Je grimpe sur les rochers sans vraiment prêter attention au monde qui m'entoure. Je ne sais pas si j'ai vraiment le droit d'être ici, toute seule... Cela pourrait être dangereux. Enfin... aucune importance ! J'ai six ans alors j'ai bien le droit de faire des bêtises, non ?

Et je m'élève.
De plus en plus haut.
Vertigineusement haut.
Et je ris.

Mon rire cristallin d'enfant éclate et alors j'imagine ma maman à mes côtés, me tenant la main, me serrant contre elle. Elle adorait mon rire. Et moi j'adorais le sien. Ensemble, nous avons passé des journées et des journées à rire. Elle me manque, c'est vrai. Mais tous ces souvenirs remplissent ma tristesse et les larmes qui coulent sur mon visage sont des larmes de joie.

Ploc.
Une larme sur ma joue.
Ploc.
Une larme sur mon front.

Attendez... Comment une larme peut-elle couler sur mon front ? Je relève la tête et aperçoit le cumule de nombreux nuage gris au dessus de ma tête... Evidemment, je ne suis pas la seule à pleurer. Les nuages aussi. Nous pleuvons ensemble. Un instant, je reste sous la pluie, mais très vite mes cheveux sont trempés et au loin j'entends le tonnerre.

Il faut que je rentre.
Mais je n'aurais jamais le temps.
Alors il me faut trouver un abris.
J'ai peur.

Je ne sens plus la présence rassurante du rire de ma mère. C'est comme si elle m'avait abandonné. Une nouvelle fois. Et mois aussi j'ai envie d'abandonner. De me laisser tomber ici et de fermer les yeux. Puis de m'endormir pour l'éternité.

Mes lèvres bleues claquent dans le vide.
J'ouvre les yeux.
Je ne dois pas abandonner !
Jamais, jamais, JAMAIS !

Péniblement je me relève, le tissu de mes vêtements mouillés se collant contre moi comme une seconde peau. Un long frisson parcours mon dos. J'ai si froid. Et si peur. Mais enfin je la vois. Une petite grotte suffisamment large pour accueillir 3 ou 4 personnes. Je suis seule. Cela sera largement suffisant.

Et je me couche sur le sol, attendons la fin de l'orage...

Toute seule dans la grotte, je grelotte. Je n'ai plus envie de rire maintenant. Je veux juste rentrer chez moi. Cette caverne a un avantage, ici il n'y a personne qui dort, personne qui rêve. Ou cauchemarde. Au moins n'ai-je pas à supporter les cauchemars des autres. Juste les miens. Mais je me demande... quel est le plus lourd fardeau ?

Trop d'ombre.
Dans une caverne trop silencieuse.
Où je suis trop seule.
Trop de trop.

Je me couche dans la grotte, fermant les yeux, serrant les poings et me concentrant uniquement sur ma respiration. Je fais souvent ça la nuit, quand les autres dorment et que moi je n'y arrive pas. C'est ma façon de m'isoler du monde. Mais cette fois ci, je n'y arrive pas totalement, ou plutôt un bruit me fait retrouver brusquement contact avec la réalité. Intrigué de relève la tête et croise le regard d'Ange. Ange, c'est celui qui est tout le temps avec Luka, la gentille fille du lac. Que fait-il ici ? Je n'ai pas le temps de lui poser la question que déjà il m'attire contre lui, me réchauffant. Alors je me blottis entre ses bras, laissant sa chaleur m'envelopper.

-Alors, qu'est-ce que tu fais là, tu veux écouter la pluie ?

Ses yeux interrogateurs rencontre les miens tandis qu'il serre mes mains entre les siennes. Je regarde nos doigts et les compare. C'est drôle, les miens semble tout petits dans sa main à lui. J'observe aussi le verni sur ses doigts. J'aime bien le verni, parce que parfois, maman m'en m'étais.

- J'écoutais ma maman rire. Puis il a commencé à pleuvoir.

Je reste un instant pensive alors qu'une question se forme dans mon esprit, mais que je ne trouve pas les mots pour l'exprimer. Je regarde la pluie dehors et quelques gouttes, plus aventureuse, se laisser glisser à l'intérieur de la caverne. Et enfin les mots justes veulent bien venir se former sur ma langue d'enfant, dans ma petite bouche, et je peux les laisser glisser, les faire raisonner dans la grotte jusqu'aux oreilles d'Ange.

- Dis, toi tu sais pourquoi le ciel il pleure ?

