On m'a souvent dit qu'avec le temps, les douleurs s'estompent


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 On m'a souvent dit qu'avec le temps, les douleurs s'estompent

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MessageSujet: On m'a souvent dit qu'avec le temps, les douleurs s'estompent   On m'a souvent dit qu'avec le temps, les douleurs s'estompent EmptySam 11 Juin 2011 - 21:08

Assise sur un flanc de colline, un couffin bleu pâle à ses côtés, Namyon faisait tourner avec agilité une dague entre ses doigts fins.
Elle avait accouché il y avait quelques jours, dans un hôpital, et s'en était enfuie à la première occasion avec l'enfant.
L'enfant, d'elle et de David. Un petit garçon. Un petit garçon rose, potelé, innocent et inconscient de ce qui l'entourait.

Un petit garçon sans père.

Un petit garçon sans mère.

La mère qui était avant tout une femme était morte en même temps que l'homme. La douleur qu'elle avait ressentie à ce moment là avait été telle que la seule chose qu'avait été capable de faire la sorcière fut de se recroqueviller dans un coin, les mains compressées sur la poitrine. Plus aucune pensée n'avait traversé sa tête, à l'instar d'un disjoncteur, le surplus l'avait fait cessé de penser. Une sorte de coma éveillé pour peu que cela soit possible. La suite, elle ne s'en souvenait pas. Elle se demandait même comment elle avait pu vivre. Et puis, elle avait accouché. La douleur physique -car elle avait farouchement refusé tout anesthésiant- lui avait fait du bien. Un vraie douleur palpable était tellement plus agréable qu'une douleur mentale qui s'en prenait au corps sans qu'on ne puisse l'arrêter.
La douleur physique, elle, était stopable. Et l'enfant était né. Et l'accouchement avait épuisé la femme. Elle s'était malgré tout enfuie au bout de quelques jours, et avait erré depuis. Elle ne savait trop où ni comment, et se demandait même par quel coup du sort pouvait-elle être encore en vie. Elle, et l'enfant qu'elle traînait partout avec elle sans savoir pourquoi. Elle refusait de le lâcher comme une lionne et ses petits. Comment avait-elle atterri ici à jouer avec un dague, aucune idée. Comment se faisait-il qu'elle n'ait pas encore planté la dague quelque part sur elle, aucune idée.

Cette lame appelait la sorcière. Comme le chant des sirènes aux oreilles des marins, son chant muet était attirant, enivrant. Tellement attirant, presque irrésistible. Puisqu'il était impossible de remplacer la douleur par de la joie, car la seule personne capable de faire cela n'était plus, il ne restait qu'à cesser de ressentir tout court. Plus de joie, plus jamais de bonheur ou de gaité, mais en échange, plus de douleur. Sur la balance, joie, bonheur et gaité pesaient tellement peu.
Mais il y avait l'enfant. Le petit être. Fragile, tellement fragile, il pourrait partir avec la lame lui aussi. Mais la lame ne chantait pas pour lui, elle ne l'appelait pas, ne lui tendait pas son tranchant luisant. L'enfant devait vivre. Et pour vivre, il lui fallait un adulte. Une mère.
La sorcière se répétait cela en boucle comme un mantra, une prière tellement stricte qu'il fallait en vérité la dire à toute heure du jour ou de la nuit. Mais quelle importance, de jour ou de nuit il n'y avait plus, tout était sombre, terne, sans vie. Mort avant de l'être.
L'enfant, l'enfant, l'enfant, le bébé, leur fils. La seule trace encore vivante d'un homme qui n'était plus.
Cet enfant, il portait son nom. Funeste présage que de porter le nom d'un mort, à peine né. Et pourtant c'était ainsi, David il s'appelait David, et avait déjà des yeux vert de chat, quoiqu'un peu assombris. Et la sorcière craignait, tremblait de peur et d'appréhension à l'idée que cet enfant ressemble à son père en grandissant. Que ferait-elle? L'appeler David était déjà un choix malsain.
L'enfant, l'enfant, l'enfant. Vivre... Vivre pour David. Vivre pour les deux. Vivre pour deux, quand on ne pouvait déjà pas vivre pour soit, était-ce là une chose réellement possible? Et inlassablement, elle se répétait qu'elle n'avait aucun droit de condamner son enfant par son suicide. Aucun.

La sorcière leva la tête du petit couffin à ses côtés où dormait en gazouillant le nouveau-né. Au loin se dessinait les contours quelque peu sinistres de l'orphelinat isolé. Namyon savait pour y être allée qu'en réalité, les enfants étaient heureux là bas. Elle savait qu'elle pouvait faire confiance aux professeurs.
Elle savait que si elle y laissait son enfant maintenant, il serait surement heureux, même sans la connaître.
Elle savait... Elle savait... Elle savait qu'en réalité, malgré toutes ces pensées, rien ne la rattachait plus à la vie. L'enfant pouvait vivre sans elle, et sûrement serait-il plus heureux. Plus heureux que d'être élevé par une coquille vide au regard mort.
Rien ne la rattachait à la vie. Et pourtant elle était encore là.
La vérité, c'était bien qu'elle était trop lâche pour cette lame. Trop lâche pour se l'enfoncer dans le cœur ou se couper quelque part au milieu du cou. Trop lâche pour prendre un quelconque poison indolore, ou même s'offrir une over dose qui la ferait mourir en ayant eu l'impression d'être heureuse.
La sorcière tourna une fois de plus la lame de sa dague entre ses mains, et en saisit soudain le manche pour pointer la pointe de l'arme vers son ventre. L'enfant à ses côtés sembla soudain dérangé dans son sommeil, et il remua légèrement avec un petit gémissement qui pétrifia la femme un instant.
Le bébé était sorti de ce même ventre vers lequel elle pointait une arme blanche. Ce ventre qu'avait autrefois maintes et maintes fois parcouru les mains de l'homme qu'elle avait aimé. Qu'elle aimait toujours.
David avait par le passé menacé de la tuer un certain nombre de fois. Et la sorcière à force, en était même arrivée à se dire qu'il serait le responsable de sa mort. A une époque où elle n'aurait jamais envisagé de sortir avec. A une époque où il exerçait une attraction sur elle, contre laquelle elle avait lutté de toutes ses forces sans en savoir la cause.
Et elle était sortie avec. Elle en était tombé amoureuse, et par chance cela avait même été réciproque. Si David n'avait jamais été facile à vivre, la sorcière s'en fichait. Elle l'aimait, voyait bien ses nombreux défauts, s'était même demandé comment elle faisait, mais restait toujours. Parce que cette attraction, c'était plus fort que tout. Plus qu'un vecteur de sensations inconnues, c'en était devenu vital. Au même titre que l'oxygène ou l'eau.
L'homme était mort mais l'attraction avait subsisté. Et ne trouvant pas la seule personne pouvant la calmer, en était devenue douloureuse. Tellement douloureuse.

