Un ciel nuageux s'annonce...
Espérons qu'il passera au-delà de l'orphelinat.

Voilà quelques jours que j'abhorre une mine morose lorsque je suis seul. Ce qu'il se passe à Londres m'intrigue beaucoup, mais le fait qu'Alicia ai été capturé me provoque une série de changements d'humeurs rarement appréciables par mon entourage. C'est pour ça qu'en ce moment, je préfère éviter de sourire. Bon, ça ne plait pas vraiment, ça peut même parfois étonner mon entourage, mais c'est comme ça. Si je commence à rire et que je m'énerve peu après, ce sera beaucoup plus étrange que si je garde mon calme tout le temps. En fait, je me détends surtout en compagnie de Takeji, parce que sa bonne humeur ambiante me rassure, mais les cours, ça devient vraiment lourd. Ça occupe la majeure partie de mon temps, en plus de mes sorties en tant qu'exorciste. Autant dire que je ne dors pratiquement pas. Je ne suis pas négligé pour autant, mais je devient plus distant. Une simple façade que je m'efforce de garder en attendant que l'orage passe.

Je pense que l'on devrait supprimer quelques cours le temps d'assumer notre rôle d'exorciste plutôt que de professeur pendant un certain temps. Ça ne serai pas bénéfique pour les élèves, mais au moins Orphéo pourrai compter sur d'autres sorciers pour se ranger à leurs côtés. Je n'ai jamais été vraiment partisan de la guerre, loin de là d'ailleurs, mais j'ai un sens de la responsabilité assez développé. Si bien que j'ai tendance à prendre des futilités pour des faits. C'est ainsi.

Dirons-nous que je n'ai pas le temps de songer à ça, mais plutôt de me concentrer sur mes cours? Ou plutôt le cours que j'assume actuellement? La métamorphose. J'aime bien être avec mes élèves, surtout quand ils commencent à grandir et devenir plus autonome, ça me libère de quelques responsabilités. Subitement, je rassemble toute la paperasse sur mon bureau. Le regard des élèves s'illuminent. Baissant légèrement les yeux, j'annonce d'une voix forte.

-Bien, le cours est terminé. Vous pouvez sortir.

J'entends les rires subits des élèves. Tout s'anime en moins d'une seconde, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, en vérité. Je soupire, néanmoins satisfait de ma journée. Bien sûr, elle est loin d'être achevée, mais je préfère commencer en de bon termes. Bon, c'est déjà le deuxième cours, mais bon. Après j'ai une pause. Tant mieux. J'entends subitement des pas qui se dirigent vers moi, puis une voix que je saurai reconnaître entre mille.

-Mr Takahata ? Avez vous une minute ?

Je me retourne tranquillement et aperçoit la directrice. Je dois avoir l'air un peu pensif, comme je le suis depuis quelques jours déjà. Elle a les bras croisés, et me regarde avec intensité. J'aime pas quand on me fixe. Mais dire ça à la directrice me gêne un peu. Je termine de tout rassembler, saisis mon sac et range tous les papiers triés soigneusement à l'intérieur. Puis, j'attends que Mystery s'approche de moi pour acquiescer et saluer :

-Mrs Mystery. Qu'y a-t-il?

J'aime bien la directrice, mais je n'ai pas souvent l'occasion de parler avec elle, étant donné qu'elle est souvent occupée. D'ailleurs, j'ai même parfois tendance à l'admirer. Je n'aurai certainement pas la patience et même le mental pour assurer un orphelinat et une école entourée d'enfants. En fait, je crois que ce qui cloche chez moi, c'est que je n'aime pas les enfants. On dirait pas? Vous seriez les premiers surpris. Je laisse mon sac sur la table et m'apprête à écouter attentivement ce que me racontera la directrice.

C’est comme à l’annonce de la mort,
Le vent souffle fort.

J’aperçois Mrs qui arrive. Doucement, j’avance légèrement vers elle, conscient que ce n’est pas par simple curiosité qu’elle est là devant moi. On va devoir parler. Et je ne veux même pas connaître le sujet du débat. J’inspire profondément. Attend que le verdict tombe lourdement, même s’il ne m’est pas forcément destiné. La directrice m’observa avec gentillesse, même si je sais bien que les nouvelles n’en seront pas plus sympathiques. Mieux vaut en rire que d’en pleurer, comme le dit le dicton.