Je le regarde avec tout mon sérieux. Cette question m'intrigue vraiment. Qu'est ce qui peut donc rendre les nuages si triste ? Est-ce que eux aussi ont perdu un être proche ? Eux aussi regrette son rire, son sourire, le reflet de joie au coin de ses yeux ? Mais qui donc peut leur manquer à ce point ?

La Lune peut être.
Ou le soleil.
A moins que ça ne soit une étoile.
Mais est-ce qu'il peuvent mourir ?

Je me demande aussi quand nous saurons si le soleil, la Lune ou les étoiles sont morts. Mais bon, ça je suppose qu'on le saura quand les nuages seront reparti et que le bleu clair du ciel teintera de nouveau l'horizon.

Ange sourit, mais son sourire est triste. Pourquoi ? Je me le demande. Puis il me parle de sa maman à lui et je comprends. Est-ce qu'il a déjà vu rire ? Ou peut être qu'il ne l'a simplement jamais vu. Il paraît que quand Ange est arrivé ici, il était tout petit petit. Bien plus que moi. Alors peut être qu'il n'a jamais vu sa maman et qu'il ne peut que l'imaginer. Je suis triste pour lui.

Alors je le serre dans mes bras.
Parce que je sais que dans ce cas.
Les mots sont inutiles.
Bien trop faible.

Lorsque je pose ma deuxième question, il grimace un peu. Peut être qu'il ne sait pas. Personne ne peut tout savoir. Mais il essaie de répondre à ma question et je comprend qu'il a raison. Peut être que les larmes du ciel ne sont pas si triste que ça. Les fleurs, les arbres, les lacs ont en besoin. C'est comme ça, pour vivre il faut de l'eau, il faut la pluie, il faut que le ciel pleure. C'est un cadeau qu'il nous fait. Un gentil cadeau.

Je souris.
Et je pense que le ciel aussi.
Il m'a peut être empêché d'entendre maman.
Mais elle reste quand même avec moi.

Puis soudain les yeux noisette d'Ange s'ancre en moi, comme si il cherchait à fouiller dans mes pensées. Mais je me laisse faire, je n'ai rien à cacher. Et alors il me pose une question qui m'intrigue, éveille ma curiosité. Tout de suite je ressens une envie folle, celle de savoir, de connaître la réponse à sa question... "il existe toujours deux réponses aux questions". Je veux les connaître ses réponses, pour pouvoir les faire tourner dans ma petite tête d'enfant, faire chanter les mots dans mes oreilles avant de les analyser, les décortiquer.

- Est-ce que je pourrais avoir les deux réponses s'il te plaît ?

Je suis fascinée par son regard et je ne peux détourner mes yeux des siens tant que je n'aurais pas connaissance des réponses du poète et du savant. Je veux savoir, j'ai presque l'impression que c'est une question de vie ou de mort. En tout cas, pour moi, c'est important. Alors je le fixe avec cette même impatience que j'avais dans les yeux lorsque j'attendais ma maman, même si un jour elle n'est plus venue... Elle m'a abandonnée. Mais lui ne va pas le faire, hein ? Il répondra à ma question, apaisera ma conscience un instant le temps qu'une autre réflexion monte à la surface, m'obsédant de la sorte.

Mes yeux ne peuvent pas quitter les siens.
J'ai peur que sinon.
Il parte.
Et me laisse seule avec mes questions.

Ange fut heureux de la question de Myaw, et, la regardant avec toujours plus d'intensité, déclara :

-Il y a la réponse du savant, et celle du poète, laquelle veux-tu entendre en premier ?

Il se stoppa, avant de reprendre :

-Celle que je t'ai donné est un peu un mélange des deux, je pense.

Evidemment qu'Ange ne se considérait pas un maitre de l'art Marchombre, il ne pouvait donc pas prétendre savoir exactement les deux réponses, mais il pensait pouvoir s'en approcher un peu.

En attendant la réponse de Myaw, les pensées et les yeux noisette profonds du jeune homme s'échappèrent un peu tout autour de la grotte. Ils détaillaient les parois usées par le temps et l'eau, où d'autres enfants avant eux étaient venus se réfugier, qui sait...Quelques gouttes d'eau tombaient, régulières, vers le fond, inlassables. Ploc, ploc. Il sourit rêveusement, passant distraitement sa grande main fine dans les longs cheveux lisses mais un peu emmêlés de l'enfant. Il commença à fredonner, imperceptiblement, et sans vraiment finir sa phrase :

-Was sie will bekommt sie auch...Tiefe Grunden muss mann gaben...