La sorcière planta la lame dans le sol avant qu'elle ne se plante ailleurs. L'enfant gémit à nouveau, mais son sommeil sembla soudain plus calme. Namyon l'observa un instant. Ce gamin, elle mettrait sa main à couper -et le ferait vraiment- qu'il était empathe. Mélange entre la télékinésie de son père et la télépathie de sa mère? Peut être, peut être pas, les pouvoirs c'était comme le loto des fois.
Empathe, il ne pouvait définitivement pas vivre avec une mère dans cet état. Il en deviendrait pareil à son tour.
Pourtant, il lui fallait une mère. La sorcière voulait être sa mère. On lui avait arraché David, fallait-il lui arracher son enfant aussi?
Non, non, non. C'était apposer un sceau sur son arrêt de mort déjà signé.
Son regard vide fixa l'arme plantée dans le sol. Elle avait envie, affreusement envie de l'enfoncer dans quelque chair. Et si ce ne pouvait être la sienne, ce serait celle de quelqu'un d'autre.
Le meurtrier de David. Quel qu'il fut, car elle n'en connaissait pas l'identité, pouvait bien être un d'Orpheo comme un sorcier noir. Même si, pour avoir vu le corps, elle était convaincue que ce n'était pas un d'Orpheo. Ils le sauraient, et elle l'aurait su.

Il y eut un gémissement étouffé à son côté, bien vite suivis de pleurs braillards de bébé. L'enfant ne versait aucune larme, mais il s'était réveillé et quelque chose le mécontentait visiblement. La sorcière le fixa un instant. Cet enfant que David n'avait jamais vu, et ne verrait probablement jamais. Cet enfant qu'elle voulait élever mais ne pourrait pas. Non, elle ne pourrait définitivement pas. C'était trop de souvenirs, trop de douleur, trop de charges, trop dur. Aussi fort qu'au fond, elle voulait s'en occuper, elle savait qu'elle ne pourrait pas.
Cet enfant serait un orphelin tôt ou tard.
La femme se décida à prendre le petit être dans ses bras et à le bercer doucement. Aucun son ne sorti de sa bouche, bien que son instinct lui commanda d'apaiser l'enfant par la voix. Mais l'instinct avait beau commander, cela ne fit pas bouger la sorcière. A dire vrai, voilà un bon moment qu'elle n'avait pas dit mot. Elle en disait le moins possible. Tout simplement parce qu'elle avait perdu toute envie de faire la moindre chose. Aussi simple fut-elle, comme parler.
Alors elle se contenta de bercer l'enfant, incapable même de pensées chaleureuses qu'il aurait pu ressentir.
Jusqu'à preuve du contraire, on avait jamais vu d'enfant élevé par un iceberg. Celui-ci ne démentirait pas la règle.
La sorcière releva les yeux vers la dague. Cette arme, elle la plongerait dans la personne responsable de la mort de David, qui qu'elle puisse être.
Ses yeux noirs et vides se fixèrent sur l'orphelinat. Nombre d'enfants d'exorcistes morts. Elle l'était aussi, non? Tant enfant d'exorcistes morts, qu'exorciste morte elle même.
Alors le petit était désormais orphelin à son tour.
Et peut être... Peut être qu'un jour, la sorcière pourrait se présenter devant lui en temps que mère. Et l'enfant aurait le choix de l'accepter ou non.
L'enfant cessa de pleurer pour relever ses yeux verts sombres vers la seule personne qu'il connaisse au Monde. Ses grands yeux scrutant avec attention le visage, comme pour le mémoriser. Avec seulement quelques jours à son actif, sa mémoire ne s'en rappellerait jamais.
Namyon sorti de la contemplation de l'orphelinat, pour regarder son fils qui la fixait toujours.
Elle allait le confier à l'orphelinat. Il grandirait. Et si elle revenait un jour, à supposer qu'elle soit toujours en vie dans quelques années, ces yeux seraient le seul moyen de reconnaitre l'enfant.
Dans quelques années. Et si sa chasse ne terminait jamais? Et si elle ne cessait jamais de souffrir?
Elle reposa l'enfant dans le couffin, et souleva celui-ci pour se mettre en route vers le Mystery.
De toutes ces questions, elle n'avait la réponse d'aucune. Mais on lui avait souvent dit qu'avec le temps, les douleurs s'estompaient.
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