-Rien d'alarmant pour le moment, Mr, mais je voulais vous faire part de plusieurs choses.

Ça… commence mal. Très mal. J’aime pas quand on commence par « rien d’alarmant ». Ça veut dire que ça risque de régresser au fil de la discussion. Moi je dis directement ce que je pense, même si je sais que ce n’est pas l’avis de tout le monde. La directrice joint ses mains. Bon, allons gaiement, je vais devoir écouter avec attention, ça sent le discours préparé. Ou tout du moins, bien soigneusement étudié.

-Voyez-vous Mr Takahata, je voudrais vous demandez votre avis sur plusieurs choses que je voudrais mettre en place quant à la protection des enfants, étant donné la situation. J'aimerais organiser des gardes autour de l'orphelinat, en comptant les tours de remplacements avec ceux qui se rendront à Londres pour évaluer la situation. D'autre part, j'aimerai connaitre votre point de vue et votre engagement vis à vis de celà. Vous savez, les exorcistes solitaires se multiplient, et j'ai de plus en plus l'impression que nos rangs s'affaiblissent. Orpheo a besoin de jeunes éléments doués comme vous et Mr Kido, Ren. Malheureusement j'ai la désagréable impression qu'ils s'amenuisent.

Eh ben, elle me demande mon avis. C’est que ça doit être bien sérieux. Ça l’était déjà au début, vous me direz. Bon, eh bien, je vais devoir me coller à la réponse et tâcher d’y répondre du mieux que je peux. Ce qui, en somme ne va pas être coton. Loin de là. Alors, doucement, je pose mon index sur mon menton, signe d’une intense réflexion, levant les yeux au ciel. Je sais qu’elle est patiente, mais je ne compte pas en profiter pour autant. Donc, je poursuis peu après.

-Concernant les gardes, je pense que c’est une bonne idée. Cependant, les missions à Londres se multipliant, je doute que les professeurs auront beaucoup de facilités à gérer à la fois leur travail à l’orphelinat et celui d’exorciste. Alors, à moins de créer des unités mobiles et des personnes prostrés sur la surveillance des enfants, je pense que ça risque d’être véritablement compliqué. Peut-être que ce n’est pas l’avis de tout le monde, mais en rentrant chez moi, rien qu’à l’idée de préparer mes cours, d’être optionnellement envoyé en mission sans être sûr d’en revenir, et de devoir assurer la protection des élèves, c’est déjà un poids très lourd sans avoir commencé. J’ai conscience de donner d’avantage de problèmes que de réponses, mais pour le moment, je ne vois vraiment pas comment faire pour assurer la sécurité en dehors des horaires de cours.

Eh oui, ça c’était la première partie. Mais c’est clair que j’ai du mal à supporter à la fois la sécurité des enfants, ma propre sécurité, et celle de mon boulot. J’ai l’impression d’être surbooké avant même d’avoir commencé. Alors oui, puisque j’ai Pandora sous la main, autant lui dire franchement ce que je pense. Il en va de ma santé, et de celle de nombreux profs, je pense. Et puis, c’est vrai que les solitaires n’osent pas prendre part au conflit actuel. Ce serai vraiment notre veine que les solitaires se mettent du côté des sorciers noirs. La situation se dégrade fortement, et c’est vrai qu’Orphéo lute de plus en plus pour retrouver des personnes douées et qualifiés pour mener à bien une mission. Ce qui est, après tout, ce que l’on recherche ici. Oui, je pense que c’est ça, el doute que j’ai depuis la guerre est officiellement déclaré. Que les jeunes enfants que l’on forment ne deviennent demain que des bêtes à tuer au combat. Après, ce n’est qu’une vision des choses.

Londres est en danger,
l'orphelinat aussi?

Je fixe la dame du Mystery avec un certain sérieux. C'est incroyable d'être encore aussi clair dans sa tête à son âge. Je ne l'ai pas vraiment vu faire un jour usage de ses pouvoirs. Mais du charisme, elle en a. Beaucoup plus que moi. J'ai beau être prof, je n'arrive pas tout le temps à assumer mon rôle. Alors que la dame elle vit ici constamment et elle est toujours à l'écoute. Et là, elle a besoin de mes avis. Ça doit être vraiment grave tout ça.