Son autre main heurtant pas mégarde le sol et s'éraflant légèrement contre la pière lisse, il sursauta, rit de son étourderie et s'excusa auprès de la fillette :

-Pardonne moi, Myaw, je suis un peu rêveur aujourd'hui. Mais c'est bien de toujours rêver, hein ?

Il rit encore, et sourit, des envies et des pensées enfantines pleins les yeux, plein, l'âme.

La réponse du poète ?
Je t'aime.
La réponse du savant ?
Je t'aime.

-Il y a la réponse du savant, et celle du poète, laquelle veux-tu entendre en premier ?

Je mourais d'envie d'entendre celle du poète, mais en même temps, je voulais la déguster, pouvoir la tourner et la retourner en moi, l'analyser jusqu'au bout. Alors il valait mieux que d'abord je demande celle du savant. C'est ce que j'allais faire quand soudain Ange se remit à parler.

-Was sie will bekommt sie auch...Tiefe Grunden muss mann gaben...

De l'allemand. Je sursaute. Parfois maman me parlait dans cette langue. Enfin presque. Elle me parlait en suisse-allemand. Je maîtrise mal cette langue, mais les paroles du jeune homme déclenche en moi une avalanche de souvenir.

- Ich liebe dich Mymy.
La petite fille regarde sa maman, analyse ses mots et enfin comprend. Puis dans un intense froncement de sourcil afin de se concentrer, elle lui répond dans la même langue.
- Ich liebe auch Mutti.
La jeune femme près de l'enfant regarde sa fille avec une tendresse infinie. Elle est encore très jeune, trop jeune pour être maman, mais dans ses yeux se lit une vieillesse éternelle. Et de la sagesse.
Puis elle l'adolescente éclate de rire, suivit automatiquement par sa fille.

La même concentration peut se lire dans mes yeux à présent. Je réfléchis, cherche mes mots, tâtonne à travers mes connaissances, ma mémoire. Je suis tellement plongée dans mes souvenirs que c'est à peine si j'entends la phrase d'Ange. Et même si je l'entends, je ne l'écoute pas. Car je cherche. Et enfin, je trouve, je crois trouver et lance d'une voix mal assuré avec un accent qui appuie sur les "r", les râpent à cause du suisse-allemand resté ancré en moi :

- Ich will die Antwort von dem Gelehrte kennen.

Puis je lui lance un sourire, espérant m'être fait comprendre, ne m'être pas trop trompée.

J'écoute la réponse du savant avec beaucoup d'attention, mais, comme je m'y attendais, cette version là me déçoit. Il manque quelque chose. Un sentiment ? Une réflexion plus poussée ? Cette explication est trop simple, trop classique, trop... scientifique. Oui, c'est le mot. Je laisse Ange m'ébouriffer les cheveux pendant que je réfléchis puis avec une moue, j'affirme comme si c'était la seule vérité possible :

- Le savant ne sait vraiment pas répondre aux questions. Donne moi celle du poète s'il te plaît.

Je pose ma tête contre lui, remettant par reflex les quelques mèches que sa main a décoiffées. Puis je joue moi même avec mes cheveux en les enroulant autour de mon doigt tout en attendant calmement sa réponse. J'aime bien la voix d'Ange. Parfois il vient nous raconter des histoires et j'aime sa façon de faire.

Alors moi je ferme les yeux.
Et je me laisse emporter.
Par sa voix.
Par les rêves.

Le monde que je vois là bas est beau, bien plus beau qu'ici. Je pense qu'il plairait aux poète. Et à Ange aussi. Peut être. En tout cas moi ce monde là bas et bien il me plaît. Il est comme dans les contes de fées. Les vrais contes de fées, pas ceux inventés à la va-vite par une Grand-mère énervée, non, ceux que ma maman prenait le temps d'idéaliser, de colorer avec les pinceaux de son imaginations... Ses histoires parfaites dans lesquelles on se glisse pour dormir comme si c'était du coton rose...

Je veux une histoire.
Une belle histoire.
Comme aime les enfants.
Comme il y a dans mon monde.

Alors après avoir écouté la réponse du poète, je me blottis un peu plus contre Ange et les mots sortent tout seuls.

- Ange, s'il te plaît, raconte moi une histoire.

Il était une fois...
Un conte de fée.
Ferme les yeux.
Et écoute.

