Rien d'autre à perte de vue que les champs. Je venais de dire à mon père ma façon de penser et que, non, je ne rentrerais pas cette semaine. Parce que j'avais trop de travail, que de toute façon on avait jamais rien à ce dire et que, quoi que je tente il ne serait pas d'accord avec moi. Et puis, comme toujours il m'avait parlé de son grand projet de me voir lui fait des petits enfants.
Visiblement j'avais du être une enfant trop sage quand je vivais chez mes parents.
Et puis ce n’est pas comme si s'était un nouveau délire de sa part. Depuis que j'avais quitté le cocon familial il ne me parlait que de ça. Obligatoirement toute conversation menait a « Et sinon t'as un copain pour nous faire de jolis petits enfants ? » Non je n'avais personne. Et de toute façon ou voulez-vous qu'une jeune adulte comme moi, qui passe des journées entières avec des enfants, trouve un copain. Sans compter qu'il faudrait qu'il supporte ce que je suis... C'était encore une autre histoire.
Quel homme aimerait s'endormir auprès d'une brune et se réveiller devant son clone ?
Il faudrait qu'il soit un minimum ouvert pour supporter ça... et puis je ne me vois pas lui cacher tout au long de ma vie que je ne suis pas humaine.
Je suis surement un peu de la vieille école qui croit que dans un couple la confiance ne doit rencontrer aucun obstacle et ne doit, quoiqu'il arrive, pas être amoindrie.
Je marchais dans la terre boueuse. Il venait d'arrêter de pleuvoir et de toute façon j'étais trempée jusqu'aux os. Alors quelle différence ?
Mes basquets étaient foutus et j'avais l'air d'une mendiante comme ça. Je m'en fiche dans le fond...
On ne rencontre jamais l'Homme de sa vie dans un champ. Surtout que celui-là ne ressemble à rien sinon a un amas de terre boueuse.
Contre toute attente il y avait, néanmoins, bel et bien quelqu’un. Planqué sous l’abri de l’arrêt de bus. Cet arrêt de bus j’y ai attendu aussi. Mais le dit bus n’y passe qu’une fois par semaine… parfois… exceptionnellement !
Je n’ai pas envie de lui adresser la parole. Avec son mètre 80 plantés dans des pompes en cuir sombre… Elles doivent être trempées s’il a marché jusqu’ici. Il a des allures d'acteur de cinéma, et des lunettes de soleil alors que le ciel est gris et menace bien plus d’une nouvelle averse que d’une canicule. Et il attend. Le bus surement. Mais ce bus ne viendra pas. Moi je le sais. Je me suis fait avoir bien avant lui.
Je lui passe devant. Je ne me retournerais pas ! Même si c’est méchant de ma part que de le faire poiroté comme un idiot de cette façon. Ça lui fera les pattes à ce James bond des nouveaux temps !
Plus tard...
En revenant il était toujours là. A attendre dans l’abri de bus. La nuit serait tombée dans une petite demi-heure et je ne peux pas le laisser passer la nuit dehors. Ce n’est pas mon genre ! Mais je ne dis pas non plus que j’vais lui ouvrir ma maison !
- Euh… Excusez-moi. Vous attendez le bus ?
Je manque sérieusement d’originalité mais c’est tout ce qu’il y a de plus banale à demander à quelqu’un qu’on rencontre sous un arrêt de bus. Vous en connaissez beaucoup des romances qui commencent comme ça ? AUCUNE CHANCE !