-Je le conçois, mais j'estime que la sécurité de nos pensionnaires est une priorité, je suis sure que vous le comprenez, n'est-ce pas ?

Je boude un peu. Oui, je suis déjà morose aujourd'hui, je l'ai déjà dit. Et vexé un peu maintenant. Je veux bien croire que les enfants sont une priorité pour elle, mais pas pour moi. Chut. C'est pas bien de penser ça. Surtout qu'elle lit dans les pensées. Je préférerai me reposer chez moi sur mon canapé, seul. Alors, pour tout gage de réponse, j'acquiesce doucement, même si mes yeux trahissent un peu ma non-volonté. Que veut-elle, de toute façon, je ne pourrais pas mentir sur mes sentiments. Je suis ici parce que j'aime enseigner, même si je n'aime pas les enfants en dessous d'un certain âge. Elle ne pourra pas me changer, et je suis un bon prof malgré tout, alors voilà, j'ai bien le droit de m'exprimer.

-Il m'est délicat de demander des unités spéciales à Orpheo en ces temps agités, c'est pourquoi nos professeurs doivent assumer plus de charges. Seriez vous prêt à habiter quelques temps à l'orphelinat ?

Habiter à l'orphelinat? Hein? Quoi? Elle est sérieuse quand elle me demande ça? Je l'observe attentivement. Je pense que oui. Je soupire involontairement. On me demande mon avis, je réponds. On me demande de rester ici... Vivre entouré d'enfants quoi. J'ai besoin de beaucoup de silence quand je suis chez moi. Je risque de faire la gueule encore plus souvent. Je sais que c'est pas bien. Et puis après tout, je ne vois pas en quoi je pourrais aider. Il y a déjà beaucoup de professeurs au Mystery alors un de plus un de moins, ça ne fait pas grande différence. Bon d'accord, je fais preuve d'une mauvaise foi étouffante, j'y conçois. N'empêche que ça me gêne pas mal de rester ici.

-Je pensais aussi à prendre une soirée sur les emplois du temps de tous les employés possédant de la magie afin de renforcer les runes aux abord du domaine. Ce sera fatiguant, et pénible, mais je ne me pardonnerai jamais le moindre incident.

Ah, ça par contre, je suis pour. Les runes, je suis pas très très fort, mais si je peux aider, ça ne me gêne pas. Et puis ça pourra en parti justifier le fait que je ne dorme pas à l'orphelinat. Car c'est totalement impossible pour moi. C'est comme me demander de... je sais pas. Mais je trouverai quelque chose qui s'en rapproche le plus possible. Bref. Je fixe Pandora sans réelle émotion, et me décide enfin à parler :

-Je veux bien aider pour les runes. Même s'il s'agit d'un travail pénible, je m'engage à faire du mieux que je peux.

Voilà, sur ces bonnes paroles, j'enchaîne :

-Par contre... je ne pense pas pouvoir rester à l'orphelinat. Je comprends vos peurs, mais j'ai mes raisons pour ne pas accepter. J'espère que vous m'en excuserez.

C'est limite comme excuse. En fait, je ne me justifie pas du tout. Et je suis même pas sûre qu'elle accepte que je m'enfuis comme un voleur. Mais bon, au moins, je peux toujours tenter. On verra bien la réponse de la dame. Mais bon, les orphelinats, ça veut dire enfants, et enfant ça veut dire Ren qui aime pas.

C'est pas demain qu'ils nous attaquent,
mais nous les voyons déjà arriver.