L'histoire d'Ange crée en moi des frissons. J'aime le son de sa voix me berçant, j'aime son imagination sans limite. Cette histoire là est pour moi et rien que pour moi, je le sais je le sens. C'est un peu comme notre secret à tout les deux, une histoire racontée dans une grotte pour un moment hors de l'espace temps. Mon coeur bat la chamade à mesure que ses mots tracent dans ma tête des images toute plus belle les unes que les autres.

Je vois.
Lola à la peau chocolat.
Bill et Coo au plumage perle.
Le ruisseau translucide.

Dehors il pleut toujours. Est-ce que la pluie a la même couleur que l'eau du ruisseau ? Je regarde les larmes du ciel tomber tel un rideau nous isolons du reste du monde. Goutte, goutte, mélodie ancestrale et si moderne. Goutte, goutte, symbiose de l'élément eau se répercutant sur la terre.

Le ciel et ses nuages.
La pluie et ses gouttes.
L'eau et le temps.
Ange et son histoire.

Notre histoire.

- Continue s'il te plaît.

Si j'ai des questions ? Bien sûr. J'ai toujours des questions. Mais pour une fois je me tairais, un moment du moins car je veux connaître la suite de l'histoire, la légende du ruisseau... Je veux entendre la voix d'Ange décrivant ce monde merveilleux qu'il invente. Je veux entendre sa voix, entendre sa respiration, entendre son rire. Et écouter.

Ecouter un jour.
Ecouter toujours.
Tendre l'oreille.
Jusque dans le noir.

Sa voix mélodieuse m'emporte loin d'ici, loin de la pluie, de mes cauchemar, des mânes de ma mère. Je me dis que son prénom lui va vraiment bien. Ange. C'est ce qu'il est, un ange tombé du ciel.

Parce qu'il a cassé ses ailes ?
Si c'est le cas.
Moi je les lui réparerais.
Et je volerais avec lui.

Ange posa un regard attendri sur Myaw, et continua doucement son histoire, la main posée sur le genou de Myaw, la protégeant symboliquement de tout danger :

-La légende disait...Que la jeune fille au coeur pur qui délivrerait l'île aux oiseaux serait heureux pour toujours, et aurait le pouvoir de diffuser le bonheur autour d'elle...Lola en rêvait sans arrêt. Et les tourterelles ainsi que le ruisseau lui racontaient inlassablement. Mais un jour, la police des riches propriétaires blancs découvrit que Lola se trouvait ici. Elle ne voulait pas redevenir esclave. Elle s'enfuit alors vers le ruisseau. Et soudain, le ruisseau devint un océan. Bill et Coo devinrent aussi grands que des griffons et emmenèrent Lola loin dans le ciel.
Ils voyagèrent pendant des jours, jusqu'à arriver à une île, où des oiseaux, des milliers d'oiseaux volaient en un ballet de plumes voltigeantes. Mais Lola se rendit bientôt compte qu'ils ne pouvaient sortir du périmètre de l'île. Bill et Coo la posèrent sur le sol et un immense oiseau, le plus coloré de tous, sortit d'un palais de feuilles, et regarda la jeune fille dans les yeux. Les siens étaient d'un vert limpide. Lola en tomba immédiatement amoureuse, et se mit à chanter la chanson du ruisseau :
Lullaby of birdland that's what I, always heat, when you sigh, never in my worldland, could there be ways to reveal, in a phrase how I feel ? Have you ever heard two turtle doves, Bill and Coo, when they love ? That's the king of magic, music we make with our lips, when he kiss. And ther's a wippy old willow, he really knows how to cry. That's how I'd cry in my pillow, if you should tell me farewell and goodbye. Lullaby of birdland, whisper low, kiss me sweet and we'll go, flyin' high in birdland, high in the sky up above...We're in love !
A ces mots, l'oiseau perdit toutes ses plumes, qui devinrent des fleurs en touchant terre, et il devint un magnifique jeune homme, qui lui dit : Je suis le prince du pays aux oiseaux, tu as délivré mes habitants qui avaient perdu la liberté de voler où bon leur semblait. Veux-tu devenir ma Reine ? Et pouvoir te changer en oiseau lorsque tu le souhaites ?
Lola accepta avec joie, et ils se marièrent dans le bonheur. Ils devinrent un couple de souverains immensément respectés et eurent...Beaucoup d'enfants...Ou devrais-je dire...De petits oiseaux.

