant de s’évaporer dans la nature. La chambre qui n’était pas actuellement occupée, il avait tout de même demandé à la voir… mais effectivement il n’avait rien trouvé quant a la destination que l’individu aurait pu prendre.

Tout ce que son esprit avait noté comme important était une étrange gravure sur l’intérieur de la porte d’armoire. Il avait déjà trouvé une trace similaire quelque part… Il en était convaincu. Mais ou ? Il avait déjà traversé presque la moitié du globe a la recherche de cette créature sans parvenir a lui mettre la main dessus… Cela le frustrait particulièrement.

- Non pas grand-chose… Le bar ou mes parents se sont rencontrés à brulé il y a un peu plus de quatre ans et l’homme qui y travaillait a quitté la région.

Il poussa un court soupire, désemparé. Si seulement il restait quelqu’un qu’il aurait pu interroger ou une trace d’eux quelque part. Mais ses parents étaient de bons sorciers noirs il faut croire et ils n’avaient pour ainsi dire laissé aucune trace qui permettrait d’en savoir d’avantage sur eux. Bien sûr, poursuivis par un ennemi c’était important et il en était très fier… Mais dans le cadre de sa propre recherche il aurait pu dire que ses parents lui mettaient des bâtons dans les roues.

- Je crois que je vais rentrer au pays… Toutes mes recherches semblent bien vaines.

Evidemment, au fond de lui, ces échecs ne voulaient pas dire qu’il allait renoncer. Il avait passé toute sa vie a se demander d’où il venait. Il ne pouvait pas simplement renoncer. Pas comme ça. Pas juste parce qu’il n’avait trouvé aucune des informations qu’il espérait. Même s’il semblait abattu tout cela n’était que temporaire et bientôt il reprendrait ses recherches… Dès qu’une nouvelle piste se dresserait sur sa route. Il était comme ca, il ne le savait que trop bien.

Plus que sa quête de pouvoir, sa quête de racine le rongeait profondément. Toutefois, il avait aussi compris que pour obtenir certaines informations il fallait du pouvoir. Ne serait ce qu’avec les Cross. Il était certain qu’ils ne lui disaient pas tout ce qu’il voulait entendre pour le garder sous leur contrôle… Pourtant Christian s’était montré des plus dociles en échange de ces précieuses informations…

Si dans le petit orphelinat d’une bourgade perdue il y avait des archives et des bibliothèques entières d’informations concernant les enfants qui étaient entrés, il ne pouvait pas croire que Dorian Cross, un chef si avisé et avec une telle réflexion sur les membres de Croix, ne dispose de tels documents.
Il n’avait pas encore essayé auprès de Rosenrot. Si ses recherches ne lui donnaient pas rapidement un nouvel os a ronger il poursuivrait sans aucun doute dans cette voie.

Il sourit a nouveau a la jeune femme qui lui tenait compagnie. Elle était splendide et il appréciait sa compagnie… Cela lui faisait quand même de la peine qu’elle lui mente au sujet de sa mère. Car plus il la regardait et plus son visage lui était familier. Il était de plus en plus certain qu’il l’avait déjà vue quelque part. Mais ou ? Il savait qu’il ne l’avait jamais rencontrée en personne car il ne l’aurait pas oubliée et elle non plus, ne l’aurait pas oublié. Son regard fixa un bref instant le téléphone de cette jeune femme. Elle semblait dépitée quant au reseau merdique. Effectivement… Il ne fallait pas venir ici a la recherche d’un bon reseau téléphonique ou wifi.

- Oui je suis navré. Je vous raconte ma vie alors que vous avez froid…
Il se redressa rapidement, se frottant l’arrière de la tête. Si vous pouviez juste m’aider a retrouver le centre-ville… Je me débrouillerais.

Evidement il aurait sut retrouver son chemin mais il avait véritablement envie de profiter un peu plus de la compagnie de cette femme. Il ne lui en voulait pas de lui avoir mentit. Beaucoup de gens mentent. Il l’avait apprit depuis l’enfance. Et d’ailleurs il doutait sérieusement qu’une seule personne sur cette planète n’ait jamais mentit – hormis les nourrissons bien entendu-.

Et puis… Lui aussi s’était bien gardé de dire toute la vérité. Il ne lui avait pas dit qu’il était un sorcier… ou parlé d’un quelconque pouvoir… En même temps il n’avait pas trop le temps de se faire interner dans un asile de fous.