Je continue de fixer Mrs Mystery avec une affiche plus blasée qu'autre chose. J'ai conscience de la gravité de la chose, mais je ne peux pas m'empêcher de me détacher de la situation, comme à mon habitude. Je prends mes responsabilités, pour sûr. Je suis fidèle à la directrice. Si elle me demande quelque chose, j'essaye de lui faire plaisir et d'obéir en effectuant mon travail du mieux possible mais là... là c'est un peu trop pour moi. Je ne vois pas pourquoi la présence du professeur de métamorphose sur l'orphelinat va y changer grand chose. Il y a de nombreux professeur qui logent sur la bâtisse. Pour ma part, je n'habite pas loin non plus. Et je me sens mal de laisser la maison seule en ces temps troublés. Si une attaque survenait sur l'orphelinat, ce qui malheureusement est envisageable vu le nombre de futurs exorcistes présents, je serai présent dans les trois minutes suivantes. Je ne prendrais pas la peine de sortir la voiture, j'irai directement sous forme de busard. Alors non, je ne parviens pas à comprendre sa motivation. Quoiqu'il en soit, les runes sont et restent une bonne idée. Les sorciers noirs, aussi forts qu'ils soient, restent des sorciers. Et déjouer des runes n'est pas forcément une partie de plaisir.

-C'est parfait. Je communiquerai des dates et des heures pour la mise en place des runes.

J'acquiesce silencieusement, attendant la suite avec patience. Comment me justifier ? Je commence à connaître la dame, et elle ne laissera pas passer mon refus aussi facilement. Nous sommes trop peu nombreux. Et les sorciers noirs trop conséquents. Nous ne pourrons pas survivre bien longtemps. S'il suffisait de protéger un endroit alors tout irai bien. Mais non, en plus, il y a des enfants. Il y a des adolescents et des apprentis. Les apprentis peuvent se battre si la bataille tournait vraiment en notre défaveur, mais les enfants, eux, seraient en très mauvaise posture. Et si l'orphelinat possède des sous-sols, il ne possède pas de passage qui permettent de sortir par un autre moyen. En tout cas, pas à ma connaissance.

-Je serais en mesure de vous excusez si vous me donnez vous raisons et que j'estime qu'elles sont valables. Je suis prête à faire une exception pour vous si vos justifications se tiennent. Comprenez que je ne peux m'arrêter pour des détails futiles en ces temps troublés.

Et voilà, je le savais. Que vais-je bien pouvoir dire ? Que je n'aime pas les enfants ? Pourquoi est-ce que je veux les protéger dans ce cas ? Parce que je suis professeur. Mais qui m'a obligé à devenir professeur ? C'est contradictoire,e t si nous nous lancions sur un débat, Mrs Mystery gagnerai puisque je suis conscient de l’inutilité de la chose. En attendant, je refuse toujours de rester à l'orphelinat. Je n'ai personne à la maison, ou bien juste mes bestioles. Mais elles restent sauvages avant tout, elles peuvent se débrouiller. Non, je n'ai pas de femme, pas d'enfant qui m'attend à la maison. Rien qui ne puisse me justifier. Alors je soupire au comble de ma discussion interne. Elle a gagnée.

-Oubliez.

Mais en échange, j'ai une autre question à poser. Quitte à risquer ma vie dans un orphelinat, autant être sûr de pouvoir la conserver un maximum. Nous sommes beaucoup de professeurs, mais pas suffisamment pour limiter les pertes. Alors j'ai besoin de savoir quelque chose.

-Pourquoi ne faites-vous pas appel à quelques exorcistes ? J'ai conscience qu'ils soient occupés, mais l'orphelinat fait tout de même parti de la majorité des futurs exorcistes d'Orphéo. Ils sont trop jeunes aujourd'hui, mais viendra le jour où ils nous succéderons. Pour cela, vous devriez convoquer certains exorcistes. Nous ne sommes pas suffisants ici, et vous devez le savoir mieux que moi.

Ren, tu es pire que déprimant et pessimiste quand tu t'y mets.

Si tout ceci s'arrêtait,
à quoi servirait les exorcistes?