Ange avait fini. Il se leva, et plaça Myaw qui commençait à fatiguer dans son dos, puis sortit de la grotte, sautant souplement de rocher en rocher, sachant que la petite fille ne tarderait pas à lui poser toutes les questions qu'elle avait du refouler jusque là. La pluie se remit à tomber. L'adolescent soupira et posa Myaw, retira sa veste en cuir et la lui fit enfiler. Il sourit, la trouvant adorable, ainsi habillée, l'embrassa sur le front, puis reprit sa fonction de cheval de selle de bon coeur.

La chanson de Lola

L'espace d'un instant je deviens Lola.
L'espace d'un instant je vois mes plumes.
L'espace d'un instant je m'envole.
Un oiseau sans aile.

J'aime la fin des histoires. Je n'aime pas la fin des histoires. Bien sûr on l'attends tous avec impatience, on veut savoir ce qu'il se passera après. Mais lorsque tout les mots ont coulé, que l'imagination s'est tarie et qu'on peut clamer haut et fort que c'est la fin, cela me rends triste. Moi j'étais bien contre Ange à rêver à l'île aux oiseau, mais déjà tout est fini et il se fait temps de rentrer.

Les larmes ont cessée de couler.
Pour un moment seulement.
Juste le temps.
D'écouter la fin.

Ange me mis sur son dos et je me laissais peu à peu bercer par ses sauts sur les rochers. Mais pourtant, je ne dormais pas, loin de là. Dans ma tête trottaient des centaines et des centaines de question. Je cherchais juste celle que je pourrais poser à mon conteur. Cependant, la pluie ne me laissa pas le temps de la poser et commença à retomber, toujours aussi froide et dur. Je frissonne. Heureusement il est de nouveau là pour moi, prêt à me passer sa veste et à me faire un bisou protecteur sur le front. Que ferais-je sans lui ? Enfin il me remet sur son dos et je peux alors lui poser une de mes questions.

- Tu crois que moi aussi je pourrais devenir un oiseau ?

M'envoler quand je veux.
Avec comme seul contrainte.
Le vent.
Qui m'emporte.

Puis avant qu'il n'ait pu me répondre, je me serre un peu plus fort contre lui et ne peux m'empêcher de laisser quelques mots lui tomber au creux de l'oreille.

- Tu es mon ange gardien.

Celui qui me protège.
Qui est là pour moi.
Et qui pense à moi.
L'Ange que j'aime.

Je suis la princesse.
Tu es mon pégase.
Envolons-nous ensemble.
Caressons les nuages.

La douce allure qu'avais prise Ange faisaient voler mes cheveux et je me laissais bercer contre son dos. J'étais sur le point de m'endormir si bien que c'est à peine si j'entendis sa réponse. Sa proposition. Me prêter ses ailes. Je souris dans mon demi sommeil, plus que ravie. A présent que j'avais sa promesse, je pouvais enfin rêver tranquillement. Enfin façon de parler, je ne rêve jamais.

Perdu dans les cauchemars des autres.
Dans des mondes qui ne sont pas les miens.
Je perds mes rêves.
Je rêve éveillé...

Soudain je me sens bouger alors qu'Ange me fait passer de son dos à ses bras. Comme dans les contes de fée. Le pégase se transforme en prince. Moi je suis la princesse. Myaw Nienta, princesse des airs. Pour un instant, pour une seconde. Dans les bras d'Ange. J'ai l'impression de sentir ses ailes qui m'enveloppent soigneusement. Plume blanche de l'oreiller contre tornade rouge des feuilles qui tombent. Un instant j'oublie cet automne et je m'envole au paradis. Le passé n'a plus lieu d'être quand il y a tant de bonheur dans le présent...

-Et toi tu es mon petit Marchombre aux ailes de brûme.

Je lis dans ses yeux qu'il me racontera. Qu'il me dira ce qu'est un marchombre et qu'à nouveau il me permettra de rêvé. Mais pas maintenant. Plus tard, dans notre château d'argent. A Mystery. J'aimerais que ce moment dure toute ma vie, j'aimerais qu'Ange continue à me porter ainsi. Je ne vole pas, mais c'est presque mieux. Une couronne imaginaire dans mes cheveux, un prince bien réel pour me soutenir.

Toutes ces belles histoires.
Contée par lui.
Un prince charmant.
Rien qu'à moi.

- Merci Ange.

Puis je m'endors contre lui, bercer par la douceur de ses pas.