Relax, there is an answer to the darkest times

Il avait l'air déçu, presque blasé. Alicia se rendit compte qu'elle ne connaissait pas son nom. Son côté sensible, travailleuse en milieu humanitaire avait envie de faire preuve de plus de compassion et de le lui demander, afin de se rapprocher un peu plus de lui. Mais son côté, presque son surmoi d'exorciste agente d'Orpheo refusa de le faire. Elle ne voulait pas perdre du temps, faire perdre du temps à d'éventuels collègues, se mettre potentiellement en danger. Ce type avait l'air musclé, après tout. Al savait qu'il ne fallait jamais se sentir trop en sécurité, juste parce qu'on avait des pouvoirs, et qu'on était entrainé. Elle était plutôt bonne exorciste, et avait finie prise en otage, avait subi la violence. Sa magie, son don, ses études, ne l'avaient pas aidé autant qu'elle l'aurait voulu.

Toutefois, pour le moment, cet homme répondait à sa question, concluant par un soupir. Il semblait jouer d'une malchance exceptionnelle. Peut-être mentait-il. Peut-être délirait-il, mais c'était peu probable, il ne lui semblait pas sous l'effet d'une quelconque substance. Peut-être avait-il vraiment eu aussi peu de chance qu'il le racontait. Tout cela ne sonnait pas faux. Mais Alicia avait aussi pu constater que les êtres humanoides pouvaient se montrer particulièrement doués en matière de mensonge.

La jeune femme plissa les lèvres en signe de compassion et hocha la tête.

- C'est vraiment un mauvais concours de circonstances pour vous. Les archives de la ville n'ont-elles pas des informations sur l'ancien propriétaire de ce bar ? Vous n'avez pas d'autre piste concernant des gens qui auraient pu connaitre vous parents ? Des amis d'école, des voisins ?

Son interlocuteur était visiblement découragé. Il voulait rentrer "au pays" comme il disait. Alicia n'arrivait pas à reconnaitre son accent, et pourtant, elle était d'habitude plutôt bonne à ca. Mais là, elle trouvait ses sonorités neutres. Elle était peut-être fatiguée.
Elle hocha de nouveau la tête, plus par automatisme qu'autre chose. Cela n'était pas de l'approbation, juste un signe qu'elle comprenait sa lassitude.

- J'espère que vous trouverez de meilleures pistes ailleurs. Ce genre de recherche est toujours très longue, avec des récompenses minimes à la clé, la plupart du temps. Mais ne vous découragez pas, c'est quelque chose qui en vaut la peine.

Le blond lui sourit, il semblait simplement content d'avoir de la compagnie. Peut-être était-ce le cas, mais Alicia ne devait pas baisser sa garde. Elle avait l'impression qu'il l'observait beaucoup, ce qui la mettait mal à l'aise. Elle n'aimait pas se sentir comme un morceau de viande. Bon, c'était très probablement le cas de toutes les femmes. Mais elle y faisait beaucoup plus attention qu'avant, tout l'atteignait plus.

Elle se trouvait même parfois surprise de l'amabilité de certaines personnes, comme si elle n'attendait plus autant de bienveillance de la part du monde qu'avant.
Quant à l'attitude de cet homme, elle la déconcertait. Un instant il lui semblait menacant, l'autre prévenant et maladroit. Il venait de s'excuser de lui raconter sa vie, et s'était levé, lui demandant simplement de marcher avec lui jusqu'au centre-ville. Il ne pensait pas pouvoir le retrouver seul.

Alicia lui accorda à son tour un sourire, et resserrant son manteau contre elle, elle commenca à marcher dans la direction qu'elle se souvenait avoir prise pour arriver à cet endroit.

- Ne vous en faites pas. Nous pourrons finir notre discussion en marchant. Vous avez une longue route pour rentrer jusque chez vous ?

Ils allaient devoir passer encore une petite dizaine de minutes ensemble, alors autant relancer un peu la conversation, juste ce qu'il fallait. Il fallait juste éviter de dire quoi que ce soit qui pourrait ressembler à une incitation à la drague lourde ou à s'accrocher à elle de quelque facon que ce soit. Même si elle commencait à éprouver un peu de sympathie pour cet homme à la recherche de ses origines, elle ne pouvait oublier le côté agressif du moment où il l'avait abordée. Méfiance, règle primordiale.