Pandora avait beau être d'un âge bien plus qu'avancée, elle n'en restait pour le moins sage. Trop sage sans doute. Je m'en voulais un peu d'avoir été aussi égoïste. En même temps, allez dire à quelqu'un d'aller au dernier endroit qui lui plairait. Comme une chambre remplie d'araignée. Quoiqu'il plutôt inconcevable d'assigner à un enfant la forme disproportionnée d'une araignée. Non, à choisir, je préférerai... est-ce qu'il y a vraiment besoin de faire un choix là-dessus ? Sans façon. Les enfants, c'est difficile à gérer, et s'il y a des attaques, j'aimerai éviter d'avoir à devoir crier pour calmer les gosses. Pitié, tout mais pas ça. Quitte à choisir, je voudrais me placer sur la première ligne et défendre la bâtisse en elle-même. Et bien sûr, les locataires en son sein. J'ai presque envie de soupirer. Mais mon air quelque peu dépité traduit ma légère amertume. C'est pourquoi je me dépêche d'enchaîner sur le rôle des exorcistes. C'est vrai, ça me paraît étrange qu'aucun exorciste ne vienne défendre le seul vrai château rempli de soldat, si je peux me permettre cette expression. C'est dur de traiter des enfants dont, pour certains l'âge ne dépassent pas la maturité, de soldat, mais c'est la vérité pure.

-Nous avons déjà des renforts assignés et prévus. Toutefois les personnes les plus à même de protéger nos orphelins sont nos employés, cela me semble logique. Vous habitez près, vous connaissez les lieux et les enfants.

La voix de Mystery me sort aussitôt de mes pensées. Elle n'a pas tort. Nous connaissons les lieux mieux que des exorcistes venus à l'improviste pour surveiller un établissement qu'ils n'ont probablement jamais vus. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot, et Mystery pourrait bien finir par trouver cela agaçant. Cependant, je trouve que mon idée n'est pas si mal qu'on puisse le penser. Sans mûrir davantage l'information dans ma tête, je m'empresse de la formuler à haute voix.

-Mystery, sauf si la demande vous semble idiote, pourquoi ne pas faire appel à d'anciens orphelins de cette bâtisse ? Je parle bien d'anciens, d'hommes et de femmes capable de diriger une équipe et de combattre. Rien ne sert de faire appel à des apprentis pour qui la durée de vie diminuerai inutilement.

Après tout, même si l'ont ne vit plus à l'orphelinat, difficile d'en oublier ses murs et ses passages. De plus, ayant vécu en tant que professeur, je ne connais probablement pas tous les passages que renferme cette école. Alors que nombre d'orphelins ont dû se risquer bien trop loin. Ils doivent bien connaître l'environnement. Ça pourrait être un grand avantage. Les sorciers noirs risquent d'être nombreux, et bien organisés. À nous de les piéger en ayant l'avantage du terrain. Nous pourrons être plusieurs exorcistes, cela n'empêche que foncer à l'aveuglette ne réglera pas grand chose. La santé des enfants est la chose primordiale. Les dégâts matériels sont réparables, mais les pertes humaines irremplaçables. Et même si je ne porte pas les enfants dans mon cœur, j'ai au moins le mérite de les penser humains. Pas question de sacrifier des vies. Si les sorciers s'arrêtaient là, je les laisserai partir. Mais non, il faut du sang, toujours et encore plus de sang. C'est terrible.

-Je suis très satisfaite de vous, Mr Kido, Melle Artissa, Mr Taylor et Nérys. J'ai confiance en votre équipe d'enseignants. Comprenez que je suis âgée, et que dans de telles situations il est agréable de savoir la relève assurée.

J'acquiesce silencieusement. Je comprends tout à fait ses peurs, bien qu'un écart d'âge important nous sépare. Je ferais tout mon pouvoir pour protéger cet orphelinat. De toute façon, dormir à l'orphelinat ne veut pas dire dormir avec les élèves. J'aurai une petite pièce, certes. En fait, je crois que c'est vraiment ça qui va me faire me sentir claustrophobe. Qui va aller jusqu'à m'empêcher de dormir. Je sais que la chambre de Takeji est petite. Minuscule même. S'il faut que je dorme dans un truc pareil, autant aller à Tokyo et dormir dans un de leur hôtel bouteille. Je l'ai fait une fois, parce que je n'avais pas le choix. Je ne le referais jamais. Jamais. Bon, je crois que je n'ai effectivement pas le choix d'accéder à la requête de la vieille Pandora. Allons-y gaiement.

Et dans moins d'un an,
tu découvriras ta promise.

Mon regard dériva jusqu'à la fenêtre. Voilà où m'avait mené mon acharnement. Je suis sûr qu'elle riait, dans son for intérieur. Je me ridiculisais totalement. Mais bon, si ça peut bien faire rire la vieille sorcière, ça me rassure d'un côté. Au moins, je ne fais pas le guignol pour rien. Bien que je ne le fasse pas juste pour amuser la galerie, mais bien pour défendre des idéaux non fondés. C'est dégradant... Et je n'aime pas perdre ma crédibilité. Je sais bien que la vieille dame ne se laissera pas amadouer aussi facilement, et qu'elle a probablement dû en voir des centaines avant moi. Ses yeux sont francs, et j'ai du mal à lutter contre ça. Elle a besoin de moi, et plus précisément de tous les professeurs de l'orphelinat. Je sais très bien qu'elle aura tout les arguments pour parer mes hypothèses. Et pourtant, je m'essaye encore à contrer ses paroles. Je dois être déprimant, par moment, non... ?

-Ce sont effectivement les anciens orphelins qui sont envoyés en priorité pour nous protéger, mais comme je vous l'ai déjà dit, la plupart des exorcistes sont réquisitionnés sur le front, si je puis dire, à Londres. Ces renforts doivent s'ajouter aux forces du corps professoral. Bien sur j'aurais aimé qu'en vous engageant à ce poste de professeur, vous tout comme vos collègues, vous n'eussiez pas à vous retrouver dans une telle situation. Malheureusement, les Cross en ont décidé à notre place.

Voilà, elle y avait déjà pensé. D'accord, Ren, tu ne sers décidément à rien. Tu devrais écouter les sages paroles de cette dame et te contenter de faire ce qu'on te demande. Mais non, voilà que tu trouves toujours motif à râler. Il faut que tu te trouves quelqu'un, pour sourire un peu plus. Ce serait une très bonne solution, et une méthode douce qui aurait pour seul bénéfice d'ajouter du piment à ta vie. Quoique ma vie est déjà pas mal pimentée comme ça. Mais je ne m'amuserai pas à la décrire ici, par peur de vous ennuyer. Si ce n'est pas déjà le cas. Pandora est déprimante par moment. Elle est ouverte à toute discussion, mais elle a tellement d'ancienneté derrière elle, tellement d'expérience, qu'elle trouve toujours matière à avoir raison. Je serai probablement pareil, si j'arrive à atteindre son âge bien avancé. Je fixe la dame sans parvenir à sortir un mot. Mais j'ai envie de demander quelque chose. Quelque chose d'inutile, qui n'a d'ailleurs même pas sa place dans une discussion aussi importante. Mais voilà, les choses trop sérieuses, j'ai du mal à les maintenir trop longtemps. En plus, Pandora a ce qu'elle voulait, alors je ne vois pas ce qui me retient de lui poser la question.

-Je suis ravie de voir que vous comprenez mes attentes, Mr Takahata. Je vous attendrai mardi à 19 heures pour poser les runes. Prévenez vos collègues.

Mais c'est qu'elle se moquerai presque de moi, en plus ! Je soupire d'un air lassé, avant de me gratter la tête. En plus, je me coltine tout le boulot de prévention. Mardi... c'est quand déjà ? Je sais même pas. En tout cas, j'espère franchement que ce n'est pas demain, car prévenir tout le monde en un laps de temps si faible risque d'être plus que délicat. En même temps, je comprendrais que les Cross n'attendent pas que monsieur Ren se décide à prévenir tout le monde avant d'attaquer. Mais sait-on jamais. La directrice me congédie aussitôt, ne me laissant pas le temps d'en placer une. Néanmoins, je place entre deux inspirations ces quelques mots :

-Dites Mystery, votre date d'anniversaire c'est quand ? Lorsque ce remue ménage sera terminé, je pense qu'on devrait organiser une grande fête.

Je soupire brutalement. Et voilà, maintenant elle croie que je veux faire la fête plutôt que de travailler. T'es malin, Ren. Très malin. Mais j'y pense pour détendre l'atmosphère. Des fois, on a besoin de connaître ce qu'il y a après pour se motiver pendant. En tout cas, c'est pour moi la meilleure des adrénalines pendant un combat. Je lève mon autre main d'un air gêné et poursuit :

-Mais ce ne sont que des paroles en l'air, n'y faites pas attention. Au revoir !

Vraiment, y'a des baffes qui se perdent chez toi....